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01/09/2006

UNE LEGENDE A L'ORIGINE DU PAYS D'AZUR

           

              HERCULE CHEZ LES LIGURES

 

En ces temps reculés où la mythologie remplaçait l'Histoire, le puissant demi-dieu Hercule traversa la Ligurie (La Ligurie englobait la Provence, le Pays niçois et l'actuelle Ligurie italienne. Elle se restreindra plus tard pour ne s'étendre que du Var au fleuve Magra) venant d'Espagne pour regagner son pays natal. Après avoir accompli des exploits mémorables dans la basse vallée du Rhône, il fit étape à Villefranche où il fonda un port.

Taranis, le chef de la tribu locale des Ligures, flatté de la présence d'un hôte auréolé d'une pareille gloire, décida de mettre ses talents à contribution. Il lui proposa de débarrasser la contrée des bêtes féroces qui décimaient les troupeaux en échange de cinq cents taureaux de son choix.

Toujours disposé à rendre service, quand il s'agissait de pacifier des terres ingrates, Hercule entreprit de neutraliser Octopis le terrible serpent ailé retranché dans les gorges obscures d'Aspremont. Après avoir étranglé l'affreux reptile de ses propres mains, il utilisa sa dépouille en guise de fouet pour achever les fauves qui infestaient la région.

Ravi, Taranis tint promesse et Hercule rassembla ses cinq cents taureaux.

Mais lorsqu'il voulut leur faire franchir les défilés du Mont Boron, ceux-ci rebroussèrent chemin, attirés par les meuglements ardents des vaches ligures. Impossible après cette retraite de les déloger de l'enclos où ils étaient parqués. Hercule comprit que le perfide Taranis avait abusé de sa bonne foi.

La nuit suivante, sans prévenir ses compagnons grecs, il s'introduisit dans le camp des Ligures et abusa avec fougue de cent femmes ou vierges.

Bien sûr seul un demi-dieu qui avait déjà accompli les fameux onze travaux pouvait réaliser une pareille performance !

Le matin suivant, Taranis stupéfait par cette prouesse, délégua sa fille, la belle Glazia aux yeux bleus, pour se présenter implorante au camp des Grecs et y devenir volontairement l'esclave d'Hercule.

Après avoir exprimé le repentir des gens de sa race et leur soumission, elle offrit une amphore d'un vin capiteux récolté sur les coteaux de la Gaude.

Hercule sensible au charme et à la candeur de l'ingénue, vida plusieurs coupes de ce breuvage enivrant qui l'entraîna bientôt dans un profond sommeil.

Profitant de son état, Glazia s'empara alors de la massue du héros grec le privant ainsi de son arme favorite.

Hercule était toujours dans les vapeurs du vin, quand un effroyable tumulte envahit le camp: les Ligures attaquaient les Hérakléens par surprise. Ils allaient bientôt succomber sous le nombre, lorsque Hercule désarmé implora l'aide des dieux.

Sa prière fut exaucée, une grêle de pierres s'abattit sur les assaillants, en assommant une bonne partie et mettant le reste en déroute. Le déloyal Taranis y perdit la vie.

Prudents devant cette hostilité, les Grecs décidèrent de reprendre leur route. Rassemblant leurs bagages, ils s'aperçurent que les corbeilles contenant les fameuses pommes des Hespérides qu'ils rapportaient avec tant de précaution, avaient été endommagées.

Nombre d'entre elles avaient roulé, s'éparpillant sur le sol.

Voilà pourquoi la basse Provence et le Pays Nniçois reçurent le nom de pays de l'Hesper, où fleurit l'oranger.

De plus, tous les citronniers, oran­gers, bigaradiers et autres agrumes qui poussent sous le soleil de la Côte d'Azur et de la Riviera italienne, sont regroupés par les botanistes dans la famille des hespéridés.

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16/08/2006

LE LOUP EN PAYS D'AZUR

UNE PEUR ANCESTRALE 

 

Depuis le passé le plus lointain, la menace des loups a provoqué chez l’homme une peur collective qui ne s’est calmée qu’avec la disparition partielle de ces animaux. Cette crainte a tout naturellement fait naître des croyances et des mythes véhiculés par les cultes et les traditions.

Symboliquement associé aux forces obscures (la nuit encourageant ses attaques), le loup, venu des ténèbres ou de l’ombre des forêts, apparaît vaincu par Saint Loup qui guérit la cécité. De même, Saint Hervé, aveugle, sera guidé par un loup. L’imagerie religieuse développera sur les fresques des églises et chapelles le loup comme un animal féroce et maléfique.

