01/07/2011
LA GAUDE ROMAINE, LE SARCOPHAGE DE LA VIA AURELIA
Chez nos ancêtres les Romains, la tradition voulait que les défunts soient inhumés le long des routes, pour accompagner les vivants et revivre dans leur mémoire le temps de leur passage et peut-être aussi pour les inviter à plus de modestie. Ainsi, furent dressées nombre de sépultures sur les bords des voies romaines.
A La Gaude, le long de ce qui fut l’ancienne voie romaine, reliant les bords du Var (au gué de la Baronne) jusqu’à Vence (l’antique Ventium), il vous sera possible de retrouver un de ces rares et touchants monuments.
Près de dix huit siècles s’étaient écoulés lorsqu’en 1904, l’historien local Boniffacy mentionna la pierre tombale dans sa monographie sur La Gaude. Il faudra attendre encore environ 80 ans pour qu’un amateur éclairé, M. Edmond Pique, retrouve ce vestige oublié abandonné au fond d’un vallon. Il gisait là brisé en quatre, noyé à chaque pluie et déjà creusé de multiples fissures qui le condamnaient sous peu à être fragmenté. Aujourd’hui déterré et réhabilité, il trône dignement au bord du Chemin Rural 31 dit “ Chemin de Saint-Laurent à La Gaude ”.
Pour découvrir ce témoignage du passé, après s’être rendu à La Gaude, il faut se diriger au bas du village, à proximité du Centre Culturel de “ la Coupole ”.
Le C.R.31 débute derrière le centre, suivre ce chemin sur 100 mètres, le sarcophage apparaît alors à gauche sur un mur formant niche. Urne funéraire tel est le terme exact pour désigner cette importante masse de pierre creuse admirablement gravée, destinée à recevoir les cendres du défunt.
Par delà les siècles, deux inscriptions symétriques interpellent le passant, nous replongeant dans le contexte social d’une époque brillante à l’origine de notre propre Histoire ; en voici la traduction :
"A Crémonius Albutius décurion de Vence duumvir, investi des fonctions sacerdotales et de tous les honneurs, Vibra Materna à son mari incomparable a élevé ce monument".
Rappelons qu’un décurion était une sorte de conseiller municipal, âgé de plus de
25 ans, s’occupant des affaires de la cité, de la police, des finances, de l’administration, des impôts. Ne percevant aucun salaire, ce notable devait par compte dépenser beaucoup de ses propres deniers. Enfin, le “ duumvir ” occupait une charge de magistrat, partagée avec un confrère, il jugeait des délits légers d’ordre municipal.
Pour mieux comprendre la signification de cette pierre gravée, datable des environs de 200 à 260 de notre ère, essayons de retrouver la vie de l’antique Vintium.
Vence, conquise par les Romains au IIème siècle avant J.C., prit le vocable de Ventium en référence à un dieu romain qui aurait stoppé des envahisseurs au niveau de la chaîne montagneuse des Baous.
Devenue Civitas Vientientium en 211 après J.C., cette cité romaine sera le centre d’un véritable état selon César, métropole politique, administrative, économique, religieuse et juridique de tout un territoire.
La curie regroupait le corps aristocratique des décurions qui pouvaient être “ nés ” (charge héréditaire), ou élus : “ nominati ” pour compléter les précédents.
Pour postuler à cette charge, le candidat devait payer le cens (impôt foncier) et posséder environ 6 hectares et demi, ce qui devait être le cas de Cremonius Albutius et aussi de Lucius Valerianus, dont l’épitaphe et le titre sont eux inscrits sur les murs de la cathédrale de Vence.
Une certaine indépendance politique, d’importants travaux d’irrigation entraînent Vence cinq siècles durant dans la paix et la prospérité. La culture du blé, des fruits, jointe à l’exploitation du bois et des pâturages enrichissent ses habitants dont quelques notables eurent l’honneur de siéger au Sénat de Rome.
Poste à la frontière varoise, première étape entre Cimiez et Aix, Vence présente aussi l’attrait d’une agréable station climatique abritée des vents et pourvue d’eaux exceptionnelles.
Les familles patriciennes s’empressent d’y construire des villas et d’y acquérir des domaines où s’intensifia la culture de la vigne et de l’olivier. Ces dernières cultures étaient particulièrement développées à La Gaude.
Néron envoya à Vence sa femme, la divine Poppée, pour y rétablir une santé chancelante. L’Histoire ne dit pas si elle fut accompagnée par les cinq cent ânesses qui devaient la suivre pour pourvoir à ses bains de lait.
Gallien, autre empereur romain, fit de même : son épouse Salomée et son fils, de complexions délicates, bénéficièrent également des vertus salutaires de Vence.
Pour répondre à cet engouement, Vence se dota de routes viables, d’une école, d’un forum, d’aqueducs et de thermes, ainsi que de temples dédiés à Cybelle et Mars, ce dernier honoré par les sacrifices du Taurobole.
