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14/03/2012

A ROYA DANS LA VALLÉE DE LA TINÉE, LE SECRET DU SEIGNEUR DE L'ALP

LE MANOIR DE ROYA, HAUTE TINEE.jpg

 

Lorsque Pauline poussa la porte de la chapelle le soleil pénétra largement dans la nef mettant un terme à mon recueillement. Je quittai la pénombre et m'avançai pour l'accueillir. Elle portait un gros bou­quet de fleurs parfumées qui dissimulait la moitié de son corps et ne laissait apparaître qu'un visage rond au teint clair, encadré de deux tresses rousses. D'un pas rapide et souple elle approcha :

- Monsieur le curé, pardonnez-moi, je ne voulais pas vous déranger, je venais simplement fleurir la statue de notre Sainte Mère, vous m'avez fait peur, je ne vous avais pas vu dans l'ombre.

- C'est bien, Pauline, samedi tu conduiras la procession avec les filles du village, je compte sur toi pour confectionner les couronnes de buis.

Un large sourire illumina sa frimousse piquée de taches de rousseur.

En cette veille du quinze août, notre petite commu­nauté de Roya, perdue dans ses montagnes, s'activait à préparer la grande fête de la Vierge, patronne du lieu. La procession constituait le moment essentiel de cette importante journée et chacun se devait d'y tenir son rôle. Les bergers, bâton en main, avec leurs guêtres et gilet en peau de mouton, leur grand chapeau et leur cape, les bûcherons en pantalon de velours sombre, la taille serrée par une large ceinture, les paysans cravatés de cordons multicolores, leurs femmes vêtues de noir, coiffées de dentelles blanches, les bravadiers en gilet, fusil à large embouchure sur l'épaule, tout ce monde suivant gravement la statue vacillante de la Madone portée par six hommes mûrs en bras de chemise, précédée par un essaim de jeunes filles en longue chemise blanche, pieds nus, le front couronné de verdure.

A l'avant de ce cortège, j'avan­çais, suivi des enfants de chœur, avec à mes côtés, très digne, Jules Achiardi, seigneur de l'Alp, maître du village. Cet homme de haute taille, la barbe rousse et les cheveux poivre et sel flottant sur les épaules, fixait les pierres du chemin de ses yeux bleu clair, en tenant dans ses mains jointes un large chapeau de feutre kaki décoré d'une plume de faisan. J'imaginais que cette année encore, pendant deux bonnes heures, nous remonterions les sentiers caillouteux dans la chaude poussière de l'après-midi, s'arrêtant régulièrement devant les divers oratoires pour bénir champs et moissons.

Les falaises rocheuses répercutaient en échos les pétarades de la bravade, avant que le concours de boules ne me ravisse la vedette en réunissant tous les hommes du village.

Lorsque le samedi je reçus mes ouailles en confes­sion, je fus très étonné de ne point entendre les chuchotements de la petite Pauline. Je savais bien que sa conscience légère ne pouvait être entachée que d'intentions et de désirs puérils, mais je me promettais de la rappeler à ses devoirs. Le lendemain matin avant la grande messe, son père et son frère aîné vinrent m'avertir dans la sacristie que la gamine avait disparu depuis vendredi soir.

Partie dans le bois de l'Ubac pour rapporter quelques brassées de buis, comme je le lui avais demandé, elle n'était plus reparue depuis.

Jules Achiardi et ses chiens avaient battu la forêt avec les hommes du village sans trouver trace de la jeune fille.

L'après-midi, la procession fut abrégée à cause d’un violent orage. Le ciel se boucha très vite, devint d'un noir d'encre, le tonnerre claqua vers la cime Nègre, les éclairs zébraient l'atmosphère et bientôt de larges gouttes s'écrasèrent sur la poussière du chemin, nous obligeant à chercher abri sous l'aire de Murris.

Jules Achiardi me proposa de profiter d'une accalmie pour rejoindre son château tout proche et d'y bénir la chapelle. Chacun partit alors en débandade.

