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29/11/2015

UTELLE HISTOIRE ET PATRIMOINE

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Ce village de montagne, de caractéristique méditerranéenne, constitue un bel ensemble médiéval Il se développe sur une butte et se poursuit sur deux arêtes latérales. Utelle est au XVe siècle une étape importante sur la «Route du sel» reliant Hyères via Nice au Piémont (Borgo San Dalmazzo).

 UN PEU D'HISTOIRE

Le site est déjà peuplé à l’âge de bronze, puis par les Ligures de la tribu des « Vésubiani », soumis par les Romains qui pacifient et colonisent les vallées alpines.

Le « castrum de Utelis » est cité en 1150. La communauté relève directement des comtes de Provence, puis des ducs de Savoie. Ces privilèges seront confirmés par la reine Jeanne en 1352. Plus tard, Utelle sera inféodé avec titre comtal aux Galléan en 1700, puis aux Bottero en 1757.

En 1793, eut lieu la bataille de Gilette. Le commandement français d'Utelle est confié à l'adjudant Despinoy. Mais les habitants d'Utelle ne sont pas tous pour la République. Ainsi Joseph Malausséna, dit "le bélier" du Cros, aidera le duc d'Aoste à fuir. Au Cros d'Utelle, plusieurs habitants sont connus comme Barbets. Masséna commencera sa réputation militaire en remportant la victoire sur les Piémontais au Brec d'Utelle.

En 1858, il y avait encore 2438 habitants à Utelle. Le tremblement de terre de 1887 fit de gros dégâts au Cros d'Utelle,

La jonction Plan du Var- Saint-Jean-la Rivière est achevée en 1893. La première automobile atteint Utelle en 1912. Concurrencé par la voiture le tramway (de Plan du Var à Saint Martin Vésubie) s’arrête en 1928.

Cette période est surtout marquée par l’exode rural : 2400 habitants en 1860, 500 en 1960, 743en 2011.

 

LES « RICHES HEURES » DU MOYEN-AGE

Le Cros d’Utelle

Dépendant du village d'Utelle situé plus au nord au-delà des gorges de la Vésubie, le Cros est placé à 400m d'altitude en sentinelle au bord de l'ancienne « Route du sel » reliant jadis Nice au Piémont.

Sa position stratégique le verra gratifié d'un castel qui fut placé sous la tutelle des Grimaldi de Beuil. Mais ce fief sera confisqué à Jean-Baptiste Grimaldi à la suite de la campagne qu'il conduisit au service de François 1er en 1542, contre son suzerain le Duc de Savoie.

Il ne subsiste que de rares traces de l'ouvrage fortifié dominant le hameau.

Utelle

Le village d'Utelle, surplombant sur une butte la vallée de la Vésubie, constitue encore aujourd'hui un bel ensemble médiéval propre à témoigner de son importance passée.

Initialement, son terroir comportait cinq villages : le Fraxinet au quartier des Manoinas, Villeplane au quartier de Pellais, Villelongue au quartier de la Peïre, Castel Gineste au quartier du Brec et Utelle.

Le premier emplacement d'Utelle ne se situait pas au Castel Gineste, mais sur la petite plaine visible entre le village actuel et le sanctuaire de Notre Dame des Miracles. Le « castrum de Utelis » apparut dès 1150, il figure en 1232 (Liste des Castra), en 1251-52 (Enquête de Charles d'Anjou) et en 1325 dans la Viguerie de Vintimille - Lantosque.

Les armoiries de la petite communauté représentent un ours sur la défensive significatif de son esprit d'indépendance qui se manifeste dès le XI ème siècle, lorsqu' affranchie elle constitue un municipe.

Fédérée à Peille et Lucéram, elle arrache aux souverains de Provence des privilèges exceptionnels. Utelle n'eut d'autre suzerain que le Comte de Provence. En 1352, la Reine Jeanne confirmera ses libertés fièrement acquises.

Opposé à l'annexion du comté de Nice par la Savoie en 1388, le municipe d'Utelle n'acceptera de prêter hommage à Amédée VII qu'en 1430 après avoir obtenu les garanties de ses franchises, l'exonération d'impôt et le sel à moitié prix !

Parmi les privilèges accordés aux gens libres d'Utelle, figurait le droit de porter un couteau à la ceinture, « d’une lame supérieure à un pan et demi », d'où leur surnom de "couteliers".

L'enceinte avec sa tour carrée du castrum primitif, abandonné au Moyen Âge, est encore visible sur un mamelon dominant le village actuel. Utelle possède encore des vestiges de fortifications du XVIème siècle avec une tour carrée. Dans le quartier de Manouinas, voisin du Figaret, il est possible de retrouver une plate forme sur à-pic supportant les restes d'un château qui dépendait au XII ème siècle du prieuré de Gordolon. Cette forteresse fut détruite vers 1235-39 par Romée de Villeneuve lors de la conquête du Val de Lantosque au profit du Comte de Provence.

Anecdote :

Vers 850 au temps des pirates sarrasins, des marins espagnols égarés dans la tempête firent le vœu d'élever un sanctuaire à la Vierge s'ils réchappaient du naufrage.

Une étoile s'immobilisa à l'horizon sur la colline dominant Utelle, elle indiquait la route vers la terre et le site choisi pour y bâtir l'oratoire.

Débarqués sur le rivage, les frères Olivarez édifièrent une modeste chapelle et s'établirent dans les parages d'Utelle. Après ce premier miracle, le sanctuaire de la Madone d'Utelle devint très vite un lieu de pèlerinage renommé pour ses guérisons miraculeuses.

 

LES TEMPLIERS, MYTHE OU REALITE ?

