13/01/2016
LES JUIFS DANS LES ALPES MARITIMES AU MOYEN AGE
C'est un des traits originaux de la société provençale au Moyen-Age que la proportion notable des juifs, rencontrée non seulement dans les grandes cités commerçantes mais aussi dans certains bourgs. Ecartés de la vie publique, les juifs trouvent dans les transactions commerciales et dans le crédit un emploi utile de leur activité, le seul même qui leur est permis. Ils consentent des prêts aux paysans, et même, à Avignon où ils représentent les compagnies florentines, aux communautés, seigneurs et commerçants. Ils s'adonnent en outre à une grande variété d'occupations (la médecine, l'artisanat etc.). Leurs droits en Provence sont égaux à ceux des chrétiens; ils sont sous la protection de la Cour royale qui lève une taille sur l'ensemble des communautés.
A Nice, après la dédition, la communauté est soumise à des règles plus strictes et d'esprit moins tolérant surtout à partir de 1430 et de l'édit d'Amédée VIII qui révoque et annule toutes les tolérances et privilèges passés, oblige les juifs à vivre dans un quartier séparé, à porter un signe distinctif sur l'épaule gauche, leur fait défense absolue de prêter à usure.
Voici quelques pièces d’archives révélatrices de la vie des Juifs à cette époque.
1 - Publication en la viguerie de Puget Théniers de l'ordonnance du sénéchal sur l'application de l'édit contre l'usure, donnée à Aix le 14 mai 1302-1302, 27 mai A.D. Bouches-du-Rhône, B 416
« Nous avons appris que certains juifs... qui n'habitent pas dans des lieux relevant de notre autorité... se livrent à l'usure dans les comtés de Provence et de Forcalquier... en infraction avec la constitution royale... parce qu'étant placés sous une autre juridiction, il ne pensent pas pouvoir être punis par la cour royale... Nombre de nos sujets... sont tombés dans un extrême dénuement à cause de... leur voracité extrême... Nous ordonnons que la dite constitution soit proclamée... afin qu'aucun contrat ne soit passé avec des juifs relevant d'une autre juridiction... Vous ferez faire de cette proclamation un instrument public, dont vous garderez un exemplaire, un autre étant dressé, sous quinzaine, au maître rational à la Cour royale d' Aix ; il vous sera restitué après avoir été enregistré dans le cartulaire de la cour, et vous nous en accuserez réception... ».
2 - Juifs et chrétiens à Grasse (1386) Marie de Blois, régente durant la minorité de son fils Louis Ill, enjoint aux officiers de Grasse d'interdire des ventes de vin au détail faites par les Juifs dans des conditions jugées abusives et de limiter à 25 % le taux d'intérêt de l'argent que les Juifs prêtaient aux chrétiens. Ce texte est significatif de la méfiance et de l'hostilité latente qui inspiraient alors les rapports entre Juifs et chrétiens. «Marie, par la grâce de Dieu reine de Jérusalem et de Sicile, duchesse des Pouilles, d'Anjou, comtesse de Provence et de Forcalquier, du Maine, de Piémont et de Roucy, gardienne, tutrice et régente de notre illustre très cher fils Louis, par la même grâce roi, duc et comte des susdits royaumes, duchés et comtés, aux officiers de la cour royale de la ville de Grasse présents et futurs et à chacun d'eux ou à leurs lieutenants, grâce et bonne volonté. De la part de la communauté des hommes et des ambassadeurs de la ville royale de Grasse un rapport récemment présenté à notre majesté exposait que quelques juifs habitant dans la susdite ville achètent aux chrétiens pauvres des raisins au temps des vendanges et parfois les leur extorquent en quantité importante et achètent du vin pour le revendre au-delà de leur provision et ensuite vendent ce vin aux chrétiens et à tous ceux qui veulent en acheter pour une grande quantité d'argent; de plus ils prêtent aux chrétiens, et en reçoivent et exigent de l'argent à des intérêts plus élevés qu'il n'est d'usage au préjudice et très grand dommage de ladite communauté et de ses particuliers pauvres; c'est pourquoi on nous implore instamment d 'y remédier en droit. Nous voulons et mandons à votre fidélité par les présentes, en le prescrivant de notre science certaine, que vous ne permettiez à l'avenir sous aucun prétexte aux susdits Juifs de vendre aux chrétiens le vin au détail, mais seulement en gros, et que lesdits Juifs ne reçoivent en intérêts ou pour le profit de leur argent qu'ils accordent ou accorderont dans l'avenir en prêt aux chrétiens que cinq sous pour une livre annuellement, selon la forme des statuts édictés sur ces points à leur encontre dont nous voulons et ordonnons l'observation; ne le souffrez dorénavant en aucune matière ne le permettez, si vous désirez éviter la lourde peine qui vous serait imposée à notre jugement…»
3 - Lettre d'Amédée VIII, duc de Savoie, sur l'exécution des dispositions relatives aux juifs, contenues dans les statuts de réformation générale.- Thonon, 1433, 16 juillet, A.M Nice, GG 46 bis
« Nous ordonnons..., sous peine de cent livres reforciat... de faire observer par les juifs résidant dans la dite ville de Nice,... tant les dispositions contre l'usure... que la réclusion de leurs habitations (c'est-à-dire leur séparation d'avec les chrétiens » ).
