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22/05/2006

AVEC LES BANDITS DE JADIS

      LES BRIGANDS DE

        LA GARBASSE

      ( 2 ème partie)
 
La situation de la bâtisse à l'écart, perchée comme une tour sur la barre rocheuse dominant le chemin de Vence à Saint Laurent et à deux lieues du gué de la Baronne, présentait tous les avantages.
 Après avoir déchargé et déballé les coffres, pansé chevaux et mulets, on aménagea tant bien que mal.
Sylvaine alluma un grand feu dans la cheminée de la salle commune pour chasser
l 'humidité, le repas fini le chef fit le point. Le jour suivant, les éclaireurs iraient reconnaître les alentours, quelqu'un aurait pour mission de contacter à Saint Jeannet un certain Baptiste Béranger, ancien du bagne de Toulon, vieille relation de chaîne de Jean Bouis, reconverti dans la contrebande.
Tard dans la nuit, Sylvaine rejoignit son amant dans la paille, caressant sa poitrine velue elle posa ses lèvres sur l'échancrure où s'inscrivaient en cicatrices roses les deux lettres G.L. marquées au fer rouge.
 
Baptistin Béranger, un rouquin vif et trapu accepta avec joie ce renfort inattendu qui allait décupler les profits de ses coupables activités:
«Tu sais, Jean, ce qui marche en ce moment, ce sont les «indiennes», ces étoffes peintes ou imprimées. On en raffole par ici. Ça sert aussi bien pour les toilettes que pour l’ameublement. On les trouve pour rien à Villefranche, le tabac aussi y est détaxé !
- Très bien, mais il faut une mise de fonds pour démarrer notre affaire. Je m ' en charge.
- T'en fais pas je connais le moyen, avec des hommes décidés, on peut faire coup double: éliminer des concurrents et ramasser l'argent qu'il nous faut».
Le marché était conclu.
Dans les semaines qui suivirent, les rapports de police notent des attaques çà et là: une ferme, un hameau, une auberge un peu isolée, sans parler des malheureux voyageurs détroussés alors qu'ils se rendaient des terres de Savoie vers la Provence. Jean Bouis, Sylvaine et leur bande ne chômaient pas.
 
Ainsi voilà ce qui se passa le 20 novembre 1780.
Ce soir là, la ferme de la Grande Bastide au Touroun devait être mise au pillage. Prétextant venir de la part du roi, pour voir s'il n 'y avait pas de produits de contrebande cachés dans la maison, la bande s'introduisit dans la ferme...
Le lendemain lorsque la maréchaussée parvint sur les lieux, ce sera le spectacle classique si souvent décrit: la demeure dévastée, les malheureux occupants grièvement blessés, les coffres et les armoires éventrés, le linge éparpillé sur le sol et les cachettes si chères aux paysans vidées de leur contenu. Cette fois les bandits avaient emporté mille cent livres en pièces d ' or, puis fouillant la magnanerie deux mille deux cents livres dans une «pignata». Des armes avaient également disparu: trois pistolets, deux fusils, quatre couteaux et tout ce qui pouvait représenter à leurs yeux une quelconque valeur.
Les sommes ainsi recueillies furent investies dans l'achat de ces fameuses «indiennes», ces produits à la mode vendus ensuite à des prix compétitifs.
Grâce à l'habile Baptistin, les débouchés ne manquaient pas. Le commerce de ces marchandises joint à celui du tabac assuraient des revenus plus lucratifs que les incertaines et dangereuses attaques de fermes ou de diligences.
 
Sylvaine et Jean prospéraient, grisés par leurs succès ils rêvaient souvent les nuits de pleine lune se voyant déjà en bourgeois nantis et respectés, ayant pignon sur rue, entourés d'une foule de valets s'activant dans de vastes entrepôts bourrés de ballots de toutes sortes: «Tu ne changeras pas Sylvaine, je t'ai connue servante dans une auberge et tout de suite tu m'as séduit avec ton teint de lait et tes yeux de renard malicieux. Pour toi, j’ai quitté Gaspard, pour toi, j'ai aujourd'hui arrêté de voler, me limitant à la contrebande quitte à passer auprès des autres pour un couard. Voilà maintenant que tu veux me transformer en bourgeois pansu ! Tu exagères !
-          Jeannot nous serons heureux et tranquilles. Pourquoi risquer sa vie chaque jour ? Je ne veux pas te perdre et puis j'en ai assez de courir les chemins».
 