Représentant le Diable chez les Scandinaves et les Germains, il sera le complice des sorciers espagnols qui le chevaucheront à l’envers pour se déplacer. Il exprimera également la gloutonnerie, plus souvent que le porc. Mais c’est lors des calamités vécues par nos ancêtres qu’il donnera toute la mesure de sa cruauté. En effet, sa présence va accompagner les famines, les épidémies et les guerres.  Trouvant là un terrain favorable, le loup va y prélever son tribut, excitant davantage l’hystérie collective par la terreur qu’il provoque.

Mieux, on assistera lors des famines à la multiplication des cas de « folies louvrières » (lycanthropie). Le cannibalisme, solution extrême à la faim, entraîne des êtres frustres à tuer leurs semblables. Certains iront jusqu’à détacher les corps des suppliciés suspendus aux gibets pour se procurer une horrible nourriture (selon J. Delumeau « La peur en Occident »).

Le goût de la chair humaine étant pris, d’autres dépravés se couvriront d’une peau de loup pour harceler et tuer d’innocentes victimes. Le XIVème siècle est fertile en témoignages de loups-garous circulant à quatre pattes, cachés sous une peau de loup pour mieux commettre leurs monstrueux forfaits. Dans ces temps de misère et d’impuissance suivant famine et disette, les épidémies (et plus particulièrement la peste) seront tout comme les loups mis au compte des punitions divines. Le clergé développera cette explication passive.

Trompeur et rusé avec ses yeux de braise, le loup sera plus que jamais identifié au Diable dans sa haine d’une espèce humaine affaiblie (Pierre de Beauvais XVIème siècle).

Enfin, durant des siècles, les guerres périodiques et leurs massacres vont constituer une véritable aubaine pour les loups. Morts et blessés fournissant un aliment de choix leur donneront goût à la chair humaine (G. Ragache « Les loups en France »). Il sera alors question de ces loups accoutumés à la chair humaine, attaquant les hommes de préférence, devenus aussi des loups-garous (loups dont il faut se garer).

De plus, porteur de la rage, terrible maladie à l’issue fatale, le loup complice du Diable plongera l’enragé dans des crises de convulsions avec morsures, comparables à celles d’un possédé.

L’exorcisme, pour délivrer l’esprit du mal, doit alors intervenir après que le fer rouge ait cautérisé la plaie.

Doué de tels pouvoirs, le loup intervient tout naturellement dans la sorcellerie et la médecine populaire, grâce aux pouvoirs de sa dent, de son œil, de ses os, de son cœur ou son foie, pour protéger ou écarter diverses maladies. Frappant l’imaginaire, le loup a laissé son souvenir dans de nombreuses expressions qui tendent à disparaître avec lui. Nous en connaissons certaines comme : « être connu comme le loup blanc », « marcher à pas de loup », « entre chien et loup », « hurler avec les loups » ou des proverbes du genre « quand on parle du loup on voit sa queue », « l’homme est un loup pour l’homme » ou « enfermer le loup dans la bergerie ».

Déjà présent à l’époque des Romains, dans la relation de la louve allaitant Romulus et Remus, jusqu’au « Livre de la Jungle » de R. Kipling où la louve Akéla élève Mowglie, contes et légendes feront leur profit de cet animal mythique et ambivalent. Associé à la pleine lune comme à la sombre forêt, tanière des frayeurs populaires, le loup peut se changer en homme à la faveur de ces domaines obscurs. Animal ou loup-garou, cet être sorti de l’ombre ne peut symboliser que le mal, opposé à sa victime favorite le doux agneau à la pure et blanche innocence. Véhiculant toutes ces tares « le grand méchant loup » ne pouvait que perdre son procès et être condamné à disparaître.

La lutte exterminatrice débuta par de significatives battues organisées dès le Moyen Age sous l’Ancien Régime, les dimanches et les jours des fêtes carillonnées, à l’issue des offices religieux. Battues et primes vont constituer l’arsenal répressif contre la menace des loups. Sa chasse, devenue une affaire de légitime défense des populations rurales, visera à la totale destruction de l’espèce.

