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14/01/2011

LES GRANDES DATES DU MOYEN ÂGE DANS LES ALPES MARITIMES

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Cette chronologie présente les faits historiques intéressant les Alpes-Maritimes et qui ont pu être datés avec précision par les spécialistes du Moyen Âge.

-   410 :   Saint Honorat fonde l’Abbaye de Lérins. Avec la fin de l’Empire romain et le passage destructeur des invasions, l’Eglise reste le seul lien social constitué.

-   508-536 :   les Ostrogoths gouvernent la Provence.

-   536 :  Le roi Théodat abandonne la Provence aux Francs.

-   721 :  premières incursions des Musulmans ou Sarrasins venus de la péninsule ibérique.

-   734 :  Retraite des Musulmans qui brûlent et saccagent Lérins et Cimiez.

-   736-739 :  Charles Martel conduit plusieurs campagnes en Provence contre des Provençaux alliés aux Musulmans de Narbonne, dirigés par le Patrice Mauronte.

-   775 :  Fondation de l’Abbaye de Saint Pons à Nice

-   813 :  Nouveaux raids sarrasins sur la Provence et Nice.

-   843 :  Partage de l’Empire Carolingien.

-   871 :  Les péripéties de la succession placent Boson, un fidèle de l’Empereur Charles le Chauve à la tête d’un royaume unissant les Lyonnais, le Viennois et la Provence.

-   882 :  Le pouvoir de Boson s’effondre. Après l’intérim de son petit-fils Louis III, son cousin Hugues d’Arles devient duc de Provence ; il cédera ses droits à Rodolphe II de Bourgogne en 935. La Provence sera alors incorporée au Saint Empire Germanique.

-   883 :  Installation d’une petite troupe de Sarrasins à La Garde Freinet près du Golfe de Saint-Tropez qui essaime au Cap Ferrat (Pointe de Sainte Hospice) et à Eze.

-   884-972 :  Depuis leurs bases, les Sarrasins ravagent la région. Ils attaquent et dévastent Nice, La Turbie, Vence, Grasse et la Basse Provence.

-   942 :  Hugues, Comte d’Arles, lance une première offensive contre le Freinet avec le soutien de la flotte grecque.

-   974 :  Les fils de Boson, Guillaume et Roubaud, avec l’aide d’Ardouin, marquis de Turin, conduisent une croisade qui vient à bout des Sarrasins du Freinet. Les nouveaux Comtes victorieux affirment leur prépondérance sur le clan bourguignon du roi Rodolphe III resté passif. Aux environs de l’an mille, une vingtaine de familles de l’entourage du Comte Guillaume dit le « libérateur » vont accaparer de larges parts de l’ancien domaine public et des terres de l’Eglise.

-   1030 :  Les Reillane-Vence et Orange-Mévouillon originaires de l’extrémité occidentale de la Provence, mettent la main sur les Alpes-Maritimes dont elles se partagent un vaste secteur.

Reillanne s’implante à Vence, La Gaude, Gattières et  Orange dans le Pays Grassois à Andon, Coursegoules ainsi qu’à Cagnes, Saint Laurent du Var et Nice.

Les différentes branches de la famille issue de Boson et Guillaumes qui avaient maintenu le comté indivis n’ayant que des héritières, celles-ci épousent les Comtes rivaux de Toulouse et Barcelone.

Les Comtes catalans de Barcelone l’emportent et vont se succéder pendant plus d’un siècle à la tête de la Provence. Tour à tour, le destin du comté sera entre les mains de Raymond Bérenger 1er (1113-1131), Raymond Bérenger II (1131-1144), Raymond Bérenger III (1144-1166), Alphonse 1er (1166-1178), celui-ci est également roi d’Aragon, Raymond Bérenger IV (1178-1181). Alphonse 1er reprend le comté de 1181 à 1191 avant de le laisser à son fils Alphonse II (1191-1209) puis à Raymond Bérenger V (1209-1245) dont l’oncle Sanche assurera la régence pendant sa minorité jusque vers 1220.

-   1117 :  Raymond Bérenger 1er reprend possession de la Provence orientale et s’implante fortement à Gattières, Nice, Aspremont et Tourrette Levens.

-   1140-1155 : Cette période voit émerger des consulats à la tête des cités indépendantes de Grasse, Nice et Sospel.