Au fil des jours, les brigands de la Garbasse rentrent en relation avec des commanditaires de Vence et Grasse qui vont même jusqu'à leur avancer les fonds nécessaires à leur trafic!
De l'autre côté de la frontière, les marchands du port franc s'engagent à les ravitailler pourvu qu'ils assurent l'écoulement de leurs produits. Organisés et efficaces, Jean Bouis et sa troupe sillonnent alors de nuit des itinéraires d'approvisionnement tortueux.
Leurs caravanes muletières franchissent les gués du Var puis par des chemins détournés livrent leurs cargaisons aux quatre coins de la région.
Oubliant leur vocation première de brigands, les hôtes de la Garbasse se transfor­ment en «margandiers» c'est à dire en négociants contrebandiers scrupuleux et responsables.
Pourtant sur leurs têtes pèsent des menaces aussi lourdes que celles encourues par des bandits de grand chemin. L'exemple se doit d'effrayer le peuple en le dissuadant de se livrer à pareil négoce: c'est la galère à perpétuité et pour le récidiviste la peine de mort, écartelé sur la roue.
Déjà Jean Bouis envisage de s'installer avec sa belle, rue Saint Lambert à Vence, non loin de l'évêché. Pourtant tout bascule à nouveau un beau matin de mars 1781.
 

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19/05/2006

AVEC LES BANDITS DE JADIS

Constituant un passage naturel au pied des Alpes, la côte et le moyen pays ont été parcourus à toute époque par des pillards: traînards de troupes en campagne, mercenaires débandés, sans oublier les pirates venus de la mer.
Cette menace permanente entraîna les habitants dès la préhistoire à se regrouper sur des promontoires pour mieux voir et se défendre. Retranché entre les murs des villages perchés, on n'en sortira que pour les nécessités agricoles et pastorales. De là, les petits cabanons, les modestes bastides et bergeries éparpillées dans la campagne offrant, à quelques heures du village, un abri temporaire. Point de grandes fermes isolées, propres aux hautes vallées alpines, mieux protégées parce qu'à l'écart des visiteurs indésirables.
Le souvenir de ces agressions n'a pas quitté la mémoire des anciens. Voici encore quelques dizaines d'années le chemin reliant Saint Laurent du Var à Saint Jeannet était baptisé «la route des brigands». Serpentant le long des collines à travers les solitudes forestières propices aux guets-apens, il ne devait pas faillir à sa réputation jusqu’en 1970. A cette époque et à trois reprises, les fourgons blindés transportant la paye du Centre d'Etudes et de Recherche d' l.B.M. furent attaqués en ces mêmes lieux. La malédiction s'est dissipée aujourd'hui le long de la corniche où les villas résidentielles se succèdent presque sans interruption.
                                                              

           LES BRIGANDS DE

            LA GARBASSE

              

            (1ère partie)
 

                           

                         
Lorsque Sylvaine déballa les vêtements du coffre ramené à la grotte du Mont Vinaigre, elle poussa des exclamations de joie. Présentant contre son corps juvénile une superbe robe à paniers et dos flottant, décorée de dentelles, elle lança:
«Avec ça Jeannot, tu ne pourras pas dire que tu n'as pas une dame !»
Faisant lestement sauter sa chemise qui cachait deux seins pointus, la jeune fille enfila l’habit puis ajusta soigneusement le corsage lacé à baleines. De gros rires saluèrent la métamorphose de Sylvaine Gastaud. Les hommes assis autour du feu n'en croyaient pas leurs yeux. Surpris par le spectacle, Gaspard de Besse le chef entrant dans la grotte s'écria: «Oh! Mais c'est la Du Barry en personne !»
Encouragée par le succès, Sylvaine souriante se para alors d'un collier et de boucles d'oreilles garnies de brillants... Tenant un miroir à main, elle rejeta en arrière sa chevelure blonde avant d'éclater d'un rire sonore. Son ami Jean Bouis observait la scène, à l’écart, de ses petits yeux noirs pétillants du reflet des flammes qui éclairaient la caverne.
 
