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16/03/2006

DIABLE

QUAND LE DIABLE S’EN MÊLE (2 ème partie)

Ailleurs dans la montagne, les cimes déchiquetées figurent autant de caravanes pétrifiées, alors que les taches de rouille que le soleil ensanglante rappellent d’abominables sacrifices, accomplis dans ces lieux hostiles. Nulle surprise à ce que s’y déroulent des sabbats nocturnes, en particulier sur ces pistes de danse que constituent les plateaux : les « balaours », retrouvés dans les hautes vallées de la Tinée et de la Vésubie ou sur celui désolé de Dina de Rigaud.
 
Rien d’étonnant qu’après toutes ces fréquentations assidues de la nature, le Diable soit omniprésent dans l’imagerie des Alpes Maritimes. L’ange déchu, porteur de lumière, est un personnage assez beau de la mythologie chrétienne jusqu’au milieu du XIV ème siècle. Après quoi, à la fin du Moyen-Age avec la chasse aux sorcières, il devient hideux et odieux.
N’oublions pas qu’en trois siècles, on a persécuté et brûlé plus de 8 millions de personnes, accusées de sorcellerie en Europe, les Alpes Maritimes n’ont pas fait exception. Avec les lumières du XVIII ème siècle, le Diable, mis au chômage par le culte de la raison, ne vivote plus qu’auprès des sorciers montagnards.
Mais le Romantisme, dans sa volonté de renverser les valeurs, le fait revenir sur scène et lance le « satanisme ». Pauvre Satan ! Le voilà devenu motif décoratif, poncif esthétique pour dandys magiciens d’une fin de siècle exténuée. A-t-il depuis repris du poil de la bête ? Rien n’est moins sûr.
Dans la région, vous le rencontrerez dans les modestes chapelles du Haut Pays, trônant au milieu des fresques et des polyptyques. Là aussi, sa représentation varie au gré des périodes et des thèmes abordés. Sa figuration évolue au cours du Moyen-Age, pour devenir de plus en plus bestiale et finir sous les traits d’un monstre composite, avant de disparaître.
Triomphant au début dans les grandes compositions des Jugements derniers, le Diable règne sur l’Enfer et ses tourments. On le voit ainsi sur les murs de Notre Dame des Fontaines  à La Brigue, dans la vallée de la Roya et à La Tour sur Tinée, au chevet de la chapelle des Pénitents blancs où chaque homme est porté par un diable dans sa hotte, chaque femme traînant sur son dos un diable qui l’éperonne. Plus discret, il anime des petites scènes à Peillon, Venanson et Saint Etienne de Tinée, tour à tour arracheur d’entrailles et décocheur de flèches symbolisant la peste. Auxiliaire précieux de la mort, il sautille allègrement sur la tête des danseurs de Bar sur Loup. A Roquebillière, dans un retable, le voici sous les traits tentateurs d’une belle jeune fille prête à séduire un ermite. A Roure, au son du fifre et du tambourin, il chevauche d’une manière équivoque une malheureuse femme, rafle l’auréole d’un prêtre, rappelant à tous la mésaventure d’un curé du lieu, avec une de ses paroissiennes. Ailleurs, comme à La Tour, il stimule victorieux la cavalcade des vices.

 

13/03/2006

DIABLE

QUAND LE DIABLE S’EN MÊLE (1ère partie)
 
 
Dans les Alpes Maritimes, comme ailleurs, les anciens avaient l’obsession du Diable et de ses séides. L’Eglise leur prodiguait ses mises en gardes contre les intrigues du Démon avec tout un arsenal de prières spéciales, de bénédictions d’exorcismes et de sacrements encore valables de nos jours. Les prédicateurs,  tout spécialement les Franciscains, attisaient cette peur du Diable.
Le peuple, en qui survivait le souvenir inconscient des divinités païennes du foyer et de la nature, associait au Diable de nombreux êtres mystérieux personnifiant des forces occultes. Ces mauvais esprits, les «cousses », les «mascas » et leurs auxiliaires humains, les sorciers, infestaient les hauts lieux solitaires et les passages dangereux de la montagne.
Le Diable, éternel tourmenteur, élaborait la grêle et les ouragans qu’il  déversait ensuite sur la campagne. Ses aventures les plus effarantes, ses exploits les plus troublants trouvaient échos dans les récits racontés le soir à la veillée.
On croyait aux possessions démoniaques où le Diable, après s’être insinué dans le corps des gens, leur faisait accomplir des prouesses extraordinaires, parler des langues inconnues, deviner des secrets ou déployer une force exceptionnelle.
 
