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21/03/2007

LE LOUP DANS LA HAUTE VALLEE DE LA TINEE

LE PRÉ DU LOUP

Comme chaque année au mois de juin, j'avais quitté Vinay sur les bords de la Stura avec ma fille Lucie, pour aller chercher du travail de l'autre côté des Alpes. Après avoir fait halte à l'hospice de Sainte Anne, nous avions franchi le col du même nom pour rejoindre Isola dans la vallée de la Tinée. Là, commençait la quête d'un emploi incertain. A l'auberge, on m'indiqua un particulier de Douans qui cherchait un faucheur à la tâche. Le lendemain, je me présentais à Firmin Rapuc qui m'expliqua où se situait son pré: au quartier du Bourguet. L'aubergiste m'avait bien dit: « Tu es robuste, mais méfie-toi, son pré porte malheur. Il recrute toujours des faucheurs du dehors qui, le travail fait, disparaissent sans laisser de trace... » L'homme paraissait franc du collier, si ce n'était son étrange regard gris dont il m'avait toisé en précisant: « Quand tu auras fauché le pré et rassemblé le foin, passe chez moi, je te réglerai d'un écu de trois livres. »

J'attaquai la coupe l'après-midi même malgré la chaleur. Lucie ratissait, tout allait comme je le souhaitais. Le soir, épuisés, nous dormîmes dans la grange et, au premier chant d'oiseau, dans l'air frais du matin nous étions à nouveau sur le pré.

En fin d'après-midi, parvenu au bout de mon travail, je demandai à Lucie d'aller décrocher la gourde suspendue à un noyer poussant en bordure du pré. Alors qu'elle escaladait une branche basse, la gamine remarqua du côté de Douans une curieuse fumée qui se déplaçait à raz de terre, à la vitesse du galop d'un cheval: « Père, père, le nuage vient vers nous! Il voltige, je le vois qui s'amasse, il avance ! Attention, père, c'est un animal énorme, un gros chien! » Elle n'avait pas fini sa phrase que je vis apparaître au bout du pré un loup monstrueux fonçant sur moi. Bien campé sur mes deux jambes, la faux levée je fis face à la bête furieuse, qui ne put éviter un magistral coup de faux à la patte droite. Blessé, claudiquant, le loup fit demi-tour et repartit en gémissant d'où il était venu. Lucie qui applaudissait, partit d'un tel éclat de rire qu'elle en dégringola de son perchoir. Je commençais à deviner le destin tragique des malheureux venus avant moi pour faucher le terrible pré. Le matin suivant, nous frappions à la porte de Firmin Rapuc pour venir nous faire régler. Une voix sourde nous invita à entrer : « Venez, mon brave, et toi aussi, petite, approchez-vous, excusez-moi de vous recevoir dans ma chambre, je suis obligé de garder le lit, une mauvaise chute; on se fait vieux! » Le pauvre homme, pâle dans sa chemise de lin se pencha, fouilla en maugréant dans la poche de son gilet accroché à une chaise voisine du lit... Lucie me jeta un coup d’œil complice en me donna un coup de coude.

Je remarquai alors que Firmin se servait maladroitement de sa main gauche, alors que son bras droit pendait, suspendu en écharpe à l'épaule. Lucie pouffa et lui dit:

« Maistre, mais pourquoi ne pas vous servir de votre main droite ? » « Voilà, voilà, j'y arrive », poursuivit le bonhomme en lui jetant un regard noir: « T'es bien trop maligne, toi, pour tes douze ans. Si tu n'avais pas été là... » Il sortit enfin un écu brillant qu'il me tendit en ajoutant comme à regret: « C'est bien ça, n'est-ce pas? » J'opinai du chef. Il conclut: « Ah! les temps sont durs, Adieu, l'ami. » Quand nous fûmes dehors, je n'avais pas posé mon chapeau sur la tête que Lucie impatiente commentait: « Tu as compris, c'est lui! » J'essayais d'imaginer comment cet homme pouvait se changer en loup et dévorer ceux qu'il ne voulait pas payer, par quel pouvoir extraordinaire ? Mais la leçon avait -elle porté ? J'en aurais le cœur net...