Ce jour-là, la chasse avait été bonne. Lorsque la chaise roulante du Comte de Grimaldi avait quitté l’Auberge des Adrets pour s'engager dans la descente de l'Estérel en direction de Cannes, une trentaine d'hommes et une femme, visages masqués par des foulards, avaient surgi au détour du chemin, pistolets aux poings, immobilisant le convoi.
 Rapidement maîtrisés les quelques hommes d'escorte s'étaient rendus.
Le Comte et sa femme furent dépouillés de leur bourse et de leurs bagages au milieu des plaisanteries.
 Quelques minutes plus tard apparaissait la patache de Maître Pellegrin, négociant en vaisselle de Brignoles remontant de Vallauris.
Les brigands ayant disparu, désemparé il libéra les malheureux voyageurs bâillonnés et ficelés au tronc d'un pin.
Nous étions le 16 septembre 1780. Le rapport de police détaillant cette opération la mit au compte de Gaspard de Besse et de ses lieutenants Gaspard Augias de la Valette, Jean Bouis de Vidauban, aidés de leur bande de  malfaiteurs.
 
Alors que la blonde Sylvaine exprima le désir de conserver les atours de Madame de Grimaldi, les choses se gâtèrent. Un partage équitable du butin devait selon
l' évaluation de Gaspard de Besse ne laisser à la jeune femme que les boucles d'oreilles. Jean Bouis exigea davantage et en particulier la robe et le collier, se disant prêt à abandonner galamment sa part au profit de sa belle. Mais Gaspard ne voulut rien entendre.
«Puisque tu refuses, dit-il à Gaspard, et bien je te quitterai, j'en ai assez de dépendre de ta volonté.
- Tu veux en faire à ta tête ? Libre à toi mon gars, mais nous n'avons plus rien à faire ensemble».
La rupture était consommée.
 
Le lendemain, Jean Bouis et Sylvaine en compagnie d'une douzaine de malandrins s'estimant eux aussi lésés prirent la route de Grasse vers d'autres horizons.
La petite troupe mit cap à l'est. Jean Bouis avait son idée: opérer à proximité de la frontière du Var, pour fuir sur les rives du Royaume de Sardaigne si les choses tournaient mal.
Trottinant du pas de leurs montures comme de paisibles voyageurs, traversant les villages et la campagne provençale brûlée par le soleil de l'été, la bande parvint à la nuit tombante au-delà de la Gaude.
Rencontrant un groupe de vendangeurs, Jean Bouis les interpella :
 «Eh! Les amis pourriez-vous nous indiquer un gîte pour nous refaire, nous et nos bêtes ?» Abusés par la tenue élégante des malandrins, les paysans leur offrirent d'occuper la bergerie de la Garbasse, abandonnée en cette saison:
«Messieurs, Mademoiselle, vous avez dépassé le bourg et vous ne trouverez plus rien avant la Baronne, la dernière auberge avant le passage du Var. Montez donc vous installer à la bergerie, elle est vaste et pourvue de paille et de foin qui vous feront bonne litière! »
 

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06/05/2006

L'ALCHIMISTE DE SAINT AUBAN

LE SECRET DU FAISEUR D’OR ( 4ème partie )