Le taux de l'usure était alors fixé aux environs de 27 %, le taux majeur d'intérêt des prêts de la « casana » ou banque de prêt, était de 20 % .
4 - Lettre de Louis I, duc de Savoie, ordonnant l'installation d'un banc à part pour les juifs au mazel (boucherie).- Genève, l446, l0 décembre, A.M Nice, GG 46 bis
« ... Vue la demande annexée, à laquelle il nous semble (bon) de nous conformer, en séparant les juifs des chrétiens,... nous ordonnons qu'il y ait au mazel de Nice un étal séparé et un seul, pour les juifs habitant (la ville), sur lequel vous ordonnerez qu'ils achètent leurs viandes... leur interdisant... d'en acheter à un autre étal... ».
5 - Lettre de Louis I, duc de Savoie, ordonnant que les juifs portent un signe distinctif. Genève, l446, 12 décembre,A.M. Nice, GG 46 bis
« Nous ordonnons... que vous fassiez proclamer dans les lieux habituels de notre cité de Nice que tout juif habitant dans la dite cité, tant homme que femme, devra porter la rouelle ( « rotam » ) ou un grand signe, comme les autres juifs de nos États, et à un endroit visible et non caché... afin de pouvoir les distinguer des chrétiens... ».
La rouelle était un morceau d'étoffe rouge de 3 doigts de diamètre.
6 - Contrat de louage d'un domestique par un juif.- l452, 22 mars A.D. Alpes-Maritimes, 3 E 74/119
Le respect des règles religieuses, notamment du sabbat se traduit par une clause spéciale: « Egalement, il fut convenu que tous les samedis de l'année ledit Antoine aura congé... ».
D’après « Les Châteaux du Moyen-âge dans les Alpes Maritimes », pour commander cet ouvrage illustré et dédicacé de 23,50 € : téléphoner au 04 93 24 86 55
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19:29 Publié dans HISTOIRE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire
16/04/2013
LES LOUPS À GOURDON AU XIX ème SIÈCLE...
Plus tard, des gens de Gourdon descendus à la foire de Grasse trouvèrent sur le bord du sentier les restes d’un homme déchiqueté par les loups. Près de lui, un morceau de papier enveloppant un petit flacon de parfum en faïence finement décoré rempli d’essence de rose, accompagné d’un coupe-papier en cuivre gravé des initiales M. F., permirent d’identifier le soldat Marius Funel.
D’après «Les Histoires de loups en Pays d’Azur » (Alandis-éditions Cannes), pour commander cet ouvrage illustré et dédicacé de 18 € : contacter edmondrossi@wanadoo.fr
Le loup est de retour en France et plus exactement près de nous, dans le Parc du Mercantour et les Alpes du Sud.
Ce « grand méchant loup », cauchemar de nos nuits d’enfant, traînant dans la mémoire collective des générations de « mères-grand » et de « chaperons » dévorés tout cru, revient cette fois sur notre territoire nanti du statut intouchable d’espèce protégée par le Conseil National de la protection de la nature et la Convention de Berne.
Réhabilité et qualifié de « prédateur indispensable à la chaîne alimentaire et aux rétablissements des équilibres naturels », le voici blanchi de tous ses crimes passés et à venir et toléré aux portes de nos villages.
L’homme encore une fois a décidé du destin de la bête avec sa propre logique.
Pourtant, les souvenirs laissés dans la mémoire de nos aïeux ne sont pas tendres et méritent qu’on s’y arrête.Les Alpes Maritimes ou « Pays d’Azur », nées de la rencontre des Alpes et de la Provence, offrent un cadre exceptionnel fait de vallées aux forêts sauvages et de villages perchés aux traditions vivaces.