Au XVIème siècle, c’est le seigneur qui organise les battues en réquisitionnant hommes et chiens, s’y ajoute l’incitation d’une prime pour chaque bête abattue. Dans un souci d’efficacité, l’autorité royale créera la Louveterie, ce service remonte à Charlemagne. Les abus, commis lors du prélèvement des rétributions auprès des communautés rurales, par les fonctionnaires chargés d’éliminer les loups, entraînent divers règlements au fil des siècles. Véritable administration, chargée sans partage d’une mission d’intérêt général, la Louveterie est dirigée par un Grand Louvetier assisté d’officiers et sergents de Louveterie. Cette institution disparaît en 1787 à la suite d’abus réitérés.

Une nette recrudescence des loups suit la naissance de la première République de 1790 à 1804. Pour lutter contre ce fléau, de nouvelles mesures sont préconisées, comme l’empoisonnement à la strychnine et l’encouragement à la destruction au moyen de primes.

Ce dernier procédé était un peu utilisé sous l’Ancien Régime. La loi de 1882 hâtera l’extermination des loups : 1300 loups détruits en 1883 sur le territoire national, puis quelques centaines chaque année jusqu’en 1902.

Dans les Alpes-Maritimes (divisées par la frontière du Var de 1815 à 1860), les informations recueillies par Frédéric Muyard dans son étude sur « les loups et la loi » nous indiquent une lettre significative du maire de Levens du 12 prairial an X (1802). Il est question d’un couple de loups apparaissant en plein jour avec une « gueule effroyable ». Ces provocateurs égorgent les bestiaux domestiques, nécessitant l’intervention rapide des six meilleurs chasseurs du canton.

Dix-huit vont être abattus de 1800 à 1806, dans le département à Séranon, Roquesteron, Puget-Théniers, Clans, Roquebillière, Saorge et Tende, souvent les louves sont pleines de trois à cinq louveteaux.

Rappelons que la louve s’accouple en janvier ou février. Au bout de 63 jours de gestation, elle mettra bas de quatre à cinq petits, qu’elle allaite de cinq à six semaines. Mais les louveteaux ne peuvent suivre leur mère qu’à l’âge de deux mois.

F. Muyard signale également qu’en 1806 dans les Basses Alpes, le Préfet ordonne une « battue générale » face aux ravages causés par les loups, « dans tous les bois et forêts, avec chiens et armes à feu. »

En 1844, sous le régime royal de Piémont-Sardaigne, l’intendant général Des Ambrois diffuse un manifeste sur tout le territoire de la « Province de Nice pour lutter contre les loups » qui infestent le pays. Le tarif des primes est de 200 lires pour une louve pleine, 150 pour une louve ordinaire, 100 pour un mâle et 25 pour un louveteau, quant aux lynx et loups-cerviers la prime reste fixée à 100 lires.

Ces primes n’eurent pas toujours le succès espéré, car il fallait souvent dépenser plus pour se déplacer et transporter la dépouille de l’animal tué jusqu’à Nice.

La chasse aux loups devenait souvent un privilège de riches qui, seuls, possédaient des chiens et des armes à feu.

Le piège et le poison étant reconnus comme moyen de lutte (1882), la traque va se démocratiser et les tableaux de chasse vont s’accroître. Les primes sont augmentées encourageant les prises. Le 14 avril 1890, Clapier Joseph de Saint Sauveur reçoit
150 francs pour avoir pris au piège une louve pleine. Le 16 décembre 1890, les sieurs Mallet et Ségur perçoivent une prime de 100 francs pour avoir tué une louve de
16 kgs. A Villars sur Var, le 25 février 1901, Toccia, un cultivateur, touche 100 francs pour avoir empoisonné un loup. La liste s’achève là et les rares apparitions du loup ne relèveront plus désormais que du fait divers.

Auteur et victime d’une psychose meurtrière, le loup a été presque totalement éliminé. Mais voilà qu’il réapparaît aujourd’hui dans nos forêts, auréolé d’une éternelle passion, poursuivant un nouveau destin discutable.

En 2002 le dixième anniversaire du retour du loup dans les Alpes Maritimes n'a fait l'objet d’aucune célébration officielle, tant cette commémoration pouvait attiser une polémique qui n'a jamais faibli. Dix ans plus tôt, le loup, disparu depuis près d'un siècle du Mercantour, effectuait un retour discret qui, rendu public huit mois plus tard, frappait de stupeur le monde agricole.

Très exactement le 5 novembre 1992, dans le secteur du haut Boréon, deux gardes moniteurs repéraient à la jumelle un couple de prédateurs. Les responsables du parc et le ministère de l'Environnement décidaient cependant de garder le secret, afin d'approfondir les recherches et de protéger le nouvel arrivant. Ont-ils commis une erreur tactique en ne divulguant l'information qu'en mai 1993 ? Ce retard, en terme de communication, fut en tout cas le premier motif de brouille et d'incompréhension entre défenseurs et détracteurs de l'animal.