Le Cros d’Utelle

Au bas de la vallée, ce lieu aurait bénéficié « d’un Hospice créé par l’Ordre » (E. Pauty), sur le bord de ce qui était l’antique « Route du sel » reliant Nice au Piémont

Durante précise que le Temple obtint le droit de s’établir au Cros, sous condition expresse que la ville d’Utelle ne serait jamais soumise à la juridiction de l’Ordre.

Utelle

Plus haut dans la vallée, Utelle a été lui largement doté en vestiges templiers, en dépit des réserves exprimées par Durante. E. Pauty cite : « Des sculptures sur bois, attribuées aux Templiers, dans l’église Saint Véran, marquant les origines de l’édifice. Puis la maison Daiderie, rue Sotrana, possédant à hauteur d’une lucarne le témoignage d’un emblème connu : l’équerre et le compas avec un serpent enlacé et, en mi-partie, une croix ».

Durante supposait que ce linteau provenait de l’hospice du Cros…

Ces historiens négligent le magnifique soleil à 9 rayons, avec en son centre le monogramme du Christ dont la gravure précède les représentations du serpent, de l’équerre et du compas comme un énigmatique pictogramme, déchiffrable seulement par quelques initiés.

Un second linteau sculpté tout aussi étrange, présente un écusson portant la croix, encadré par un croissant et un rond, probablement la lune ou le soleil ?

Face à ces curieuses gravures, certains exégètes n’ont pas hésité à voir là les empreintes mystérieuses des chevaliers au blanc manteau à croix rouge, venus s’installer discrètement au XIII ème siècle dans cet actif carrefour de voies conduisant vers le Haut Pays.

Ici aucune possession hospitalière n’a été recensée, J.A. Durbec ne voit dans ces marques lapidaires que des symboles sculptés bien après l’abolition de l’Ordre, probablement au XVI ème siècle, par les membres de quelques corporations de constructeurs désireux de signer ainsi leurs logis ou leurs chefs d’œuvre.

La démystification est toute aussi impitoyable sous la plume de L. Dailliez qui écarte toute présence templière à Utelle. Selon cet auteur l’église Saint Véran, bien que du XI ème siècle appartint à l’évêché de Nice, tout comme le sanctuaire voisin de la Madone et aucune archive n’indique la présence de l’Ordre dans cette localité.

LES BARBETS D'UTELLE

Le plus célèbre Barbet du comté fut Charles Cristini, dit Lavoust, né au Figaret en 1769, qui épousa la sœur d'un autre Barbet de Roquebillière. Il était berger dans son hameau natal lorsque les soldats français de Barral à leur passage, lui enlevèrent une partie de son troupeau.

Furieux de se voir ruiné, il sollicita comme faveur la remise d'un mouton qu'il chérissait et qu'on lui refusa. Il rentra chez lui jurant de se venger et dès le lendemain, il assassina le chef du détachement et pris la fuite en Piémont où il s'enrôla dans un des régiments sardes.

Son signalement avait été donné et lorsque à quelque temps de là il voulut retourner pour voir sa mère, la gendarmerie informée se mit à sa poursuite.

Il put fuir et prit le maquis. On arrêta alors sa mère pour la conduire comme otage.

Mis au courant par ses amis, Cristini court pour la délivrer, mais qu'elle ne fut point sa douleur lorsque arrivé près de Lantosque, il la trouve en butte aux mauvais traitements des agents de la loi qui l'avaient faite rouler dans des broussailles parce que son âge avancé l'empêchait de marcher. Cristini jura de tirer vengeance et se mit à la tête d'un groupe de' mécontents, son titre d'ancien soldat joint à son audace l'ayant désigné pour chef.

A partir de ce moment, il commit tous les crimes les plus atroces, toutes les actions, tous les actes de sauvagerie possibles, tous les excès. Un jour, étant sur les arrières de l'armée française, au plan d'Utelle, on lui signala venant de Clans, un brigadier de gendarmerie escorté par deux gendarmes" accompagnant une dame, ayant un jeune enfant au sein. Il reconnut dans ce premier l'ancien gendarme qui avait battu sa mère. La soif de vengeance n'eut plus de limite: plaçant ses hommes des deux côtés du sentier, il leur ordonna de ne faire feu qu'au cas où la résistance fut opposée, mais avec soin d'évite! de tuer le chef du détachement.

L'ordre fut exécuté si bien que les gendarmes surpris durent déposer les armes. Cristini s'avançant alors rappela au brigadier son passé et sans égard pour la femme et son jeune enfant qui pleuraient, le tua raide de sa propre main, mais accordant vie sauve â l'escorte qui regagna Lantosque avec la pauvre veuve et son enfant désormais orphelin,

Dans ses vieux jours, Cristini racontait souvent cette histoire et ses yeux brillaient alors d'une lueur farouche qui jurait avec une tête que le temps avait complètement blanchie.

"J'ai tué plus de soldats français que je n'ai de cheveux sur ma tête" disait-il.

I! dut la vie sauve à une circonstance particulière:

En ronde au Raous, il y trouva un colonel autrichien arrêté par d'autres Barbets. Cristini le délivra et lui fit escorte jusqu'après Saorge. Pour remerciement, l'officier lui tendit un billet signé à utiliser en cas de danger. A la paix générale, Cristini fut arrêté et conduit à Tende. I! fit appel à son protecteur qui alors se rappelant du Barbet lui fit obtenir la grâce des autorités. Cristini Charles s'en vint à Roquebillière et y mourut le 2 juin 1844 à l'âge de 75 ans.