 Le 4 avril 1711, De l'Isle rentre à la Bastille. Immobilisé par ses blessures, le prisonnier est traité avec douceur, on lui propose de reprendre ses expériences dans une salle du château. M. de Nointel invite le Gouverneur de la Bastille à remettre à' ' alchimiste captif, l'or et l'argent nécessaires à ses opérations.
Reprenant confiance, De l'Isle réclame les ingrédients et objets mis sous scellés au château de Saint Auban. De l'Isle reprend ses activités le 1er août, au grand soulagement de ceux qui attendaient «qu'il soit en état de justifier la vérité de son secret». Les comptes rendus rapportent qu'il prépara jusqu'au 28 septembre, de l 'huile de soleil, de l'eau magistrale et de la poudre métallique. L'alchimiste se livre à toutes sortes d'expériences en présence de personnages de haut rang. Mais ses blessures ne guérissent pas. Le 31 octobre 17l1 une tentative de transmutation avorte, les poudres préparées par M. de Senez étaient inopérantes. Nouveaux échecs les 21 et 23 novembre après l'élaboration de poudres récentes, ainsi que le Il décembre. Son crédit s'amenuise et De l'Isle apparaît comme un imposteur. Une ultime expérience lui est proposée en janvier 1712, mais les éléments adressés de Provence par M. de Saint Auban s'avèrent inutilisables. M. de Senez soutient l'alchimiste du mieux qu'il peut en dépit de la rumeur d'un prochain interrogatoire de son protégé.
De l'Isle avait déclaré à ses amis qu'il acceptait de satisfaire le Roi, si on le traitait avec «douceur», mais dans le cas contraire «on lui couperait plustôt la teste que de tirer de lui son secret». Il apparaît donc que le faiseur d'or embastillé avait depuis lors abandonné ses opérations, en dépit du soutien pressant de M. de Senez et de M. du Bourget. N'avait-il pas répété à plusieurs reprises que ses expériences n'étaient pas tout à fait au point et qu'on n'obtiendrait rien de lui en le traînant pieds et poings liés à la Bastille.
 
Le 20 janvier échec renouvelé, De l'Isle souffre toujours d'une blessure ouverte. Le 27 janvier, le marquis d'Argenson procède à son interrogatoire par ordre du Roi dans la grande salle du château. Désemparé et sans ressort, il se voit assener des périodes contradic­toires pour l’élaboration des éléments utiles à ses expériences. Las, répondant au jugé, sans réfléchir, il semble fuir et refuser de livrer son secret, enfin se bute et paraît se moquer du lieutenant de police. Quatre jours plus tard, le 31 janvier, pris de vomissements, De l'Isle meurt en quelques heures. Embarrassé, M. d'Argenson déclarera: «C'était un insigne fripon, qui a mieux aimé mourir que de révéler le secret de ses friponneries».
Après autopsie, on conclura à une mort naturelle en n'écartant pas la thèse d'un suicide par empoisonnement. Découragé, l’évêque de Senez avait baissé les bras après le notoire échec du 20 janvier. M. de Launey, directeur de la monnaie, fit saisir les résidus des expériences de l’alchimiste, qui, fondus, donnèrent 6 gros et demi d'or à 22 carats, preuve que ces gangues métalliques contenaient de l'or.
 L'acte officiel de décès ne sera curieusement établi que le 24 juin 1712. Anne Caille, épouse du défunt, rentrera en possession de l'appréciable succession laissée par Jean Troin, en qualité d'administratrice de sa fille Marguerite Troin. A savoir: les pièces et lingots d'or et d'argent saisis, les biens en Provence et 4200 livres à Menton rapportant 210 livres de rente par an. A trente neuf ans, l 'hôte de la Bastille apparaît au vu de ce testament comme un homme riche capable d'entretenir un valet et digne d'une certaine réussite sociale.
 
Pourquoi cette fin tragique ? De l'Isle n'a jamais accepté de travailler en prison, éloigné de sa Provence natale, où il pouvait s'essayer en toute liberté à ses expériences, sans crainte du résultat obtenu, avec des produits qu'il avait lui-même soigneusement élaborés. Empirique, ce n'était pas un savant de laboratoire mais un alchimiste, appliquant des recettes simples, utilisant des éléments naturels: plantes et minéraux exposés au soleil de la campagne et à la chaleur de ses fourneaux. Sous le triste soleil de Paris et dans la froide Bastille, il n'obtint jamais qu'un peu de sa fameuse «huile de soleil». Son secret tenait-il à la découverte de ses mystérieuses plantes lunaires qu'il recherchait dans les collines provençales ? Apparemment désintéressé et jamais compromis dans les activités frauduleuses de faux monnayage, l'énigmatique De l'Isle aurait fait apprécier ses talents bien au-delà des frontières, en Italie et au Portugal. Quelques archives exhumées dans ces pays révèleront peut-être un jour, le secret du faiseur d'or.
Reprenant confiance, De l'Isle réclame les ingrédients et objets mis sous scellés au château de Saint Auban. De l'Isle reprend ses activités le 1er août, au grand soulagement de ceux qui attendaient «qu'il soit en état de justifier la vérité de son secret». Les comptes rendus rapportent qu'il prépara jusqu'au 28 septembre, de l 'huile de soleil, de l'eau magistrale et de la poudre métallique. L'alchimiste se livre à toutes sortes d'expériences en présence de personnages de haut rang. Mais ses blessures ne guérissent pas. Le 31 octobre 17l1 une tentative de transmutation avorte, les poudres préparées par M. de Senez étaient inopérantes. Nouveaux échecs les 21 et 23 novembre après l'élaboration de poudres récentes, ainsi que le Il décembre. Son crédit s'amenuise et De l'Isle apparaît comme un imposteur. Une ultime expérience lui est proposée en janvier 1712, mais les éléments adressés de Provence par M. de Saint Auban s'avèrent inutilisables. M. de Senez soutient l'alchimiste du mieux qu'il peut en dépit de la rumeur d'un prochain interrogatoire de son protégé.
De l'Isle avait déclaré à ses amis qu'il acceptait de satisfaire le Roi, si on le traitait avec «douceur», mais dans le cas contraire «on lui couperait plustôt la teste que de tirer de lui son secret». Il apparaît donc que le faiseur d'or embastillé avait depuis lors abandonné ses opérations, en dépit du soutien pressant de M. de Senez et de M. du Bourget. N'avait-il pas répété à plusieurs reprises que ses expériences n'étaient pas tout à fait au point et qu'on n'obtiendrait rien de lui en le traînant pieds et poings liés à la Bastille.
 