-   1150 :  Des châteaux sont édifiés par le Comte, à Agrimont (près de l’actuel St Laurent du Var), Carros, Olive et Dos Fraïres (commune du Broc), Malvan, Tourrettes sur Loup, Courmes.

-   1164 :  Lutte contre la République de Gênes qui s’allie à Nice.

-   1189 :  Révolte en Haute Provence du baron Boniface de Castellane qui rejette l’autorité comtale. Ce soulèvement fragilise les fiefs du haut Pays Grassois et de la vallée de l’Esteron.

-   1176 :  Alphonse 1er, Comte de Provence, reprend Nice. Pour mieux contrôler le Pays niçois, le Comte implante des châteaux à Lucéram, Contes, Berre, Coaraze, Châteauneuf de Contes, La Turbie et Ongran (au nord du Peille) dans les vallées des Paillons.

-   1196 :  Une expédition à lieu au départ de Grasse, pour atteindre Saint Auban sur les marches du fief de Castellane.

-   1199 :  Création de l’Abbaye de Valis Bona (Valbonne) par les moines de l’ordre de Chalais.

-   1200 :  Un accord est signé à Grasse, maîtrisant les velléités d’indépendance du consulat de la ville.

-   1207 :  Le Comte de Provence donne le château de Pugnafort près de Thorenc, aux chevaliers Hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem, charge à eux de défendre la région menacée par les menées subversives de Boniface de Castellane.

-   1215 :  Nice se donne à nouveau aux Génois, profitant de l’affaiblissement de l’autorité comtale, minée par la régence de Sanche, occupé en Aragon.

-   1220 :  Avec Raymond Bérenger V, la maison des Comtes de Barcelone et de Provence entreprend d’imposer son autorité aux seigneurs et aux villes de la Provence orientale que ses prédécesseurs avaient eue jusque là du mal à tenir en mains.
Il va s’appuyer pour ça sur un petit nombre de fidèles, principalement des chevaliers catalans. Parmi eux, Romée de Villeneuve, homme de confiance et principal conseiller du Prince qui sera placé à la tête de la baillie de Fréjus – Outre Siagne (l’actuel arrondissement de Grasse). C’est lui qui achèvera la soumission de la Provence Orientale.

Les opérations débutent au nord de Grasse par le siège du château d’Andon grâce à la forteresse de Pugnafort. Le château de Gréolières est également assiégé et celui d’Agrimont dominant le passage du Var est détruit ; pour le remplacer, un château est dressé plus au nord sur la colline du Puget.

La moitié méridionale du pays de Vence tombe sous la domination du Comte, obligeant les seigneurs locaux à s’enfuir vers le Haut Pays (sur les hauteurs des Baous) où ils se fortifient pour résister le long des crêtes au bord des plateaux à : Courmes, Malvan, La Bastide Saint Laurent, Le Castelet, Olive.

Le Comte fait bloquer ces places fortes en installant une ligne de défense soutenue par les châteaux de Courmettes, Saint Martin de Vence, Saint Jeannet, Le Broc, Bezaudun, Bouyon.

- 1227 :                  Grasse est contrainte de renoncer à son consulat.

- 1227-1235 : Conquête par Romée de Villeneuve des fiefs rebelles situés à l’Est du Var, suivie d’une mise en place d’un réseau castral, destiné à surveiller les nouveaux territoires annexés.

- 1229 :  Soumission des cités consulaires de Vence et Nice, alliées de Gênes.

- 1231 :  Le Pays de Vence entièrement soumis est confié dans sa presque totalité au fidèle Romée de Villeneuve, une quinzaine de châteaux y sont alors construits.

- 1235-1237 : N’échappent alors à l’Est, à l’autorité comtale que la Baronnie de Castellane, le diocèse de Glandèves (Entrevaux), le Nord de l’évêché de Nice avec les vallées du Cians, de la Tinée et de la Roya, soumises au Comte de Vintimille.

                  Après 1235, la baillie de Puget-Théniers regroupait les familles seigneuriales des : Faraut, Glandèves, Rostaing, Saint Sauveur qui résistèrent au Comte de Provence jusque sous le règne de Charles 1er en 1273-1276.

