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14/10/2013

LA SORCELLERIE DANS LES ALPES MATIMES

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La sorcellerie n'est plus aujourd'hui qu'une curiosité à placer au rayon des pratiques d'un autre temps. Ceux qui hésitent et accordent encore crédit à ces démarches sulfureuses sont vite qualifiées de pauvres d'esprit devant les évidences de la science repoussant ces naïvetés venues d'un passé obscurantiste.

Pourtant, depuis les années 70 et le courant de pensée du "New Age", l'intérêt s'est à nouveau manifesté pour le surnaturel et la sorcellerie jugés comme des expressions authentiques des origines de l'humanité en symbiose avec la nature.

Avant que la sorcellerie n'apparaisse dans l'Histoire à l'occasion de procès retentissants conduisant aux bûchers des XVI et XVIIèmes siècles, celle-ci véhiculait des croyances nées dans le paganisme des premiers âges de l'humanité.

L'Eglise pour imposer ses principes et sa doctrine a dû combattre pied à pied les religions qui l'avaient précédée. Les antiques lieux de cultes seront christianisés, les anciens pèlerinages repris et transformés, les saints patrons remplaceront des divinités porteuses des ferveurs antérieures, autant d'adaptations et de corrections conduisant vers une main mise patiente et opiniâtre mais qui ne sera jamais complète.

Les prétendues "orgies" ou sabbats principaux chefs d' accusation qui impliquent l'assimilation de la sorcellerie à l'hérésie, reflètent la protestation contre un ordre social et religieux imposé par la contrainte. Ces conduites débridées, ces élans de débauche témoignent d'une révolte et d'un intense besoin de liberté, visant à retrouver un état de perfection, connu seulement aux origines et présent dans l'imaginaire collectif aux périodes de crise.

La Sorcellerie apparaît alors comme une contre-culture contestant les institutions par des pulsions qualifiées de "sataniques", puisque en rupture avec le conformisme religieux imposé. Par elle s'exprime un profond mécontentement soutenant une lutte ardente contre l'ordre établi.

Dans ce contexte, les accusations de sorcellerie et d'hérésie comme celles portées contre des sujets prétendument possédés, constituèrent les points de départ de procès sommaires à l'issue tragique. Les motivations répressives de l'Inquisition étaient aussi variées qu'inavouables. Aux raisons théologiques et culturelles, s'ajouteront de puissantes pressions politiques et économiques visant à exclure et à écraser des minorités sociales afin de garantir la stabilité de la classe dominante.

Les plus nombreuses victimes furent des femmes, souvent taxées de sorcellerie pour des motifs futiles et uniquement dans le but de les empêcher d'acquérir un minimum d'émancipation.

Au Moyen Age, la maladie est encore assimilée au péché et le carcan religieux est plus présent que jamais. A une époque où même le roi de France est envoûté, tout et le contraire s'expriment par la magie.

Lieux, temps, regards, apparences, engendrent méfiance et suspicion. S'appuyant sur les textes canoniques, la sorcellerie va devenir une hérésie et la chasse aux sorcières nécessitant un code, ce sera le "directorium inquisitorium" de Nicholas Aymerie édicté en 1376. Les femmes deviendront les créatures de Satan (faiblesse, malice, lubricité, jalousie, infidélité, ambition, luxure, …), la liste est longue et va justifier une répression mortelle. L'ordalie est à la mode et il est préférable de mourir innocente plutôt que d'avoir recours au Diable !

Ajoutons que les femmes de la classe la plus pauvre de la société, habituées à la soumission et souvent incultes; voyaient leur simplicité de jugement ou leur incompréhension retenues comme signe évidents de sorcellerie.

L'accusation restant anonyme, les bûchers vont atteindre leur apogée au XVIème siècle, faisant l'unanimité des catholiques et des protestants … Le feu purificateur brûlera jusqu'au siècle des Lumières, le sort des femmes dans la société ayant été réglé par cette déprimante constatation : "Elles ont le Diable au corps !".

Il faut pourtant admettre que la sorcellerie n'est pas une spécialité féminine, puisque née d'une disposition humaine universelle face à la crainte de la maladie et de la mort, à la préoccupation naturelle de protéger ses biens (récoltes, animaux) et aux rêves obscurs de possession et de puissance par l'acquisition de pouvoirs surnaturels favorisant conquêtes amoureuses et vengeances impitoyables.