Dans les hautes vallées, la confusion s’installa très tôt, dès le XII ème siècle, entre l’hérésie et la sorcellerie, provoquée par l’installation de réfugiés Vaudois dans la Tinée, la Bévéra et le Haut Var. Des groupes d’Albigeois suivront au XII ème siècle, à Péone et Sospel où en 1471 s’allumèrent les bûchers purificateurs. Dans ce contexte favorable, naîtront des pratiques de sorcellerie qui survivront vigoureuses jusqu’au XIX ème siècle.
Il faut dire que le relief accidenté des Alpes Maritimes se prête admirablement à l’évolution des êtres surnaturels. Ainsi, ça et là, les esprits infernaux vont laisser l’empreinte de leur passage. Trous de rocher, sillons creusés dans l’écorce des arbres, «pierres à foudre » noires et rondes, pierres puantes (pyrite de fer), capables de dégager au frottement une satanique odeur de soufre, sont autant de vestiges évidents.
On interdira aux enfants de ramasser ces étranges pierres noires boursouflées, car elles communiquent la lèpre. Les manifestations infernales telles que le vent,  le tonnerre, l’ombre noire des clues ou des forêts menaceront les malheureux qui s’y exposent.
Que dire des tremblements de terre ou de ces montagnes qui s’entrouvrent pour laisser échapper flammes et brasiers, comme le 1er août 1564, dans le Val de Blore ou sur la montagne de Vasson près de Guillaumes ? Ces caprices du sol seront mis sans hésitation au compte du Diable.
Les marques de ses intentions apparaissent également dans les étranges fantaisies de l’érosion, comme la tête de sphinx à l’entrée des gorges de Daluis, les monstres cornus sculptés au-dessus de Péone ou dans ces «demoiselles », ces sveltes colonnes surmontées d’un rocher à Guillaumes et dans la Gordolasque. Mais c’est là-haut près de la cime qui porte son nom, dans la fantastique Vallée des Merveilles que  le Diable règne sur un domaine réservé, chargé de maléfices : Lac Fourcat (fourchu), Val d’Enfer, lac de Trem (le frisson de la peur), Valmasque (vallée des sorcières), autant de noms qui attestent de son emprise sans partage sur ces lieux.
Durant des siècles, les milliers de signes cornus gravés sur les rochers témoigneront de son autorité sur ces terres maudites. S’il vous arrive par un après-midi d’été d’être surpris par l’orage dans la Vallée des Merveilles vous vérifierez alors l’évidence de ces sortilèges.
Ce Parnasse des mauvais esprits n’a pas épuisé les charmes qui firent trembler nos ancêtres.

07/03/2006

HISTOIRE TRAGIQUE

                    VENDETTA

 
Au Moyen Age les hasards des partages des terres entre familles seigneuriales déclenchèrent parfois de féroces querelles. Les mœurs frustes des feudataires du Pays d’Azur devaient entraîner ces démêlés dans le sang et la mort. Ainsi en 1437, les terres de Carros situées sur la rive droite du Var furent attribuées en partie à Urbain Giraud, seigneur du Broc, et à Urbain et Jean de Ronciglione de Viterbe, installés par le roi René de Provence. Très vite, pour des causes dont l'origine est inconnue, les deux familles vont se vouer une haine sans merci.
 

Pour régler le conflit, une réconciliation est alors tentée par l'entremise de parents, nobles provençaux d'Astruge, de Berre et de Soliès. Les tractations doivent aboutir au mariage de François Giraud fils du seigneur du Broc et de Barthélémie fille d'Urbain Ronciglione. Rendez-vous est pris entre Carros et le Broc sur les rives du Var. Au dernier moment, François Giraud, ne trouvant pas la promise à son goût, refuse sans détour de prendre pour épouse la fille de l'Italien, lequel se voyant insulté dégaina son épée et la planta dans la poitrine du jeune homme!

Le seigneur du Broc ne fut pas pris au dépourvu, par vengeance il s'empara alors de la fiancée qu'il trucida sur place sous les yeux de son père. Urbain Giraud prit aussitôt la fuite. Condamné par contumace, ses biens sont alors mis sous séquestre par le fisc royal en août 1470. Ces mesures n'apaisent en rien les esprits. Les rixes se poursuivent entre les deux familles, tempérées seulement par une nouvelle épidémie de peste. Ce n'est qu'en 1479 qu'un compromis est enfin établi entre les deux seigneurs.

 
 L'affaire des meurtriers avait été portée à la Cour d'Aix en Provence et l'interdit étant jeté sur les deux pères par l'évêque de Vence, la réconciliation eut lieu à Aix en Provence pour le civil et à l'église des Franciscains de Nice pour le religieux.
 
C'est ainsi que le 23 juin 1479 Dominique de Ronciglione, neveu du meurtrier, rencontra Urbain Giraud. Les deux ennemis firent la paix et signèrent le compromis suivant: Dominique cède toute la coseigneu­rie de Carros. En retour le seigneur du Broc (déjà dessaisi d'une partie de ses biens au profit de la commune du Broc en 1469) doit s'engager à faire une dot de 355 florins aux deux filles de Jean Ronciglione, sœurs de Dominique, et à les colloquer au monastère de Saint Jean à Aix en Provence. A cela s'ajoutent le paiement des dettes dudit Jean Ronciglione et l'acquittement des legs faits par le seigneur à ses deux autres fils Pierre et Barthélémy. Enfin le seigneur du Broc s'engageait à nourrir jusqu'à sa mort dame Linode veuve de Jean.
A cette réconciliation assistaient en tant que témoins le seigneur de Beuil, Honoré Grimaldi, dont la sœur Anne était mariée avec Urbain Giraud.
 
Après ces tractations laborieuses s'éteignit la terrible vendetta qui opposa pendant près d'un demi-siècle les seigneurs du Broc et de Carros.