Le 20 janvier échec renouvelé, De l'Isle souffre toujours d'une blessure ouverte. Le 27 janvier, le marquis d'Argenson procède à son interrogatoire par ordre du Roi dans la grande salle du château. Désemparé et sans ressort, il se voit assener des périodes contradic­toires pour l’élaboration des éléments utiles à ses expériences. Las, répondant au jugé, sans réfléchir, il semble fuir et refuser de livrer son secret, enfin se bute et paraît se moquer du lieutenant de police. Quatre jours plus tard, le 31 janvier, pris de vomissements, De l'Isle meurt en quelques heures. Embarrassé, M. d'Argenson déclarera: «C'était un insigne fripon, qui a mieux aimé mourir que de révéler le secret de ses friponneries».
Après autopsie, on conclura à une mort naturelle en n'écartant pas la thèse d'un suicide par empoisonnement. Découragé, l’évêque de Senez avait baissé les bras après le notoire échec du 20 janvier. M. de Launey, directeur de la monnaie, fit saisir les résidus des expériences de l’alchimiste, qui, fondus, donnèrent 6 gros et demi d'or à 22 carats, preuve que ces gangues métalliques contenaient de l'or.
 L'acte officiel de décès ne sera curieusement établi que le 24 juin 1712. Anne Caille, épouse du défunt, rentrera en possession de l'appréciable succession laissée par Jean Troin, en qualité d'administratrice de sa fille Marguerite Troin. A savoir: les pièces et lingots d'or et d'argent saisis, les biens en Provence et 4200 livres à Menton rapportant 210 livres de rente par an. A trente neuf ans, l 'hôte de la Bastille apparaît au vu de ce testament comme un homme riche capable d'entretenir un valet et digne d'une certaine réussite sociale.
 
Pourquoi cette fin tragique ? De l'Isle n'a jamais accepté de travailler en prison, éloigné de sa Provence natale, où il pouvait s'essayer en toute liberté à ses expériences, sans crainte du résultat obtenu, avec des produits qu'il avait lui-même soigneusement élaborés. Empirique, ce n'était pas un savant de laboratoire mais un alchimiste, appliquant des recettes simples, utilisant des éléments naturels: plantes et minéraux exposés au soleil de la campagne et à la chaleur de ses fourneaux. Sous le triste soleil de Paris et dans la froide Bastille, il n'obtint jamais qu'un peu de sa fameuse «huile de soleil». Son secret tenait-il à la découverte de ses mystérieuses plantes lunaires qu'il recherchait dans les collines provençales ? Apparemment désintéressé et jamais compromis dans les activités frauduleuses de faux monnayage, l'énigmatique De l'Isle aurait fait apprécier ses talents bien au-delà des frontières, en Italie et au Portugal. Quelques archives exhumées dans ces pays révèleront peut-être un jour, le secret du faiseur d'or.
 
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