Les éleveurs y virent la preuve du manque de transparence des autorités et, pire encore, une « volonté de dissimuler un retour artificiel ».

Depuis, ils n'en démordent pas. Le loup n'est pas venu d'Italie, comme l'attestent les experts officiels, il« a été clandestinement réintroduit ». Des bergers évoquent des lâchers en prove­nance d'élevages, d'autres n'hésitent pas à parler d'hélitreuillages.

Profitant de l'abondance de nourriture, l'espèce s'est rapide­ment développée dans le Mercantour. Remontant vers le Nord, elle a colonisé le département des Alpes-de-Haute-Provence, puis celui des Hautes-Alpes où elle fut aperçue pour la première fois en 1996. Pour se restaurer, elle chasse les ongulés, mou­flons et chamois principalement. Elle s'intéresse également au mouton, moins véloce et aussi appétissant. Ce penchant pour les troupeaux domestiques nourrit le courroux des bergers qui, jusqu'ici, ne redoutaient que les chiens errants et les mauvaises conditions météo.

En dépit des mesures de protection - chiens Patou et enclos de nuits - le nombre d'attaques n'a cessé d'augmenter alors que le territoire concerné s'étendait en parallèle. Canis lupus se trouve désormais au col de Vence, comme le montrent les derniers constats de dégâts.

Les éleveurs s'organisent. Sur le terrain, quelques-uns emploient la manière forte, quitte à transgresser la loi.

Selon l'association « France Nature Environnement », au moins quinze loups ont été tués ces six dernières années, victimes du poison ou du fusil. Deux bergers de la Roya comparaîtront bientôt devant le tribunal correctionnel de Nice pour « destruction d'espèce protégée ».

 Soutenue par la plupart des élus de l'arrière-pays, la profession se dit menacée. Elle demande aux pouvoirs publics de « choisir entre le loup et le pastoralisme ».

De 1998 à 2000, annonce l’APPAM (Association pour la promotion du pastoralisme dans les A.-M.), 54 % des exploitations ovines auraient disparu dans les A.-M.

Une commission d'enquête parlementaire a été mise en place. Ses travaux ont débuté en février 2003 elle devrait rendre ses conclusions six mois plus tard.

Inscrite dans la convention de Berne, la protection de l'animal est-elle compatible avec le maintien de l'élevage ovin ? La com­mission répondra sans doute par la négative. « France Nature Envi­ronnement " soutient le contrai­re. Favorable au renforcement des mesures de protection, elle affirme que « la prédation sur les troupeaux n'est pas une fatali­té « . Elle incite « certains élus locaux et syndicats agricoles à se pencher sur les causes profondes de la crise du pastoralisme : concurrence internationale, pro­blèmes sanitaires, mévente d'une production de qualité ».

Peut-on envisager, pour reprendre ses termes, une « cohabitation intelligente entre l'homme et la nature » ?

La grande majorité des bergers répond que c'est impossible et refuse de discuter sa principale revendication: le retrait (par quel moyen ?) des loups.

Dix ans après l'apparition de deux « pionniers » près de Mol­lières, le dialogue de sourds se poursuit. Et le contentieux demeure entier.

Décidément, nos rapports avec cet animal ne seront jamais simples.

De la mise à l’écart du loup est née l’idée d’un parc où seraient cantonnés quelques spécimens présentés au public, observés depuis des miradors. Un projet de cet ordre est aujourd’hui réalisé au Boréon sur la commune de Saint Martin Vésubie. L’attrait du mythique et ambivalent Canis Lupus devrait garantir le succès touristique de l’entreprise, d’autant qu’une « Maison du Loup » complète l’édifiante visite du site !

Décrit par Descartes comme « maître et possesseur de la nature », l’homme décidera encore une fois du destin tragique de ce fascinant animal.

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10/05/2006

HISTOIRE DU HAUT PAYS D'AZUR

                LE MULETIER

             DE LANTOSQUE

La route qui reliait la côte niçoise au Piémont avant le XVI ème siècle passait par la tortueuse vallée de la Vésubie, avant d'escalader les cols de Cerise ou de la Madone de Fenêtre à quelques 2500 mètres. Voie capitale puisqu'elle réunissait les terres alpines et maritimes de la maison de Savoie.

Le transport s 'y pratiquait à dos de mulets par des sentiers vertigineux, pendant les seuls mois de l'année où la neige n'obstruait pas les cols. Parmi les denrées acheminées, le sel, substance rare et contingentée, constituait une part essentielle du trafic, d'où le nom donné à cette route.

Un après midi de novembre, Félicien Borriglione, muletier de Lantosque, revenait d'Entracque par le vallon de Fenestre lorsqu'il fut pris par la tourmente.

Très vite, 1'homme et la bête, aveuglés, s'enfoncèrent dans la neige épaisse qui s'accumulait sous leurs pas. Bientôt le ciel d'un noir d'encre vira à la nuit. Dans l'obscurité, arc-bouté sous l'assaut des rafales chargées de neige, le muletier tirant son animal par la bride chercha refuge au pied d'un gros mélèze solitaire. Piètre abri, car l'arbre déjà privé de ses aiguilles n'offrait comme seule protection que ses branches dénudées qui ralentissaient tout de même la chute de la neige. Enroulé dans une toile de sac, fataliste, Félicien s'installa dans l'attente. Au milieu de la nuit une courte accalmie le décida à rassembler quelques brindilles sèches qu'il réussit à allumer. Revigoré par les flammes 1 'homme, après avoir dégagé son mulet, entreprit avec une torche de résineux de reprendre la descente vers St Martin. Alors qu'il se remettait à marcher s'enfonçant jusqu'à la taille, en poussant des «Hue! Dia!» rageurs, tous deux glissèrent soudain dans la pente en roulant sous l'avalanche provoquée par l'instabilité de la neige. Nageant, au bord de l'asphyxie, il réussit à émerger de la masse blanche cherchant aussitôt à dégager son compagnon à demi enfoui. Pour ce dernier il était malheureusement trop tard, renversé, pattes en l'air, l'animal était mort étouffé.

Maintenant il faisait jour, une clarté laiteuse descendait du gris du ciel. Décidé à sortir de ce naufrage, Borriglione, les jambes entourées dans des morceaux de toile fixés par des bouts de ficelle, progressait à nouveau à pas comptés. Après deux heures il repérait le toit de la cabane du Devensé qu'il rejoignait en jouant des bras et des jambes. De nouveau la neige s'était mise à tomber effaçant partiellement les traces du malheureux Félicien épuisé par l'effort. A l'abri, I 'homme s'écroula dans le foin et s'endormit. Lorsqu'il se réveilla tard dans le milieu de la journée, l'estomac tiraillé par la faim, une couche de deux pans de neige s'était accumulée devant la porte. Le silence blanc étouffait tout. Un calme étrange régnait, rompu parfois par la chute d'un paquet de neige tombant des branches d'un arbre.

Félicien fit le point. Il n'était pas question de repartir sans avoir mangé quelque chose, comme il n'avait plus rien, après avoir avalé la veille le morceau de pain et les deux tranches de tomme qu'il portait sur lui, il ne restait qu'une seule ressource: son mulet! C'est ainsi qu'il rebroussa chemin pour parvenir au pied de l'avalanche. Quelle ne fut pas alors sa surprise de constater qu'il avait été précédé sur les lieux par une meute de loups s'acharnant à dépecer la dépouille de la bête de somme.

Si, à son approche, certains s'enfuirent vers la forêt en traînant un quartier de viande, un seul resta sur place en grondant, décidé à ne pas lâcher sa proie, c'était une femelle. Il fallait partager avec elle !

Félicien sortant son couteau, le bâton dans l'autre main, s'avança vers l'animal en lui parlant :«Oh là ma toute belle! Tu ne vas pas me laisser à l'écart du festin, il est un peu à moi ce mulet ! ».

L'autre observait en retroussant ses babines sanglantes, s'efforçant d'interpréter les intentions de l 'homme. A demi rassurée elle poursuivit son repas en grognant, un oeil sur l'adversaire. «Ecoute on va s'arranger, si tu veux, un morceau chacun d'accord ?». La bête baissa les oreilles tout en mâchonnant dans la neige souillée de sang, puis recula permettant au muletier de découper une partie de la carcasse. Ensuite Félicien respecta le pacte tacite prenant une part et lançant l'autre au fauve: «Un morceau à toi, un morceau à moi».

La louve assise suivait les gestes du muletier attrapant chaque fois avec vivacité le morceau qui lui était destiné. La scène se poursuivit pendant un long moment. Lorsque l’homme se leva et rebroussa chemin, sa besace bien remplie, la bête fit quelques pas pour l'accompagner, avant de se résoudre à rejoindre les siens.

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