21/02/2007
LA DIFFICILE COHABITATION DES BERGERS ET DU LOUP
Une meilleure connaissance du pastoralisme des Alpes Maritimes, confronté aujourd’hui à la menace du loup nous paraît indispensable.
Le berger, acteur principal des relations conflictuelles qui se sont imposées avec le retour du loup, personnage mystérieux, en communion permanente avec la nature mérite notre attention. A la fois protecteur et guérisseur de son troupeau, ce magicien des alpages n’hésite pas parfois, à tutoyer la sorcellerie pour parvenir à ses fins.
Défiant la science, les pratiques éprouvées venues du fond des âges, conservent encore une étonnante vigueur qui tient avant tout au succès obtenu.
Si en 1975 le troupeau d’ovins du département s’élevait à 70.000 têtes en hiver, pour en atteindre 120.000 en période d’agnelage, le troupeau de bovins était moins nombreux avec environ 4000 bêtes.
A ces chiffres, s’ajoutaient les animaux transhumants, venus de Provence (Crau et Comtat Venaissin) et d’Italie.
Bien que la transhumance concerne surtout les ovins, des troupeaux de génisses montés du Piémont fréquentaient la Haute Vésubie et la Haute Roya.
Au total plus de 130.000 bêtes transhumaient dans les hautes vallées du Mercantour dont 2000 bovins venus du Piémont.
Aujourd’hui, le cheptel s’est notablement appauvri. On recense des chiffres plus faibles pour l’ensemble des Alpes Maritimes : 1500 caprins répartis dans 50 exploitations, 1500 bovins laitiers relevant de 40 exploitations, mais seulement 53000 brebis, agneaux et moutons, élevés pour le lait et la viande, le tout conduit par 178 bergers. Au total, 454 exploitations se répartissent sur 96 % de la surface agricole utilisée.
La production de fromages constitue le principal revenu de ces éleveurs sédentaires. Grâce aux fromages le Haut-Pays peut lutter contre la désertification.
La transhumance se maintient avec les apports significatifs de 85000 ovins et environ 1500 bovins, sur l’ensemble des alpages traditionnels.
Très ancienne, la transhumance est déjà codifiée au Moyen-Age.
Ce déplacement de personnes et de bétail s’opère deux fois l’an. D’une part au mois de juin, des milliers de têtes animales montent de la Crau vers la Tinée, du Vaucluse vers le Val d’Entraunes et des bassins de Fayence et Sillans vers la montagne de l’Alp.
Réciproquement, une transhumance inverse s’opère en octobre. Elle envahit l’hiver l’Esterel avec des animaux venus de Tende et La Brigue.
En automne et en hiver, les troupeaux reviennent toujours vers des altitudes plus clémentes mettant en rapport le Haut-Pays avec les environs de Nice.
Précisons que dans le Comté de Nice, « le droit de bandite » d’origine féodale donnait à celui qui le possédait, la faculté de faire paître ses troupeaux sur du terrain qui ne lui appartenait pas.
Supprimé en 1964, ce droit frappait dans les Alpes Maritimes 20.000 hectares de terrain dont 5000 de forêts.
Utelle, La Roquette, Peille, Aspremont, Duranus, Lucéram, Coaraze, Châteauneuf de Contes, Breil accueillaient ainsi pendant l’hiver les troupeaux descendus de la montagne.
Aujourd’hui, l’urbanisation et le changement de destination des terrains de parcours côtiers forcent les éleveurs à quitter le département ou à garder le troupeau à l’étable.
Traditionnellement, les moutons du Val de Blore s’installent à Aspremont, sur les pentes du Mont Cima. Ceux d’Auvare autour d’Eze et les troupeaux de Pierlas à Revest les Roches.
Cette migration saisonnière est à l’origine des premières voies de communication intérieures
Dans le passé, le courage et la résistance des anciens permettaient de surmonter les difficultés de relation imposées par le relief tourmenté de la montagne.
De nombreux chemins permettaient d’aller d’un village à l’autre et de relier bassins et vallées, quitte à affronter des pentes raides et à franchir des cols.