- 1235-1241 : Entre la fin 1235 et le printemps 1241, Romée entreprend une expédition destinée à soumettre tout le pays entre le cours de la Tinée et la frontière du comté. En 1235, la vallée de l’Esteron (entre Esteron et Var) est annexée. Puis, prenant appui sur le château de Saint Auban, il récupère six « castra »de l’évêché de Glandèves avant d’obtenir la soumission totale des évêchés de Glandèves et de Nice. Les biens de Guillaumes II, Comte de Vintimille, à Saint Martin Vésubie et Venanson seront saisis à la suite de cette campagne en 1240.

- 1245 :  La prise en main de la région par le Comte s’est faite en dix ans. Le pouvoir est solidement établi comme le démontre les deux quittances délivrées par Raymond Bérenger V à Romée de Villeneuve les 25 mai 1241 et 7 juin 1245 où la soumission des évêchés de Glandèves et Nice est attestée. Romée administre la baillie de Fréjus et celles de Grasse, Vence, Nice et l’évêché de Glandèves. Seuls résistent encore la Baronnie de Castellane au Nord et les territoires dépendants à l’Est de l’autorité du Comte de Vintimille.

                  Raymond Bérenger V meurt prématurément en 1245 et  en l’absence d’héritier mâle, le comté revient à sa quatrième fille, Béatrix qui épouse Charles d’Anjou, le frère de Louis XI (Saint Louis) roi de France. La Provence devient « angevine ».

                  Le nouveau Comte Charles 1er (1246-1285) connaît des débuts difficiles ; il est capturé avec son frère Saint Louis à Mansourah, à l’occasion d’une croisade commune. La longue absence du Comte de 1248-1250 encourage le réveil des forces d’opposition.

- 1249 :  Nice compte 4000 habitants ; elle en comptera 7000 en 1286. C’est une période de croissance économique et d’essor démographique qui s’amorce.

- 1258 :  Charles 1er poursuit l’expansion vers l’Est en absorbant une partie de comté de Vintimille. Cette acquisition sera reconnue par Gênes en 1262.

- 1259-1260 :  Le Comte étend son domaine au-delà des Alpes dans le Piémont.

- 1261-1262 :  Une vague d’agitation secoue la Provence. Le soulèvement de Boniface de Castellane est maté et le baron doit s’enfuir en Italie, en abandonnant ses terres au Comte de Provence.

- 1273-1276 :  La guerre oppose Charles 1er d’Anjou à la République de Gênes.

- 1289 :  Le contentieux entre Charles II (1285-1308) et les Comtes de Vintimille soutenus par Gênes est définitivement réglé.

- 1290 :  Une nouvelle viguerie est créée à l’Est du comté, celle du comté de Vintimille et du Val de Lantosque.

- 1295 :  Charles II établit un port franc à Villefranche.

- 1308 :  L’influence française prépondérante s’affirme le 24 janvier par l’arrestation des Templiers de Provence.

- 1325 :  Robert le Sage (1309-1343), fils de Charles II, acquiert Vintimille. Après cette ère de prospérité et de liberté, le demi-siècle suivant avec le règne de la reine Jeanne (1343-1382) ne sera qu’une période troublée et douloureuse pour la Provence.

- 1347 :  La peste noire sévit en Provence et l’épidémie effectue de terribles retours en 1361 et de 1371 à 1373.

- 1357-1358 :  La reine Jeanne eut quatre maris mais pas d’enfant. Deux héritiers se présentent à sa mort : Charles Duras et Louis d’Anjou ; ils seront tour à tour assassinés. Louis s’alliera à Amédée VI de Savoie.

                  Dès avant la mort de la reine, les rivalités des candidats à sa succession entraînent des troubles. Des routiers commandés par Arnaud de Cervole, dit « l’Archiprêtre »font irruption en Provence en quête de butin. D’autres mercenaires du comté d’Armagnac seront appelés pour contrer les précédents avec des effets tout aussi désastreux.

- 1370 :  Fin de la menace des routiers.

- 1382-1387 :  Guerre entre « l’union d’Aix »qui regroupe les villes de Provence et  la noblesse provençale restée fidèle à Louis 1er d’Anjou Comte de Provence. Après la mort de Louis 1er en Italie (1384), sa veuve, Marie de Blois, met fin aux troubles et aux intrigues.

