07/01/2012
LE DESTIN TRAGIQUE DU DOCTEUR CÉSAR PROVENÇAL, UN RÉPUBLICAIN CAGNOIS DE 1851
César Provençal naquit à Cagnes (Var), le 20 juin 1814. Il était fils de Joseph Provençal, propriétaire, et de Thérèse, sa femme. Le parrain fut César Nicolas, négociant du lieu(1). L’éducation du jeune César fut confiée à son oncle, Michel Provençal, professeur de zoologie à la Faculté des sciences de Montpellier, médecin fort en vogue à l’époque (2).
Après 18 ans de séjour à Montpellier, où il avait été successivement préparateur de leçons d’anatomie, chef de chirurgie à l’hôpital St Eloi, César fut reçu docteur. Ayant alors besoin de repos, le jeune médecin revint à Cagnes, son pays natal. Peu après, de fréquentes hémorragies l’obligèrent à changer de climat. Le Comté de Nice, tout proche, s’offrait à lui. « Forcé comme malade, note-t-il, de faire du Comté de Nice mon séjour habituel, j’ai éprouvé, ainsi que tant d’autres, les heureux bienfaits de ce climat dont la juste célébrité attire toutes les années un concours immense de malades de toutes les parties de l’Europe. Ma profession de médecin me fait en quelque sorte une obligation particulière d’exprimer ma reconnaissance d’une manière différente de la plupart des malades qui se contentent de dire que le climat de Nice est bon parce qu’ils auront été soulagés ou guéris de leurs maladies ; j’ai voulu le prouver en publiant la Topographie médicale du Comté de Nice et des contrées qui l’avoisinent.(3)»
Guéri apparemment, le Dr Provençal revint à Cagnes où il ne tarda pas à sa mêler activement à la vie politique.
La nouvelle de l’abdication du roi Louis-Philippe, suivie de la proclamation de la République, avait été accueillie favorablement dans le département du Var. A l’instar de la capitale, des « clubs » démocratiques se constituèrent dans la plupart des localités. Après les élections à l’Assemblée constituante, du 23 avril 1848. l’agitation se manifesta d’une manière plus sensible dans quelques communes de la rive droite du Var. Le 26 septembre, un banquet de 400 couverts avait lieu à Cagnes, dans l’antique château des Grimaldi; le 6 décembre, Vence faisait un cordial accueil au représentant Marcelin Maurel, natif de cette ville (4). Pendant les mois qui suivirent l’élection présidentielle du 10 décembre, les clubs redoublèrent d’activité. Le 30 juin 1849, le préfet Haussmann les interdit dans tout le département.
A cette époque, le parti républicain du Var était fort bien organisé. Il avait à sa tête un groupe de jeunes gens appartenant à la bourgeoisie, instruits, énergiques et actifs, tels que les avocats Pascal, Pastoret, Pellicot, Emile Ollivier, à Draguignan, le docteur César Provençal à Cagnes. L’Elysée combattait tout ce qui se rattachait à « la Montagne » ; les démocrates étaient taxés de démagogues, d’anarchistes ; les sociétés secrètes étaient surveillées ; la police opérait des visites domiciliaires.
Prévenu d’avoir fait partie, avec Pastoret, d’une de ces sociétés qu’ils auraient organisée, César Provençal fut arrêté en novembre 1850 sur mandat d’amener du juge d’instruction de Draguignan. Jeté en prison, il y fut tenu 64 jours au secret. Finalement la Cour d’Appel d’Aix, « considérant que la prétendue société secrète ne se composait que de deux prévenus (Pastoret et Provençal), jugea qu’il n’y avait pas lieu à exécution », et fit mettre les deux co-inculpés en liberté, au début de janvier 1851.
