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09/04/2006

SORCELLERIE

SORTILEGES ET SORCELLERIES (1ère partie)

           


 Le soleil écarte les fantômes alors que le brouillard les fait naître, ce qui explique peut-être la rareté de leurs apparitions dans le Pays de Nice.
Les arènes de Cimiez furent pourtant pendant longtemps un lieu privilégié de rencontre de spectres noctambules. Leurs réunions bruyantes dérangèrent des siècles durant le sommeil des Niçois occupant les maisons d'alentour. Esprits des anciens martyrs sacrifiés là par les Romains ? Nul ne le sait car il aurait fallu avoir l'audace d'aller y voir de plus près. La «tira deï fada» (la cuve aux fées) tel fut le surnom donné aux arènes par ceux qui redoutaient leurs apparitions et leurs sortilèges.
Quelques villages possèdent encore des maisons hantées, semblables à celle de la fiancée du Diable à Eze, bâtie sur la route reliant le village au col, rendue célèbre par une nouvelle de Pierre Isnart. A Entrevaux, quartier Saint Jean, une étrange gentilhommière baroque au pied d'une falaise où s'accroche l'ancien Glandèves, n'a jamais pu être occupée par ses propriétaires. Ferme au pendu de l'Estéron, vieilles bâtisses de la vallée du Paillon et de la Vésubie, théâtres de destins tragiques ou voisines d'anciens cimetières oubliés sont autant de maisons à éviter. Seuls quelques anciens conservent les chroniques des déboires successifs des malheureux occupants de ces lieux maudits. Sur la côte, du Cap Ferrat à Menton, de Nice à la Napoule, de richissimes étrangers anglais, russes ou allemands édifièrent au début du siècle de luxueuses villas où se promènent leurs souvenirs mêlés aux fantômes qu'ils apportèrent. A Duranus, dans le tunnel qui suit le sinistre «Saut des Français» erre encore, la nuit venue, un cheval blanc monté par un inquiétant cavalier.
Dans le passé, le retour sur terre de l'esprit d'un défunt n'avait rien de diabolique. La religion expliquait le phénomène avec une rassurante simplicité. Les âmes des gens morts brutalement en état de péché, après un séjour au Purgatoire, revenaient fréquenter les lieux familiers où le corps avait vécu. Cette croyance explique le nombre impressionnant de messes pour les défunts, inscrites dans les registres paroissiaux et les clauses testamentaires qui les réclament. Aussi les anciens ne s'étonnaient pas de voir revenir de l’au-delà de vaillants ouvriers désireux de reprendre pour un soir leurs instruments et leurs outils. Les Niçois acceptaient ainsi les cordonniers défunts, occupés la nuit à frapper ou coudre les semelles, dans les grottes creusées au pied du Mont Boron. De même, de consciencieuses lavandières venaient battre et rincer leur irréelle lessive au quartier du Fossan à Menton. Plus haut sur le pont de la Bévéra à Sospel, d'infatigables fileuses dévidaient paisiblement leurs fuseaux, filant la quenouille de leurs doigts diaphanes.
 
 Lorsqu'on aborde les manifestations du surnaturel, les chroniques se peuplent d'esprits malicieux se livrant à mille facéties pour rendre plus pénible encore la vie des pauvres paysans du Pays de Nice. Grapillant les cerises, jouant d'étranges musiques dans les arbres, brisant meubles et vaisselle, coinçant les roues des moulins, rompant les meilleurs outils, ces espiègles génies malfaisants hantent alors toutes les campagnes. Pour protéger leurs paroissiens, les curés manient alors le goupillon à tour de bras, aspergeant d'eau bénite maisons et étables. Dans les cas extrêmes, on recourait à l'exorcisme ou à la construction d'oratoires, barrages pieux contre les forces du Malin. Sorciers et sorcières, alliés du diable, sont évidemment accusés d'être à l'origine de nombreux maléfices. Aussi la sévérité à leur encontre est -elle impitoyable. Caïs de Pierlas rapporte en 1898 que l'autorité civile marchait i de pair avec celle du clergé pour extirper l 'hérésie et la sorcellerie implantées dans nos I montagnes. La justice de l'époque était terrible pour ces déviations. Un simple soupçon justifiait la torture, et les aveux obtenus conduisaient le plus souvent au bûcher. Dans la vie quotidienne, pour lutter contre les jeteurs de sort, les paysans depuis le Moyen Age avaient recours à des moyens inédits: dresser un balai renversé derrière la porte, enfiler un cheveu de la personne suspecte dans un oeuf et attendre qu'il se gâte pour la voir dépérir, jeter du se devant la porte ou y installer des lames en croix, boucher le trou de la serrure à la cire fondue A cet arsenal dissuasif s'ajoutaient les orthodoxes cierges pascals ou les rameaux béni accrochés au mur. Avec les sorciers ou sorcières, les «mascas», même précautions: gousse d'ail en poche, un vêtement porté à l'envers ou un sachet de sel mêlé de poivre ou de sable fin, accroché autour du cou, assuraient la parade. Lorsque la masca était repérée les chose devenaient plus simples. Si vous la croisiez en chemin il fallait croiser les doigts (pouce ( auriculaire de la main gauche) en prononçant la formule :
«Sorcière, grosse sorcière, que la main de Dieu intervienne avant la tienne».
Si elle s'avisait de vous placer familièrement la main sur le bras, il fallait réagir e plaçant la vôtre plus haut sur son bras en murmurant :
«Plus fort que toi !».
Aujourd'hui encore les rameaux bénis font toujours recette, s'y ajoute parfois encore, comme à Coaraze un morceau de charbon de bois recueilli au feu de la Saint Jean. Cc moyens de prévention hérités du paganisme ont défié le temps, écartant toujours la crainte du malheur .
 

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