Le dénuement, la faiblesse et l'ignorance expliquent aussi cette démarche de l'impossible où la magie l'emporte sur la raison.

L'ancien Comté de Nice s'est détaché de la Provence en 1388 et les actuelles Alpes Maritimes comportent un vaste territoire situé à l'ouest du fleuve Var (secteurs de Cagnes, Vence, Antibes, Cannes et Grasse) reste historiquement et culturellement provençal. La sorcellerie connaîtra un destin similaire dans les deux régions partagées par le fleuve.

Après la période intensive de chasse aux sorcières et les tourments qu'elle génère, le calme et le silence s'installent jusqu'à nos jours sans que l'on s'inquiète de ces usages mystérieux jugés surannés.

Néanmoins, le monde rural conservera tout un catalogue de pratiques magiques comme certains remèdes dont les recettes s'étaient transmises de génération en génération au fil des siècles avec un pouvoir de guérison démontré en maintes occasions.

Aujourd'hui, avec la désertification des campagnes et l'uniformisation culturelle, la sorcellerie est devenue un objet d'étude folklorique et ethnologique. Les superstitions sont méticuleusement répertoriées et certaines "diableries" étranges observées comme des témoignages pittoresques d'un passé où ces habitudes bizarres se mêlaient au quotidien. Des "chroniques insolites" ne pouvaient ignorer la sorcellerie dont les témoignages abondent dans les Alpes Maritimes du XVème au XVIIème siècle aussi bien dans les bourgs du littoral que dans les villages de l'intérieur, retranchés et isolés par un relief tourmenté, rendant difficile les circulations et les échanges.

Certains historiens supposent que la magie et la sorcellerie furent propagées par les Vaudois qui se réfugièrent au XIIème siècle dans les Hautes Vallées du Var de la Tinèe et de la Bévéra. Les Albigeois eux aussi exilés auraient constitué au XIIIème siècle d'importantes colonies cathares à La Gaude, Sospel et Péone.

La confusion s'installa dans les esprits qui assimilèrent ces "hérétiques" à des sorciers les entraînant dans la même répression. Les bûchers s'allument alors aux quatre coins des Alpes Maritimes, de Vence à Sospel et de Tende à Péone, pour punir ces malheureuses victimes de procès sommaires. Rien que dans les dernières années du XVIème siècle, la curie épiscopale de Nice instruisit 15 affaires de sorcellerie.

La dernière sorcière exécutée le sera à Castellar le 16 novembre 1623 : accusée de se transformer en chatte noire en compagnie de ses consoeurs, pour adorer le diable au cours de sabbats dans les ruines du village médiéval du Vieux Castellar. Après qu'elle fut étranglée, son corps fut incinéré sur le parvis de la chapelle St Antoine.

D'autres sorcières connurent le même sort funeste dans divers villages voisins de la proche Ligurie, à Vintimille, Triora, Taggia et bien d'autres.

La doctrine magique et les pratiques étranges répandues au Moyen Age survécurent, elles étaient encore vigoureuses au siècle dernier.

La science se penche aujourd'hui avec intérêt sur les procédés surnaturels et les médecines traditionnelles des peuplades primitives qui s'avèrent prometteurs de fructueux résultats négligés jusque là. Pourquoi ne pas s'attarder sur ceux de nos ancêtres si proches et tout aussi éprouvés au fil des siècles ?

Quant aux mystères qui entourent certains maléfices et sortilèges, sachons faire confiance aux progrès de la Parapsychologie, aujourd'hui reconnue jusqu'à l'Université. La démarche de cette science explique une grande part des phénomènes surnaturels rejetés jusque là faute d'explications rationnelles.

Ces pratiques persécutées et rejetées pendant des siècles méritent bien qu'on s'y attarde. Nous nous garderons de prendre position sur leur validité, en laissant le dernier mot à votre libre arbitre et à votre sens critique.

 

D’après « Les Histoires et Légendes du Pays d’Azur », pour commander cet ouvrage dédicacé de 15 € : contacter edmondrossi@wanadoo.fr 

21/09/2013

GUILLAUMES ET SES FOIRES D'AUTOMNE

22 LES BERGERS DEBUTAIENT LEUR TRANSHUMANCE VERS LA CRAU.jpg

Guillaumes se caractérise par des foires qui remontent au Haut-Moyen-âge et qui ont assuré pendant des siècles la renommée et la richesse de la commune. Au cœur de la Haute-Vallée du Var, le bourg fut toujours le centre de transactions et, en quelque sorte, le régulateur de la vie de la vallée. La ville obtint jadis des divers comtes de Provence et rois de France de nombreux privilèges et franchises pour ses foires. Ainsi le roi René concéda en 1445 la franchise de plusieurs foires pour développer le commerce. Henri II élargit le privilège et Louis XII, en 1500, étendit la franchise à toutes les foires de la cité. Guillaumes recueillait de ses foires franches de gros avantages et tirait des revenus substantiels du passage sur son territoire des troupeaux transhumants venant de Saint-Martin de Crau, Berre, Aubagne etc... Dont les bergers devaient lui verser un droit de pulvérage (droit levé autrefois par le seigneur sur les troupeaux qui passaient sur ses terres, à cause de la poussière qu'ils soulevaient). Quatre foires avaient annuellement lieu à Guillaumes : le 25 Mai, 16 Août, 7.Octobre et 10 Novembre. La dernière, la plus importante, durait deux jours car elle marquait la fin des grands travaux agricoles et le début de l'hiver. On y traitait du bétail.: mules, mulets, ânes, bœufs, vaches, moutons, agneaux, brebis, chèvres, porcs, mais aussi des animaux de basse-cour, et des céréales, légumes secs, riz, pâtes, de l'huile d'olive et de noix, du chanvre, de la laine, du cuir et de peaux, des chaussures, de la mercerie, et des étoffes : mousseline, toiles fines et dentelles, de chapeaux de laine, d'étoffe et de paille, des draps... sans oublier le vin.
Les foires de Guillaumes purent se maintenir à travers les siècles et la commune demeure toujours un centre commercial important. Les foires les plus renommées sont celles aux bestiaux du 16 septembre (quelque soit le jour de la semaine) dite foire aux tardons, (par "tardons", il faut entendre "agneaux nés tardivement en montagne") et du 2ème samedi d'octobre qui attirent un public très nombreux.

 

D’après « Les Histoires et Légendes du Pays d’Azur », pour commander cet ouvrage dédicacé de 15 € : contacter edmondrossi@wanadoo.fr 

20/08/2013

A VENCE, QUAND LES GENETS FLEURISSAIENT A NOEL...

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« Ne désespérez jamais, faites infuser d’avantage. » Henri Michaux

Pour resituer la menace des Sarrasins dans les Alpes Maritimes, rappelons qu’après avoir été battus par Charles Martel, les Maures se replient en Provence où ils brûlent Cimiez et Lérins en 734.

Les raids se poursuivent ensuite, avec une attaque sur Nice en 813.

A la suite de sa prise de pouvoir en 822, le comte Hugues d’Arles détruit l’armée sarrasine, avant de céder ses droits au duc de Bourgogne Rodolphe II. Les Sarrasins se regroupent alors dans la Basse Provence.

Commence à ce moment-là, une période sombre pour la Provence orientale qui durera presque un siècle de, 883 à 972.

Installés au Fraxinet (La Garde-Freinet) au- dessus  du Golfe de Saint Tropez, au Cap Ferrat et à Eze,  les Sarrasins opèrent dans toute la région, ravageant  successivement Grassse, Nice, Cimiez, La Turbie et Vence.

Le comte d’Arles Guillaumes et son frère le marquis  de  Turin Arduin fédèrent  les seigneurs locaux dans  une sorte de croisade qui aboutit en 972-974, à l’expulsion définitive  des Maures de leur repaire du Fraxinet.

Après cette glorieuse épopée, Guillaume dit «le libérateur » assoit son autorité sur une Provence indépendante en prenant le titre de marquis.

Mais la menace  insidieuse des corsaires musulmans catalans ou andalous, va se poursuivre par des raids surprises  sur les côtes des Alpes Maritimes. En 1047, l’île de Lérins est de nouveau dévastée et  les jeunes moines sont emmenés en Espagne musulmane.

L’incendie criminel de la cathédrale épiscopale d’Antibes en 1125, par les princes opposés à l’évêque, sera mis ensuite au compte des Sarrasins qui, donc, sévissaient encore dans la région.   

Qui étaient ces  pirates enturbannés venus  de  la mer ? Selon les historiens, des  muwallads espagnols convertis à l’Islam ou des mozarabes chrétiens sous domination musulmane du calife de Cordoue.

S’y ajoutaient parfois des apports du  Maghreb, comme en  934, quand  une  flotte arabe, venue d’Afrique et de Sicile, saccage la ville de Gênes.

En Espagne, le  roi d’Aragon Jacques le conquérant (1213-1276 ) atténuera le péril par la conquête de Valence et des Baléares. Il en sera de même lors de la reconquête de Murcie en 1243. 

Mais il faudra attendre 1492, pour voir les musulmans, chassés de leur royaume de Grenade, quitter définitivement l’Espagne.

Durant tout le Moyen-Age, les inquiétantes felouques des flottilles sarrasines viendront depuis leurs  bases espagnoles razzier  sans vergogne  le littoral des Alpes Maritimes.

L’apport odieux d’esclaves, femmes et enfants, enlevés sur la côte de Nice à Cannes, va constituer tout au long  de ces siècles, un commerce florissant, propre à encourager la  répétition d’attaques audacieuses dont il faudra se protéger.

Du haut des murs dressés au sommet du «Baou des Blancs», dominant collines et vallons, la vue s'étend jusqu'à la mer. De son repère aérien, Victor Roubaudy, attentif, surveille les allées et venues des Infidèles campant dans les ruines de l'ancienne cité de Vence. Les campagnes d'alentour, abandonnées et sans culture depuis trois ans, n'offrent plus que le spectacle de la désolation. Ce nouveau raid des Maures a débuté la veille par l'arrivée de voiles noires cinglant au Ponant. Débarqués sur la côte déserte, les nouveaux venus sont d'abord allés renforcer leurs frères d'arme regroupés dans l'ancienne forteresse de Cagnes.

Réfugié depuis peu à Saint Laurent la Bastide, le moine Aymard, rescapé de l'abbaye de Lérins, a témoigné dans son premier sermon des crimes et dévastations: «Les Sarrasins ont tout saccagé, détruit l'église et le monastère, des lieux les plus agréables ils en ont fait la plus affreuse solitude. Sur la côte, ils se promènent dans tout le pays portant le fer et la flamme, emmenant en esclavage une multitude de captifs. Des hommes et des femmes sont écorchés vifs, comme les Sarrasins ont coutume de le faire à l'égard des nôtres et comme nous l'avons vu de nos yeux. »

La poignée de Vençois retirés dans le nouveau village de Saint Laurent la Bastide, à l'abri des hauteurs du Baou, s'est placée sous la protection du nouveau seigneur Laugier Ruffi. Laugier a conquis ses titres de noblesse au combat, il a su organiser la défense et la vie de la petite communauté évitant les attaques et la famine. Les murs ont été renforcés autour de l'antique castelet à tour carrée. Placé au sommet de cet observatoire, Victor Roubaudy guette les mouvements de l'adversaire depuis le lever du jour.

Soudain un cri: «Les Maures! Les Maures ! . » Secouant la cloche tout en hurlant, Victor donne l'alerte. En effet, prenant la direction du vallon de Malvan, après s'être regroupés, quelques centaines d 'hommes s'avancent d'un pas décidé. Devinant la manœuvre d'encerclement, Laugier Ruffi prépare une sortie avant que l'ennemi n'atteigne le pied des murailles en contournant par le plateau. Dévalant du rocher vers le vallon, la petite troupe part courageusement à la rencontre de l'adversaire. Surpris par l'attaque, les Maures désemparés reculent puis se ressaisissent et très vite submergent les Provençaux qui succombent sous le nombre. Laugier Ruffi, après un combat héroïque où tombent à ses côtés les meilleurs de ses hommes, est fait prisonnier, entravé et traîné au pied du farouche caïd Haround el Rachid. Nous étions le jour de Noël de l'an 953. La veille, la femme du seigneur de Saint Laurent la Bastide, dame Phanette à la chevelure d'or, belle comme une madone, avait donné le jour à une fillette jolie comme un ange. L'enfant avait été baptisée Nouvette en souvenir de la nuit sacrée de Noël se disant Nouvé en provençal. Avant de partir, captif du Maure, Laugier, le vainqueur de jadis, s 'humilia en demandant une ultime faveur: embrasser son épouse sur le point de rendre le dernier soupir et sa fille qui venait de naître. Magnanime, Haround accepta et proposa un bien étrange marché: «Retourne dans ton château, nous ne troublerons plus la paix des terres dont tu es le maître. Mais dans vingt ans, jour pour jour, mon fils viendra réclamer la main de ta fille, à cette condition je t'offre la liberté à toi et aux tiens qui vous êtes si bien battus ! »

Libre, Laugier Ruffi reprit le chemin de Saint Laurent la Bastide où, après avoir pleuré la mort de Phanette, il se consacra tout entier à sa fille. Au fil des années, Nouvette grandissait en beauté et en sagesse. Dans toute la contrée chacun vantait la douceur de ses traits, son charme et sa vertu. Mais le retour du Maure approchait. Laugier avait dissimulé à sa fille le terrible secret qu'il gardait enfoui au fond de son cœur tourmenté. Préparant l'assaut final contre les dernières bandes sarrasines qui infestaient encore le pays, Guillaumes le Roux Comte de Provence, déjà nommé le «libérateur», passa en automne par Saint Laurent la Bastide. Il y fut dignement reçu par Laugier Ruffi et les seigneurs d'alentour. A la fin du banquet, Guillaumes troublé par la beauté de Nouvette glissa à l'oreille de son hôte: «Je vous envie d'avoir un pareil joyau, il va pourtant falloir songer à vous en séparer pour la marier à l'un de nos preux chevaliers. Les prétendants seront nombreux! Je serais flatté de revenir parmi vous pour ses épousailles. » Laugier, confus et honteux, rougit sous le compliment n'osant révéler que sa fille représentait le prix de sa liberté.

En dépit du temps qui passait, l'odieux serment torturait la mémoire et le cœur du père de Nouvette. Les saisons s'écoulaient rapprochant toujours plus la date de l'échéance fatidique.

L'avant veille de Noël 973, alors qu'on s'activait déjà aux préparatifs de la fête, trois voiles sombres apparurent à l'horizon contournant le Cap d'Antibes. Le lendemain un émissaire du fils d'Haround el Rachid prévenait le malheureux Laugier Ruffi qu'il allait devoir exécuter sa promesse et lui livrer sa fille, rançon de l'impitoyable marché conclu vingt ans plus tôt jour pour jour. Le Maure promettait en outre à Nouvette un sort enviable, comme favorite de son harem.

Devant l'imminence du péril, le seigneur de Saint Laurent la Bastide terrassé par le poids de sa conscience, s'agenouilla dans la petite chapelle contiguë au château. Après avoir imploré la grâce divine et offert son âme et son corps pour expier la faute, il se décida enfin à avouer sa lâcheté.

Prévenue, Nouvette tomba en larmes, révoltée contre le sort injuste qui l'attendait. Nous étions le soir de Noël. Déjà la troupe des Maures confiante s'installait sous les remparts du château éclairés par la lune. Des tentes dressées s'échappaient des flots de musique étrange mêlés aux fumets des moutons rôtis pour fêter l'accueil de la promise.

La fille du seigneur de Saint Laurent la Bastide s'avançait déjà effleurant une dernière fois les genêts accrochés au bord de la falaise. Penchée vers le vide elle murmura : «Je ne vous verrai plus fleurir belles «ginestres» de ma Provence», implorante elle ajouta : «Si vous pouviez me protéger et m'épargner l'exil au pays de l'Infidèle! Aidez-moi ! » Supplia-t-elle. Simultanément et comme en écho à ces paroles, les douze coups de minuit s'égrenèrent au clocher de la modeste chapelle du château.

A ce signal et comme sous l'effet des chauds rayons du soleil de juin, tous les genêts se dressent, s'épanouissent et fleurissent formant mille haies défensives devant les Sarrasins déconcertés. Dans la campagne environnante autant de piques acérées couvertes de fleurs inondent le paysage d'une lumière dorée. Devant ce sortilège, attaqués de toute part par les flèches jaunes, les Maures abandonnent leur camp et s'enfuient en désordre vers la côte. Le jour qui suivit, ils levèrent l'ancre et disparurent à jamais du pays vençois.

Quelques mois plus tard, le 21 juin alors que les précieux genêts fleuris embau­maient les collines et les vallons, la douce et tendre Nouvette épousa en grande pompe le beau et brave Pons, fils de Rodoard, prince d'Antibes et seigneur de Grasse.

Les festivités du mariage se poursuivirent dix jours durant à la grande joie de tous. Plus tard sept enfants concrétisèrent cette union heureuse. Vence renaquit de ses ruines, la princesse s'y installa et vécut de longues années de bonheur dans sa chère Provence.

D’après « Les Histoires et Légendes du Pays d’Azur », pour commander cet ouvrage dédicacé de 15 € : contacter edmondrossi@wanadoo.fr