La nouvelle du coup d’Etat de Louis-Napoléon fut connue à la préfecture du Var dans la nuit du 2 au 3 décembre 1851. Les chefs du parti républicain demeurèrent d’abord dans une indécision profonde. Mais soudain et simultanément l’insurrection éclata dans un grand nombre de localités; dès le 4 décembre, tout le sud du département était en armes, le préfet bloqué au chef-lieu. Sitôt informé des évènements survenus à Paris, Provençal s’était rendu à Nice pour se concerter avec Mathieu, expulsé à la suite des évènements récents de la Garde-Freinet, pour essayer de rassembler une troupe parmi les réfugiés politiques; il revint ensuite à St-Laurent-du-Var et à Vence, où il recruta 60 à 80 hommes qui devaient aider les volontaires de Nice à passer le Var à la Gaude. Mais le maire de cette dernière commune ayant alerté des gardes nationaux, gendarmes et douaniers, la petite troupe dut se replier. Traqué, le docteur Provençal partit pour Gattières où il arriva après minuit. Il alla frapper à la porte d’un de ses anciens clients. Après s’être restauré et réchauffé, il passa le Var sur les épaules de son hôte et attendit le lever du jour, engourdi au pied d’un arbre. A son arrivée à Nice, il eut la désagréable surprise de se voir jeter en prison. Mais il eut l’idée de se recommander du président du Sénat, le comte de Cessole, et de l’évêque Galvano. Il obtint d’être remis en liberté sous la surveillance de la police, jusqu’à une décision définitive de Turin. Grâce à l’esprit libéral de Maxime d’Azeglio, alors président du Conseil, il put ne pas être renvoyé en France pour y être fusillé (5). Dès lors commença sa vie de proscrit dans les Etats du roi de Sardaigne.
Le 15 janvier 1852, il est envoyé en résidence surveillée à Mondovi. Le séjour en cette ville, dont il ne peut sortir à son gré, lui devient bientôt insupportable et il demande au gouvernement piémontais de l’autoriser, pour raison de santé, à aller résider à Menton; il fait appuyer sa demande par Laurent Valerio, député au Parlement de Turin. Il obtient, momentanément satisfaction. Mais bientôt le gouvernement français ayant fait pression sur celui de Turin pour que les réfugiés politiques soient éloignés de Nice et des environs immédiats, le Dr Provençal est obligé de repartir. On lui permet seulement d’aller résider sur la côte Ligure, à la Spezia. A Nice, l’intendant La Marmora lui fait remettre sa feuille de route, avec une somme de 20 lires pour tout viatique. Entre temps, Provençal a appris que le tribunal de Grasse, qui avait fait vendre tous ses biens sur la place publique à Antibes, lui retenait sa pension viagère de 1.200 francs, son unique ressource. Voilà donc le docteur Provençal, tel un « véritable mendiant », rejoignant à pied, par étapes, sa nouvelle résidence. Découragé, malade, sans argent, il trouve refuge pour un temps à l’hôpital de Port-Maurice, en attendant « une occupation, si modeste fût-elle. » Le maire avait demandé pour lui le poste de « médecin des pauvres », on daigna s’occuper de la question à Turin.
A ce moment, en 1854, la grande épidémie de choléra qui se manifeste en Europe atteint nos rivages. A Port-Maurice, Mlle de Maricourt, fille du consul de France, meurt de la terrible maladie; sa plus jeune soeur est atteinte à son tour ; le docteur Provençal, appelé en consultation avec le Dr Orengo, qui la déclare perdue, a le bonheur de la sauver. Il se sauve lui-même du même coup. Dans la circonstance, il découvre un remède pour se préserver de la diarrhée qui précède le choléra. Grâce à lui, plus de « 500 malades de la ville échappent à une mort certaine ». Le journal Il Pensiero fait son éloge; l’évêque d’Albenga lui écrit une lettre de félicitations. Devenu président du Conseil de salubrité publique de Port-Maurice, le Dr Provençal est nommé médecin de l’hôpital des cholériques, en prévision d’une nouvelle invasion du fléau. Le conseil municipal lui accorde une gratification de 200 lires. Il emploie cette somme à faire imprimer un Manuel populaire de santé à l’usage des gens du monde pour se préserver des maladies, et une 3ème édition des Provençaux peints par eux-mêmes. Les journaux Il Diritto et la Gazetta di Genova font l’éloge de ces publications. Sa renommée ne cesse d’augmenter dans toute la province. Il est devenu le médecin du consul de France, Adolphe de Cabarrus, au départ du comte de Maricourt, et de sa mère, la soeur de Ferdinand de Lesseps. Enfin, le roi Victor-Emmanuel II, sur la demande de la ville, lui décerne la médaille d’or.
