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24/12/2011

1943: FIN DE L'OCCUPATION ITALIENNE DES ALPES MARITIMES

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LA FIN DE L’OCCUPATION ITALIENNE DANS LES ALPES MARITIMES :

JUILLET- SEPTEMBRE 1943

 

L’Armistice de Cassibile signé secrètement le 3 septembre 1943, est l'acte par lequel le Royaume d'Italie cesse les hostilités contre les forces britanniques et américaines au cours de la Seconde Guerre mondiale.

En Italie cet Armistice (une capitulation, en fait) est communément appelé le « 8 septembre », date à laquelle il a été rendu public.

 

L’historien Jean-Louis Panicacci décrit dans son livre « Les Alpes Maritimes - 1939 - 1945 - Un Département Dans La Tourmente » ce qui a suivi la chute de Mussolini, l’abandon des signes fascistes, la joie des habitants de zones promises à l’annexion, comme à Menton, l’inquiétude de la population juive.

Les illusions sur une fin de conflit rapide furent vite dissipées et le problème majeur pour les soldats italiens fut bientôt de rejoindre la péninsule, pour certains d’entre eux en échappant aux troupes allemandes qui les remplaçaient progressivement.

L’auteur s’intéresse aux contradictions apparentes d’une période complexe au cours de laquelle les attaques des maquis ne cessent pas plus que la rude répression, où les manifestations patriotiques accompagnent les obsèques des condamnés et des aviateurs alliés et où les sentiments anti-italiens s’expriment de plus en plus.

Dans le même temps, les efforts du banquier italien Angelo Donati pour faire passer les juifs français et réfugiés en Italie aboutirent à leur regroupement dans la région niçoise dans l’attente d’un transport vers l’Italie.

Dès l’annonce le 8 septembre de la cessation des combats entre Alliés et Italiens, le désarmement des unités italiennes se fit par les soldats allemands qui se heurtèrent en quelques points à des poches de résistances qui alimentèrent quelques combats.

La débandade fut plus spectaculaire dans les Alpes-Maritimes, alors qu’un peu partout se produisirent des pillages des entrepôts laissés par les Italiens.

L’ouvrage accorde également une attention particulière à l’épisode de la marche en altitude d’un millier de juifs étrangers assignés à résidence forcée, quittant Saint-Martin Vésubie pour gagner les hautes vallées du Piémont, se délestant progressivement de leurs bagages et accueillis et réconfortés au terme d’une marche épuisante par les militaires italiens gardant la frontière.

Le 10 septembre, il ne restait plus beaucoup de soldats italiens dans le département en dehors de ceux qui avaient été capturés par les Allemands.

En conclusion, ce livre montre l’écart qu’il y eut entre la présentation par la propagande italienne et la réalité d’une occupation qui dans sa phase généralisée à partir de novembre 1942 avait à compter non seulement avec le puissant allié allemand qui limitait la marge de manœuvre des Italiens mais aussi avec le gouvernement de Vichy soucieux de faire respecter ses prérogatives. Il souligne également que la perception d’une occupation plus bonhomme ne se comprend que par comparaison avec l’occupation allemande qui a suivi ainsi que l’ambiguïté des sentiments éprouvés par la population envers les Italiens.

Ils étaient les auteurs du coup de poignard de 1940 et ils avaient occupé des fractions du territoire à partir de 1940, tout le Sud-Est à partir de 1942 mais ils pouvaient aussi être perçus comme « victimes à la fois du fascisme et de l’Allemagne. »

 

Voici les détails de la fin de l’occupation italienne dans les Alpes Maritimes, présentés par Jean-Louis Panicacci : « Le 9 septembre, le P.C. de la 224e division côtière quitte Nice vers 10 heures et la débandade  commence: vol ou achat de vélos et d'automobiles, abandon de matériel et d’uniformes - souvent troqués contre des costumes civils - fuite vers la frontière. Peu demeurent compacts, comme le 56e Autogruppo. de St Vallier de Thiey - qui est capturé aux portes de Grasse à l'exception de son commandement qui parvient à gagner Digne et le col de Larche - et le bataillon mobile de la G.A.F. de Peïra Cava, qui parvient à gagner Fontan puis Vinadio.

Partout dans l'arrière-pays, des isolés ou des groupes de fugitifs essaient d'atteindre les cols de la Tinée, de la Vésubie et la Roya, passant par Roubion, Valdeblore, Puget­ Rostang, Luceram, Moulinet. Le curé d'Auribeau conduit un groupe de soldats de la région grassoise à la Haute-Tinée par le col de Crous, avant de leur indiquer le chemin de Colla Longa.

Les carabiniers en poste dans ce secteur remettent leurs armes lourdes et leurs véhicules aux gendarmes de St Etienne de Tinée qui leur indiquent l'itinéraire adéquat pour se rendre dans la vallée de la Stura. Deux fuyards perdent la vie au cours de leur exode: le premier se noyant dans la Tinée près d'Isola et le second étant tué par balles – vraisemblablement tué par ­des Allemands - au Golf du Mont Agel.

A Menton, c'est l'embouteillage durant tout l'après-midi, des milliers de soldats et des centaines de véhicules éprouvant des difficultés à se frayer un chemin par l'étroite voie d’accès à traversla Vieille Ville, ce qui favorise l'abandon du matériel:

« Bientôt il y a des tas de fusils, cartouchières, casques, sacs et même de superbes chaussures neuves. Les jardiniers de Garavan viennent, dans le tas, choisissent leur pointure visiblement satisfaits de n'avoir pas eu à présenter de bons d'achat. »  Les fonctionnaires du Commissariat Civil détruisent certains dossiers, en abandonnent ou d'autres avant de gagner le pont Saint-Louis tandis que les derniers soldats éventrent des caisses de cigarettes "A.C.I.» et «Milit», puis liquident un stock de vin -offert par le P.N.F. aux combattants - à la grande joie des badauds. Lorsque les éléments allemands parviennent à l'ancienne frontière, les sapeurs du 7eme Alpini, (division Pustcria» ) font sauter la route de la Mortola : ils feront de même, peu après au col de Brouis et au pont de l'Arbousset (Basse-Roya), afin de protéger le repli des troupes de la IVa Armata qui défileront jusqu'au surlendemain à Fontan, dans le plus grand désordre, la RN .204 étant jonchée de boîtes de conserves, de casques, de cartouchières, cuisines roulantes et de dossiers. L'atelier de réparation mécanique de Fontan est, par contre, détruit par le feu avant le départ des derniers éléments de la garnison, qui seront capturés à Tende le 14 septembre.

La Résistance met à  profit la «grande pagaille» du 9 septembre pour récupérer du matériel ou pour le détruire avant que les nouveaux occupants ne s'en emparent : 20 mortiers et 2 canons de 75 sont ainsi sabotés à Nice, 8 canons à Menton tandis que le parc àfourrages de Bon Voyage est incendié une nouvelle fois.

La plupart des soldats  capturés sont dirigés sur les camps de Fréjus ou directement sur des stalags, comme les «Alpini costieri» partis le 12 septembre de la gare de Cagnes sur Mer dans des wagons àbestiaux, avec une galette par tête et une boîte de viande pour dix, à l’exception de 152 officiers, 198 sous-officiers et 300 soldats - souvent ordonnances - qui sont internés à Cannes jusqu'aux 10 et 19 octobre, avant de rejoindre en Allemagne les généraux De Cia, Pagliano et Gallo déportés le 23 septembre. Il semble que 30 officiers et 10 soldats aient échappé à la déportation après avoir accepté de poursuivre les hostilités aux côtés de Allemands. Les gendarmes français arrêteront du 15 septembre au 19 octobre, 133 soldats de le la IV a Armata qu’ils remettront aux autorités allemandes. »

Témoin de la fuite de groupes de militaires dans la haute vallée du Var, nous les avons rencontrés alors qu’ils abandonnaient leur véhicule faute de carburant, répétant effarés « Salvagi i Tedeschi ! »

Ces cris étaient bien loin des prétentions irrédentistes arrogantes des fascistes mussoliniens, telles que « Nizza nostra », proclamées en novembre 1942, alors que les troupes emplumées arrivaient en paradant dans le département !

D’autres bandes venues de Toulon, en civil, chaussés d’escarpins, descendaient de la montagne après s’être égarés, avec comme seul objectif: rejoindre au plus vite la frontière italienne.

Quelques passeurs improvisés les accompagnaient pour franchir les cols, moyennant finance, alors que d’autres en profitaient pour les dévaliser pendant leur sommeil dans les granges !

Ainsi s’achevait l’occupation italienne des  Alpes Maritimes après un an de présence.

 

Edmond ROSSI

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