LE « SAUT DU CÉPOUN » UNE TRADITION VIRILE ORIGINALE

Depuis des générations, la mi-août à Utelle est le cadre de nombreuses festivités organisées par le comité des fêtes. Trois manifestations dominent. Tout d'abord, le 15 août le pèlerinage à la Madone d'Utelle. Les Utellois portent alors pieusement la statue de la Madone.

Le festin traditionnel a lieu le 16 août fête de la Saint Roch. La hiérarchie reprend ses droits. Après la grand-messe chantée par la chorale, se situe un moment très attendu l'apéritif avec les discours des élus et enfin, point d'orgue des festivités, le fameux « Saut du cepoun ».

Les hommes s'affrontent pacifiquement autour du "cépoun", sorte de billot au dessus duquel les hommes mariés sautent, empêchant les célibataires de les imiter.

C'est un jeu unique en forme de rite initiatique dont les Utellois sont très fiers. Le « cépoun » un billot de bois très lourd déposé au milieu de la place. Lorsque six heures sonnent, la farandole des hommes mariés commence au son des fifres et des tambours. Les jeunes n'ont pas le droit d'y participer ni de franchir le « cépoun ». Les célibataires vont tenter de passer outre et de s'en emparer. Les hommes mariés pour le défendre frappent de grandes claques sur le dos des sauteurs incorrigibles.

A certains moments les jeunes attaquent farouchement et c'est la mêlée, parfois violente, toujours virile. De nombreuses explications ont été avancées pour cette coutume. Aujourd'hui il reste la joie des spectateurs et une tradition dont s’honorent les Utellois.

LÉGENDE : LA GROTTE AUX FEES DE CASTEL GINESTE

Utelle possède une grotte aux fées à Castel Gineste. S'enfonçant profondément sous terre, on n'a pu aller au delà de 200 mètres environ. Là se situe une porte naturelle allant en se rétrécissant pour ne devenir qu'une grande fissure.

On ne peut la franchir ; seules les fées qui ont tout pouvoir peuvent aller au delà où se trouve - d'après les confidences d'une Fée bavarde et indiscrète- un lac sur lequel vogue une barque portant un veau d'or.

Bien des gens ont essayé, mais en vain, de passer pour s'emparer du veau d'or..!

Pas méchantes, elles s'amusaient cependant à jouer plus d'un tour aux Utellois.

C'est ainsi qu'elles remirent à un brave cultivateur un précieux paquet renfermant des pièces d'or, avec ordre de ne l'ouvrir que chez lui. Le paquet était lourd, mais que ne ferait-on pas pour posséder un trésor !

Notre homme exténué de fatigue arrive enfin à l'entrée du village. Il se repose et songeant qu'il pouvait se considérer comme chez lui, ouvre distraitement le paquet, rien que pour voir un peu. Oh! Malheur! Il n'aperçoit alors que des cailloux. Me voilà puni de ma désobéissance, dit-il, tout haut en guise de conclusion.

Au mois de Mai, les fées faisaient la ronde au dessus de la grotte, en chantant des couplets mystérieux, incompréhensibles du commun des mortels.

Elles tissaient de riches étoffes, étendaient leur linge d'un blanc éblouissant sur les rochers de Gineste, mais lorsqu'un profane s'approchait, tout disparaissait comme par enchantement.

Les fées seules possédaient la graine de l'espèce de chou se trouvant dans les environs, chou qui vit cent ans. On en voit encore dans les interstices des rochers de la grotte : leur pied long et noueux atteste de leur vieillesse ; leurs feuilles grosses et amères ne peuvent être consommées que par les fées qui ont, elles, le pouvoir de les rendre comestibles, car les animaux eux-mêmes ne les mangent point.

Tout ce qui arrivait d'extraordinaire était mis sur le compte des fées.

Une famille avait un enfant infirme et incapable de marcher. L'ayant laissé seul un matin en allant aux champs, les parents ne le retrouvèrent plus à sa place en rentrant, en cherchant bien, on le découvrit au second étage ; nul doute c'était une fée qui l'avait transporté d'un étage à l'autre.

Le même enfant fut trouvé le "calin" allumé (petite lampe) pendu à la bouche. Comme il n'avait pu grimper sur la chaise pour le prendre et l'allumer ensuite, c'était encore cette coquine de fée qui avait joué ce tour.

Dans une autre famille, on trouva, un jour, un livre sur la table. Le père de famille illettré le montra à un notable du pays qui déclara gravement que l'écriture n'était pas naturelle ; qu'il ne comprenait point en quelle langue il était écrit, que sûrement, c'était un mauvais livre apporté par une fée. On s'empressa de le jeter au feu. Ce fut alors un véritable feu d'artifice : des crépitements, des étincelles, des bruits sourds ; la tête grimaçante d'une fée apparut même au moment où le feu avait fait son œuvre. La société s'enfuit épouvantée.

Autres légendes sur les fées du lieu.

Il y a 107 ans environ, douze jeunes gens Utellois, voyant la lessive des fées en train de sécher, décidèrent de se rendre à Castel Gineste pour s'emparer du linge étendu.

Avec mille précautions, ils s'avancèrent pour ne point être aperçus.

Ils touchaient presque au but de leur course quand tout à coup retentit à leurs oreilles un coup de ciseau sec, et aussitôt tout le linge s'engouffra de lui-même en un clin d'œil dans la grotte.

A une époque rapprochée -60 ans environ- les voyageurs passant à midi devant la grotte entendaient le son du fifre et du tambour, mais ils ne pouvaient s'arrêter pour écouter s'ils ne voulaient recevoir une grêle de pierres.

Les fées avaient une prédilection pour Figaret ; elles y allaient souvent faire la veillée en hiver. On les recevait avec la plus franche cordialité. Elles apportaient souvent un fagot de bois, ce qui n'était pas à dédaigner. Les étrangers les reconnaissaient en ce qu'elles mettaient leurs pieds dans le feu sans se brûler. C'était pour mieux se chauffer et faire reconnaître leur puissance.

Quand les fées allaient à St Jean ou au Suquet (Figaret), pour laver leur linge dans la Vésubie, les Figaretannes se faisaient un devoir de le leur remonter à l'entrée de la grotte.

Quand les paysannes du Figaret faisaient une tourte (gâteau), elles en réservaient toujours une part pour les fées.

Souvent à la Noël, les fées allaient aider les femmes du Figaret à remplir les boudins ; mais si pendant l'année elles avaient eu à se plaindre d'elles, les fées emportaient à leur grotte les bons boudins tout faits.

Le sieur Olivari Joseph nous a laissé le récit suivant : « Mon grand-père alors âgé de 20 ans, en compagnie de Seren dit le Massacran, de Passeron Charles, de Malausséna J. et de cinq autres jeunes gens, résolurent il y a 140 ans, d'aller s'emparer du veau d'or. Conduits par Passeron dit le Corse - ainsi surnommé parce que c'était le premier Utellois qui fût aller en Corse -, ils se dirigèrent vers la grotte munis de cordes, de torches et d'une clochette que le dit Corse avait attachée au gros doigt de son pied droit.

Arrivé à l'endroit propice, le Corse enroula une corde autour de son corps et se fit descendre dans la grotte en recommandant bien à ses compagnons de le retirer s'ils entendaient le bruit de la clochette.

Au bout d'un instant, le son de la clochette parvint aux oreilles de nos conquérants attentifs, on se mit en devoir de remonter l'explorateur. Ce fut fait un peu trop brusquement, car le malheureux apparut bientôt couvert d'égratignures, les vêtements déchirés, à demi-mort.

Enfin reposé, il leur raconta les péripéties de son excursion.

Figurez-vous, dit-il, que les fées sont en nombre incalculable ; les unes cuisinaient, d'autres dansaient d'une manière échevelée, d'autres enfin étaient occupées à toutes sortes de travaux manuels. Une table richement dressée où la vaisselle d'or se mêlait aux fleurs les plus odoriférantes, au cristal le plus pur, attendait dans un salon somptueux, de nombreux convives. Comme j'allais me débarrasser de la corde, pour mieux voir, pour entendre, je fus sans doute aperçu par le fée gardienne, car en un instant, tout disparut et l'obscurité la plus complète succéda à la clarté la plus éblouissante. Un bruit de tonnerre se fit alors entendre suivi de lueurs étranges passant du rouge vif au rouge sang ; un sifflement aigu et saccadé sortait de toutes les fissures ; j'entendais un murmure confus tout autour de moi, qui ne m'annonçait rien de bon ; pris de peur, j'agitais fiévreusement la clochette, je remontais enfin, mais vous pouviez bien, il me semble, mettre un peu moins de brusquerie pour me tirer de là. L'essentiel est maintenant de filer au plus vite, si nous ne voulons pas ressentir bientôt les effets du courroux des fées.

Ainsi échoua cette nouvelle entreprise de la conquête du veau d'or... »

VISITE

Le village présente des maisons médiévales, des rues en escaliers, des arcs en ogive, des linteaux de pierre aux inscriptions et gravures énigmatiques, ainsi que de belles maisons du XVII ème siècle. On remarquera la maison Thaon avec sa jolie façade en trompe-l’œil.

Les fortifications (vestiges du XVI ème siècle), de l’ancien village sont encore visibles.

L'église Saint-Véran (classée M.H.) des XI ème et XVI ème siècles, s'ouvre par une belle porte en bois sculpté en 1542, précédée d'un porche gothique. A l'intérieur, on est surpris du contraste qui existe entre sa construction (voûtes d'arête ou en plein cintre reposant sur des colonnes et chapiteaux romans) et sa décoration, toute classique (XVIII ème siècle). Dans la sacristie noter les ornements en velours de Gênes du XVI ème siècle et fauteuils du XVIII ème siècle dans le chœur. On remarquera un beau retable peint vers 1540 (anonyme) représentant l'Annonciation. Les écussons armoriés montrent qu'il fut commandé par les Passeroni.

Voir également le Maître-autel et la chaire du XVII ème siècle, le «Christ au Tombeau", tronc de bois sculpté au XIII ème siècle, le retable de la "Passion" en bois, du XV ème siècle, les bas-reliefs ciselés avec goût, la statue colossale en bois de Saint-Véran, enluminée et mitrée d'un turban de fakir.

Remarquer les fonts baptismaux du XVI ème siècle.

La vie de Saint Véran est représentée en 12 panneaux sculptés sur la porte principale de l'église. On y voit les principaux épisodes de la vie du Saint. Promu exorciste en 530, il combat la "coulobre", monstrueux dragon-serpent du Vaucluse. Surpris par des Brigands, il dessèche le bras de celui qui veut le tuer, guérit l'homme et le convertit. Il maîtrise la coulobre, conjure la grêle, ressuscite un mort ; il est sacré évêque, guérit un aveugle et meurt au concile d'Arles en 577.

La chapelle des Pénitents Blancs (classée M.H.) date des XVII ème et XVIII ème siècles; elle abrite un retable en bois sculpté et doré du XVII ème siècle, (Descente de Croix), six grands tableaux du XVIII ème siècle; les fonts baptismaux, le bénitier et la chaire datent du XVI ème siècle.

La fontaine du XIX ème siècle : fronton de style Renaissance.

Les cadrans solaires : deux d'entre eux, à la mairie, datent du XVII ème siècle.

La chapelle des Pénitents Noirs, (grange) date des XVII ème et XVIII ème siècles . LES

PROMENADES

L'enceinte du vieux village abandonné au Moyen-âge.

Le Cros d'Utelle : ce hameau éloigné de son village est situé à 400 m d'altitude. Une jolie route d'accès à travers les oliviers, part des gorges de la Vésubie (2,500 km). Une centaine d'habitants vivent dans quelques maisons groupées près de la chapelle Ste-Trinité.

Le Cros avait jadis son castel, et était sous la tutelle des turbulents Grimaldi; en 1508, Honoré Grimaldi refusa de conspirer contre la maison de Savoie, mais son héritier Jean-Baptiste Grimaldi fut moins habile, vit ses biens confisqués, et mourut en exil.

La Vilette, à l'Ouest du Cros, est un habitat perché à 600 m d'altitude. On y trouve la chapelle Sainte-barbe. Un sentier rejoint au Nord la Madone d'Utelle.

Le GR.5 : ce sentier qui traverse le Cros, descend au Sud dans la Vésubie, pour remonter vers Levens, tandis qu'au Nord, il rejoint Utelle en passant par la chapelle Saint-Antoine et aux granges de Villars.

Les moulins à huile.

Saint-Jean-la-Rivière : c'est le hameau sur la Vésubie, d'où part la route pour Utelle. On y trouve la mairie et la poste. Dans les gorges, se trouvent les traces de l'ancienne fusillière, batterie souterraine avec pont-levis et grilles de fermeture ; Chapelle Saint-Pierre ; habitat troglodytique.

Le Suquet : église du XVIII ème siècle dans la vallée; sources et cascades de la Vésubie.

Le Figaret d'Utelle : on y accède à partir du Suquet. Figaret signifie lieu planté de figuiers"; la chapelle Sainte-Thérése porte un clocher à bulbe.

Le Blaquet (route à partir du Figaret) : petite chapelle Sainte-Anne isolée; un sentier permet de rejoindre le Brec d'Utelle (1606 m).

Le Chaudan: hameau dans la vallée du Var; il tire son nom d'une source d'eau tempérée, paraissant chaude en hiver. La petite église, à clocher carré date des XVIII ème et XIX ème siècles, dans le style italien.

Les granges de la Brasque.

Le Brec d'Utelle (1606 rn) : un sentier balisé (GR.5) permet d'y accéder en passant par Castel Ginestet (1454 m) le sentier qu'emprunta Masséna, poursuivant l'armée austro-sarde en déroute.

La cime du Diamant (1182 m) : cette jolie promenade permet surtout de chercher les

fameuses étoiles de pierre fossiles, que l'on trouve sur cette montagne en direction du plateau de la Madone.

LA MADONE D'UTELLE OU NOTRE-DAME-DES­MIRACLES

(Prendre la clé aux hôtels d'Utelle). Sur l'échine ronde d'une montagne pelée, à 1200 m d'altitude, le sanctuaire est une longue bâtisse surélevée d'un rectangle médian en retrait, avec un clocheton timide sur un angle; les murailles grises sont percées de rares et étroites ouvertures. Sous un ciel bleu et or, le panorama immense de monts et de vallées impressionne.

On est au centre du comté de Nice et l'on a vue sur la mer. Un cloître nu entoure la grande chapelle coquette, fière de ses autels en marbre, de ses boiseries, de sa tribune. Au-dessus du maître-autel, trône la statue Renaissance en bois polychrome de la Madone; les bras levés, les pieds sur un nuage peuplé d'anges, Notre-Dame-des-Miracles monte au ciel.

Légende

En 850, au temps des pirateries sarrasines, des marins espagnols, surpris en mer par une violente tempête, firent vœu de bâtir un oratoire à la Vierge, s'ils échappaient au naufrage. Une étoile extraordinaire piqua du ciel au-dessus du navire, indiqua la route et s'arrêta sur le mont qui domine Utelle.

Les marins débarquèrent sur le rivage, suivirent l'étoile qui descendit comme une lueur grandiose sur le sommet de la montagne. Ils édifièrent un oratoire à cet endroit. Trois d'entre eux, les frères Olivarez s'établirent dans les environs : l'aîné à Utelle, le deuxième au quartier Saint-Jean d'Alloche (près de La Tour sur Tinée), le troisième au Figaret. L'oratoire fut d'abord appelé Miracles à cause des guérisons miraculeuses qui s'y produisirent. La nuit qui précède les pèlerinages, la Madone déverse à proximité du sanctuaire sur un petit carré sablonneux une pluie de minuscules étoiles de pierre noire, aux branches finement striées. L'oratoire primitif fut agrandi en une chapelle.

UN PEU D'HISTOIRE

Fondé en 850, le sanctuaire a été reconstruit en 1806 et restauré dans les années 1970.

Au XVI ème siècle, le comte de Tende, Georges Lascaris, affligé d'une cruelle et longue maladie, se recommanda à la Madone des Miracles. Une fois guéri, il vint remercier la Vierge et laissa comme ex-voto douze tableaux dont un seul subsiste. Dévasté pendant les guerres de la Révolution, le sanctuaire est reconstruit en 1806 et entouré d'un cloître en 1830. On bâtit à proximité une maisonnette pour abriter les pèlerins et la citerne.

Le panorama, un des plus beaux des Alpes-Maritimes, est visualisé par une table d'orientation (1180 m). L'embouchure du Var permet une échappée sur la mer avec une vue sur le Cap d'Antibes. Le site est classé.

Les étoiles d'Utelle

Les minuscules étoiles de la Madone d'Utelle de quelques millimètres à peine de diamètre, sont des articles d'animaux marins les Crinoïdes, proches parents des oursins (échinodèrmes) mais alors que les oursins sont des animaux libres de leurs déplacements, les Crinoïdes sont fixés à demeure au substrat ou sur des troncs d'arbres flottés par un pédoncule plus ou moins long (on en connaît atteignant une quinzaine de mètres) à l'extrémité duquel se situe le calice, c'est-à-dire l'animal proprement dit. Ce calice est doté de bras au nombre de 10, qui entourent la bouche et: peuvent s'ouvrir comme les pétales d'une fleur, D'où le terme de "lys de mer" qui sert parfois à les désigner.

Après leur mort, la décomposition libère pour chaque animal, des centaines de pièces calcaires de formes parfois rondes, plus fréquemment étoilées, les articles quî composent la' tige. Ce sont précisément ces articles à cinq rayons qui se rencontrent sur les: pentes de la Madone d'Utelle. Leur présence, à plus de 1000 mètres d'altitude, peut paraître tout aussi miraculeuse que l'explication légendaire de la pluie d'étoiles.

Il y a environ 140 millions d'années, la mer recouvrait à peu près en totalité, à l'exception d'une partie de la haute chaîne de l'Argentera (Mercantour) qui elle existait déjà, l'emplacement futur de la région niçoise. Aux environs de ce qui, beaucoup plus tard. deviendrait Utelle, le fond marin était couvert d'une pelouse à Crinoïdes de l'espèce "Isocrinus Peyroulensis" dont les débris accumulés à profusion, se rencontrent dans les marno-calcaires de l'étage Hauterivien (crétacé inférieur).

Ensuite, beaucoup plus tard, le plissement. alpin amena la surrection des Alpes-Maritimes, L'érosion libéra périodiquement de la roche les minuscules articles de Crinoïdes, joints à d'autres fossiles que l'on peut récolter dans les environs d'Utelle.

Il convient de remarquer pour terminer que la forme même de ces pièces calcaires et le dessin étoilé qui les orne peut rendre compte de la superstition qu les entoure. Dans des conditions similaires aux environs de Digne, on les désigne sous le nom de « Pierres de Saint Vincent » du nom de la chapelle édifiée à l’emplacement de leur gisement principal.

Utelle riche de son Histoire millénaire et d’un patrimoine vivace et original constitue un fleuron exceptionnel du Comté de Nice.

EDMOND ROSSI

Écrivain, Historien

http://alpazur-edmondrossi.monsite-orange.fr/...

24/11/2015

UTELLE: LA GROTTE AUX FÉES

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Utelle possède une grotte aux fées à Castel Gineste. S'enfonçant profondément sous terre, on n'a pu aller au delà de 200 mètres environ. Là est une porte naturelle allant en se rétrécissant pour ne devenir qu'une grande fissure.

On ne peut la franchir ; seules les fées qui ont tout pouvoir peuvent aller au delà où se trouve - d'après les confidences d'une Fée bavarde et indiscrète- un lac sur lequel vogue une barque portant un veau d'or.

Bien des gens ont essayé, mais en vain, de passer pour s'emparer du veau d'or!...

Pas méchantes, elles s'amusaient cependant à jouer plus d'un tour aux utellois.

C'est ainsi qu'elles remirent à un brave cultivateur un précieux paquet renfermant des pièces d'or, avec ordre de ne l'ouvrir que chez lui. Le paquet était lourd, mais que ne ferait-on pas pour posséder un trésor!...

Notre homme exténué de fatigue arrive enfin à l'entrée du village. Il se repose et songeant qu'il pouvait se considérer comme chez lui, il ouvre distraitement le paquet, rien que pour voir un peu. Oh! Malheur! Il n'aperçoit que des cailloux. Me voilà puni de ma désobéissance, dit-il, tout haut en guise de conclusion.

Au mois de Mai, les fées faisaient la ronde au dessus de la grotte, en chantant des couplets mystérieux, incompréhensibles du commun des mortels.

Elles tissaient de riches étoffes, étendaient leur linge d'un blanc éblouissant sur les rochers de Gineste ; mais lorsqu'un profane s'approchait, tout disparaissait comme par enchantement.

Les fées seules possédaient la graine de l'espèce de chou se trouvant dans les environs, chou qui vit cent ans. On en voit encore dans les interstices des rochers de la grotte : leur pied long et noueux atteste leur vieillesse ; leurs feuilles grosses et amères ne peuvent être consommées que par les fées qui ont, elles, le pouvoir de les rendre comestibles, car les animaux eux-mêmes ne les mangent point.

Tout ce qui arrivait d'extraordinaire était mis sur le compte des fées.

Une famille avait un enfant infirme et incapable de marcher. L'ayant laissé seul un matin en allant aux champs, les parents ne le retrouvèrent plus à sa place en rentrant ; en cherchant bien, on le découvrit au second étage ; nul doute c'était une fée qui l'avait transporté d'un étage à l'autre.

Le même enfant fut trouvé le "calin" allumé (petite lampe) pendu à la bouche. Comme il n'avait pu grimper sur la chaise pour le prendre et l'allumer ensuite, c'était encore cette coquine de fée qui avait joué ce tour.

Dans une autre famille, on trouva, un jour, un livre sur la table. Le père de famille illettré le montra à un notable du pays qui déclara gravement que l'écriture n'était point naturelle ; qu'il ne comprenait point en quelle langue il était écrit, que sûrement, c'était un mauvais livre apporté par une fée. On s'empressa de le jeter au feu. Ce fut un vrai feu d'artifice : des crépitements, des étincelles, des bruits sourds ; la tête grimaçante d'une fée apparut même au moment où le feu avait fait son œuvre. La société s'enfuit épouvantée.