Précédé du seigneur et suivi de mes deux enfants de chœur, je franchis l'étroit pont de bois sur le torrent qui grossissait très vite, et quelques minutes plus tard nous étions dans la chapelle. Un cierge brûlait au pied de la statue de la Vierge couronnée d'une tresse de branches de buis frais.

L'hiver se passa sans trop de dommage, la neige tardive ralentit la venue du printemps, et durant les longues veillées on parla souvent de Pauline, mais aussi de Mélanie et Clotilde, disparues dans des circonstances tout aussi mystérieuses. L'une partie cueillir des myrtilles au Colombet, l'autre montée au Jassinette pour y rejoindre son oncle, n'étaient jamais reparues. On évoqua les loups qui n'épargnaient guère les moutons, mais l'étrange absence de cada­vres et de vêtements troublait les meilleurs chasseurs

Bientôt les perce-neige accompagnés de taches vertes qui s'élargissaient très vite, le soleil montant plus haut avec des rayons plus chauds, annoncèrent le retour du printemps tant attendu.

Nous étions à quelques jours de Pâques, lorsqu'une terrible nouvelle endeuilla à nouveau notre commu­nauté. Marie la fille de Fabron, une mignonne brunette, fut emportée par une avalanche dans le vallon du Riou blanc alors qu'elle ramassait du bois mort pour cuire le pain. Du moins c'est ce que nous supposions, car là encore pas de trace du corps de la jeune fille. La seule preuve provenait du bonnet de laine que Jules Achiardi avait découvert en bordure de la coulée de neige.

L'automne suivant, l'épouvantable fatalité qui sem­blait s'en prendre aux filles en âge de se marier s'abattit à nouveau sur Julie, une gracieuse blonde tout en sourires qui avait été notre rosière.

Julie, servante de notre seigneur solitaire, ne revint pas de la foire de Saint-Étienne où elle était descendue faire quelques emplettes. Comme elle n'avait pas l'humeur vagabonde, on se perdit en conjectures sur son sort.

Le bon Achiardi me remit les quelques affaires qu'elle possédait, avec mission de les rendre à sa famille. Le petit baluchon s'étant dénoué, je fis un inventaire involontaire de son contenu. Si les jupes en courtil, les cotillons blancs bordés de dentelles faisaient partie de l'ordinaire d'une fille de sa condition, je fus tout de même surpris de découvrir un corsage moulant damassé de grosses fleurs, avec manches longues et serrées enveloppant des poignets festonnés de fines dentelles, le tout rehaussé d'un magnifique ruban de soie noire portant une croix en argent ciselé décorée d'un cristal de roche: un habit de princesse ! Peut être l'aimable Julie avait-elle longtemps économisé pour s'offrir de pareils atours ?

Les propos les plus divers se répandirent, mettant en cause les Piémontais qui s'embauchaient comme bûcherons et aimaient taquiner les filles du pays. Chaque été dans le torrent, au gros de la chaleur, les femmes à moitié dévêtues lavaient la laine des mou­tons. Quand elles se savaient seules, elles se bai­gnaient nues pour se rafraîchir. Ces ébats n'avaient pas échappé aux « buscatiers » transalpins qui fai­saient ensuite des gorges chaudes sur les rondeurs des filles. Mais ces diables d'hommes parlaient souvent pour cacher une timidité certaine.

Ils avaient même proclamé très haut que notre maître Jules appréciait fort ces spectacles, pêchant dissimulé parmi les saules en ces périodes de grande lessive.

Un homme si pieux, d'une chasteté exemplaire, refusant les meil­leurs partis, consacrant le plus clair de son temps à la chasse et à la sage administration de ses biens, seules de méchantes langues pouvaient répandre des paroles aussi calomnieuses.