Après 8 années d’exil à Port-Maurice, et à la suite de nombreuses démarches, le Dr Provençal obtient de Cavour l’autorisation de venir séjourner à Nice, où il élit domicile au n° 20 de la rue Droite. Grâce à des protections il est pourvu de la place de médecin à St Dalmas de Tende, résidence d’été où se trouvaient alors « 80 familles étrangères ». « Ce fut là, note-t-il, au milieu des plaisirs et des fêtes champêtres, que j’appris enfin l’amnistie générale qui eut lieu après la bataille de Solférino (24 juin 1859) en faveur des réfugiés qui, à mon exemple, avaient refusé de faire par écrit une soumission trop blessante pour des gens qui, sans être trop fiers et trop susceptibles, ne pouvaient et ne devaient le faire sans s’avilir. »
Le Dr Provençal mourut, célibataire, le 8 janvier 1868, en son domicile de Nice à l’âge de 53 ans, comme le constate le registre des décès de la mairie de Nice.
(1) Les éléments de cette étude nous ont été fournis par les notes manuscrites que le Dr César Provençal a consignées lui-même dans un carnet actuellement conservé clans la Bibliothèque de Cessole, au Musée Massena.
(2) Jean-Michel Provençal, né à Cagnes le 3 juin 1781, mort à Montpellier le 8 avril 1845, professeur de zoologie à la faculté des sciences de Montpellier (25 juillet 1809), puis professeur d’anatomie à la Faculté de médecine de la même ville. Cf. Pélissier (G), Les papiers du médecin Michel Provençal (Besançon, 1912) ; compte-rendu par G. Doublet dans Nice historique, 1912, p. 447.453.
(3) Nice, 1845, de la Société typographique, in-8°, 330 p.
(4) L’Echo des Alpes-Maritimes, n° du 27 sept. et du 8 déc. 1848.
(5) César Provençal a toujours considéré Massimo d’Azeglio comme son sauveur et son protecteur. Il avait continué de s’adresser à lui, en maintes occasions, durant sa carrière de proscrit ; il conservait dans son cabinet, soigneusement encadrées, les 12 lettres que l’homme d’Etat piémontais lui avait écrites en réponses aux siennes et dont la transcription figure dans son Carnet.
Léonce BONIFACE
(article publié dans Provence historique, tome 3, fasc. 14, 1953, pp. 126-130
D'APRÉS LES "HISTOIRES ET LÉGENDES DES BALCONS D'AZUR": LA GAUDE, SAINT JEANNET, GATTIÈRES, CARROS, LE BROC, BÉZAUDUN, COURSEGOULES, TOURRETTES SUR LOUP, VENCE, SAINT PAUL DE VENCE, LA COLLE, ROQUEFORT LES PINS, VILLENEUVE LOUBET, CAGNES...
De La Gaude à Vence et au Broc, le vaste belvédère qui surplombe la Méditerranée et le Var reste méconnu. La région provençale des « Balcons d'Azur » renferme pourtant des trésors historiques et architecturaux qu'il est urgent de découvrir, au-delà de la splendeur des paysages. C'est à ce voyage insolite que nous invite l'auteur, le long d'un amphithéâtre, au cœur duquel s'égrènent les célèbres fleurons de LA GAUDE, VENCE, SAINT-JEANNET, GATTIÈRES, CARROS, LE BROC.
Passant tour à tour de la réalité des faits historiques, chargés de fabuleuses anecdotes, aux légendes, Edmond Rossi, auteur de divers ouvrages sur le passé et la mémoire des Alpes-Maritimes, a recueilli et réuni quelques moments singuliers de ces villages.