Autres légendes sur les fées

Il y a 107 ans environ, douze jeunes gens Utellois, voyant la lessive des fées en train de sécher, décidèrent de se rendre à Castel Gineste pour s'emparer du linge étendu.

Avec mille précautions, ils s'avancèrent pour ne point être aperçus.

Ils touchaient presque au but de leur course quand tout à coup retentit à leurs oreilles un coup de ciseau sec, et aussitôt tout le linge s'engouffra de lui-même en un clin d'œil dans la grotte.

A une époque rapprochée -60 ans environ- les voyageurs passant à midi devant la grotte entendaient le son du fifre et du tambour ; mais ils ne pouvaient s'arrêter pour écouter s'ils ne voulaient recevoir une grêle de pierres.

Les fées avaient une prédilection pour Figaret ; elles y allaient souvent faire la veillée en hiver. On les recevait avec la plus franche cordialité. Elles apportaient souvent un fagot de bois, ce qui n'était pas à dédaigner. Les étrangers les reconnaissaient en ce qu'elles mettaient leurs pieds dans le feu sans se brûler. C'était pour mieux se chauffer et faire reconnaître leur puissance.

Quand les fées allaient à St Jean ou au Suquet (Figaret), pour laver leur linge dans la Vésubie, les Figaretannes se faisaient un devoir de le leur remonter à l'entrée de la grotte.

Quand les paysannes de Figaret faisaient une tourte (gâteau), elles en réservaient toujours une part pour les fées.

Souvent à la Noël, les fées allaient aider les femmes de Figaret à remplir les boudins ; mais si pendant l'année elles avaient eu à se plaindre d'elles, les fées emportaient à leur grotte les bons boudins tout faits.[12]

Le sieur Olivari Joseph nous a fait le récit suivant : Mon grand-père alors âgé de 20 ans, en compagnie de Seren dit le Massacran, de Passeron Charles, de Malausséna J. et de cinq autres jeunes gens, résolurent il y a 140 ans, d'aller s'emparer du veau d'or. Conduits par Passeron dit le Corse - ainsi surnommé parce que c'était le premier Utellois qui fût aller en Corse -, ils se dirigèrent vers la grotte munis de cordes, de torches et d'une clochette que le dit Corse avait attachée au gros doigt de son pied droit.

Arrivé à l'endroit propice, le Corse enroula une corde autour de son corps et se fit descendre dans la grotte en recommandant bien à ses compagnons de le retirer s'ils entendaient le bruit de la clochette.

Au bout d'instant, le son de la clochette arrivait aux oreilles de nos conquérants attentifs, on se mit en devoir de remonter l'explorateur. Ce fut fait un peu trop brusquement, car le malheureux apparut bientôt couvert d'égratignures, les vêtements déchirés, à demi-mort.

Enfin reposé, il leur raconta les péripéties de son excursion.

Figurez-vous, dit-il, que les fées sont en nombre incalculable ; les unes cuisinaient, d'autres dansaient d'une manière échevelée, d'autres enfin étaient occupées à toutes sortes de travaux manuels. Une table richement dressée où la vaisselle d'or se mêlait aux fleurs les plus odoriférantes, au cristal le plus pur, attendait dans un salon somptueux, de nombreux convives. Comme j'allais me débarrasser de la corde, pour mieux voir, pour entendre, je fus sans doute aperçu par le fée gardienne, car en un instant, tout disparut et l'obscurité la plus complète succéda à la clarté la plus éblouissante. Un bruit de tonnerre se fit alors entendre suivi de lueurs étranges passant du rouge vif au rouge sang ; un sifflement aigu et saccadé sortait de toutes les fissures ; j'entendais un murmure confus tout autour de moi, qui ne m'annonçait rien de bon ; pris de peur, j'agitais fiévreusement la clochette, je remontais enfin, mais vous pouviez bien, il me semble, mettre un peu moins de brusquerie pour me tirer de là. L'essentiel est maintenant de filer au plus vite, si nous ne voulons pas ressentir bientôt les effets du courroux des fées.

Ainsi échoua cette nouvelle entreprise de la conquête du veau d'or...

« SORCELLERIE ET SORTILÈGES DANS LES ALPES MARITIMES »

Où mieux rencontrer les Sorcières que dans les Alpes Maritimes, sur ces terres chargées de contrastes où s’opposent mer et montagne, au carrefour de la Provence et de l’Italie ?

Ici, les Sorcières ou «Mascas» sont aussi à l’aise sur la Côte d’Azur où s’étalent d’outrageantes richesses que vers l’intérieur où se cache une humilité austère.

Leurs vallées, les « Valmasques » de Mougins et de Tende, les « Balaours » ces plateaux désolés des hautes vallées propices aux sabbats, longue est la liste des sites marqués par la forte empreinte de celles qui hantent toujours la mémoire, qualifiées par Jules Michelet « d’auxiliaires précieuses du paganisme ».

De Nice, à la Vallée des Merveilles, devenue leur « domaine réservé », les Sorcières hantent les villages et persistent à enflammer l’imaginaire de leurs habitants.

Il fallait raconter l’extraordinaire aventure de la Sorcellerie dans les Alpes Maritimes.

Grâce à Edmond Rossi, auteur niçois de plusieurs ouvrages sur l’Histoire et la mémoire de son pays, cette lacune est aujourd’hui comblée.

L’écrivain ethnologue a parcouru le département à la rencontre des dépositaires de témoignages en voie de disparition, réalisant une collecte de ce fond culturel, complétée par une enquête minutieuse des annales et archives historiques. L’ensemble révélé les pouvoirs et les secrets des recettes des sorcières, héritières d’un lointain paganisme.