Un jour, en confession, Marguerite, la cadette des Dieudonné, m'avait avoué que Jules Achiardi l'avait comparée à une sainte et invitée à visiter son château. La curiosité l'ayant entraînée dans la sombre demeure, Jules lui avait proposé de venir prier avec lui, puis soudain au comble de l'exaltation il lui avait offert de s'occuper de son intérieur, lui promettant des pièces d'or et bien d'autres cadeaux pour récom­penser ses services et sa présence constante. Une étrange lueur avait alors traversé son regard « C'est si triste ici et je suis bien seul, tu es si gentille. » Toute flattée de susciter l'intérêt d'un personnage aussi important, la gamine était réapparue au château à quelques jours de là. Le seigneur l'avait alors attirée dans son parc à bestiaux sous le prétexte de l'aider à la monte du bélier. Les commentaires troubles de Jules Achiardi, lors des scènes d'accouplement et les comparaisons équivoques sur les plaisirs respectifs des animaux et des hommes pendant la saillie achevèrent de fixer Marguerite sur les intentions de son hôte. A la suite de cette édifiante initiation, l'homme avait tenté de trousser son cotillon sans toutefois parvenir à ses fins. Effrayée, la pauvre enfant s'était enfuie pour ne plus réapparaître au château !

Dans ce contexte, je reçus la visite de notre maître qui venait comme à l'habitude avec un chapon bien gras et un panier de noix, pour « discuter avec son prieur des éternels retards du règlement de la dîme ». Je le sentais embarrassé par ces préalables et lorsqu'il me demanda soudain de l'entendre en confession, je compris que le poids de sa conscience réclamait mon secours. S'il se reprocha d'avoir pressuré injustement les paysans de Roya, d'avoir calomnié et cédé à la violence, là n'était pas l'essentiel. Je décidai de l'encourager à parler en énumérant les différents péchés et en lui demandant enfin s'il n'avait pas été tenté par la luxure. Là, cet homme toujours si sûr de lui m'apparut bouleversé. Baissant les yeux, il ouvrit son cœur : « Mon père, la vie n'est pas simple. Mon éducation religieuse m'a fait un devoir d'être chaste, si bien que tout jeune et pour obéir à ma mère j'ai toujours repoussé les tentations. Pourtant je dois l'avouer, depuis deux ans j'ai succombé à plusieurs reprises. Emporté par le démon, j'ai vécu d'insuppor­tables cauchemars au bout desquels je me réveillais tel un somnambule, ne sachant trop où j'en étais.

Croyez que je regrette ce qui a pu se passer, mon repentir est sincère, je souhaite réparer le mal que j'ai fait. Hélas, je n'ai pas votre force d'âme, vous avez pu résister, moi pas... Ce n'est pas faute de me punir ! » Il ouvrit alors sa chemise et me fit voir des traces de flagellation, brutalisant ce corps sanguin qui le pous­sait à commettre ce qu'il appelait « l'ineffable ».

Je m'avançai en lui demandant si t'objet de cette passion vivait prés de nous « Il est partout », me répondit-il. « Je pressens dans chaque créature que je croise sur les chemins un serpent tentateur, d'autant plus qu'elle m'apparaît souriante, douce et ingénue. C'est comme une morsure qui active douloureusement mes désirs et mes rêves, faisant bouillir mon sang. Je ne peux tout de même pas écarter toutes ces incarnations vivantes du Malin, prêtes à m'entraîner dans l’œuvre de chair. » Il me demanda d'être son intercesseur auprès de l'abbé Galléan et du prieur des pénitents noirs de Saint-Étienne-de-Tinée, pour porter la croix le jour de leur procession, afin d'expier ses péchés. Il ajouta, déterminé: « Mon père, pour en sortir je souhaiterais faire retraite chez les capucins, partager leur paix de l'âme en vivant à l'écart des sollicitations permanentes de la vie quotidienne du village. »

Si j'encourageai le malheureux à suivre le chemin du repentir, je lui rappelai qu'il devrait peut-être songer à fonder famille pour vivre en harmonie avec les hommes et assurer sa succession dans l'intérêt de notre communauté. Mais sa décision était irrévocable et j'y vis comme un appel du Très-Haut.