De ce lointain passé de la “ Vence romaine ”, ne subsistent que quelques stèles, pierres sculptées ou gravées et les deux colonnes de porphyre, visibles en divers points de la cité.
Parmi ces vestiges, la tombe de La Gaude reste un exemple remarquable tant par son état de conservation que par sa situation originale au bord d’une ancienne voie romaine.
Vibra Materna persiste à nous rappeler par delà les siècles les mérites et les qualités de “ son incomparable mari ”. Comment ne pas accueillir avec émotion ce témoignage d’amour épargné par le temps ?
D’après « Les Histoires et Légendes du Pays d’Azur », pour commander cet ouvrage dédicacé de 15 € : contacter edmondrossi@orange.fr
Des histoires extraordinaires naissent sous tous les cieux, mais seul un cadre favorable les fait éclore.
La situation géographique du Pays d’Azur où les Alpes plongent dans la mer dans un chaos de montagnes et de vallées profondes lui confère déjà un caractère exceptionnel. Les climats qui s 'y étagent de la douceur méditerranéenne de la côte aux frimas polaires des hauts sommets sont tout aussi contrastés. Si l'on ajoute que l'homme a résidé sur ces terres d'opposition depuis ses origines, on ne peut s'étonner de trouver en lui la démesure du fantastique révélée par les outrances du décor.
Cet environnement propice ne devait pas manquer de produire dans la vie de ses habitants une saga où l'imaginaire rejoint naturellement la réalité.
Depuis les milliers d'étranges gravures tracées à l'Age du Bronze sur les pentes du Mont Bégo dans la Vallée des Merveilles, en passant par les fabuleux miracles de la légende dorée des premiers chrétiens, ou les fresques tragiques des chapelles du Haut-Pays, jusqu'aux héroïques faits d'armes des Barbets pendant la Révolution française, longue est la chronique des «Histoires extraordinaires» du Pays de Nice, s'étalant dans la pierre et la mémoire de ses habitants.
Par un survol du passionnant passé de cette région, qu'il connaît bien, Edmond Rossi nous entraîne à travers une cinquantaine de récits mêlant la réalité historique au fantastique de la légende.
Rappelons qu'Edmond ROSSI, né à Nice, est entre autres l'auteur de deux ouvrages d'Histoire appréciés, dont «Fantastique Vallée des Merveilles», d'une étude sur les traditions et le passé des Alpes du Sud: «Les Vallées du Soleil» et d'un recueil de contes et légendes de Nice et sa région: «Entre neige et soleil».
Pour en savoir plus sur un village typique chargé d’anecdotes et d’images du passé : Cliquez sur
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26/06/2011
LES TOURRÈS UN HAMEAU PERDU DU VAL D'ENTRAUNES
Cette chronique des villages oubliés, perdus là haut quelque part au fond des vallées alpines, serait incomplète sans citer le hameau des Tourrès, mentionné brièvement à propos de Châteauneuf d’Entraunes et dont il constitue un des écarts. Il mérite plus d’intérêt par la richesse et la vigueur des témoignages de son passé.
Nous faisons ici référence aux relations orales des anciens du lieu et à l’attachante étude de Mme J. Cazon “ Le long de la Barlatte ”.*
Ce lieu est aujourd’hui traversé par une des branches du fameux sentier de randonnée pédestre GR52, qui parcourt les Alpes du Nord au Sud. Il est avant tout desservi par une piste carrossable, ouverte l’été sur un parcours accidenté, franchissant une géographie perpendiculaire, faite de roches abruptes coupées d’abîmes et de gorges impressionnantes. En effet, après avoir quitté Châteauneuf et grimpé le long de coulées marneuses grises, la voie s’engage dans un cirque hostile de bout du monde, écrasé par les falaises jaunes du calcaire jurassique dominant les gorges encaissées de Saucha-Nègre, puis de la Barlatte. Inespéré, un étroit tunnel s’ouvre alors pour franchir l’hostile barrière rocheuse et permettre un débouché vers le large bassin de la haute vallée de la Barlatte, qui se développe ensuite en de vastes alpages.
Au lieu dit les “ Palus ”, la chapelle privée de Notre Dame des Grâces a été restaurée. Les premières maisons regroupées formant le hameau des Tourrès s’étagent plus haut dans les près, à 1680m d’altitude. Aujourd’hui, le plus souvent désert, cet écart témoigne de la présence d’une ancienne communauté médiévale, installée là au centre de prairies entourées d’un cirque majestueux de montagnes, dominé par la pyramide de la cime de Pal.
Autrefois, un chemin muletier suivait la rive droite de la Barlatte avant de prendre son élan pour se hisser en lacets vertigineux sur la rive gauche.