Laissons-nous entraîner, à travers des siècles de pratiques et de traditions, sur la piste attrayante et mouvementée, de ces éternelles et fascinantes femmes aux pouvoirs magiques, propres à soulager le corps et l’âme.

L’ouvrage numérisé en CD est disponible sur simple demande au prix de 15€ en cotactant :

edmondrossi@orange.fr

16/11/2015

1915 DANS LES ALPES MARITIMES

FRANÇOIS ROSSI 1915.jpg

Cent ans déjà ! Presqu’une éternité ! En 1915, au cœur de la guerre et loin du front la population des Alpes Maritimes vit à l’écart, tout en percevant les échos de la tragique tourmente. Voici ce que révèle presse de l’époque.

La prise de conscience d’une guerre longue s’impose dans les esprits.

Les annonces régulières et impitoyables de décès de militaires morts au combat s’ajoutent à la cruelle exposition des nombreux blessés, séjournant dans les hôtels et palaces de la Côte, réquisitionnés pour leur convalescence. Le climat doux et ensoleillé doit favoriser leur rétablissement, le fort potentiel hôtelier fait le reste.

L’usage des gaz de combat au début de 1915, va entrainer l’afflux des blessés.

L’accueil massif de réfugiés venus du Nord de la France, après avoir été chassés de chez eux par l’invasion allemande, pose le délicat problème de leur installation dans le département.

En mai, c’est avec soulagement que l’on apprend l’engagement de l’Italie voisine aux côtés de la France et de ses alliés. Neutre jusque là, ce pays lié par la « Triplice alleanza » à l’Allemagne et l’Autriche laissait peser la possible menace de l’ouverture d’un second front.

Hélas, l’Italie va alors fermer ses frontières pour réserver ses matières premières à son effort de guerre, aggravant ainsi les pénuries existantes dans le département. Les émigrés italiens fortement présents dans la région vont la quitter pour être mobilisés dans leur pays, au total.275000 hommes sont appelés sous les drapeaux

Nourriture, charbon font défaut dans ce secteur éloigné des zones de productions agricoles et industrielles, de plus les réfugiés, soldats et convalescents ont sérieusement augmenté la population.

Une inflation galopante entraine la hausse des prix, au point que le gouvernement lance une souscription nationale en direction de l’épargne populaire.

Sur le front les soldats ne sont pas seulement harcelés par l’ennemi, la boue, le froid, les rats ou la discipline militaire. Un autre problème vient entamer le moral des troupes la cherté de tous les produits qui sont à leur disposition à l’arrière du front.

Soucieux d'améliorer « l'ordinaire » de la roulante, les mobilisés sont attirés par tout ce qu'on peut trouver à l'arrière: les œufs, le « pinard », le fromage, la charcuterie ou le chocolat. La demande provoque naturellement l'augmentation des prix, des abus dont sont coupables les « mercantis », appellation consacrée pour les petits commerçants ou fermiers de l'arrière.

Pour deux députés de l'époque, auteurs d'un rapport sur la question, le « mercanti» est « un champignon qui pousse sur le fumier de la guerre ... le profiteur de toute misère humaine »,

« L'Humanité », journal socialiste, fondé par Jean Jaurès, consacre un article à ce sujet dans son édition du 21 novembre 1915:

« La vie chère est un phénomène naturellement consécutif à la guerre. Les bras qui travaillent la terre sont occupés à se battre. La. Production des denrées agricoles est réduite. La demande en vue de la consommation augmente, au contraire, de par l'existence même des armées. Les moyens de transport à l'intérieur du pays sont restreints; les nécessités de la guerre en réclament la plus grande partie. Le marché extérieur est, pour toutes les nations, fermé ou resserré. Les importations ne disposent que d'une flotte fort diminuée. La circulation sur les mers n'est d'ailleurs assurée que partiellement. Le fret est cher. L'argent est rare. Toutes ces causes, qui entravent les transactions en même temps qu'elles diminuent la production, amènent le renchérissement...» Aujourd'hui on parle « d'inflation».

L’absence des hommes engagés sur le front augmente par nécessité l’emploi des femmes dans des activités qui ne leur étaient pas dévolues jusque là.

Ainsi des femmes apparaissent d’abord comme receveurs puis conductrices de tramway.

On signale le terrible suicide de deux jeunes filles désespérées d’apprendre la mort au combat de leurs fiancés.

L’inquiétude et le doute s’installent expliquant la fréquentation assidue des cabinets de voyantes, là encore avec une clientèle essentiellement féminine, avide de promesses et de réconfort.

Mais la fin de la guerre est encore lointaine, nous savons depuis que trois ans de douloureuses épreuves faites de larmes et de sang seront nécessaires pour connaître la fin du cauchemar.

La guerre s’achèvera avec l’armistice du 11 novembre 1918. Pour honorer la mémoire des disparus, des monuments aux morts seront édifiés dans chaque commune avec la liste gravée de leurs noms.

Les places et les rues seront baptisées pour perpétuer le souvenir de cette tragédie humaine : à Nice « l’avenue de la Victoire » (rebaptisée par la suite Jean Médecin !), la « place du XVème corps », la rue du « 11 novembre », l’avenue de « Verdun », le square « Alsace Loraine » (provinces recouvrées), du nom des généraux avenues Foch, Joffre, Pétain (rebaptisée avenue de la Liberté en 1945).

Reste dans chaque famille le souvenir des obscurs et des sans grade souvent étayé par des photos jaunies de militaires en tenue et de lettres enrubannées pieusement conservées lesquelles restituent une part de témoignages au quotidien lourds de sacrifices.

 Edmond ROSSI,

Ancien combattant de la « troisième génération du feu, 1956-1962 »

Site :

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