16/10/2006
A 15 KILOMETRES DE NICE LA SOURCE MIRACULEUSE DU BROC
AU BROC, LA SOURCE MIRACULEUSE DE SAINT GERMAIN
En quittant le village perché du Broc, au Nord en direction de Bouyon, prendre la D201, petite route étroite qui aboutit au quartier Sainte Marguerite, où s’élevait jadis le village disparu des Dos Fraïres. A un kilomètre du village, un oratoire restauré se dresse sur le bord gauche du chemin. Dans la niche, une statue mitrée de Saint Germain, portant crosse, domine une petite fontaine où coule l’eau fraîche. Une sébile en pierre scellée dans le mur attend les offrandes des fidèles. Saint Germain est ici chez lui depuis le jour où il fit halte au Broc, sur la route de Ravenne où il décédera en 448.
La légende rapporte qu’un mendiant aveugle fut guéri là, grâce à des ablutions faites avec l’eau de la fontaine où s’était désaltéré le saint. Après cet événement mémorable, le quartier portera les noms successifs de la Germaine et de Saint Germain. Celui qui combattit dix sept ans durant l’hérésie en Grande-Bretagne avait auparavant à Paris consacré à Dieu Sainte Geneviève en 430. Il se rendit ensuite en Italie pour rencontrer l’Impératrice Placidie, afin de plaider la cause des peuples d’Armorique opprimés par Syagrius.
Cet évêque d’Auxerre, paré de toutes les vertus sacerdotales, est vénéré au Broc depuis des siècles. De nos jours, la fête patronale du village coïncide avec celle du Saint célébrée le 31 Juillet.
Déjà en 1312 (selon Caïs de Pierlas), il est question du prieur de Sancto Germano, donc d’un religieux à la tête d’un prieuré installé sans doute à proximité de la fameuse source miraculeuse.
Le même lieu est cité en 1589 par Joseph Brès : « En 1589, au début de l’année, le sieur de Villeplane, chevalier, vient avec deux compagnies où il y avait bien 500 hommes celle du dit chevalier et du sieur son frère le cadet, celle du baron de Castellet et autres, vinrent se loger près du Broc en un lieu appelé Saint Germain de la Commanderie de Saint Jean, et demandèrent à y entrer, ce que leur étant refusé, passèrent à Saint Paul qui tenait pour le parti de la Ligue. »
La commanderie de Saint Jean dépendait de l’ordre des Hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem, devenu au XVIIème siècle l’ordre des chevaliers de Malte, au destin plus heureux que celui de leurs frères Templiers.
Puis tout s’amplifie, mais cette fois-ci au Broc, où sont signalées des reliques de Saint Germain. Il n’est plus question de prieuré, probablement abandonné ou détruit.
Les reliques, provenant sans doute de l’ancien monastère, sont signalées par Doublet en 1604 dans l’église du Broc. Il s’agit d’un bras en bois, contenant quatre petits os enveloppés d’une étoffe rouge. Crillon, autre chroniqueur, nous indique en 1705 que le buste en bois de Sainte Marie Madeleine contient une once d’un doigt, celui de Saint Germain, évêque d’Auxerre.
Enfin, aux alentours de 1860, le bras disparaît et les reliques seront placées dans un buste doré représentant Saint Germain.
La tradition des vertus curatives de l’eau de la source de Saint Germain sur les affections des yeux s’est poursuivie jusqu’à nos jours. Le secret est transmis de bouche à oreille et chacun recueille pieusement l’eau qui guérit pour l’emporter. Une analyse scientifique en laboratoire nous apprendrait sans doute toutes les données qui aboutissent à la savante composition de l’eau de la source miraculeuse. A moins que, comme pour toutes les fontaines saintes, l’eau lustrale de la source issue de la terre mère origine de la vie suffise à guérir par ses seules propriétés surnaturelles. Si les fontaines sacrées sont en général prétexte à pèlerinages, nous n’avons pas trouvé ici trace de ce type de vénération.
Amoureux des choses du passé et soucieux de protéger notre patrimoine local, M. et Mme Caméra, voisins immédiats de la source et de son oratoire, ont entrepris avec l’aide de la municipalité du Broc de réhabiliter le modeste monument menacé dans sa survie.
Aujourd’hui, ce touchant édicule attend votre visite, n’oubliez pas votre bouteille, vous serez alors à même de vérifier si l’eau conserve tout son pouvoir magique.
Extrait des « Légendes et Chroniques insolites des Alpes maritimes » (Equinoxe-éditions Saint Rémy de Provence), pour commander cet ouvrage de 23 € : téléphoner au 04 90 90 21 10
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07/10/2006
LOUPS : UN TEMOIGNAGE LEGENDAIRE
Il faisait froid et en rentrant des champs Aline s'étonna, après avoir tisonné les cendres de la cheminée, de constater que le feu était bel et bien éteint. Un seul remède: envoyer la petite Clotilde jusqu'à la maison la plus proche, avec un morceau de bois gras pour qu'elle rapporte la flamme.
Sans tarder, l'enfant partit d'un pas rapide dans le froid vif de cet après-midi de janvier, en suivant le chemin bordé de roures déplumés, plantés le long du canal.
Il fallait bien une bonne demi-heure de marche avant d'atteindre la maison des Giauffret. En cette saison, le sol gelé et les plaques de neige glacée ne facilitaient pas le trajet. Clotilde, emmitouflée dans sa pèlerine ne laissant apparaître que son nez retroussé et sa frange rousse, chantonnait pour se donner du courage.
Parvenue aux abords de la ferme, la visiteuse, flairée par les chiens, déclencha leurs aboiements hurleurs, bien vite apaisés par la voix calme du maître de maison.
Rémy s'avançait sur l'aire à la rencontre de la petite dont les galoches claquaient en écho sur les dalles sonores. Ils s'engouffrèrent dans la chaude demeure, suivis par les chiens rassurés. Tante Amélie, experte, enflamma le bois résineux pendant que Clotilde réchauffait ses mains engourdies par le froid. Lorsque l'enfant quitta les « Sagnes » le jour déclinait.
Le flambeau sautillant au rythme de ses pas disparut au détour du chemin, point lumineux attardé dans la nuit qui obscurcissait la vallée.
Aline, inquiète, remonta pour la troisième fois jusqu'au « Gourgeon » situé au-dessus de la ferme, d'où la vue dominante permettait une belle envolée sur les environs.
Le temps passait et la fillette ne revenait toujours pas. Maintenant la nuit noire s'imposait et il fallait se rendre à l'évidence: Clotilde s'était égarée sur quelque chemin de traverse. Le père et Étienne le fils aîné décidèrent donc d'aller à sa recherche. Quelques minutes plus tard à mi-chemin de chez Giauffret, les deux hommes, rassurés, aperçurent une lueur jaune se déplaçant dans leur direction.
Nul doute c'était elle qui s'avançait vers eux. Criant et sifflant, agitant leur lampe, ils se dirigèrent à grands pas vers la flamme qui s'immobilisait. Bientôt ils avaient rejoint Clotilde, gisant sur le bord du canal.
Son petit corps traîné, à moitié dévoré par les loups, s'éclairait aux lueurs tremblotantes du brandon qu'elle serrait dans sa main comme une ultime trace de vie.
Extrait des « Histoires de loups en Pays d’Azur » (Alandis-éditions Cannes), pour commander cet ouvrage de 18 € : téléphoner au 04 93 39 07 41.
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21/09/2006
HISTOIRE DE LOUP DANS LA HAUTE VALLEE DU VAR
Lorsque le père de Caroline rentra chez lui en cette fin de journée d'août, de retour des Tourrés, un sourire malicieux éclairait son visage buriné de montagnard. Sans prendre le temps de retirer son chapeau de feutre noir il interpella sa femme: « Si tu savais ce que j'apporte! Tu ne devineras jamais! » Posant sur les dalles de la salle commune son sac gonflé, il le dénoua pour en laisser s'échapper une boule informe de poils gris qui partit de suite sur ses pattes malhabiles en direction de sa fille. Salué par des exclamations joyeuses, le chiot exprimait son émotion en couinant, puis sous l'assaut des caresses, il ne résista pas, abandonnant une flaque d'urine qui fit repartir les rires. Caroline, la fille cadette des Jusbert, adopta Faraud comme son enfant. Il ne quittait plus la jeune fille, trottinant sur ses talons à travers les chemins et les champs où l'on récoltait le regain.
Un mystère planait sur les origines de Faraud, né en avril à la ferme des Mandine à la Gardivole. Emile Mandine avait du mal à s'expliquer comment sa chienne Barbette avait pu être prise par un mâle alors que les solitudes neigeuses de la fin de l'hiver cernaient leur hameau perdu, loin de toute vie. Il en était arrivé à la conclusion que la Barbette avait dû succomber au charme sauvage d'un loup venu rôder dans les parages, une nuit de février.
Faraud, né de ces incertitudes, forcissait au gré des mois, révélant les traits de ce croisement inattendu. Sa taille élevée, son corps maigre aux flancs rentrés, ses pattes minces et sa queue pendante lui donnaient la silhouette caractéristique d'un loup.
Sa grosse tête oblongue avec un long museau pointu issu d'un front incliné surmonté par des oreilles droites, ses yeux obliques, achevaient de trahir ses ascendances. Caroline, jolie brune au regard clair s'épanouissait dans la beauté de ses dix-sept ans. Active et travailleuse, elle avait la charge des moutons et des chèvres du troupeau familial qu'elle menait paître chaque jour au-delà du col de Barels. Faraud s'avérait être un berger scrupuleux et attentionné, gardien prévenant les moindres intentions de sa maîtresse. Leurs longs tête-à-tête à l'alpage avaient créé des liens intimes entre ces deux êtres. Le chien-loup, compagnon fidèle, partageait les rires et les caresses de son amie qu'il aimait prolonger, étalé sur le dos comme un enfant joueur. Caroline lui parlait souvent, confiant ses états d'âme et ses espoirs. S'il ne pouvait répondre, l'animal manifestait tant par ses regards que par ses mimiques tout l'intérêt qu'il portait aux révélations de sa jeune maîtresse.
Bientôt les premières neiges blanchirent les sommets gris, roussissant les mélèzes, limitant la sortie du troupeau. Caroline et son inséparable Faraud firent alors de longues promenades dans les bois, rapportant des seaux de myrtilles. Malheur à qui s'approchait du couple isolé dans la forêt! Doué d'un flair infaillible, le chien prévenait en grondant puis se portait à la rencontre de l'intrus, n'acceptant de calmer sa fureur que sur un signe ou un mot de sa patronne.
Faraud était devenu le chien de Caroline. Lorsqu'il fallut descendre à Guillaumes avec le mulet pour y faire une dernière fois les provisions de l'hiver, Faraud fut du voyage. Sur la place du petit bourg ce « loup » suscitait la curiosité et les commentaires de chacun: un bel animal, au pelage gris mêlé de noir sur le dos, avec des poils plus longs au ventre et aux cuisses où ils prenaient une chaude teinte ocrée. Faraud très fier se serrait contre les mollets de Caroline, n'appréciant pas toujours les jugements équivoques des chasseurs et des bergers.
Au fil des années, la fille des Jusbert poursuivait sa vie de petite montagnarde, flanquée de son inséparable compagnon. Pour les fêtes et les bals Faraud ne la quittait jamais. Assis à l'écart, attentif, il suivait de son regard gris et impénétrable les évolutions de sa maîtresse, attendant patiemment l'instant où celle-ci déciderait du retour.
L'animal avait pris très jeune l'habitude de venir coucher dans la chambre de Caroline, avec la complicité attendrie de la mère. Le père n'appréciait pas ces gamineries et l'avait chassé plusieurs fois hors du lit. Devenu adulte, Faraud avait très vite compris le manège. Soulevant le loquet avec sa patte, il rejoignait sa patronne lorsque toute la maisonnée s'était endormie. Caroline se pelotonnait alors entre les pattes dans la chaude fourrure de son protecteur. Malin, Faraud sortait comme il était venu avant l'aube.
Il était de tradition l'hiver à Barels de recevoir à la veillée les jeunes du village de Roya, niché au creux de la vallée voisine au-delà d'un col de quelque 2500 mètres d'altitude. Ces héroïques expéditions n'avaient lieu que lorsque la neige gelée pouvait porter le pas de l'homme. De ces rencontres insolites devaient naître des mariages extérieurs aux communautés bloquées sans cela dans leur consanguinité. Ainsi à la veille de la Saint Sébastien, un groupe de jeunes gens débarqua tout joyeux, raquettes aux pieds, lanternes à la main, emmitouflés dans la laine et la fourrure, répandant une animation inhabituelle dans les fermes du village. Trois jours de visites et de fêtes rompaient ainsi le long engourdissement de l'hiver.
La dernière veillée eut lieu chez les Jusbert. On dansa au son du violon et de la iorgina» (sorte d'accordéon diatonique) jusqu'au petit matin. Caroline et Alphonse, un grand garçon au visage rieur, sautillaient sur des airs allègres, sous l’œil bienveillant des parents et amis martelant du pied et des mains les reprises endiablées des musiciens. Caroline connaissait bien Alphonse, l'aîné des Murris, chasseur de chamois et coureur de cimes. C'est lui qui avait conduit le groupe à travers les pièges de la montagne. De son côté, Alphonse, sensible à la beauté de cette fille sauvage, n'avait pas manqué de lui apporter en présent un ruban de soie noué autour d'un gros bouquet d'edelweiss cueillis l'été précédent au cours de ses randonnées. Caroline rougissait quand on la plaisantait sur sa coquetterie.
Ne portait-elle pas à son corsage le bouquet offert par Alphonse ?
Lorsque les gens de Roya se remirent en route, ceux de Barels les accompagnèrent un bout de chemin, promettant d'aller l'an prochain leur rendre leur visite. C'est alors qu'à l'écart du groupe serrant très fort la main de Caroline, Alphonse lui avait fait promettre de se revoir au printemps à Péone pour le retour des transhumants. Faraud, les oreilles dressées, épiait le manège du couple.
Au moment de se séparer, Alphonse, n'y tenant plus, prit la jeune fille dans ses bras, ils échangèrent leur premier baiser. C'est alors que les deux amoureux perdirent l'équilibre, bousculés dans la neige par un Faraud déchaîné qui s'accrochait de toutes ses dents à la gorge du malheureux jeune homme.
Les cris de terreur de Caroline, les coups de bâton, rien ne pouvait arrêter l'animal furieux qui déchiquetait le corps d'Alphonse roulé dans la neige rouge de sang.
Un coup de feu claqua mettant fin à la tuerie. Le chien-loup cloué au sol par la décharge du fusil lâcha enfin prise.
Il eut encore la force de tourner ses yeux gris et fiévreux vers celle qui l'avait trahi.
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