Quelques mois plus tard, Don Jules Achiardi remit tous ses biens à l'Eglise. Il vécut le restant de ses jours à Sospel, au monastère des franciscains, et mourut en odeur de sainteté, entouré de l'estime affectueuse et du respect de ses anciens sujets. Il emporta avec lui son terrible secret.

Environ deux siècles plus tard, en 1885, les nou­veaux propriétaires du château de l' Alp entreprirent des travaux de transformations. Quelle ne fut pas leur surprise de découvrir quantité d'ossements féminins à l'aplomb des oubliettes. Ainsi s'expliquaient les étranges disparitions des jeunes filles du village, qui avaient eu alors le seul tort d'attirer l'impitoyable satyre. Le sinistre château de Don Jules Achiardi, seigneur de l'Alp, dresse encore sa silhouette rustique sur un tertre herbeux, à proximité du hameau de Roya éparpillé au fond d'une vallée, dominée par le Mont Mounier et les pistes de ski de la célèbre station d'Auron.

D’après « Les Histoires et Légendes du Pays d’Azur », pour commander cet ouvrage dédicacé de 15 € : contacter edmondrossi@wanadoo.fr 

Des histoires extraordinaires naissent sous tous les cieux, mais seul un cadre favorable les fait éclore.

La situation géographique du Pays d’Azur où les Alpes plongent dans la mer dans un chaos de montagnes et de vallées profondes lui confère déjà un caractère exceptionnel. Les climats qui s 'y étagent de la douceur méditerranéenne de la côte aux frimas polaires des hauts sommets sont tout aussi contrastés. Si l'on ajoute que l'homme a résidé sur ces terres d'opposition depuis ses origines, on ne peut s'étonner de trouver en lui la démesure du fantastique révélée par les outrances du décor.

Cet environnement propice ne devait pas manquer de pro­duire dans la vie de ses habitants une saga où l'imaginaire rejoint naturellement la réalité.

Depuis les milliers d'étranges gravures tracées à l'Age du Bronze sur les pentes du Mont Bégo dans la Vallée des Merveilles, en passant par les fabuleux miracles de la légende dorée des premiers chrétiens, ou les fresques tragiques des chapelles du Haut-Pays, jusqu'aux héroïques faits d'armes des Barbets pendant la Révolution française, longue est la chronique des «Histoires extraordinaires» du Pays de Nice, s'étalant dans la pierre et la mémoire de ses habitants.

Par un survol du passionnant passé de cette région, qu'il connaît bien, Edmond Rossi nous entraîne à travers une cinquantaine de récits mêlant la réalité historique au fantastique de la légende.

Rappelons qu'Edmond ROSSI, né à Nice, est entre autres l'auteur de deux ouvrages d'Histoire appréciés, dont «Fantastique Vallée des Merveilles», d'une étude sur les traditions et le passé des Alpes du Sud: «Les Vallées du Soleil» et d'un recueil de contes et légendes de Nice et sa région: «Entre neige et soleil».

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03/03/2012

ALPES MARITIMES:DES HÉRÉTIQUES CONDAMNÉS AU BÛCHER DE VENCE A SOSPEL

63 BRULEMENT D'UN HERETIQUE CATHARE GRAVURE DU XIIIè SIECLE page 63.jpg

 

DE SOSPEL A VENCE : DANS LES FLAMMES DE L’ENFER

Tout au long du XII ème et XIII ème siècle, l’Eglise dut combattre des hérésies dont les plus importantes furent celles des Vaudois et des Cathares.

Les Cathares, surtout nombreux en Italie du Nord et dans le Midi de la France, croyaient que le monde et la société étaient entièrement mauvais. Ils voulurent remplacer le christianisme par une autre religion et former une autre église.

L’Eglise de Rome mena contre eux, en Languedoc, une terrible croisade. Elle fonda ensuite pour lutter contre les hérétiques un tribunal spécial : l’Inquisition.

Si les Vaudois sont inspirés par la pauvreté, en réaction contre la richesse, les Cathares poursuivent un idéal de pureté, en se réclamant d’une tradition spirituelle orientale, le manichéisme, opposant le bien et le mal.