 L'année suivante, je repassais le col à la même époque, la barbe et les cheveux longs teintés en blanc. Je me présentai chez maître Rapuc, voûté sous le poids des ans, traînant les pieds, accompagné cette fois par mon âne. L'autre me reçut tout revigoré et ne parut pas me reconnaître. Le marché fut vite conclu et je repartis tondre le pré maudit. A la fin du troisième jour de fauche, j'attachais avec soin mon baudet au noyer puis j'allais achever mon travail. Je n'avais pas donné le dernier coup de faux que l'animal se mit à braire et à sauter, tirant sur sa corde pour m'avertir de l'imminence d'un danger. Quelques secondes ne s'étaient pas écoulées, qu'un loup roux d'une taille impressionnante déboulait de la haie fonçant vers moi en grognant de rage. Un coup de faux aiguisée bien ajusté décapita l'affreuse bête, qui vint mourir à mes pieds. On n'entendit plus parler du magicien Firmin Rapuc.

Le pré du Loup existe toujours, mais étonnamment morcelé. Les divers propriétaires ne seraient autre que les descendants des malheureux faucheurs venus d'Outre~Mont.

Sur le bord de la route reliant Isola à Saint Etienne de Tinée, vous pourrez apercevoir une plaque signalant ce pré légendaire, accessible par une passerelle franchissant la rivière.

D’après «Les Histoires de loups en Pays d’Azur » (Alandis-éditions Cannes), pour commander cet ouvrage illustré et dédicacé de 18 € : téléphoner au 04 93 24 86 55

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08:30 Publié dans MEMOIRE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : HISTOIRE

07/03/2007

AVEC LE DIABLE EN PAYS D'AZUR

A VALBONNE : LA PIERRE DU DIABLE

Valbonne, avec son village typique et moyenâgeux, reçut également la visite du Diable, en dépit de la sainte présence de l’abbaye chalaisienne, à l’origine du bourg en 1199.

Le passage du Démon en ces lieux paisibles est aujourd’hui attesté par les empreintes insolites qu’il laissa sur la pierre portant son nom.

Ce mégalithe cabalistique est situé dans une propriété privée, sur la rive droite de la Brague.

La Pierre du Diable mesure 3,4 m sur 1,5 m, elle arbore d’énigmatiques marques en forme de sabot.

Les anciens racontent que ces empreintes n’auraient rien de diabolique, elles viendraient simplement du passage d’un char romain sur un terrain argileux durci par le soleil.

Légende ou réalité ? D’autres voient dans ces signes des gravures sculptées au Moyen-Age par quelques adorateurs du Diable, venus célébrer leur culte satanique dan ce quartier retiré.

Enfin, l’hypothèse la plus banale suppose que ces traces seraient les restes fossilisés d’énormes coquillages déposés par la mer jurassique, puis solidifiés ensuite par une éventuelle irruption volcanique. Actuellement, la Pierre du Diable cache encore le mystère de ces origines.

Le territoire de Valbonne conserve un autre site au toponyme tout aussi inquiétant, il s’agit du parc départemental de la Valmasque, couvrant quelques 477 hectares. En provençal, « Valmasque » signifie vallée des sorcières, la «masca » désignant la sorcière. Signalons dans la « Vallée des Merveilles » une autre « Valmasque » tout aussi célèbre.

Nul doute qu’à Valbonne, ces espaces sauvages éloignés des habitations et des cultures devaient accueillir les réunions secrètes des servantes du Diable.

Dans ce quartier isolé, les «mascas » pouvaient s’adonner à leurs sabbats en toute quiètude. Leur présence hante encore notre mémoire par delà les siècles, par la seule magie de ce nom révélateur, étrangement associé à la Pierre du Diable voisine.