- 1388 :  Une partie de la Provence persiste dans le refus de la domination angevine : Nice et sa viguerie, Puget-Théniers, le Val de Lantosque et  la baillie de Barcelonnette se donnent au Comte de Savoie. Les seigneurs de Beuil, Jean et Louis, seront les actifs artisans de la dédition du comté de Nice à la Savoie.

- 1388-1399 :   Durant dix ans, un aventurier va dévaster la partie provençale des Alpes-Maritimes. Sous prétexte de revendications de fiefs et de droits, Raymond de Turenne mène la guerre contre le pape et contre le Comte.

                  Il faudra la détermination de la reine pour en venir à bout. Cette période d’insécurité modifie l’aspect des villes : enceintes neuves ou rénovées, faubourgs abandonnés, couvents transférés à l’intérieur des murs. Le paysage rural s’est transformé : villages désertés, rétractation de l’espace cultivé.

- 1471 :  Le « bon roi René »de la maison d’Anjou, Comte de Provence et roi de Sicile, se fixe en Provence dans son palais d’Aix. Il veillera au destin de la partie occidentale des Alpes-Maritimes, restée provençale.

 

                  A son initiative, les seigneurs repeuplent leurs terres en attirant des colons ligures par des « actes d’habitation » (notamment dans la viguerie de Grasse : St Laurent du Var, La Gaude, Biot, Valbonne, Auribeau, etc. .)

                  Les crises du XIVme siècle avaient entraîné la disparition de nombreux villages comme le précise l’affouagement de 1471 (Dos Fraïres, La Gaude, Malvan, Courmettes).

- 1480-1482 :  Le roi René décède en 1480 en léguant la Provence à son neveu Charles du Maine (Charles III) qui doit faire face aux prétentions du petit-fils René, duc de Lorraine, lequel provoque des troubles sporadiques en Provence orientale en 1481.

                  Charles III décède en 1481 après avoir légué la Provence au roi de France, Louis XI. Côté Savoie, le duc Philibert 1er meurt en 1482 en laissant la couronne à son jeune frère de 14 ans, Charles 1er, élevé par son oncle, Louis XI. Le roi de France décèdera également deux ans plus tard.

                  La disparition de ces monarques tourne la page du Moyen Âge laissant les Alpes-Maritimes divisées par la frontière du fleuve Var, avec à l’Est l’enclave irréductible du comté de Tende.

 

D’après « Les Châteaux du Moyen-âge en Pays d’Azur » (Alandis-éditions Cannes), pour commander cet ouvrage illustré et dédicacé de 20 € : téléphoner au

 04 93 24 86 55

Le Moyen Âge a duré plus de mille ans, presque une éternité ! Aussi, les différences l’emportent largement sur les points communs.

Quel rapport entre la Provence romaine, soumise aux déferlements des hordes barbares et celle annexée au Royaume de France de Louis XI ?

Terre de passage et de partage, les Alpes Maritimes – ou Provence orientale – sans ignorer ces disparités, conservent les facteurs d’une unité enracinée dans le sol et dans les mentalités.

Qu’il s’agisse de la langue latine, de la religion chrétienne, de la construction des états modernes aux œuvres de l’intelligence, cette époque fournit en ce lieu tous les éléments nécessaires pour appréhender dix siècles de cataclysme et de grandeur.

La découverte des châteaux et des forteresses médiévales du « Pays d’Azur » (Alpes Maritimes), témoins authentiques des bouleversements de cette période clé n’est pas aisée ; elle constitue pourtant le meilleur moyen de retrouver ces temps disparus.

Les plus anciennes constructions datent d’un millénaire ; en parties détruites ou restaurées, elles offrent rarement leur visage primitif, laissant le plus souvent à l’imagination le pouvoir de les faire renaître.

L’archéologie de l’âme peut nous aider à retrouver l’image vivante de la chevalerie et des nobles hantant ces demeures oubliées.

Elle nous sera restituée grâce à de nombreuses anecdotes émaillant l’austère description des sites. Puisées dans les chroniques et les légendes, elles restituent une vision de valeurs fondées sur l’honneur et la foi.

Confronté à l’hostilité et à la violence d’un monde obscur, l’homme médiéval exprimera une part de ses ambitions et de ses craintes par des ouvrages défensifs. Ces orgueilleux édifices inscrivent dans le paysage les premières empreintes de l’histoire mouvementée des Alpes Maritimes.