Le choix de La Gaude s'impose comme le centre de gravité de ce « triangle d'or» d'une richesse exceptionnelle. Aux limites de ce secteur, des vestiges témoignent également d'un passé où l'insolite nous interpelle pour mieux conforter la légende: chapelle oubliée de COURSEGOULES, fayard de BÉZAUDUN, tombeau mystérieux de TOURRETTES-SUR-LOUP, ruines austères de VENCE ou cachées de ROQUEFORT-LES-PINS, sentinelle fortifiée de SAINT-PAUL et abbaye de LA COLLE, châteaux de VILLENEUVE-LOUBET et de CAGNES.
La Gaude, célèbre pour son vin sera aussi l'inspiratrice de Marcel Pagnol pour sa « Manon des Sources ». D'Hercule à d'Artagnan venu arrêter le marquis de Grimaldi à Cagnes, laissez-vous guider par les fantômes des personnages, pour parcourir les vivantes ruelles de ces villages et la riante campagne alentour. L'agréable découverte de ces bourgs authentiques aux limites de la Provence, vous révélera bien d'autres trésors, dignes de ceux cachés là par les Sarrasins et les Templiers, bien présents dans tout ce secteur.
Ce livre est édité par les "EDITIONS CAMPANILE" http://www.editions-campanile.fr avec possibilité d'y être commandé. Ouvrage illustré, de 160 pages, également disponible dans toutes les bonnes librairies au prix de 18 € et dédicacé par l'auteur, en contactant: edmondrossi@wanadoo.fr
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31/12/2011
DE GAULLE TRAÎTRE ?
DE GAULLE TRAITRE ? BOURREAU ? ASSASSIN ?
A l'occasion de l'inauguration de la statue du général de GAULLE, le 18 juin dernier, une importante campagne d'opinions hostiles (relayée par NICE-MA TIN comme par France 3 Nice sans aucune version contraire) a précédé et suivi cet événement, certains des termes employés m'ayant révolté, voire indigné en tant que citoyen, historien et fils de résistant du MNRPGD.
Nous avions déjà eu, au mois d'avril, un avant-goût avec la campagne médiatique des nostalgiques de l'Algérie française et de l'OAS visant à réhabiliter, à l'occasion du 50e anniversaire du «putsch d'Alger», le «quarteron de généraux factieux» et les officiers les ayant suivis dans un combat d'arrière-garde menécontre la République et le processusde paix approuvé par une très grande majorité des Français. A : cette époque-là, je n'étais pas majeur et je ne nourrissais pas de sympathie particulière pour le gaullisme mais j'approuvais la politique d'autodétermination et la parole donnée au peuple français qui entérina à deux reprises, en 1961 et en 1962, le processus pacificateur. Que des Pieds Noirs en veuillent encore au général de GAULLE de les « avoir trompés » en 1958 avec la célèbre phrase « Je vous ai compris » ne me choque pas mais ce qui me scandalise, ce sont les arguments utilisés pour refuser une inauguration de statue, représentant «l'homme du 18 juin » en train de descendre les Champs-Élysées le 26 août 1944, sur la place qui porte son nom depuis 1973, précédemment place GAMBETTA (l'animateur de la résistance contre les Prussiens en 1870) puis de la Libération (en raison des combats s'étant déroulés dans le secteur le 28 août 1944): «on ne saurait honorer un général qui a été un traître », «il a été notre bourreau », « il est le responsable de l'assassinat de milliers d'entre nous» « c'est la statue de la honte», «non à la statue d'un bonimenteur ».
Primo, il est vrai que de Gaulle fut condamné à deux reprises pour « désertion» et « dissidence» par le tribunal militaire de Toulouse, le 4 juillet 1940, à quatre ans de prison puis à mort, le 2 août suivant, par le tribunal militaire de Clermont-Ferrand, mais, 71 ans après les faits, comment peut-on justifier cette attitude néo-pétainiste qui conduirait à approuver, en condamnant la voie suivie par le général rebelle, la suppression de la République, l'abolition des Droits de l'Homme, l'adoption du statut des Juifs (les' très nombreux1 juifs d'Algérie se voyant retirer la nationalité française jusqu'en juin 1943, date de l'installation du générai de Gaulle à Alger et la politique de collaboration avec le vainqueur initiée à Montoir !