Le Catharisme se développe surtout en Italie du Nord et dans le sud  de la France actuelle (Provence et Languedoc), le long des routes commerciales qui unissent ces régions aux Balkans byzantins, foyers de manichéens orientaux : les Bogomiles.

Les hérésies, devenant de véritables religions hostiles au christianisme, s’organisent en églises avec leurs rites et leur hiérarchie.

Il y eut des évêques cathares et un grand concile international cathare se tint en 1167 à Saint Félix de Caraman, près de Toulouse.

Cette véritable contre-église s’installe également en Provence orientale et eut à subir à la fin du XII ème siècle l’hostilité de l’église romaine, résolue à exterminer l’hérésie par la force.

L‘Eglise organise contre les Cathares du Midi de la France ou Albigeois, une lutte armée qu’elle reconnut comme une «croisade », avec tous les avantages matériels et spirituels qui s’y rattachaient. Encadrés par des légats pontificaux (moines et abbés cisterciens), les petits seigneurs et les aventuriers venus de la France du Nord surpeuplée, se ruèrent à l’assaut des riches terres et des villes du Languedoc. Malgré les atrocités comme le sac de Béziers (1209) où la ville fut pillée et incendiée (y compris la cathédrale) où des milliers de femmes, enfants, vieillards, réfugiés dans les églises, furent massacrés ; il fallut l’intervention du roi de France à partir de 1219, pour venir à bout de la résistance des Albigeois.

Le traité de Paris de 1229 prépara la réunion de la France du Midi et de la France capétienne du Nord.

Les hérésies, cathares ou vaudoise, recrutaient leurs fidèles dans toutes les classes de la société. Mais les plus fervents adeptes venaient des opposants à l’ordre économique, social et politique du système féodal : marchands, notables des villes, travailleurs des champs et des villes (comme les tisserands), mais aussi quelques nobles. La croisade ne mettant pas fin à l’hérésie, l’Eglise eut alors recours au tribunal de l’Inquisition, pour traquer et juger les hérétiques. Comme les accusés refusaient le plus souvent d’abjurer, l’Eglise les abandonnait alors au «bras séculier », c’est à dire aux autorités publiques et laïques qui étaient tenues de les châtier. En France, la peine consistait le plus souvent à être brûler vif.

Ces moments d’horreur de notre histoire ont laissé des traces dans les chroniques des Alpes Maritimes. Paul Canestrier (Traditions religieuses en Pays niçois) indique : « Des colonies de Cathares, d’Albigeois, de Vaudois et d’autres iconoclastes chassés du Languedoc se fixèrent dans les vallées, notamment à Saint Etienne de Tinée, à Péone, à Sospel, au début du XIV ème siècle. Ces hérétiques troublèrent les esprits, incubèrent des idées ariennes, le satanisme, le goût de la magie et de la sorcellerie, réveillèrent les croyances païennes aux bons et aux mauvais génies. Le résultat le plus clair fut de répandre, dans les masses populaires, la peur du Diable, des esprits du mal et de leurs auxiliaires, les sorciers. ».

G. Beltrutti (Tende et La Brigue) précise, au sujet des sorcières victimes de la sévérité des autorités civiles et religieuses : « En 1426, une femme de La Brigue,  accusée de sorcellerie, fut torturée et brûlée à Sospel ; le 10 octobre 1446, le bailli de La Brigue a recours au souverain pontife et s’oppose à la demande de remettre plusieurs sorcières au vicaire apostolique de Sospel. L’évêque de Vintimille s’occupe aussi des sorcières et des hérétiques. Lors de l’été 1497, il envoie à La Brigue l’inquisiteur Fra Girolamo ». Beltrutti poursuit : « Il est donc prouvé qu’à cette époque, nous nous trouvons en présence d’un mouvement hérétique qui, bien qu’encore circonscrit, détermine déjà la présence d’un inquisiteur à La Brigue. Les premiers éléments  concernant l’apparition des hérétiques dans la vallée de la Roya remontent à 1476, c’est à dire à l’époque où l’évêque de Vintimille faisait monter au bûcher de nombreux hérétiques comme le narre Gioffredo ».