Valbonne, Valmasque, deux vallées antinomiques, l’une purifiée et bénie par l ‘abbaye : la »bonne », l’autre stérile et désolée, consacrée au Diable et à ses fidèles séides les sorcières.

D’après « Les Aventures du Diable en Pays d’Azur » (Alandis-éditions Cannes), pour commander cet ouvrage illustré et dédicacé de 18 € : téléphoner au 04 93 24 86 55

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07/02/2007

QUAND LE DIABLE SE MANIFESTE AU NORD DE NICE...

A CONTES ET COARAZE : LES MESAVENTURES DU DIABLE

Don Rougnous, curé de Contes, dans la vallée du Paillon au nord de Nice, ne pardonnait rien à ses ouailles. La moindre peccadille donnait lieu à de lourdes pénitences. Après la procession de l’Assomption, il interdit par exemple aux jeunes filles, de porter dans le futur la statue de la Vierge, car »elles marchaient avant le clergé, plus ornées que les reliques et exposées à la vue et à la censure du public ». Quant aux jeunes hommes de ce bourg de la vallée du Paillon :

« Ils avaient conservé leur chapeau sur la tête durant toute la cérémonie ! ».

De  plus, «les prescriptions pascales n’avaient pas étaient observées et la pratique dominicale faiblement suivie ».

Dans sa lettre à Monseigneur Galvagno, le curé ajoutait à ses griefs : « les enfants jouent à la balle contre le mur de l’église, les hommes lancent leurs boules près de la porte de cette même église et les couples nouveaux mariés sortent de l’église après la célébration bras dessus bras dessous après s’être embrassés ! Les trop nombreux estaminets, mal tenus, entraînent l’intempérance. S’y ajoute la pratique du jeu, la mauvaise habitude de proférer des jurons et malédictions et d’entonner des chansons peu honnêtes les soirs de fête, au mépris du repos public. Enfin, la jeunesse, non contente d’aller de temps en temps à Nice, source d’immoralité, se livre à des polissonneries inadmissibles. Se plaçant au « Barri de la Fuont » partagée en deux ailes aux extrémités de la rue, elle s’y permet des indécences sur les filles qui vont à l’église. Ces indécences consistent à leur serrer la main, à les toucher sur le visage et sous le col. A l’église elle se met dans les chapelles pour être mieux couverte des regards qui doivent les surveiller, elle s’y adonne à des babils indécents… ».

A la lecture de cette lettre (Extraits du Stato di Relazione de 1836), l’évêque mesura le poids du contentieux opposant le prêtre à ses paroissiens. Par prudence, il s’abstint d’intervenir.

Révolté par ces récriminations perpétuelles et ces méthodes inquisitoriales, Chiapatoute, un habile chasseur contois, expert dans la capture des oiseaux à la glu (lou visc), décida un jour de donner une belle leçon à ce hargneux ecclésiastique, pour lui apprendre à ne plus médire des bonnes gens de Contes. Il fut décidé d’enduire de colle le siège de Don Rougnous, avant la grande messe dominicale. Au milieu de l’office, après s’être assis sur la stalle, entouré des enfants de chœur, il voulut se lever mais n’y parvint pas !

La surprise passée, chacun cru à une mauvaise courbature, puis voyant la chasuble collée et le prêtre debout, l’assistance éclata d’un rire général auquel se mêlèrent les enfants de chœur ! Vert de colère, Don Rougnous regagna la sacristie en marmonnant autre chose que des prières…Ce dimanche, la messe prit un raccourci inattendu.

Forts de cette réussite, les Contois qui avaient châtié leur curé, décidèrent, pour faire bonne mesure, de s’en prendre au Diable qui n’avait pas manqué d’applaudir leur plaisanterie. Se sentant à l’aise dans ce village contestant une Eglise maladroite, le Diable paradait en houppelande dans les rues et les bistrots, essayant de se lier d’amitié. Mais personne ne souhaitait recevoir cet encombrant personnage, même pour lui offrir un verre de vin.