Ensuite, comment accepter l'idée que de GAULLE ait été « le bourreau des Français d'Algérie » ou le « responsable de l'assassinat de plusieurs milliers de Pieds Noirs»? Non seulement cela ne correspond pas à la réalité des faits s'étant déroulés, mais que faudrait-il dire alors de personnalités qui ont été réellement des « bourreaux» et des « assassins», parfois de centaines de milliers voire de millions de victimes telles que, parmi bien d'autres, Barbie, Eichmann, Heydrich, Kaltenbrünner, Pol Pot, Videla et les généraux argentins, Milosevic, le général Mladic, Taylor, Khadafi, El Assad?
Ces détracteurs, comme les a qualifiés le maire de Nice, sont des « gens haineux» et ont osé scander « assassin» durant La Marseillaise, Le Chant des Partisans ou la minute de silence. Ils oublient également que si le scénario de l'indépendance de l'Algérie s'est dramatisé à partir d'avril 1961, ce fut bien à cause de l'OAS qui pratiqua la politique du pire, multiplia les attentats (y compris en métropole et pas seulement contre le chef de l'Etat au Petit-Clamart et au Mont Faron) contre les partisans du dialogue franco-algérien et les membres de la communauté algérienne afin d'entraîner des actes de représailles et que, si le FLN a bien organisé des attentats ayant fait couler le sang des Pieds Noirs, avant comme après le putsch d'Alger, ces actes « terroristes» n'ont jamais été commandités par le premier président de la République lequel n'a pas tranché seul en faveur de l'indépendance mais s'est appuyé sur prés de 85% de l'électorat (76% en décembre 1961 et 93% en avril 1962).
N'oublions pas, également, que si les « événements de 1954 » se sont déroulés, ce fut également parce que la majorité des Pieds Noirs avaient refusé, depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, tous les projets de réforme qui auraient pu déboucher, comme ce fut le cas un peu plus tard sur le continent africain, sur des situations de décolonisation pacifique comme en Angola, au Mozambique et en Afrique du Sud où, après quelques incidents intercommunautaires, la minorité européenne accepta de perdre son pouvoir politique tout en conservant son pouvoir économique et en continuant, à plus de 80%, à vivre sur place dans une société multiraciale et multiculturelle sans subir le traumatisme du déracinement et de l'exil source d'aigreur, de rancœur, voire de haine pérenne.
Il conviendrait donc de mieux peser le sens des mots avant de polémiquer et, dans un Etat de droit, les médias devraient veiller à ce que des présentations manifestement erronées ou mensongères puissent être équilibrées par des points de vue différents exprimés à côté des propos contestés, ce qui permettrait d'organiser un débat dans la clarté, sinon dans la sérénité.
Jean-Louis PANICACCI (Professeur honoraire de l’Université de Nice)
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24/12/2011
1943: FIN DE L'OCCUPATION ITALIENNE DES ALPES MARITIMES
LA FIN DE L’OCCUPATION ITALIENNE DANS LES ALPES MARITIMES :
JUILLET- SEPTEMBRE 1943
L’Armistice de Cassibile signé secrètement le 3 septembre 1943, est l'acte par lequel le Royaume d'Italie cesse les hostilités contre les forces britanniques et américaines au cours de la Seconde Guerre mondiale.
En Italie cet Armistice (une capitulation, en fait) est communément appelé le « 8 septembre », date à laquelle il a été rendu public.
L’historien Jean-Louis Panicacci décrit dans son livre « Les Alpes Maritimes - 1939 - 1945 - Un Département Dans La Tourmente » ce qui a suivi la chute de Mussolini, l’abandon des signes fascistes, la joie des habitants de zones promises à l’annexion, comme à Menton, l’inquiétude de la population juive.