Edmond Rossi, auteur niçois de différents ouvrages sur le passé et mémoire de sa région, présente ici une trentaine de récits recueillis dans les annales de la Provence orientale et du Comté de Nice.
Témoignages authentifiés touchants de vérité, ces textes évoquent les péripéties du loup, dans ce vaste territoire.
Parfois issus d’une tradition orale qui se perpétuait jadis aux veillées, ces contes portaient le plus souvent sur des faits réels, auxquels nos anciens se trouvaient mêlés.
Partons sur la piste mystérieuse de ce grand perturbateur que l’imagination populaire a toujours travesti familièrement de ses propres fantasmes.
A travers les « Histoires de loups au Pays d’Azur » retrouvez les contes de jadis, cette vieille magie des mots qui vous emmène au pays du rêve et de l’insolite.
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http://saintlaurentduvarhistoire.hautetfort.com
08:05 Publié dans Découverte du Pays d'Azur, HISTOIRE, Livre, MEMOIRE, TRADITION | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire
27/07/2012
HISTOIRE DE LOUP DANS LE MERCANTOUR
LA LOUVE NOIRE
C’est au milieu de la nuit que s’acheva la veillée. Mon grand-père s’était encore surpassé en nous racontant pour l’énième fois ses souvenirs de la Grande Guerre, alors que militaire du XV éme corps, sa bravoure et celle de ses compagnons avaient été mises en doute par un officier vindicatif.
Sorti de la douce moiteur de l’étable où nous étions réunis, je regagnais la ferme de mes parents sans avoir allumé le « lanternin » tant la clarté de la lune était vive.
Le froid m’avait très vite saisi et j’avançais à petits pas prudents sur le chemin gelé encadré d’un ourlet de neige.
Alors que j’approchais du hameau du Mounard, une lueur soudaine attira mon attention. Entrouverte et aussitôt refermée, la porte de la maison d’Augusta laissa échapper une ombre qui se dissipa dans la nuit. Intrigué, je m’approchais pour n’apercevoir sur la neige que les traces de pattes d’un animal, sans doute un chien, que je décidais de suivre avant de les perdre à la sortie du village.
Augusta, veuve solitaire n’avait pourtant pas de chien mais plutôt la compagnie de chats, noirs de préférence ! Cette étrange femme connue sous le sobriquet de « la masca » ( la sorcière) à cause de ses dons de guérisseuse et de voyante qui avait fait sa renommée dans tout le canton.
Estimée et crainte à la fois, elle savait enlever le mal, mais aussi le donner si on le lui demandait. Femme sans âge, toujours vêtue de noir, elle sortait rarement chacun lui livrant en rétribution de ses services le nécessaire et le superflu.
Le lendemain, j’avisais mon grand-père de cette curieuse vision nocturne. Celui-ci hocha la tête avant d’ajouter : « Ceci ne m’étonne guère, nous étions le vendredi soir et de plus tu nous as quitté un peu avant minuit. Si tu veux en savoir plus, il te faudra patienter une semaine et guetter de nouveau à la même heure aux abords de chez Augusta.»
Nous étions début février, après la saint Agathe, mais si les jours rallongeaient les rituelles veillées se poursuivaient comme au cœur de l’hiver. Dans ce monde clos bloqué par la neige, la veillée offrait un agréable lieu de rencontre. Si les hommes s’affairaient à fabriquer des outils, des instruments nécessaire à la vie courante comme les paniers, les femmes filaient la laine et le chanvre. Les enfants ne restaient pas inactifs, munis d’un maillet et d’une planche trouée ils cassaient les noyaux des abrignons (petites prunes sauvages) pour en recueillir les amandes destinées à fournir une huile fine très appréciée. Si les mains étaient occupées, les contes, avec leur inévitable cortège de sorcières, de loups et de revenants pimentaient également ces soirées.
Plus tard l’assemblée chantait avant de déguster pommes, poires, nèfles ou sorbes cuites au four, fruits offerts par les hôtes.
Durant cet hiver rigoureux, les histoires de loups captivaient d’autant plus, depuis leur insistante menace.
En particulier, une louve noire, apparemment familière des lieux, semblait conduire la meute non seulement vers les étables mais aussi en direction des enfants jouant aux alentours.
