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15/04/2006

SORCELLERIE

           SORTILEGES ET

 

 SORCELLERIES (3 ème partie)

 

Plus grave sera l'affaire Maïssa évoquée quelques années plus tard, après celle de Trastor. Jean Maïssa, âgé de 28 ans, prieur à la Roquette, se voit accusé de lourdes fautes par divers témoignages, avoir mangé des vers et un potage aux oeufs au milieu du Carême (!), encouragé des hommes violents à la querelle, dit la messe sans dévotion, blasphémé, porté des armes, conseillé d'aller chez les femmes de mauvaise vie, promis d'absoudre ceux qui suivraient ce conseil, oublié le pater noster lors d'une messe, bas tonné ses paroissiens, eu des attitudes indignes de sa charge, circulant sans habit clérical, ivre un poignard à la main, etc... Traduit devant l'évêque Martinengo, une visite de son presbytère permit de découvrir des figures étranges tracées sur des feuillets: dessins, cercles, inscriptions cabalis­tiques. Masino, le dénonciateur, avouera avoir demandé au prêtre un secret pour charmer une femme qu'il désirait. Il sera aussi question d'un livre d'amour capable d'envoûter et de faire céder les femmes. Interrogé au château de la Roquette, puis au château épiscopal en présence de l'évêque et de ses conseils, Maïssa ne risquait au départ qu'une amende et l'excommuni­cation.

Tout va plonger dans le drame lorsque le tribunal décide de le soumettre à la torture, «pour arracher la vérité, tant à l'inculpé qu'à ses complices». L'évêque ordonne la torture pour Maïssa, le 26 janvier 1612, en précisant que le sang ne soit pas versé. Le 28, à la prison en présence du procureur fiscal, l'évêque s'étant fait excuser pour raison de santé, l'accusé est examiné par le chirurgien Risso avant de subir le supplice de l'estrapade. Dévêtu, mains liées derrière le dos, pieds attachés aux cuisses, hissé au sommet de la potence par une corde entourant ses poignets, le pauvre homme sera précipité à plusieurs reprises d'une hauteur de trois mètres, risquant chaque fois dans d'atroces souffrances de voir ses membres se disloquer. Les papiers suspects vont lui être présentés durant cette séance pour qu'il en avoue la provenance. Maïssa subira l'épreuve avec courage, criant «Madona santissima», ouvrant les yeux et regardant les documents sans rien révéler. Trois quarts d'heure de supplice du malheureux prieur n'aboutiront à aucun aveu. «Un peu malade», il devra être visité dans les jours qui suivirent par le médecin Gapéani. Son état inquiétant entraînera même le chanoine Giaucelletti à l'entendre en confession.

Les dépositions de nombreux témoins à décharge viendront contredire les accusa­teurs, faisant balancer la justice dans le sens de la clémence. Bien que formellement accusé de sorcellerie, l'inculpé sera seulement condamné à être privé de ses «biens et bénéfices». L'analyse des témoignages laisse supposer une lutte d'influence entre Maïssa et les seigneurs de la Roquette agacés par le comportement désinvolte de leur prieur.

Oublié de ses persécuteurs, Maïssa disparaîtra lui aussi des chroniques d'un temps où la cruelle crainte des forces obscures se mêlait à celle des serviteurs du Diable.

                       VOIR http://saintlaurentduvarhistoire.hautetfort.com...

       

12/04/2006

SORCELLERIE

          SORTILEGES ET

 

 SORCELLERIES (2 ème partie)

 

Mais à côté de ces innocentes croyances populaires, confirmant un terrain propice à l' accueil de pratiques plus audacieuses, les chroniques du passé nous restituent les tragiques épisodes d'une impitoyable chasse aux sorcières. Les potences et les bûchers vont se dresser aux quatre coins du pays pour punir les malheureuses «mascas» accusées de pactiser avec Diable. En 1428: plusieurs femmes pendues devant la population rassemblée à Sospel. Dans la même capitale de diocèse en 1446, une femme sera brûlée vive à cause de ses maléfices. Plus haut, à Saint Etienne de Tinée, une femme et ses deux filles monteront sur le bûcher I 1437 pour crime de sorcellerie. Une autre sera pendue en 1451 à Nice. A cette époque l'Eglise pouvait rendre justice, ce privilège ne sera aboli en France qu'en 1790. Jusque là, particulièrement au XVème siècle, les autorités ecclésiastiques persécutèrent sans relâche tous ceux qui s'écartaient des préceptes par leur conduite, s'exposant par leurs égarements 1 'hérésie ou à la sorcellerie. S'il est admis «qu'il n 'y a qu'un sorcier pour dix mille sorcières et que la «masca» est du féminin, nombreux furent les hommes poursuivis devant ! tribunaux de l'époque pour les mêmes délits.

Les archives municipales de Nice rapportent le procès intenté à un Niçois accusé de sorcellerie au XVIème siècle. Le prévenu, Claude Trastor, âgé de 45 ans, apparaît à travers les témoignages comme un brave homme, toujours empressé à rendre service et à faire le bien. Couturier de son état, sachant lire et écrire, il avait été commis à la garde d'une des portes la ville du côté du Paillon. A la faveur des nuits de ronde il exhibait devant ses collègues des manuscrits couverts de signes mystérieux, de caractères tracés avec plusieurs encres couleur, ainsi que des triangles de bois aux vertus occultes. Ses vantardises vont l'entraîner à comparaître le 7 avri11598, devant le tribu ecclésiastique. «Une partie de ces objets, déclara-t-il, m'a été confiée par un ami spirite I fait venir les esprits dans un miroir, dans une cruche ou sur une poêle à frire, et qui corn des secrets contre les arquebusades». Il avouera aussi avoir reçu du père Jean de Gattières, ouvrage des plus suspects: «La Scienza di Normandia». Une perquisition des gardes domicile de Trastor entraîne la découverte d'une bibliothèque des plus sulfureuses: ouvrage de Corneille Agrippa, célèbre sorcier de la Renaissance, médecin de François «De occulta philosophia», d'un livre de divination, version latine de la «Clavicule Salomon», véritable bible de la sorcellerie de l'époque, ainsi qu'une collection de corde~ pendus destinées à «nouer l'aiguillette» et d'autres feuillets couverts de signes ésotériques (pentacles, cercles). La possession d'ouvrages interdits, de manuscrits proscrits et d'instruments destinés à la magie, allait causer le plus grand tort au malheureux Trastor. Président du tribunal, l'évêque Pallavicino de Ceva, siégeant au palais épiscopal s'inquiéta de savoir s'il connaissait des paroles capables de détourner les femmes de la vertu ou d'enchanter les armes, ou s'il possédait un remède pouvant faire boiter les chevaux ou les empêcher de marcher. «J’ai communiqué, répondit le prévenu, des recettes contre la torture, la fièvre quarte, les saignements de nez et pour enchanter l'épée d'un ennemi. Mais je n'en ai jamais fait moi-même l'expérience». «A quel usage servent vos triangles de bois ?», demanda le Président. Trastor expliqua que ces baguettes remises par une relation, devaient être plantées à l'endroit où un homme avait uriné pour lui interdire ensuite d'avoir des relations avec les femmes! Et les cordes des pendus ? Celui qui faisait dire trois messes du Saint Esprit sur elles, ou qui en tenait une à la main en jouant à la balle s'assurait la chance de gagner. De plus «quand je donnais des secrets, je disais aux personnes qu'elles avaient besoin d'y croire, que, autrement il n'y aurait pas d'effet». Certains tours lui avaient été communiqués par un nommé Gallo, notamment pour détourner les arquebusades. Cette dernière recette s'avéra inopérante puisque Gallo mourut précisément victime d'un coup d'arquebuse. Selon ce même Gallo, les formules magiques pour être efficaces devaient être tracées sur la peau tannée d'un fœtus de chevreau. Toute la durée du procès, Trastor craignit d'être expédié par l'évêque dans les flammes de l'Enfer via celles du bûcher. Aussi répétait-il à ses juges: <="" de="" repens="" me="" je="" et="" catholique="" suis="" mais="" mille.="" mais="" fois="" une="" non="" mourir="" mérité="" />  Bien que convaincu de crimes, de sacrilèges, divinations, on ne le condamna qu'à les détester et à y renoncer pour l'avenir. Le tribunal ecclésiastique fit preuve de clémence, fait rare pour un procès de sorcellerie à cette époque. Tout son arsenal de sorcier fut brûlé et on imposa au condamné confession et communion chaque mois trois années durant, de jeûner chaque samedi et de réciter ce même jour à genoux les sept psaumes de la Pénitence et les litanies. Banni du diocèse pour trois années avec menace de galères à vie s'il y revenait, le couturier niçois épris de sorcellerie, poursuivit un destin sans histoire à l'écart de la chronique judiciaire de son temps.  

09/04/2006

SORCELLERIE

SORTILEGES ET SORCELLERIES (1ère partie)

           


 Le soleil écarte les fantômes alors que le brouillard les fait naître, ce qui explique peut-être la rareté de leurs apparitions dans le Pays de Nice.
Les arènes de Cimiez furent pourtant pendant longtemps un lieu privilégié de rencontre de spectres noctambules. Leurs réunions bruyantes dérangèrent des siècles durant le sommeil des Niçois occupant les maisons d'alentour. Esprits des anciens martyrs sacrifiés là par les Romains ? Nul ne le sait car il aurait fallu avoir l'audace d'aller y voir de plus près. La «tira deï fada» (la cuve aux fées) tel fut le surnom donné aux arènes par ceux qui redoutaient leurs apparitions et leurs sortilèges.
Quelques villages possèdent encore des maisons hantées, semblables à celle de la fiancée du Diable à Eze, bâtie sur la route reliant le village au col, rendue célèbre par une nouvelle de Pierre Isnart. A Entrevaux, quartier Saint Jean, une étrange gentilhommière baroque au pied d'une falaise où s'accroche l'ancien Glandèves, n'a jamais pu être occupée par ses propriétaires. Ferme au pendu de l'Estéron, vieilles bâtisses de la vallée du Paillon et de la Vésubie, théâtres de destins tragiques ou voisines d'anciens cimetières oubliés sont autant de maisons à éviter. Seuls quelques anciens conservent les chroniques des déboires successifs des malheureux occupants de ces lieux maudits. Sur la côte, du Cap Ferrat à Menton, de Nice à la Napoule, de richissimes étrangers anglais, russes ou allemands édifièrent au début du siècle de luxueuses villas où se promènent leurs souvenirs mêlés aux fantômes qu'ils apportèrent. A Duranus, dans le tunnel qui suit le sinistre «Saut des Français» erre encore, la nuit venue, un cheval blanc monté par un inquiétant cavalier.
Dans le passé, le retour sur terre de l'esprit d'un défunt n'avait rien de diabolique. La religion expliquait le phénomène avec une rassurante simplicité. Les âmes des gens morts brutalement en état de péché, après un séjour au Purgatoire, revenaient fréquenter les lieux familiers où le corps avait vécu. Cette croyance explique le nombre impressionnant de messes pour les défunts, inscrites dans les registres paroissiaux et les clauses testamentaires qui les réclament. Aussi les anciens ne s'étonnaient pas de voir revenir de l’au-delà de vaillants ouvriers désireux de reprendre pour un soir leurs instruments et leurs outils. Les Niçois acceptaient ainsi les cordonniers défunts, occupés la nuit à frapper ou coudre les semelles, dans les grottes creusées au pied du Mont Boron. De même, de consciencieuses lavandières venaient battre et rincer leur irréelle lessive au quartier du Fossan à Menton. Plus haut sur le pont de la Bévéra à Sospel, d'infatigables fileuses dévidaient paisiblement leurs fuseaux, filant la quenouille de leurs doigts diaphanes.
 
 Lorsqu'on aborde les manifestations du surnaturel, les chroniques se peuplent d'esprits malicieux se livrant à mille facéties pour rendre plus pénible encore la vie des pauvres paysans du Pays de Nice. Grapillant les cerises, jouant d'étranges musiques dans les arbres, brisant meubles et vaisselle, coinçant les roues des moulins, rompant les meilleurs outils, ces espiègles génies malfaisants hantent alors toutes les campagnes. Pour protéger leurs paroissiens, les curés manient alors le goupillon à tour de bras, aspergeant d'eau bénite maisons et étables. Dans les cas extrêmes, on recourait à l'exorcisme ou à la construction d'oratoires, barrages pieux contre les forces du Malin. Sorciers et sorcières, alliés du diable, sont évidemment accusés d'être à l'origine de nombreux maléfices. Aussi la sévérité à leur encontre est -elle impitoyable. Caïs de Pierlas rapporte en 1898 que l'autorité civile marchait i de pair avec celle du clergé pour extirper l 'hérésie et la sorcellerie implantées dans nos I montagnes. La justice de l'époque était terrible pour ces déviations. Un simple soupçon justifiait la torture, et les aveux obtenus conduisaient le plus souvent au bûcher. Dans la vie quotidienne, pour lutter contre les jeteurs de sort, les paysans depuis le Moyen Age avaient recours à des moyens inédits: dresser un balai renversé derrière la porte, enfiler un cheveu de la personne suspecte dans un oeuf et attendre qu'il se gâte pour la voir dépérir, jeter du se devant la porte ou y installer des lames en croix, boucher le trou de la serrure à la cire fondue A cet arsenal dissuasif s'ajoutaient les orthodoxes cierges pascals ou les rameaux béni accrochés au mur. Avec les sorciers ou sorcières, les «mascas», même précautions: gousse d'ail en poche, un vêtement porté à l'envers ou un sachet de sel mêlé de poivre ou de sable fin, accroché autour du cou, assuraient la parade. Lorsque la masca était repérée les chose devenaient plus simples. Si vous la croisiez en chemin il fallait croiser les doigts (pouce ( auriculaire de la main gauche) en prononçant la formule :
«Sorcière, grosse sorcière, que la main de Dieu intervienne avant la tienne».
Si elle s'avisait de vous placer familièrement la main sur le bras, il fallait réagir e plaçant la vôtre plus haut sur son bras en murmurant :
«Plus fort que toi !».
Aujourd'hui encore les rameaux bénis font toujours recette, s'y ajoute parfois encore, comme à Coaraze un morceau de charbon de bois recueilli au feu de la Saint Jean. Cc moyens de prévention hérités du paganisme ont défié le temps, écartant toujours la crainte du malheur .