Les illusions sur une fin de conflit rapide furent vite dissipées et le problème majeur pour les soldats italiens fut bientôt de rejoindre la péninsule, pour certains d’entre eux en échappant aux troupes allemandes qui les remplaçaient progressivement.
L’auteur s’intéresse aux contradictions apparentes d’une période complexe au cours de laquelle les attaques des maquis ne cessent pas plus que la rude répression, où les manifestations patriotiques accompagnent les obsèques des condamnés et des aviateurs alliés et où les sentiments anti-italiens s’expriment de plus en plus.
Dans le même temps, les efforts du banquier italien Angelo Donati pour faire passer les juifs français et réfugiés en Italie aboutirent à leur regroupement dans la région niçoise dans l’attente d’un transport vers l’Italie.
Dès l’annonce le 8 septembre de la cessation des combats entre Alliés et Italiens, le désarmement des unités italiennes se fit par les soldats allemands qui se heurtèrent en quelques points à des poches de résistances qui alimentèrent quelques combats.
La débandade fut plus spectaculaire dans les Alpes-Maritimes, alors qu’un peu partout se produisirent des pillages des entrepôts laissés par les Italiens.
L’ouvrage accorde également une attention particulière à l’épisode de la marche en altitude d’un millier de juifs étrangers assignés à résidence forcée, quittant Saint-Martin Vésubie pour gagner les hautes vallées du Piémont, se délestant progressivement de leurs bagages et accueillis et réconfortés au terme d’une marche épuisante par les militaires italiens gardant la frontière.
Le 10 septembre, il ne restait plus beaucoup de soldats italiens dans le département en dehors de ceux qui avaient été capturés par les Allemands.
En conclusion, ce livre montre l’écart qu’il y eut entre la présentation par la propagande italienne et la réalité d’une occupation qui dans sa phase généralisée à partir de novembre 1942 avait à compter non seulement avec le puissant allié allemand qui limitait la marge de manœuvre des Italiens mais aussi avec le gouvernement de Vichy soucieux de faire respecter ses prérogatives. Il souligne également que la perception d’une occupation plus bonhomme ne se comprend que par comparaison avec l’occupation allemande qui a suivi ainsi que l’ambiguïté des sentiments éprouvés par la population envers les Italiens.
Ils étaient les auteurs du coup de poignard de 1940 et ils avaient occupé des fractions du territoire à partir de 1940, tout le Sud-Est à partir de 1942 mais ils pouvaient aussi être perçus comme « victimes à la fois du fascisme et de l’Allemagne. »
Voici les détails de la fin de l’occupation italienne dans les Alpes Maritimes, présentés par Jean-Louis Panicacci : « Le 9 septembre, le P.C. de la 224e division côtière quitte Nice vers 10 heures et la débandade commence: vol ou achat de vélos et d'automobiles, abandon de matériel et d’uniformes - souvent troqués contre des costumes civils - fuite vers la frontière. Peu demeurent compacts, comme le 56e Autogruppo. de St Vallier de Thiey - qui est capturé aux portes de Grasse à l'exception de son commandement qui parvient à gagner Digne et le col de Larche - et le bataillon mobile de la G.A.F. de Peïra Cava, qui parvient à gagner Fontan puis Vinadio.
Partout dans l'arrière-pays, des isolés ou des groupes de fugitifs essaient d'atteindre les cols de la Tinée, de la Vésubie et la Roya, passant par Roubion, Valdeblore, Puget Rostang, Luceram, Moulinet. Le curé d'Auribeau conduit un groupe de soldats de la région grassoise à la Haute-Tinée par le col de Crous, avant de leur indiquer le chemin de Colla Longa.
Les carabiniers en poste dans ce secteur remettent leurs armes lourdes et leurs véhicules aux gendarmes de St Etienne de Tinée qui leur indiquent l'itinéraire adéquat pour se rendre dans la vallée de la Stura. Deux fuyards perdent la vie au cours de leur exode: le premier se noyant dans la Tinée près d'Isola et le second étant tué par balles – vraisemblablement tué par des Allemands - au Golf du Mont Agel.