Un soir, naïf, j’avais questionné pour savoir comment reconnaître le masc ou la masca ? J’appris que certains détails ne trompent pas : ses yeux cernés, ses mains sèches, même quand elles sortent de l’eau, les nombreux chats qui l’accompagnent, sa façon de marmonner seraient autant d’indices révélateurs. Il fallait se rendre à l’évidence, Augusta, bien que jamais nommée, correspondait bien à ce portrait.
J’appris encore que ces serviteurs du Diable rencontraient leur maître lors de sabbats où ils se livraient à des rondes infernales, avant de recevoir leur ordre de mission pour aller tourmenter les pauvres humains
Le vendredi suivant, prétextant une grosse fatigue, je quittais la veillée plus tôt qu’à l’habitude, pour venir me poster à proximité de la demeure d’Augusta.
Le volet de la cuisine entrebâillé laissait filtrer un trait de lumière découpant la blancheur de la neige. Je m’approchais, et ce que je vis me glaça le sang.
Debout devant sa cheminée, Augusta après s’être entièrement dévêtue, enduit son corps de suie de la tête aux pieds. Puis, aux douze coups de minuit égrenés par le clocher du village, elle s’accroupit et se plaça à quatre pattes, pour ensuite changer d’aspect et se transformer en ce qui semblait être un animal à poil noir que j’identifiais à une sorte de gros chien. Son corps élancé, aux flans rentrés, sa forte encolure portant une tête massive et triangulaire surmontée par des oreilles dressées, correspondaient aux caractéristiques d’un loup. Seule l’étrange nuance sombre de sa robe semblait exclure cette filiation. Je réalisais soudain qu’il s’agissait de la fameuse et tristement célèbre louve noire, venue troubler la quiétude hivernale de notre petit village.
Par quel pouvoir mystérieux Augusta était-elle parvenue à apparaître sous les traits d’un si féroce animal ? Mais je n’étais pas au bout de mes surprises !
La bête sortit furtivement par la porte qui s’entrouvrit, comme le vendredi précédent, avant de trottiner allégrement en direction du pré de David. Je ne lâchais pas la trace et je pus alors assister à un spectacle extraordinaire dont les scènes hanteront ma mémoire à tout jamais…
Autour du gros noyer du pré voletait une nuée obscure de chauves-souris alors que sautillaient au sol quelques gros crapauds en compagnie de loups tout aussi foncés, réunis là par je ne sais quel sortilège !
Une musique étrange venue de nulle part imposait bientôt un rythme syncopé entraînant ces êtres hideux dans une folle farandole. Bientôt un colosse cornu sortit du bois, interrompant la danse traditionnelle du sabbat. Avec des cris gutturaux, soulignés d’atroces grimaces, le monstre présenta son postérieur à l’assistance, puis levant son appendice caudal il invita chacun à venir baiser ses fesses comparables à un second visage. Puis bénissant l’assemblée de ses séides avec de la pisse, le Diable offrit un affreux banquet cannibale où circulaient les plats de tripailles de malheureux défunts dont chacun pouvait se repaître.
Le sinistre festin s’acheva aux premières lueurs de l’aube. Chacun reçut alors les consignes du Maître, avant de retourner dans le monde des humains pour y commettre ses méfaits.
Plus tard, sur le chemin du retour, la louve noire avec son sourire carnassier et ses yeux dorés en amande posa sur moi son fascinant regard. Je compris alors que ma dernière heure était arrivée.
L’écume aux lèvres, l’animal bondit sur moi en grondant, me renversant dans la neige. Déjà ses crocs s’enfonçaient dans mon bras replié pour protéger mon visage.
Si elle parvenait à refermer sa mâchoire sur ma gorge, ma fin serait immédiate.
Saisissant mon couteau, je plongeais sa lame dans la chaude fourrure vers le cœur de l’animal qui soudain s’amollit avant de m’écraser sous son poids.
Lorsque je revins sur les lieux de l’attaque, en compagnie de mon grand-père, seule la neige rougie attestait encore de la réalité du combat, curieusement, la dépouille de la bête avait disparu.
Dans la journée, nous apprîmes le décès d’Augusta, à la suite d’une malencontreuse chute sur un chenet. Le jour suivant, le glas sonna vainement pour accompagner le départ de l’âme de la louve noire, vers un au-delà qu’elle avait si souvent fréquenté.
D’après «Les Histoires de loups en Pays d’Azur » (Alandis-éditions Cannes), pour commander cet ouvrage illustré et dédicacé de 18 € contacter: edmondrossi@wanadoo.fr
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09:22 Publié dans Découverte du Pays d'Azur, HISTOIRE, Livre, MEMOIRE, TRADITION | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire