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21/01/2009

RIGAUD ET SA COMMANDERIE TEMPLIÈRE (5ème PARTIE)

110 SAINT MARTIN D'ENTRAUNES L4EGLISE page 110.JPG

A Castellet les Sausses, la confusion est possible avec l’Ordre des Hospitaliers qui y détenait une maison hospice, mais la présence templière n’est pas attestée.

Daluis, ancienne seigneurie rebelle des Castellane-Thorame, passa aux Templiers puis aux Hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem. Aucun vestige du Temple n’y a été recensé.

Guillaumes : Il faut chercher le souvenir des Templiers à Buye, Buey ou Buyeï dont  il ne subsiste aujourd’hui que l’église, située à 2 km au sud du bourg. Buyeï est connu au XIII ème siècle comme le castrum de Abuseio, fondé au XII ème siècle par les moines de Saint Euzèbe d’Apt. Cité dès 1230 dans la liste des castra, puis en 1251-52 dans l’enquête de Charles d’Anjou, Abuseio apparaît en 1292 avec son prieur.

Après la victoire du Comte de Provence Charles 1er d’Anjou sur l’aristocratie ennemie, celui-ci distribue les seigneuries conquises à ses fidèles. Ici comme à Daluis, vers 1249, les Templiers seront installés pour remplacer les nobles soumis et dépossédés.

D’après le procès verbal de la saisie, les Templiers possédaient un droit de juridiction sur les hommes de Guillaumes et Buyeï où ils percevaient 9 redevances personnelles et 13 redevances foncières. Ils y détenaient une « maison ».

La culture de la vigne fournissait l’essentiel des ressources agricoles de cette possession.

P. Canestrier rappelle qu’on a coutume « d’attribuer aux Templiers la construction des églises du haut Var. Rien n’est moins prouvé ». Néanmoins, cet auteur leur octroie Châteauneuf d’Entraunes.

Pourtant, à Villeneuve d’Entraunes et Saint Martin d’Entraunes les églises sont chargées de troublants indices, jugés comme autant de marques laissées par l’Ordre du Temple.

Villeneuve d’Entraunes : Durante dans sa « Chorégraphie » où sont recensés les vestiges templiers de la région, indique : « Villeneuve d’Entraunes - Eglise paroissiale. Le bénitier qu’on y conserve donne lieu de croire qu’elle fut réparée par les Templiers. Le vase de forme antique est entouré d’une guirlande de fleurs et soutenu par un groupe de quatre têtes. La croix et les emblèmes de l’Ordre sont sculptés au fond ».

La croix du médaillon, ornant le fût qui supporte la vasque du bénitier, a été également attribuée aux chevaliers du Saint Sépulcre ou aux Trinitaires, sensés avoir fréquenté la haute vallée du Var au Moyen-Age.

Tout s’éclaire lorsqu’on apprend qu’en 1137, l’évêque de Glandèves installe les chevaliers Hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem, à Villeneuve d’Entraunes.

Leur « maison » claustrale (Clastre) voisine encore la belle église romane Saint Pierre, avec abside voûtée en cul de four et fenêtres à ébrasement.

Saint Martin d’Entraunes : Durante poursuit à propos de cette localité : « Ce hameau dépendant d’Entraunes doit sa naissance aux Templiers, ils y avaient bâti un hospice et une église dédiée à Saint Martin. Le portail de cet édifice gothique en marbre noirci par le temps, est orné d’une élégante frise, délicatement sculptée. Dans le médaillon ovale du frontispice on voit l’étoile de l’Ordre, la croix et le croissant entourés d’une couronne de lierre, emblème de la bienfaisance des fondateurs. Sous leur protection, les habitants, favorisés d’ailleurs par la fertilité du sol, virent accroître cependant leur prospérité ».

P. Canestrier indique que l’église paroissiale Saint Martin possède un curieux portail avec « arceau marqué du croissant, du soleil, du glaive cruciforme ».

Certains ont vu dans cette église forteresse du XIII ème siècle, comme à Villeneuve d’Entraunes, une fondation des chevaliers du Saint Sulpice, voir des Trinitaires sans en apporter la preuve.

Les auteurs du récent inventaire des « Sites templiers de France » plus téméraires affirment : « Un trésor templier serait caché dans l’église romane de Saint Martin d’Entraunes ».

Prudent, J.A. Durbec voit sur le porche, les gravures d’une « étoile à neuf raies », d’un « croissant », ainsi que celle de « la croix latine », somme toute des motifs de décoration assez fréquents sur les monuments chrétiens, bien que ressemblant à l’emblème du Temple.

Il estime tout de même curieux leur juxtaposition à Saint Martin d’Entraunes, sur une même pierre, au-dessus de la porte d’une église.

Pour cet historien, l’inventaire de 1308 n’ayant fait apparaître aucune possession de l’Ordre à Villeneuve, Saint Martin et Entraunes, toute attribution de vestiges ou de monuments au Temple, dans ces villages, doit être rejetée comme non fondée.

Entraunes : Néanmoins, Durante persiste encore, à propos de cette localité, proche des sources du Var, au pied du col de la Cayolle : « Le village actuel n’offre  plus d’autre souvenir que celui de la présence des Templiers, possesseurs  de terres considérables dans le territoire. La principale maison s’élevait sur le sommet du quartier nommé Conca. L’origine de la porte principale de cet édifice existe encore, on y voit en entier une frise élégamment sculptée, avec ce reste d’inscription : S.SEPULCHRI 1143.

Au même quartier du plan, dans une chapelle dont les murailles sont lézardées, on conserve un vieux tableau représentant la vierge assise sur un nuage et soutenue par des anges.

A ses pieds se prosternent des religieux cuirassés implorant son appui. La croix qu’ils portent sur leurs armes est celle des chevaliers du Temple ».

P. Canestrier (1954) reprend ces données qu’il interprète différemment : « Sur l’éperon rocailleux des Gourrées, d’où l’on découvre tout le val, se profilent les restes importants de l’ancienne commanderie des chevaliers du Saint Sépulcre, ordre hospitalier et militaire organisé par Godefroy de Bouillon en 1099, rétabli en 1496 par le Pape Alexandre VI et resté dans la suite sous le haut patronage des Papes.

Un linteau de pierre porte la croix de l’Ordre et l’inscription : « 1564. Sancti Sepulcri Auxilium ».

Au-dessus des écuries et des caves voûtées on discerne trois étages comportant chacun six grandes pièces, des fenêtres à ogives, des portes et des clés de voûte ornementées de petites rosaces. Une terrasse se déploie devant la façade ».

René Liautaud auteur d’une monographie sur Entraunes (1982) va plus avant, lorsqu’il écrit que les Templiers auraient eu deux chapelles dans cette localité. «L’une sur l’éperon de Saint Clément, presque face au rocher de Bramus, l’autre aux Gourrées où se dressaient encore au siècle dernier les restes d’un important bâtiment de trois étages sur caves et écuries, chaque étage comptant six grandes pièces, avec sur l’un des linteaux la date de 1564, ce qui bien entendu ne saurait concerner les Templiers.

Il s’agissait  probablement des chevaliers du Saint Sépulcre ou Trinitaires, à en croire les croix rouges et bleues des manteaux des deux personnages sur le tableau « le Couronnement de la Vierge » au-dessus de la porte de la sacristie ».

Après avoir cité la « Chorégraphie » de Durante (1840), R. Liautaud tranche ainsi : « Pas de Templiers à Entraunes, mais d’autres chevaliers, ceux du Saint Sépulcre ».

Les restes de cet important hospice, placé à deux kilomètres au nord du village, sont encore nettement identifiables de nos jours. Accrochés sur une pente surplombant de 200 mètres le torrent du Var, les ruines bordent l’ancien chemin grimpant vers le col de la Cayolle. On y accède depuis la route surmontant le site. Les quelques pans de murs, dépourvus du linteau daté de 1143 selon Durante ou de 1564 selon Canestrier et Liautaud, présentent l’intéressante structure archéologique de l’ensemble. Image émouvante de l’un de ces antiques établissements, dressés sur le bord des chemins du Moyen-Age, pour accueillir les pèlerins et voyageurs qui les parcouraient.

 

D’après «Les Templiers en Pays d’Azur » (Alandis-éditions Cannes), pour commander cet ouvrage illustré et dédicacé de 18 € : téléphoner au 04 93 24 86 55

Reconnu comme le département de France le plus pourvu en possessions templières, les Alpes Maritimes conservent encore de multiples et intéressantes traces de la présence au Moyen-Age de ces fiers chevaliers.

Quel fut le rôle des Templiers, très tôt installés dans cette région entre mer et montagne ?

Que connaît-on des chroniques oubliées et des règles secrètes de l’Ordre du Temple ?

Par ailleurs, quel crédit accorder aux légendes relatives à leurs trésors cachés ?

Enfin, quels monuments et vestiges portent encore l’empreinte des chevaliers « de la croix et des roses » ?

Les Templiers inspirent d’abord l’image glorieuse de moines soldats se jetant la lance ou l’épée au poing, pour défendre ardemment les lieux saints, à l’époque des croisades.

Par la suite, ce tableau avantageux se nuance, avec l’évocation de leurs richesses, pour s’obscurcir enfin dans l’épaisseur du mystère, avant de n’être plus éclairé que par les sinistres lueurs des bûchers où s’achève l’épopée des frères du Temple, accusés d’hérésie.

Auteur de divers ouvrages traitant de l‘Histoire des Alpes Maritimes, Edmond Rossi, niçois passionné par le passé et la mémoire d’une région qu’il connaît bien, nous entraîne dans une attentive et fascinante découverte des annales et des sites toujours hantés par l’ombre des chevaliers au blanc manteau à la croix rouge.

 

Pour en savoir plus sur un village typique chargé d’anecdotes et d’images du passé : Cliquez sur

http://saintlaurentduvarhistoire.hautetfort.com

 

 

 

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14/01/2009

GREOLIÈRES ET SON CHATEAU CHARGÉ D'HISTOIRE

30 LES RUINES DU CHATEAU DE GREOLIERES HAUTE.jpg

Gréolières situé au bord d’une voie d’accès conduisant vers le Haut-pays contrôle depuis l’Antiquité un carrefour qui explique son rôle stratégique. Il est cité pour la première fois en 1038.

Trois châteaux à l’origine de trois villages distincts sur trois sites différents surgissent au Moyen Âge : Majone, Gréolières Basses et Gréolières Hautes. Ces trois châteaux vont s’échanger et se confronter sur un fond de guerre de conquête, entreprise par les comtes de Provence.

Tout débute vers l’an mille, lorsque est fondé le « castellum » de Majone. Le site choisi est le baou de Saint Jean surplombant la vallée du Loup, face au hameau actuel de Saint Pons.

Mais en 1070, des raisons économiques et stratégiques incitent Rostang, seigneur de Gréolières à quitter Majone pour s’installer à l’ouest et faire bâtir un donjon défensif sur un promontoire qui domine l’actuel village de Gréolières et supporte encore les restes d’un château.

Le Comte de Provence entreprend en 1200 une campagne militaire destinée à maîtriser et vaincre la résistance de la noblesse locale.

La victoire du Comte de Provence n’est acquise qu’après la soumission définitive du château de Gréolières Basses.

Pour y parvenir le Comte de Provence dresse un troisième château, en 1220, ce sera celui de Gréolières Hautes.

Les restes du château de Gréolières Basses se dressent au-dessus du village actuel de Gréolières. Sa partie orientale a été remaniée aux XVIIème et XVIIIème siècles alors que subsiste à l’ouest une avancée datable du Moyen Âge.

Le château de Gréolières Hautes après des destructions est reconstruit en 1390. Cette construction est bâtie avec un appareil de pierres assemblées par lits réguliers. Des ouvertures percent le bas du rempart, alternant avec des archères.

La rampe d’accès grimpe le long de la façade orientale pour aboutir à l’ancienne poterne. Son orientation obligeait l’assaillant à s’aligner avec son bouclier à l’extérieur pour être plus vulnérable.

Au voisinage du château, l’église romane Saint Etienne, très dépouillée, surmontée d’un simple clocher à peigne, domine le champ désolé des ruines du village aujourd’hui abandonné.

 

D’après « Les Châteaux du Moyen-âge en Pays d’Azur » (Alandis-éditions Cannes), pour commander cet ouvrage illustré et dédicacé de 20 € : téléphoner au

 04 93 24 86 55

Le Moyen Âge a duré plus de mille ans, presque une éternité ! Aussi, les différences l’emportent largement sur les points communs.

Quel rapport entre la Provence romaine, soumise aux déferlements des hordes barbares et celle annexée au Royaume de France de Louis XI ?

Terre de passage et de partage, les Alpes Maritimes – ou Provence orientale – sans ignorer ces disparités, conservent les facteurs d’une unité enracinée dans le sol et dans les mentalités.

Qu’il s’agisse de la langue latine, de la religion chrétienne, de la construction des états modernes aux œuvres de l’intelligence, cette époque fournit en ce lieu tous les éléments nécessaires pour appréhender dix siècles de cataclysme et de grandeur.

La découverte des châteaux et des forteresses médiévales du « Pays d’Azur » (Alpes Maritimes), témoins authentiques des bouleversements de cette période clé n’est pas aisée ; elle constitue pourtant le meilleur moyen de retrouver ces temps disparus.

Les plus anciennes constructions datent d’un millénaire ; en parties détruites ou restaurées, elles offrent rarement leur visage primitif, laissant le plus souvent à l’imagination le pouvoir de les faire renaître.

L’archéologie de l’âme peut nous aider à retrouver l’image vivante de la chevalerie et des nobles hantant ces demeures oubliées.

Elle nous sera restituée grâce à de nombreuses anecdotes émaillant l’austère description des sites. Puisées dans les chroniques et les légendes, elles restituent une vision de valeurs fondées sur l’honneur et la foi.

Confronté à l’hostilité et à la violence d’un monde obscur, l’homme médiéval exprimera une part de ses ambitions et de ses craintes par des ouvrages défensifs. Ces orgueilleux édifices inscrivent dans le paysage les premières empreintes de l’histoire mouvementée des Alpes Maritimes.

Laissons-nous entraîner à la fabuleuse découverte de ces 140 châteaux et vestiges médiévaux présentés avec précision par Edmond Rossi, un niçois passionné par le passé et les traditions d’une région qu’il connaît bien. Il nous offre en plus la part d’imaginaire qui entoure ces vieilles pierres.

Rappelons qu’Edmond Rossi est l’auteur de plusieurs ouvrages traitant de l’Histoire des Alpes Maritimes et de la mémoire de ses habitants.

 

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17/12/2008

ALPES MARITIMES: EXORCISME ET CHASSE AUX SORCIÈRES (SUITE)

01 ILLUSTRATION DE LA COUVERTURE page 1.jpg

Mais à côté de ces innocentes croyances populaires, confirmant un terrain propice à l’accueil de pratiques plus audacieuses, les chroniques du passé nous restituent les tragiques épisodes d’une impitoyable chasse aux sorcières.

Les potences et les bûchers vont se dresser aux quatre coins des Alpes Maritimes, pour punir les malheureuses « mascas » accusées de pactiser avec le Diable.

En 1428, plusieurs femmes seront pendues devant la population rassemblée à Sospel. Dans cette même bourgade, en 1446, une femme sera brûlée vive à cause de ses maléfices. Plus haut, à Saint Etienne de Tinée, une femme et ses deux filles monteront sur le bûcher en 1437 pour crime de sorcellerie. Une autre sera pendue en 1451 à Nice. Ces exécutions étant indépendantes de celles évoquées précédemment, relatives à la poursuite des partisans des hérésies.

A cette époque, l’Eglise pouvait rendre la justice, ce privilège ne sera aboli en France qu’en 1790. Jusque-là et particulièrement au XV ème siècle, les autorités ecclésiastiques persécutèrent sans relâche tous ceux qui s’écartaient des préceptes par leur conduite, s’exposant dans leurs égarements à l’hérésie ou à la sorcellerie.

S’il est admis, « qu’il n’y a qu’un sorcier pour dix mille sorcières » et que la « masca » est du féminin, nombreux furent les hommes poursuivis devant les tribunaux pour les mêmes délits

L’enquête initiée au XIX ème siècle par Mgr Dominique Galvano, évêque de Nice, permet de connaître l’état d’esprit des populations des Alpes Maritimes à cette époque, en matière de pratique et de croyance religieuse.

En 1836, le prélat adresse à tous les curés de son diocèse un imprimé en préalable à ses visites pastorales de 1838, 1839 et 1840.

Une rubrique, relative aux superstitions et aux rites étrangers à l’Eglise, reflète les mentalités des habitants, particulièrement sensibles à la sorcellerie dans le Haut-Pays.

Voici quelques exemples révélateurs, extraits de ces notes.

A Guillaumes, le curé Coste précise au sujet des gens du hameau de Bouchanières que  « les superstitions, vices et abus principaux sont ceux-ci : croire aux sorciers et agir en conséquence ; placer la lune presque en tout ; croire que le son des cloches garantit de la grêle et autres ridiculités semblables ».

Le prêtre de Saint Antonin signale : « Dans leur misère et leur infortune et aussi leur grossièreté, il y a des gens qui croient que les sorciers sont leurs ennemis et c’est pourquoi ils croient aussi aux devins et ils vont les consulter jusqu’à trois fois ».

Plus bas, à Sigale, : « Certains croient, mais en petit nombre, aux sortilèges, aux devins que l’on consulte en cas d’infortune ou de maladie ».

A La Penne : « On croit aux sortilèges ».

Toujours dans la vallée de l’Esteron, à Roquesteron : « On va consulter les « devineuses » et on pratique ce qu’elles prescrivent pour guérir les maladies ».

Et encore à Cuébris : « l’on croit quelques fois aux devineresses et on les consulte dans leurs adversités ».

Plus loin à Toudon : « Certains croient aux sortilèges et aux maléfices et à la vertu des cloches qui protègent contre les effets des tempêtes et des bourrasques ».

Dans la vallée du Var, à Villars, « On sonne les cloches en temps de tempête ou lorsque tombe la grêle ». De même à Beuil où l’on fait appel aux cloches, « pour chasser le mauvais temps ».

Jugée efficace, cette pratique était authentifiée au point que de nombreux villages des Alpes Maritimes comme Belvédère, Coaraze, Guillaumes, La Tour, Saint Jeannet, Valdeblore possédaient un carillonneur attitré que sa fonction entraînait vers le clocher à la moindre alerte. Certains d’entre eux perpétuent encore cet usage profane et d’autres possèdent toujours une cloche baptisée « Salva Terram » qui sonnait spécialement les jours d’orage.

Enfin, le curé de la paroisse niçoise de la cathédrale de Sainte Réparate reprochait à ses fidèles « d’avoir recours aux cartes pour tenter de gagner à la loterie » !

Toujours au XIX ème siècle, la fin troublante du grand violoniste Paganini à Nice est toute aussi révélatrice de la mentalité de la société de cette époque.

Le 27 mai 1840, une étrange nouvelle se répandait dans la ville : « Le Diable est mort ! ». Pourquoi ce qualificatif inquiétant ?

Dans le Vieux-Nice, on se méfiait de la présence de cet individu bizarre, au profil d’aigle, squelettique, au visage sans joues, aux cheveux sales couvrant le col. Depuis quelques semaines il n’apparaissait plus, était-il malade ? Oui, un pharmacien confirmait la nouvelle, il était atteint d’un cancer au larynx.

La rumeur s’enflait quand on apprit qu’un curé, Don Caffarelli, s’était présenté

plusieurs fois chez lui, pour lui administrer l’extrême onction et chaque fois dans un démoniaque sursaut d’énergie, Paganini avait envoyé le prêtre au Diable !

Dans le passé aussi, chaque fois qu’un représentant de l’Eglise était venu le solliciter pour des dons, il s’était fait sauvagement mettre à la porte.

De plus, ruiné, après la faillite d’un casino monté à Paris, il avait dû se réfugier à Nice, pour fuir la police française jetée à ses trousses.

Il se cachait au 23 rue du Gouvernement (l’actuelle rue de la Préfecture), dans un appartement mis à sa disposition par un de ses admirateurs, le Comte de Cessole, président du Sénat de Nice. Pourquoi portait-il cette étiquette diabolique ?

Il fallait lui reconnaître un tempérament volcanique qui s’exprimait par une surprenante virtuosité. Tous les musiciens du monde étaient à ses pieds, car partout où il jouait, il mettait ses auditoires en transes.

Nice se souvenait de ses concerts donnés quatre mois plus tôt, en décembre, le journal relatait alors la réaction d’un aveugle, ne voulant pas croire que Paganini était seul sur scène, à tirer autant de sonorités de son violon : « s’il est vraiment seul, c’est le Diable ! Fuyons, Fuyons ! ».

Il était même question de son « secret », évoqué par le poète Rosalinde Rancher, chacun souhaitait qu’il le révèle avant sa mort !

Enfermé dans son appartement du Vieux-Nice, Paganini restait sourd à ces sollicitations. Pourtant, n’avait-il pas déclaré au poète allemand Heine : « J’ai un secret : C’est le Diable qui me guide par la main ! ».

Deux jours après sa mort son corps était transporté à l’hôpital Saint Roch, pour y être embaumé.

Déjà la légende d’un être surnaturel, voir satanique, se répandait autour du port où des marins venus de Gênes, rappelaient les origines du violoniste, fils d’un docker de là-bas. A la veille de sa naissance, le 27 octobre 1782, sa mère avait vu le Diable en songe et celui-ci lui avait annoncé : « Teresa, forme un vœu pour ton fils Niccolo qui va naître !

– Qu’il soit le plus grand violoniste du monde !

– Il le sera ! ».

Les soupçons devenaient des doutes, la légende faisait place aux certitudes et les Niçois se persuadaient sérieusement que Satan venait de mourir chez eux. Les femmes se signaient dans la rue du Gouvernement où des musiques insolites émanaient des murs de l’appartement du défunt.

Cette émotion atteignit jusqu’à l’évêque Mgr Galvano qui prit la décision d’écarter Paganini de toute sépulture chrétienne. Son corps serait jeté dans le Paillon ! Etrange fin pour le plus grand violoniste de tous les temps ! Son ami le comte de Cessole ne pouvait l’admettre.

Sans s’opposer à la décision épiscopale, il cacha le corps de celui que l’Eglise estimait habité par Satan, d’abord dans une cuve à huile de sa propriété.

Les errances posthumes de Paganini se poursuivront ensuite pendant plus d’un demi-siècle, après que son cas fut examiné par le roi Charles Albert et le pape Grégoire XII ! Elles s’achèveront à Parmes dans la consécration et la gloire, en  1896.

A cette même époque, dès 1873, le Carnaval de Nice développe ses fastes avec une intensité nouvelle, exhibant dans les rues des personnages allégoriques où le Diable occupe une place privilégiée. Satan, Faust, Lilith et ses sorcières règnent en maîtres sur les chars, particulièrement en 1879. Méphisto sera tout aussi majestueux plus tard, en 1929. En 1884, « l’Enfer au Carnaval », tout comme en 1890 « La Redoute aux Enfers » et 1895 avec « La Fumisterie » (cuisine infernale) reprennent le thème avec complaisance. Le « Babaou », sorte de dragon cracheur de feu, apparaît dès 1882. Ce monstre effrayant, tout comme l’horrible « Ratapignata » (chauve-souris), fréquentera ensuite les corsi avec assiduité et une vigueur ostentatoire.

Les sorcières, accueillies avec la même ferveur, étalent leurs sabbats endiablés dès 1884. Leur présence animera avec fougue la suite des cortèges carnavalesques jusqu’à nos jours. Ces expressions traduisent les fantasmes d’une population qui mêle pour un temps, l’imaginaire au vécu, dans un psychodrame destiné à conjurer ses propres craintes.

Plus près de nous, dans l’entre-deux-guerres, les Niçois se rendaient à Saint-Jeannet, renommé pour être le village des sorcières, ces affidés du Diable.

Là, dans ce creuset de pratiques magico-superstitieuses et de remèdes de bonne femme d’un autre âge, chacun savait pouvoir trouver le réconfort et la paix du corps et de l’âme.

 

D’après « Les Aventures du Diable en Pays d’Azur » (Alandis-éditions Cannes), pour commander cet ouvrage illustré et dédicacé de 18 € : téléphoner au 04 93 24 86 55

Où mieux rencontrer le Diable que dans les Alpes Maritimes, sur ces terres chargées de contrastes où s’opposent mer et montagne, au carrefour de la Provence et de l’Italie ?

Ici, le Diable est aussi à l’aise sur la Côte d’Azur où s’étalent d’outrageantes richesses que  vers l’intérieur où se cachent une humilité austère.

Puits du Diable, Château du Diable, Cime du Diable, longue est la liste des sites, marqués par la forte empreinte de celui qualifié par Bernanos de « Singe de Dieu ».

De Nice, à la Vallée des Merveilles, devenue son « domaine réservé », le Diable hante les villages, plastronne sur les murs des chapelles et persiste à enflammer l’imaginaire de ses habitants.

Il fallait raconter l’extraordinaire aventure du Diable dans les Alpes Maritimes. Grâce à Edmond Rossi, auteur niçois de plusieurs ouvrages sur l’histoire et la mémoire de son pays, cette lacune est aujourd’hui comblée.

Laissons-nous entraîner, à travers les siècles, sur la piste attrayante et mouvementée, de l’éternel et fascinant tourmenteur du cœur et de l’âme.

 

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