A Menton, c'est l'embouteillage durant tout l'après-midi, des milliers de soldats et des centaines de véhicules éprouvant des difficultés à se frayer un chemin par l'étroite voie d’accès à traversla Vieille Ville, ce qui favorise l'abandon du matériel:
« Bientôt il y a des tas de fusils, cartouchières, casques, sacs et même de superbes chaussures neuves. Les jardiniers de Garavan viennent, dans le tas, choisissent leur pointure visiblement satisfaits de n'avoir pas eu à présenter de bons d'achat. » Les fonctionnaires du Commissariat Civil détruisent certains dossiers, en abandonnent ou d'autres avant de gagner le pont Saint-Louis tandis que les derniers soldats éventrent des caisses de cigarettes "A.C.I.» et «Milit», puis liquident un stock de vin -offert par le P.N.F. aux combattants - à la grande joie des badauds. Lorsque les éléments allemands parviennent à l'ancienne frontière, les sapeurs du 7eme Alpini, (division Pustcria» ) font sauter la route de la Mortola : ils feront de même, peu après au col de Brouis et au pont de l'Arbousset (Basse-Roya), afin de protéger le repli des troupes de la IVa Armata qui défileront jusqu'au surlendemain à Fontan, dans le plus grand désordre, la RN .204 étant jonchée de boîtes de conserves, de casques, de cartouchières, cuisines roulantes et de dossiers. L'atelier de réparation mécanique de Fontan est, par contre, détruit par le feu avant le départ des derniers éléments de la garnison, qui seront capturés à Tende le 14 septembre.
La Résistance met à profit la «grande pagaille» du 9 septembre pour récupérer du matériel ou pour le détruire avant que les nouveaux occupants ne s'en emparent : 20 mortiers et 2 canons de 75 sont ainsi sabotés à Nice, 8 canons à Menton tandis que le parc àfourrages de Bon Voyage est incendié une nouvelle fois.
La plupart des soldats capturés sont dirigés sur les camps de Fréjus ou directement sur des stalags, comme les «Alpini costieri» partis le 12 septembre de la gare de Cagnes sur Mer dans des wagons àbestiaux, avec une galette par tête et une boîte de viande pour dix, à l’exception de 152 officiers, 198 sous-officiers et 300 soldats - souvent ordonnances - qui sont internés à Cannes jusqu'aux 10 et 19 octobre, avant de rejoindre en Allemagne les généraux De Cia, Pagliano et Gallo déportés le 23 septembre. Il semble que 30 officiers et 10 soldats aient échappé à la déportation après avoir accepté de poursuivre les hostilités aux côtés de Allemands. Les gendarmes français arrêteront du 15 septembre au 19 octobre, 133 soldats de le la IV a Armata qu’ils remettront aux autorités allemandes. »
Témoin de la fuite de groupes de militaires dans la haute vallée du Var, nous les avons rencontrés alors qu’ils abandonnaient leur véhicule faute de carburant, répétant effarés « Salvagi i Tedeschi ! »
Ces cris étaient bien loin des prétentions irrédentistes arrogantes des fascistes mussoliniens, telles que « Nizza nostra », proclamées en novembre 1942, alors que les troupes emplumées arrivaient en paradant dans le département !
D’autres bandes venues de Toulon, en civil, chaussés d’escarpins, descendaient de la montagne après s’être égarés, avec comme seul objectif: rejoindre au plus vite la frontière italienne.
Quelques passeurs improvisés les accompagnaient pour franchir les cols, moyennant finance, alors que d’autres en profitaient pour les dévaliser pendant leur sommeil dans les granges !
Ainsi s’achevait l’occupation italienne des Alpes Maritimes après un an de présence.
Edmond ROSSI
18:19 Publié dans Découverte du Pays d'Azur, HISTOIRE | Lien permanent | Commentaires (0)