J.P. Domerego (Sospel, l’histoire d’une communauté) confirme : « C’est surtout La Brigue qui, vers le milieu du XV ème siècle, devient un centre très actif ouvert aux idées des Vaudois. Dès cette époque les prêtres de Tende, La Brigue et Saorge prêchent ardemment contre les hérétiques. Cependant beaucoup de croyants se réunissent déjà dans une grotte dite «grotte des Couettes » où des pasteurs commencent à prêcher et à enseigner directement la parole du Christ. De là, l’enseignement gagne Vernante et Sospel où les propositions nouvelles se propagent rapidement dans les masses, prédisposées depuis le siècle précédent, Sospel devient un foyer d’hérétiques. En 1471, l’évêque de Vintimille se présente dans la ville. Avec l’approbation du gouverneur de Nice, il fait élever un grand bûcher sur les rives de la Bévéra et fait brûler vives une dizaine de personnes convaincues d’être hérétiques. La persécution ne cesse pas un seul instant car, dès 1488, le pape Innocent VIII proclame une nouvelle croisade contre les Vaudois. Les ducs de Savoie se montrent très cruels à l’égard de leurs sujets épousant les idées nouvelles. On voit même le vice-gouverneur Claudio Bonardi venir en personne à Sospel afin d’allumer de nouveaux bûchers. ».

La lutte est donc impitoyable, dans l’ensemble du diocèse de Vintimille, contre les partisans de la doctrine vaudoise.

Antérieurement, les Cathares de notre région n’avaient pas été mieux traités.

L. Dailliez (Vence : un diocèse, une cité, un canton) signale que Guillaume Giraud, évêque de Vence de 1176 à 1193, s’attacha surtout comme le fit son prédécesseur Lambert «à combattre les hérétiques qui prêchaient leur doctrine dans le diocèse…Le diocèse de Vence avait ouvert ses portes aux Albigeois et aux Cathares qui commençaient à réunir quelques embryons de communautés à La Gaude et à Gattières ». Plus loin l’auteur poursuit : « Romée de Villeneuve fut dans l’obligation de lutter contre les hérétiques. Venant d’Italie ou chassés par les barons du Nord, faisant la pluie et le beau temps dans le Languedoc, les Vaudois et les Cathares s’installent dans notre région et principalement à La Gaude. Une église est installée et nous trouvons mention d’un évêque cathare dans la région…Les archives inquisitoriales de Lombardie à Milan font état de quatre brûlements à Vence au lieu-dit l’Enfer, en présence de l’inquisiteur de Nice, frère Giacomo et de l’évêque du lieu le 19 juillet 1241. Il en sera de même à La Gaude et Gattières ».

Les Alpes Maritimes ont donc étaient impliquées directement dans la tourmente religieuse du Moyen-Age et durent subir la cruelle répression de l’Eglise de Rome.

Les sinistres bûchers de l’Inquisition s’allumeront ici comme ailleurs, sur les places des villes et des villages pour d’innocentes victimes «diabolisées » qui n’avaient que le seul tort de croire autrement.

Plus tard, en 1593, dans la confusion des Guerres de religion, Guillaume le Blanc, évêque de Vence, sermonne les Vençois pour avoir prêter serment de fidélité à un hérétique, leur seigneur, le baron protestant Claude de Villeneuve.

A titre d’exemple de serment impie, il cite celui prêté en 1575 par Jean André Tombarel au Diable Matagon.

C’est un matin, entre Vence et Saint Paul que le bourgeois Tombarel avait rencontré le Diable sous la forme d’un jouvenceau. Ce dernier lui avait proposé de « grands moyens » pour peu qu’il le reconnaisse comme Roi et Prince Matagon. Après que le Diable se soit assis sur la pierre de Mauvan, Tombarel s’agenouilla et lui jura fidélité. Matagon lui fit ensuite signer une reconnaissance écrite enregistrée par le notaire de Vence. A la suite de cet acte de soumission, Tombarel fut emprisonné par la Justice.