Les troupeaux transhumants suivaient ces sentiers appelés « draïo » dans la langue du pays.
Lors de leur passage, les bergers acquittaient, au profit des localités traversées, les « droits de pulverage », en rapport avec la poussière déplacée par leurs bêtes.
Ces migrations s’articulaient autour de grandes foires qui se perpétuent encore à Guillaumes dans la Haute Vallée du Var et à Saint-Etienne-de-Tinée.
Cette tradition d’échanges commerciaux remonte au Moyen-Age. Les habitants d’alors, attendaient les foires pour se pourvoir en objets divers, vêtements et animaux dont ils avaient besoin. Ils en profitaient également pour vendre une partie des produits du bétail dont ils devaient se défaire.
Toutes sortes de produits y étaient ainsi échangées.
Saint Etienne de Tinée connaît une foire mensuelle, celles d’août et septembre sont les plus importantes pour les ventes de bétail.
A Guillaumes, la foire aux « tardons » (agneaux nés au printemps) se déroule à la mi-septembre. Descendus à pied par centaines, aux premières lueurs de l’aube depuis les alpages, les agneaux nés au printemps qui n’ont connu comme seule nourriture que le lait de leur mère et l’herbe tendre des pâturages, attendent sur le champ de foire de trouver preneur.
Dès le Moyen-Age, Sauze, au-dessus de Guillaumes, détenait plusieurs montagnes pastorales appréciées. Au XVI ème siècle, les plus importantes appartenaient à la famille seigneuriale des Faucon qui les louait.
La communauté réservait sa montagne pastorale pour le troupeau communal, dans lequel, chaque famille pouvait mettre l’été son menu bétail.
En 1580, on comptait à Sauze, 45 « trentaniers », soit environ 1350 ovins et caprins.
Les pâturages étaient loués à des bergers étrangers, venus généralement de la Crau (Miramas, Istres).
Les dates de transhumance dépendaient des conditions climatiques : montée fin mai, descente fin septembre (Saint Michel) ou fin octobre (Saint Simon).
Le bayle ou chef berger recrutait à Sauze quelques aides qui plus tard quittaient leur village, pour suivre le troupeau et s’installer en Provence (Salon, Arles, Aix et Draguignan).
Le troupeau commun était confié à un chef berger, agréé par le conseil de ville, rémunéré par une taxe minime par tête de bétail, plus une rétribution en blé et fromages.
A La Brigue, toujours au Moyen-Age, l’importance de l’élevage ovin était tel que ce bourg devint un centre de production et de commercialisation d’une laine pour étoffes solides, attirant les marchands étrangers, venant même de Marseille !
De nos jours, les villages prolongeant la tradition pastorale sont rares. Saint Dalmas le Selvage persiste à se spécialiser dans l’élevage des ovins indigènes qui forment la majeure partie du cheptel sédentaire de la vallée de la Tinée.
Le spectacle de la transhumance traversant les villages avec ses brebis porteuses de sonnailles, ses ânes lourdement chargés, encadrés par des chiens attentifs à leurs maîtres, n’est plus que le privilège des hautes vallées.
Les camions semi-remorques transportent ensuite les moutons depuis la moyenne vallée, pour un voyage jugé plus commode et rapide, sacrifiant ainsi une tradition séculaire.
La réapparition du loup dans les Alpes menace aujourd’hui le pastoralisme extensif des vallées du Mercantour, déjà affaibli par une impitoyable concurrence internationale.
Le berger, maître incontesté de la montagne, en symbiose avec la nature depuis les origines de l’humanité, ne méritait pas un destin aussi cruel.
Le berger entoure son troupeau d’une magie protectrice, dite magie « propitiatoire et symbolique » qui se manifeste sous la forme de rites, de talismans ou d'objets sculptés, préparés à l'intention des meneuses (menouns en provençal), ces bêtes qui marchent en tête et conduisent le troupeau.
Depuis la nuit des temps, le pâtre se fie au dicton, forgé par l’expérience, affirmant que : « Si le chien est du bon Dieu, le loup est du Diable ».Dans sa démarche l’amour dépasse souvent la magie par des gestes simples, comme ceux évoqués par Marie Mauron : « Tiens longtemps dans tes mains du pain, du sel et du maïs, puis donne les chauds de toi, chauds d’amour et de bon vouloir. Alors, la bête consentira à souffrir de tes soins, s’il le faut, elle s’abandonnera sans peur ni recul et guérira. »
Les soins s’apparentent parfois à des pratiques étranges, comme le recours à la « pierre à venin ». Lorsqu’un homme ou une bête est mordu par une vipère, on applique la « pierre à venin » sur la morsure, cette pierre a le pouvoir d’extirper la substance toxique en s’en imprégnant, puis de la rejeter après avoir subi un trempage dans du lait. Des manuscrits précisent que si ce lait était bu accidentellement par un chat ou un chien, l’animal mourrait empoisonné. Le phénomène a été confirmé lors d’une expérience effectuée par la Faculté de Médecine de Montpellier.
Si la vie du troupeau respectait le cycle des saisons, le solstice d’été en constituait une date carrefour. La nuit qui le précède (entre le 20 et le 21 juin) et celle de la Saint Jean Baptiste (entre le 23 et le 24 juin) donnaient lieu à des pratiques induites par des croyances venues du fond des âges.
A la lueur de la lune, les bergers ramassaient les plantes qui possédaient un pouvoir de guérison ou un effet magique sur les bêtes. C’était le cas de l’herbe Tume récoltée la « nuit de vigile » de Saint Jean Baptiste.
Placée secrètement dans les bergeries, elle protégeait des dangers de la clavelée, une maladie contagieuse semblable à la variole.
La nuit de la Saint Jean, les pâtres prélevaient également les spores des feuilles de fougères mâles, capables d’écarter les sortilèges et maléfices et de guérir les animaux qui en mangeaient.
Le matin de la Saint Jean, comme le voulait la tradition, les bergers faisaient passer le troupeau dans les cendres du bûcher, afin de le préserver du piétin.
D’autres pratiquaient des attouchements sur les animaux, en utilisant des feuilles grillées aux flammes des feux ou les marquaient avec un bouquet enduit de cendres en disant : « Que Saint Jean te garde ! ».
Certains estimaient que le troupeau devait voir le feu, ils allumaient un petit feu
devant chaque bergerie, en faisant en sorte que la fumée enveloppe l’ensemble du troupeau pour garantir sa protection.
Les cendres du foyer précieusement recueillies, tout comme celle de la bûche de Noël consumée durant neuf jours, entraient dans la composition de différents remèdes.
Jadis, dans le Haut-Verdon, les pâtres faisaient mariner le premier loup abattu dans des herbes aromatiques apportées de Provence. Après l’avoir mangé rituellement, ils éparpillaient les restes et les entrailles aux carrefours des sentiers montagnards.
Cette pratique mystique et superstitieuse « apprenait leurs heures aux autres loups ».
Tout près de là, dans le Val d’Entraunes, on renforçait le pouvoir de la sonnaille dont le son repousse les vipères, en accrochant dans un coin de la bergerie quelques- unes de leurs semblables desséchées.
Pour éloigner les serpents, le berger dépeçait une couleuvre vivante, récupérait sa peau fraîche pour en gainer son fouet avec des clous.
Dans la Haute-Ubaye, une démarche visant au même effet, consistait à placer chaque soir une jatte de lait, dans laquelle le berger, possédant le don, avait craché trois fois.
Ce breuvage absorbé par les vipères était réputé les empoisonner instantanément.
Divers talismans, accrochés au cou des meneuses, avaient pour fonction de protéger l’ensemble du troupeau.
La « pierre pigote », contre la clavelée ou variole du mouton, se présentait comme un caillou de variolite dont l’aspect tacheté et marbré évoquait cette maladie de la peau. Cette pierre était suspendue dans un sac au cou d’une meneuse ou utiliser comme battant de leurs sonnailles.
La « pierre pigote » pouvait également être immergée dans le bachas où venait boire les bêtes. De même, la peau d’un crapaud grillé, placée dans la sonnaille écartait les risques de clavelée.
La « pierre de foudre », morceau de roche vitrifiée, vraisemblablement par Satan, posée sous le faîtage des cabanes ou sur le seuil des bergeries, protégeait les animaux de l’orage. Ce talisman servait aussi de battant dans les sonnailles du troupeau.
Transmises de génération en génération, citons aussi les pierres vertueuses : celle moulée en terre cuite, ovoïde et rougeâtre semblable aux boutons du pestiféré, éloigne la peste, la « pierre rouge » sang stoppe les hémorragies, la « pierre de lait » en quartz blanc guérit les troubles de la lactation, la « pierre noire » en forme de croc soigne les morsures des serpents.
Les objets sculptés possédaient les mêmes vertus magiques et propitiatoires. Ainsi, la croix à virgules hélicoïdales, représentant le soleil en mouvement, plaçait le troupeau sous la protection de cet astre.
Les rosaces, signes protecteurs sculptés sur les colliers, évoquaient l’étoile à six branches des Juifs et Musulmans, sous le nom de sceau de Salomon.
Les cercles et roues astrales s’inspirent de figures de rites chaldéens et l’étoile symbolise celle qui guida les rois-mages
Le berger, perdu dans la nature, doit faire face seul aux maladies et aux blessures.
Guérisseur par nécessité, avec de faibles moyens, il soigne grâce aux ressources de son environnement en employant : les plantes, les principes homéopathiques et les conjurations récitées. L’ensemble constitue un héritage de connaissances acquises et transmises de père en fils.
Les remèdes, tirés des diverses plantes de l’alpage, composent une pharmacopée efficace. Selon le cas, la flore régionale dotée de vertus médicinales est administrée en infusions, décoctions, onguents, liqueurs, sirops, lotions, cataplasmes ou fumigations.
Les fleurs, baies, plantes et racines ramassées dans les pâturages sont classées et suspendues tiges en bas, aux solives des greniers.
Après séchage, feuilles et corolles entières ou réduites en poudres remplissent les vieilles boîtes métalliques de la « pharmacie pastorale ».
Aujourd’hui encore, l’usage des produits vétérinaires et des antibiotiques n’a pas écarté les bons vieux remèdes tirés des plantes.
Les mystérieuses conjurations récitées, aux effets probants, constituent toujours une énigme inexpliquée.
Quelques bergers détiennent des prières secrètes, capables de chasser la maladie, uniquement par le pouvoir de conjurations récitées. A l’occasion, elles s’accompagnent de signes de croix, de cercles tracés avec le doigt sur la partie à guérir et d’onctions de salive.
Le cahier de l’un de ces pâtres, transhumant dans le Val d’Entraunes, nous a restitué les formules utilisées.
Pour un chien victime de morsure : « Essuyer ses plaies avec un morceau de pain en disant : PRIIOR RHUD HER FÉRÉ et le lui faire avaler ».
Ou encore : « Prononcer sur le mal ces paroles : Fils de la Vierge Marie, enfant Jésus, je te supplie de guérir ce chien voici présent, doncoeur, d’entrecoeur, de charbon et d’enflure et de mauvaise pourriture et que tu as à temps retourner comme tu es damné, par venin ou par chaleur ou par feu. DEUS MEUS VENIT AD TE », on répète trois fois ces mots latins.
Les talents du berger étaient souvent mis au service des hommes qui venaient les solliciter de fort loin.
Pour guérir une entorse, le berger porte le pouce à la bouche, l’humecte de salive, le promène autour de l’enflure et termine par un petit signe de croix au milieu du pied, après avoir récité la formule conjuratoire. Vingt quatre heures après, le mal est dissipé…Parfois la formule récitée à distance suffit pour guérir l’animal.
Sensible aux caprices de la nature qui l’enveloppe, le berger ait capable de prévoir les changements du temps. Ces prévisions météorologiques, souvent empiriques, sont capitales pour la protection et parfois la survie de son troupeau.
La Crirdabelle ou Fleur de Chardon : se ferme avant le temps pluvieux.
Les Cheveux de Vieille : sont des graminées qui retombent à l’approche de la pluie.
Les signes de la nature et le comportement du troupeau sont autant d’indices qui permettent au berger, de prévoir les orages et les humeurs du temps, comme le tintement des sonnailles, la nervosité ou le regroupement des bêtes.
Les pompons accrochés aux meneuses serviraient de leurre aux jeteurs de sort, au mauvais œil. De même la sonnaille est un moyen de défense de protection et de signalisation sonore des troupeaux transhumants.
La tonte des meneuses respecte des exigences à la fois décoratives et pratiques, particulièrement en Provence. La coutume veut qu’on lui laisse trois touffes de laine ou flocs sur le sommet du dos (d’où son nom de floucat), ce qui permet au berger de la saisir plus aisément.
Quant à la touffe de laine maintenue près du cou, elle favorise le calage de l’ensemble collier-sonnaille, souvent très pesant.
Autrefois les flocs servaient à dissimuler l’argent, pendant le chemin de la transhumance ou à cacher des médailles religieuses.
Aujourd’hui souvent mal compris dans leur acharnement désespéré à défendre leurs brebis contre les attaques du loup, les bergers des Alpes Maritimes maintiennent une tradition séculaire en voie de déshérence. Leur fonction reconnue de protecteur intégré de la montagne qu’ils nettoient et régénèrent pour mieux la sauvegarder, devrait suffire à encourager leur présence.
D’après «Les Histoires de loups en Pays d’Azur » (Alandis-éditions Cannes), pour commander cet ouvrage illustré et dédicacé de 18 € : téléphoner au 04 93 24 86 55
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14/02/2007
DECOUVRIR BERRE LES ALPES AU MOYEN AGE
LE CHATEAU DE BERRE-LES-ALPES
Placé sur un promontoire de grès, l’actuel village de Berre offre une vue dégagée sur les Pré-Alpes de Nice.
Le castrum qui l’a précédé aurait occupé, un site voisin plus au nord au sommet du mont Castel. Les ruines d’un village du Haut Moyen Âge placées là, confirmeraient cette hypothèse.
Le « castellum Berra » est cité seulement en 1108, les moines de Saint Pons ayant installé un prieuré en ce lieu.
Les seigneurs de Berra, possesseurs du fief, furent longtemps co-seigneurs de Châteauneuf. C’est ainsi que Gaspard de Berra épousera Yolande Galléan qui donna de splendides fêtes en son château de Berre.
Leur fils, Honoré de Berra, serviteur fidèle de la Reine Jeanne de Provence, homme de guerre renommé, sera lieutenant du Comté de Nice.
Il dirigera en 1363 le corps expéditionnaire chargé de ramener à la raison les Lascaris de Tende qui refusaient de prêter hommage à la Reine Jeanne.
Après le succès de son entreprise, Honoré recevra en récompense la seigneurie d’Entraunes.
Le château féodal, aujourd’hui ruiné, fut construit au XIIIème siècle par Raymond Gaghieri, officier de Charles d’Anjou et agrandi en 1355, il sera détruit à la Révolution.
Ses murs résonnèrent des échos des fêtes magnifiques organisées par la baronne Yolande au cours desquelles se produisaient jongleurs et troubadours.
A cette époque (XIVème siècle), les cours d’amour fleurissaient et celle de Berre est restée célèbre dans les chroniques.
A la Révolution, le château servit d’asile un temps à la marquise de Cabris, sœur de Mirabeau, en fuite devant la progression des troupes françaises.
Petite anecdote : Un parchemin du 1er juillet 1326 fait état d’un appel interjeté par le damoiseau Bertrand de Berre contre un arrêt du juge de Nice, concernant Raymond Brocard. Au motif que ce dernier étant son sujet, il avait seul le droit de le corriger et le punir. Ce qui est significatif de la condition servile imposée aux manants en ce début du XIVème siècle.
D’après « Les Châteaux du Moyen-âge en Pays d’Azur » (Alandis-éditions Cannes), pour commander cet ouvrage illustré et dédicacé de 20 € : téléphoner au 04 93 24 86 55Pour en savoir plus sur un village typique chargé d’anecdotes et d’images du passé : Cliquez sur
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31/01/2007
LA COMMANDERIE DES TEMPLIERS DE GRASSE
LES TEMPLIERS A GRASSE
Si la naissance du consulat apparaît comme une atteinte à l’autorité de l’évêque, celui-ci s’efforcera de le contrôler, n’hésitant pas à le supprimer lorsqu’il lui échappera. Le pouvoir épiscopal fut également entamé par la création d’une paroisse rivale. Seul le soutien militaire du Comte de Provence évitera que Grasse ne devienne une ville libre, à l’exemple de Nice. Le dernier épisode du conflit opposant l’évêque aux sires de Grasse s’achève en 1209, lorsque ces derniers sont dépossédés par le Comte, de leurs droits sur Antibes.
L’installation des Templiers de 1176 à 1196, s’opère à l’époque du consulat de Grasse (entre 1150 et 1227), à l’instigation de l’évêque d’Antibes, en butte au nom du Comte de Provence, aux menées subversives de l’aristocratie locale.
Force d’appoint religieuse et militaire, la milice du Temple figure désormais dans la cité de Grasse comme un renfort efficace, destiné à épauler le pouvoir épiscopal, engagé au côté du Comte, pour contrôler une ville et une région menacées de dissidence.
Le développement rapide de la communauté templière, nécessite bientôt la construction d’une église avec son cimetière, pour se conformer aux usages d’une maison régulière.
Sollicité, l’évêque donne son accord par un acte du 5 juillet 1211, en présence de Bermond, commandeur du Ruou, d’Olivier Audier commandeur de Grasse et des frères Etienne Escudier, Pierre Taxil et Jean de Gardanne en qualité de témoins. Il précise que l’évêque se réserve le tiers des bénéfices de la future église.
Au mois d’avril 1212, décède Olivier Audier, commandeur de Grasse, père d’un second Olivier Audier qui sera également commandeur. Cette famille est probablement originaire de la région, puisque Pierre Squirp remet le 8 mai, à la Maison du Temple, les biens du défunt, en présence du nouveau commandeur Bernard et des frères Etienne Escudier, Rostang de Comps et Castelnou. L’année suivante, Olivier Audier, fils du précédent, reprend le poste de commandeur, il figurera dans les chartes jusqu’en 1219.
Bien que n’étant pas titulaire d’une seigneurie, l’Ordre dispose d’une église et d’un cimetière, sources de revenus, auxquels il faut ajouter de nombreuses acquisitions à titre onéreux, dans divers quartiers de la ville : à la Nogarède, dans la rue de la vieille Boucherie, Place Saint Martin, aux Ribes, à la Marigarde, dans le faubourg Saint Jacques au sud de la cité et même au passage de la Brague à « las bonas horas ».
La communauté templière grassoise totalise une centaine de services, tirés de ces divers biens.
Le Temple détient d’autres possessions, dans des localités à proximité de Grasse : Plascassier (1213), Gourdon (1285), Châteauneuf (inventaire de 1308), ainsi qu’à Cabris, Opio, au Rivet, soit une dizaine de terres dans ces différents lieux.
A Grasse, J.A. Durbec a chiffré les cens et services en argent, retirés par l’Ordre, à la somme de 4 livres, 79 sous et 5 deniers dont 30 sous fournis par l’exploitation au tiers d’un moulin.
A cette somme s’ajoutait la valeur de 67 coupes de vin, de 30 « cobles » d’oignons, de quelques jambonneaux et des revenus indéterminés de certains biens, particulièrement ceux appréciables de l’église Saint Jacques.
L’église Saint Jacques de Grasse, située dans la cité, selon l’acte de 1308, fut bâtie par le Temple entre le 5 juillet 1211 (date de l’autorisation de sa construction) et le 10 août 1213 où elle est mentionnée pour la première fois.
Son architecture n’est connue que par quelques détails : la présence d’un clocher portant deux cloches qui ne devaient pas sonner aux heures des offices de la cathédrale, d’un porche où les notaires opérèrent en 1253.
L’intérieur comportait quatre autels dédiés à Saint Jacques, Sainte Marie, Saint Blaise et Saint Barthélemy. L’édifice fut remis aux Hospitaliers après 1312, avec l’ensemble des biens détenus par le Temple de Grasse. Ceux-ci céderont ensuite l’église aux Capucins, lorsqu’ils s’installent à Grasse à la fin du XVI ème siècle. En 1761, les nouveaux occupants font raser la vénérable bâtisse, pour lui substituer un couvent qui sera vendu à la Révolution, comme bien national, avant d’être acquis ensuite par la parfumerie Chiris.
Faute de la mise au jour de ses fondations, il est bien difficile aujourd’hui de savoir si l’édifice était de forme ronde ou rectangulaire.
Les actes laissent supposer que l’église et son cimetière faisaient corps avec la commanderie qui s’ouvrait sur un portique et un jardin exploité directement par les frères, l’ensemble du domaine étant entouré de murailles.
A compter de 1222, le titre de commandeur des maisons de Nice et de Grasse confondues, laisse supposer leur réunion sous une seule autorité. En 1233, la commanderie de Grasse ne semble plus se développer, puisque rattachée à celle voisine de Biot.
Nous avons évoqué le grave conflit opposant Pierre Ricaud commandeur de Grasse, Nice et Biot à l’évêché de Grasse dans les « Litiges », celui-ci va marquer les annales de la fin du XIII ème siècle, au point qu’il semble utile d’y revenir.
Tout débute en mars 1295, lorsqu’un criminel se réfugie dans l’église Saint Jacques, appartenant au Temple. L’Ordre fort de ses privilèges d’exemption et de droit d’asile, attestés par une charte de juin 1247, accueille et protège le fugitif.
Le commandeur est avisé des intentions de l’official de l’évêché, désireuse de remettre le criminel au bras séculier. Pierre Ricaud rappelle dans sa réponse du 12 mars 1295, les privilèges accordés et confirmés à l’Ordre, pour protéger et conserver le prévenu, mais ces droits sont niés par l’official qui fait enlever le prétendant au droit d’asile, un certain Hugues Talon, accusé d’avoir tué le notaire Jean Laugier sur la voie publique.
Arguant le 17 mars 1295 que la cour de l’official ne dispose pas des moyens nécessaires pour le faire juger, le commandeur réclame à nouveau le criminel.
En réponse, l’évêque précise que le crime s’est déroulé à proximité de la Maison du Temple, d’où il avait été banni et qu’il s’engage à réparer les fautes du bras séculier, commises à l’égard de l’accusé. Rentre alors en lice Guigues Adhémar, commandeur de Provence qui énumère le 8 avril 1295, la liste des privilèges accordés à l’Ordre depuis sa fondation et qui viennent d’être rappelés, lors du chapitre général réuni en 1293 à Montpellier. Fort de ses prérogatives, le Maître somme Lantelme, évêque de Grasse, de rendre à l’église Saint Jacques le criminel, indûment extrait et de frapper d’excommunication les auteurs de cet acte.
L‘affaire se poursuit par des enquêtes déclenchées en juin et juillet 1306. Le 25 juillet 1306, Guillaume de Saint Silvio, au nom des Templiers, s’adresse aux juges et officiers de Grasse, pour indiquer que le prévenu a été arrêté dans le domaine juridictionnel du Temple, ce que conteste l’official qui réclame un supplément d’enquête. Le 25 juillet suivant, la Cour de Grasse fait procéder au métrage des lieux de l’interpellation, ce qui aboutit à reconnaître qu’Hugues Talon a bien été arrêté abusivement dans la zone couverte par les privilèges de l’Ordre.
Le juge ordonnera alors la restitution du prisonnier à la commanderie du Temple.
Le sort du criminel n’est pas connu et l’arrestation des Templiers de Grasse, un an plus tard, ne permet pas d’en savoir plus.
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