En désespoir de cause, il ne restait souvent au Malin qu’une seule ressource, étancher sa soif à la fontaine de la place. C’est ce que remarqua la commère Ficanas, toujours aux aguets, derrière ses persiennes mi-closes. Elle en fit part à Chiapatoute, lequel après avoir discrètement prévenu ses concitoyens, englua  soigneusement la margelle de la fontaine. Ce qui devait arriver arriva, le Diable assoiffé, après avoir mangé un midi des tranches de pain, opportunément tartinées de pissala (purée d’anchois salé) par l’aubergiste du coin, vint se rafraîchir le gosier à la fontaine. Buvant à la régalade, bien appuyé sur le bord du bassin, le Démon ne remarqua pas les Contois, sourire aux lèvres qui l’observaient au travers de leurs jalousies. Quand il se redressa et voulu quitter son perchoir, l’ange du Mal réalisa qu’il était bel et bien collé aux pierres de la fontaine !

Chiapatoute sortit alors de chez lui, accompagné de six hommes robustes, armés de fourches et de cordes. En un tour de main, le Diable se trouva ficelé comme un saucisson, installé sur le plateau d’une charrette qui démarra allègrement tirée par deux vigoureux chevaux.

Balancé au rythme de l’attelage, la charrette remontait la vallée du Paillon avec à son bord en plus du cocher, deux solides Contois, maintenant le malheureux Démon attaché, tête pendante. Parvenu assez haut, au bout de la vallée, le Diable fut basculé hors de la charrette, comme un vulgaire «barioun » (balle) de foin. Un paysan qui se trouvait par-là, poussa du pied l’ange du Mal qui roula au bas du vallon. Après s’être débattu, ce dernier réussit à se dégager de ses liens, mais resta collé par sa queue gluante à une souche d’olivier.

Dans un ultime effort, il se leva, s’élança et cassa net son appendice, semblable à celui d’un lézard, le morceau abandonné se tortilla sur le sol comme un vers de terre. Déconfit, meurtri, le Diable s’enfuit vers le nord, pour rejoindre son territoire, là-haut dans la montagne, près de la Vallée des Merveilles, derrière la cime qui porte son nom, dans une zone désolée, toujours baptisée l’Enfer.

Les conséquences de cette aventure furent longtemps commentées, le soir à la veillée dans les chaumières de la vallée du Paillon. « Lous Contès » devenus célèbres, pour leur habileté et leur ruse, après cette prouesse, furent qualifiés du flatteur surnom « d’Enganaïres » (Trompeurs). Le haut Paillon où le Diable perdit sa queue, prit le nom de « Cauda Rasa » qui devint au fil des siècles Coaraze.

En souvenir de cet exploit légendaire, les gens du lieu marquèrent leur différence, en ne portant plus la coiffure en queue de cheval, mais les cheveux courts sur la nuque. Comme les Contois, les retors villageois de Coaraze, habiles roublards puisque capables d’en remontrer au Diable, furent baptisés « Lous Embouillouns » (les Intriguants). Les armoiries du village décorées d’un lézard bleu à la queue tronquée, rappellent également à leur façon, la mésaventure du Diable perdant son appendice.

Après cette cuisante défaite, on ne vit plus réapparaître l’Archange déchu, chassé des villages de la vallée du Paillon. Pourtant, quelques voyageurs  affirmeront avec sérieux l’avoir rencontré, guettant ceux égarés dans la tourmente,  plus haut, vers le sinistre village ruiné de Roccasparvièra.

De nos jours encore, des randonneurs avertis assureront également avoir entendu la nuit venue ses rires mêlés au vent des crêtes, alors qu’ils se perdaient sur des sentiers mal balisés !

Encore un mauvais tour du Malin, à la rancune tenace ! Après tout on ne perd pas sa queue impunément…

 D’après « Les Aventures du Diable en Pays d’Azur » (Alandis-éditions Cannes), pour commander cet ouvrage illustré et dédicacé de 18 € : téléphoner au 04 93 24 86 55

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08:30 Publié dans MEMOIRE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : HISTOIRE