A travers cette étrange relation, il apparaît que l’évêque n’hésita pas à assimiler l’hérésie protestante à la pensée du Diable, afin de mieux convaincre ses fidèles.

Plus que jamais intolérante, l’Eglise poursuivra activement la traque des hérétiques. Les bûchers purificateurs ne s’éteindront seulement qu’au siècle des Lumières.

 

D’après « Les Aventures du Diable en Pays d’Azur » (Alandis-éditions Cannes), pour commander cet ouvrage illustré et dédicacé de 18 € : contacter edmondrossi@wanadoo.fr

 

Où mieux rencontrer le Diable que dans les Alpes Maritimes, sur ces terres chargées de contrastes où s’opposent mer et montagne, au carrefour de la Provence et de l’Italie ?

Ici, le Diable est aussi à l’aise sur la Côte d’Azur où s’étalent d’outrageantes richesses que  vers l’intérieur où se cachent une humilité austère.

Puits du Diable, Château du Diable, Cime du Diable, longue est la liste des sites, marqués par la forte empreinte de celui qualifié par Bernanos de « Singe de Dieu ».

De Nice, à la Vallée des Merveilles, devenue son « domaine réservé », le Diable hante les villages, plastronne sur les murs des chapelles et persiste à enflammer l’imaginaire de ses habitants.

Il fallait raconter l’extraordinaire aventure du Diable dans les Alpes Maritimes. Grâce à Edmond Rossi, auteur niçois de plusieurs ouvrages sur l’histoire et la mémoire de son pays, cette lacune est aujourd’hui comblée.

Laissons-nous entraîner, à travers les siècles, sur la piste attrayante et mouvementée, de l’éternel et fascinant tourmenteur du cœur et de l’âme.

 

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25/02/2012

L’ABBAYE DE LA COLLE SUR LOUP

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Ce nom perpétue le souvenir d’une très ancienne fondation religieuse. Dès le Vème siècle, la foi vibrante de Lérins fit germer ici un prieuré, d’où Saint Véran partit un jour rencontrer en intercesseur, sur les bords du Loup, Euric l’envahisseur à la tête des hordes de Wisigoths.

Le miracle se produisit et Euric épargna la cité de Vence. La chance ne se renouvela pas puisqu’en 730, le petit monastère fut saccagé et ses moines massacrés par les bandes sarrasines. Trois siècles passeront sur les ruines mais “ la providence, en ses mystérieux desseins et l’histoire en ses surprenants retours vont faire refleurir ce désert ”. C’est Pierre, fils du Comte Laugier Ruffi, seigneur de Vence, qui fit cadeau du domaine et du manoir du Canadel au nouvel abbé de Saint Véran qui s’empressa d’ériger le bâtiment en prieuré, à la tête duquel il nomma Clari Adalbert. De cette époque (XIème siècle), subsistent une porte fortifiée et une remarquable chapelle de style roman provençal, encastrées dans la masse du château.

Le donjon crénelé et les tourelles couronnées de bâtisses plus récentes, signent leur fonction de résidence seigneuriale. En effet, au XIème siècle, lors de la donation de l’abbaye de Saint Véran (située à l’embouchure du Loup), le prieuré du Canadel fut réservé aux évêques de Vence. Ainsi détaché et devenu épiscopal, il va s’envelopper, durant près d’un demi millénaire, d’un silence mystérieux. Mgr. Grimaldi cède ses droits à Claude de Villeneuve seigneur de Vence.

Le noble castel gardera toutefois, grâce à la piété de ses nouveaux seigneurs et ce deux siècles durant, la chapelle monacale qui résonnera de la mélodie des oraisons.

Ainsi en 1632, Isabeau - épouse de Villeneuve Thorenc, gouverneur de Saint Paul - fonde au Canadel une “ chapellerie ” dotée de 300 livres avec charge d’une messe hebdomadaire à son intention. Cette initiative pieuse sera suivie de beaucoup d’autres puisqu’en 1700 on comptait une dot de plus de 5000 livres !