Laissons-nous entraîner à la fabuleuse découverte de ces 140 châteaux et vestiges médiévaux présentés avec précision par Edmond Rossi, un niçois passionné par le passé et les traditions d’une région qu’il connaît bien. Il nous offre en plus la part d’imaginaire qui entoure ces vieilles pierres.

Rappelons qu’Edmond Rossi est l’auteur de plusieurs ouvrages traitant de l’Histoire des Alpes Maritimes et de la mémoire de ses habitants.

 

Pour en savoir plus sur un village typique chargé d’anecdotes et d’images du passé : Cliquez sur

 

http://saintlaurentduvarhistoire.hautetfort.com

04/01/2011

LES ESCLAVES BLANCS DES SEIGNEURS DU MOYEN AGE, UNE HISTOIRE IGNORÉE

 

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S'il est admis que le servage existait au Moyen Age, la pratique de l'esclavage, peu connue, est surtout attribuée aux Infidèles venus razzier les côtes. Des testaments et des textes juridiques attestent pourtant de la possession d'esclaves dans la région à la fin du Moyen Age par d'authentiques chrétiens.
 
Ainsi dans le testament de Romée de Villeneuve, cet homme de confiance du comte de Provence, placé par Dante dans son «Paradis», on peut lire à la date du 15 décembre 1250: «Item je veux que tous les Sarrasins et Sarrasines de Villeneuve (Loubet) soient vendus». L'usage semble ici s'inverser.
 
Il apparaît que le maître possédait un droit absolu de propriété lui permettant de vendre et de transmettre ses esclaves comme l'indique le testament de Jean de Grimaldi en 1454: «Item je laisse un esclave ou un affranchi de la maison même du testateur».
Il demeurait possible d'affranchir un esclave et de lui donner alors le nom de son ancien maître comme à l'époque romaine. Toujours dans le testament du pieux Seigneur Jean de Grimaldi: «Item j'affranchis Guillaume Jean et lui accorde la liberté pleine et entière».
Les esclaves représentant un bien appréciable, se devaient d'être protégés. On relève en 1412 que «Pierre Martini de Nice paye une amende de 10 florins, pour avoir enlevé une esclave mariée, et l'avoir retenue plusieurs jours malgré son mari». Enfin en l428 «Noble Guillaume Litti fils de Demoiselle Castellane, seigneur de Dosfrayres (près du Broc) et autres lieux, a eu des relations avec une esclave de Barthélemy de Maffe et paye une amende de 100 sous coronas».
 
Certains auteurs n 'hésitent pas à mentionner le marché aux esclaves de Grasse où se négociait annuellement cette main d’œuvre indispensable à l'agriculture. Les épidémies qui ravageaient périodiquement la région la vidant de ses habitants expliquent cette pratique, tout comme les repeuplements de nombreux villages par des colons venus de la Ligurie italienne au cours du XVème siècle.

Pour mieux connaître les écrits d'Edmond Rossi cliquez sur:

http://edmondrossiecrivain.hautetfort.com 

01/01/2011

REINE JEANNE DE NAPLES ET DE PROVENCE

L'AMOUR COURTOIS.jpg

Voici plus de six siècles que s'est éteinte Jeanne 1ère dite la «Reine Jeanne», arrière petite-nièce de Saint Louis roi de France  (Charles 1er, frère de Louis IX après avoir épousé Béatrix fille du Comte Raymond Bérenger, avait fondé la dynastie angevine.)
, petite fille du roi Robert de Naples dit «le Sage», fille de Charles d'Anjou duc de Calabre et de Marie de Valois, souveraine de Naples, de Sicile et de Jérusalem, duchesse des Pouilles et de Calabre, comtesse de Provence, de Forcalquier et de Piémont. Personnage à la fois réel et légendaire, le roman de sa vie (1326- 1382) se déroule à travers un Moyen Age violent et contrasté au milieu d'une cour brillante et voluptueuse où les passions vives de l'amour et de la vengeance bouleversent les destinées. Sous son règne, la Provence, le Pays d’Azur et le Piémont forment alors un seul et vaste état qui sera secoué par les luttes perpétuelles dues aux incessants renversements des alliances. Les revers du destin de cette souveraine extraordinaire vont très vite lui attirer la sympathie et l'attachement de ses sujets. Idéalisée, la Reine Blonde à l'éclatante beauté va promener son fantôme de rêve dans la mémoire de chaque village y multipliant les hypothétiques témoignages de sa présence. Ruines de châteaux, vieilles chapelles, ponts, fontaines, jardins, rues feront référence à la Reine Jeanne tant en Provence qu'au Pays d’Azur ou au Piémont.
Son grand-père Robert de Naples fiance Jeanne à l'âge de six ans à son cousin André de Hongrie, un prince-enfant qu'elle ne connaît pas, dans le but de «garder intacte et indivisible la couronne à trois fleurons».
Lorsqu'il décède, sa petite fille se retrouve princesse régnante à l'âge de dix neuf ans. Placée sous de sombres auspices puisque célébrée le 20 janvier 1343, jour des funérailles de Robert de Naples, cette union malheureuse entraînera les deux jeunes gens vers des inclinaisons contraires. Jeanne se laisse vite emporter par le tourbillon frivole de la cour, trouvant là de multiples satisfactions amoureuses grâce à la bienveillante complicité d'une lavandière. André, «de complexion peu vigoureuse et gaillarde» tombe sous l'emprise d'un austère moine cordelier. Des favoris indiscrets envenimeront la situation et lorsque André réclamera tous les pouvoirs, il sera étranglé au château d’Aversa proche de Naples, le 18 septembre 1345. Bien que Jeanne n'ait pas donné l'ordre fatal, la rumeur l'accusera d'être coupable de la mort d'un époux devenu gênant.

Contrariée à nouveau dans ses désirs, elle doit céder à la pression de Catherine de Valois, la mère de son amant Robert de Tarente, et épouser en secondes noces son frère Louis le 20 août 1346. Jugé par Pétrarque «violent, menteur, débauché et cruel, jeune par l'âge et vieux d'esprit» Louis de Tarente, après s'être dressé contre Jeanne, la traitant plutôt «en servante qu'en femme» selon le Pape Clément VI, meurt le 28 mai 1362, à l'âge de quarante deux ans. Un chroniqueur de l'époque, César de Notre-Dame écrit à propos de la mort du prince: «Quelques-uns uns ont pensé que la trop déréglée accointance et les continuels jeux d'amour qu'il exerçait avec sa femme, l'une des plus belles et avenantes dames de son temps qui, à raison de sa jeunesse gaillarde et bouillante, était bien aise de recevoir les escarmouches d'une telle et si douce guerre, dont elle ne pouvait souffrir les trêves, lui avancèrent ses jours et sa mort». Durant cette union, Jeanne, chassée de ses états de Naples par les armées de Louis de Hongrie (frère du défunt André), se réfugie en Provence, y rencontre le Pape Clément VI à qui elle vend Avignon pour la modique somme de 80000 florins (9 juin 1348).

A nouveau veuve à 36 ans, la belle Jeanne épouse peu après Jayme d'Aragon, infant de Majorque, un cousin douze ans plus jeune qu'elle. Les amours de cette reine ardente et insatiable furent-elles funestes à la santé du jeune prince, ou fut-il victime de quelques tours de sorcellerie fréquents à la cour de Naples ? Toujours est-il qu'une semaine après le mariage le malheureux Jayme perdit la raison. Un médecin du palais diagnostiqua «une frénésie due à l'influence de la lune, parce que le mal se fait sentir durant la nuit, à l 'heure où cette planète règne dans sa plénitude». L'écume aux lèvres le forcené devra être enfermé dans sa chambre six mois durant, avant d'être envoyé dans une douteuse expédition de reconquête de son royaume de Majorque. Après diverses péripéties Jayme, miné par la maladie et par la fièvre, mourra en Catalogne en janvier 1375. 

Pendant les longs jours de deuil qui vont suivre, la souveraine doit faire face dans la solitude à de lourdes menaces qui mettent son royaume en péril. Les armées milanaises s'approchent du Sud de l'Italie, occupent les Abruzzes semant la terreur et la désolation parmi les populations. Naples à bout de ressources verra Jeanne revêtir l'armure des chevaliers pour bouter l'ennemi hors d'Italie à la tête de ses hommes. La prise de Visconti, chef des Milanais, monnayée par une lourde rançon renflouera pour un temps le trésor du royaume. La reine exprime alors sa générosité et ses beaux sentiments en construction d 'hôpitaux et en aide aux ordres charitables. Elle signe des édits réprimant les abus de justice des nobles et des évêques, allant jusqu'à réfréner les mœurs dissolues qui prévalaient à la cour! Mais son veuvage lui pèse, elle décide alors d'une quatrième alliance avec Othon de Brunswick de la maison de Saxe, vieux guerrier sexagénaire tombé en pauvreté, chevalier d'aventures, expert aux armes. De haute taille, grisonnant, balafré, il offre, en hommage, tous ses exploits «à la dame de son cœur».
 
La sœur de Jeanne, Marie, avait épousé en secret Charles Duras qui périra décapité par Louis de Hongrie. La famille des Duras, cousins de la Reine, avait été très frustrée de ses droits à la succession de Robert de Naples. Les Duras comploteront tout au long du règne de Jeanne pour tenter de récupérer le royaume de Naples, s'opposant ou s'alliant tour à tour aux Hongrois selon les circonstances. La Reine n'eut qu'un fils, Charles Martel, né de son union avec André de Hongrie, ce dernier mourra en Hongrie à l'âge de deux ans après avoir été enlevé par Charles Duras. Plus tard en 1372, Jeanne, sans descendance légitime, adopte et élève avec tendresse le fils d'un Louis Duras prénommé lui aussi Charles. Elle lui fera épouser sa nièce Marguerite. Mais en 1375, à l'âge de 16 ans, manœuvré par la maison de Hongrie Charles va s'opposer avec ingratitude à sa bienfaitrice. Jeanne transfère alors son affection à Louis de France, Duc d'Anjou, fils du Roi Jean. Ce changement sera fatal à la souveraine en déclenchant la guerre dans le royaume de Naples.
Duras, soutenu par le Pape Urbain VI, assiège la Reine dans le Castel Nuovo de Naples en 1381. En dépit de la vaillance d'Othon de Brunswick et de l'arrivée tardive des galères du Prince d'Anjou, Jeanne est faite prisonnière. Enfermée dans la sinistre forteresse de Muro au fond du Basilicate, la captive périra six mois plus tard le 22 mai 1382.
Les opinions des historiens divergent sur sa fin. Selon les plus crédibles elle serait morte étouffée dans sa chambre entre deux matelas, d'autres avancent qu'elle aurait pu être décapitée.
Son séjour dans ses terres de Provence et de Nice qu'elle a magistralement marquées de son souvenir se limite à six mois, du 15 janvier 1348 au 24 juillet de la même année. Il s'agit d'un voyage qui la conduira de Brégançon à Château Arnoux et de là en Avignon auprès du Pape Clément VI qui la blanchira du meurtre de son premier mari André de Hongrie. Personnage fabuleux, Jeanne aurait interrogé dans sa jeunesse l'astrologue provençal Anselme pour connaître le nom de son mari, il lui aurait répondu: «Maritabitur com aljo» ALJO porte en effet les premières lettres des prénoms de ses quatre époux: André, Louis, Jayme, Othon. Au-delà de son attrait physique et de son penchant à la volupté, la Reine possédait un goût très sûr pour les sciences et les arts. De nombreux savants et artistes fréquentaient d'ailleurs sa Cour. Non dénuée de piété, prudente et sage quant aux choses du royaume, elle se montra toujours libérale dans la conduite de son gouvernement.
 
Sur cette vie extraordinaire s'est greffé le mythe d'une femme infortunée, contrariée dans ses désirs et ses amours. Qu'il s'agisse du sinistre festin de Roccasparvièra  près de Coaraze, où on lui servit ses enfants à manger pouf le réveillon de Noël ou de l'assassinat de son amant, le page Aubépin, une nuit semblable, au château du Malvans près de Vence, sans oublier Saint Paul où jaillit sa source, Jeanne s'identifie aux fantasmes populaires de ses sujets. Reine d'amour et de douleur, elle se verra aussi bien chargée des charmes et des vertus les plus séduisantes que plongée dans les drames les plus sordides. Omniprésente, fée et sorcière à la fois, Jeanne, chantée par les poètes Mistral et Paul Arène, va mêler sa troublante légende à la réalité romanesque de sa prodigieuse destinée.