“ En 1789, notre histoire qui vit la plus juste des causes fut bien souvent desservie par de coupables moyens ”. La Provence ne sera pas épargnée par la tourmente révolutionnaire. Le chapelain du Canadel, condamné à suivre le triste sort des châtelains, abandonne le prieuré. La chapelle magnifique, écrin d’architecture religieuse, classée aujourd’hui par les beaux arts, ne put hélas échapper aux outrages du temps et à la profanation des hommes.

Rendez-vous de chasse au temps des rois, folie au début de ce siècle, un nouveau destin s’ouvre à l’austère demeure en 1937, lorsqu’un certain Joseph Vighi s’appropria ces vestiges vénérables pour en faire une auberge accueillante aux artistes. Un adorable jardin-patio, des salles, couloirs et escaliers décorés de tableaux offrant une exposition permanente dans un décor original, même si les toiles ont été quelquefois “ atrocement figuratives ” pour certains.

Le goût un peu naïf pour les choses de l’art ne retirera rien à cette cordiale maison qu’il gérera trente ans durant. Lieu de rendez-vous de nombre de peintres, d’écrivains et vedettes du septième art, l’Abbaye possède alors un substantiel et éclectique livre d’or où se mêlent les grands noms des visiteurs de la Côte.

Ceux-ci oubliaient là l’atmosphère plus guindée des palaces en dégustant un bœuf en daube très provençal et d’énormes pâtisseries à la crème. On y dînait aux chandelles : d’inimitables bougies multicolores, faisant penser avec leurs couleurs à des stalagmites toujours renouvelées. Le tout dans une ambiance de bel canto et de “ canzonetta ” napolitaine à l’exotisme inattendu qui entraînait les convives à reprendre en cœur ces refrains éternels.

Même si son animateur n’est plus, même si l’on a badigeonné la décoration d’une voûte qui insinuait que les moines n’étaient pas toujours sages, il faut humer ce lieu classé. L’ancien propriétaire avait, par un sentiment chrétien et un sens du beau et du bien, rendu la chapelle à son ancienne destination. De nombreux couples des alentours se marièrent là. Il faut voir les deux magnifiques statues en pied de l’entrée et cette chapelle riche de souvenirs, s’attarder et s’asseoir peut-être à la table qu’occupait Brigitte Bardot, qui se maria dans cette fameuse chapelle historique.

 

D’après «Les Contes et Légendes du Pays d’Azur» (Editions Sutton),

En vente sur Internet http://www.editions-sutton.com

ou dédicacé, au prix de 23 euros, plus frais d’envoi, en contactant edmondrossi@wanadoo.fr

 

Les « Contes du Pays d’azur » ont pour cadre l’extraordinaire décor qui s’étend des Alpes du massif du Mercantour aux rivages de la Côte d’Azur.

Dans cet univers tout est possible, puisque les outrances de la nature dépassent souvent les excès de l’imaginaire.

Les contes, histoires orales nées de la tradition populaire, attestent au travers du merveilleux de réalités historiques authentiques.

Reflets du passé, ces récits constituent les fondements de la mémoire collective d’un terroir au particularisme évident.

Edmond Rossi, écrivain niçois, auteur de différents ouvrages traitant de la riche histoire de sa région, témoigne à nouveau ici, en présentant une anthologie des contes les plus passionnants du Pays d’Azur.

Ce fabuleux florilège s’étend des mythes des origines aux relations insolites précédant l’apparition de la télévision, fatale à l’expression orale des veillées.

Les « Contes du Pays d’Azur » nous ouvrent la porte d’un  univers où l’émotion se mêle souvent à la magie du mystère.

Pour un temps, laissons-nous entraîner vers ce monde troublant pour y retrouver la chaude et naïve simplicité des récits de nos ancêtres.

 

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Aujourd'hui samedi 25 février, Edmond ROSSI dédicace ses livres à la Bibliothèque de Saint Laurent du Var (face à la nouvelle Eglise) à compté de 15 heures.