Il reliait pour les foires les sentiers de Guillaumes à ceux de Saint Etienne de Tinée par le col de Pal. Egalement route du sel, il apportait cette denrée indispensable à l’économie depuis les salins d’Hyères et de Nice, jusqu’aux Alpes et aux confins piémontais via Ascros et Puget Théniers.
Draille de transhumance de temps immémoriaux, il drainait aussi les troupeaux au rythme des saisons.
Au-delà des gorges, la Barlatte reçoit sur sa rive droite de paisibles rioux qui jadis faisaient tourner des moulins. L’autre rive offre des pâturages étagés sous l’ombre des mélèzes et des alisiers, l’ensemble surmonté par les crêtes sévères de Chabrièra.
Cette chaîne aride, traversée plus haut par le passage du col de Pal, sépare les bassins du Var et de la Tinée.
Roya, autre hameau perdu d’Isola, se niche au-delà de cette muraille rocheuse escarpée.
Entre la barrière de Chabrièra et la forêt de Barels, un ravin creusé depuis la crête de la montagne, transporte des blocs de grès plus rose que celui d’Annot. Ce matériau, résistant au feu, a servi à des générations pour construire voûtes et soles des fours familiaux, aujourd’hui définitivement éteints. Ceux-ci jouxtent encore chaque ferme des Tourrès.
Fermes ruinées, fours morts, chapelles aux toitures effondrées, moulins sans roue, cimetières aux murs croulants, rares fermes désertées tel est le triste inventaire qu’offre de nos jours les Tourrès, modeste agglomération qui connut son heure de gloire au XVIIème siècle.
L’ensemble est centré sur le clocher à peigne, portant encore ses trois cloches, dressé sur la chapelle Sainte Anne à toit de bardeaux. A côté, la fontaine qui l’automne n’égrène plus qu’un mélancolique chapelet de gouttes. Autour, trois ou quatre toits aux bardeaux disjoints ne fumant même plus l’hiver tant est décourageante la route d’accès enneigée.
A la belle saison, rares sont les sonnailles, comme les échos familiers de la vie des fermes. Plus d’aboiement joyeux ni d’âne qui braie. Finies aussi les typiques senteurs ammoniacales du migon (fumier de mouton) s’échappant d’étables aujourd’hui abandonnées.
Il faut se souvenir des troupeaux de moutons ondulants dans les replis herbeux des “ cluots ”, réunis le soir dans l’écurie ou les parcs. Ces bêtes y étaient “ embarra ” (enfermées), alors que d’autres passaient la nuit dehors sans pour cela vagabonder, chose proscrite actuellement avec le retour des loups !
Qu’il pleuve ou qu’il vente, les animaux se regroupaient, la tête appuyée à l’arrière train de leur voisin de devant, et dormaient ainsi à la belle étoile. De même, aux chaudes heures ils “ chômaient ” (de cauma), sagement rassemblés à l’ombre de quelques arbres.
Chaque troupeau transhumant venu du Var, les “ charoubés ”, comptait de 600 à 1000 bêtes. Il faut s’élever plus haut en altitude, sur les alpages, pour trouver encore une ou deux bergeries occupées l’été par ces estives traditionnelles.
Avant la première guerre mondiale, le hameau vivait encore en vase clos comme au temps de ses origines, avec une quinzaine de familles prolifiques de huit à douze enfants auxquels s’ajoutaient ceux confiés par l’Assistance Publique. Les enfants constituaient une main d’œuvre productive dès l’âge de cinq ou six ans. Ils allaient “ faire de l’herbe ”, s’occupaient de la pâtée des poules, effrayaient les éperviers, gardaient les chèvres. Cette main d’œuvre docile parvenue à sa majorité restait entièrement soumise à l’autorité paternelle.
De vastes champs de blé, de seigle, de méteil ou d’orge occupaient les prés des zones moyennes ou inférieures. Le grain restait ici quatorze mois sous terre. Lentilles, vesces, pommes de terre alternaient sur les pentes sèches des adrets. La farine de vesces fournissait chaque matin une soupe épaisse “ la potrole ”. Les actes du XVIIIème siècle révèlent que la moitié du sol, soit 650 hectares, était cultivée avec de faibles rendements.
Chaque maisonnée possédait une centaine de moutons, quelques chèvres, une ou deux vaches, deux cochons, parfois un âne et deux mulets, l’ensemble assurant nourriture et travail pour l’année. S’y ajoutaient quatre ou cinq ruches rustiques et quelques volailles.
Les fruits provenaient des cerisiers, groseilliers et pruniers sauvages (les affatous), complétés par les noisetiers bordant les chemins. L’huile rare était extraite des noix de quelques noyers, ainsi que des nombreux noyaux des affatous.
La chènevière des bords de la Barlatte et la laine des troupeaux fournissaient la toile de drap de lit, les couvertures métis à carreaux bruns et blancs, les vêtements en drap dont les fameuses houppelandes. L’hiver, on filait dans chaque foyer et on tissait à Villeneuve et Saint Martin.
Dans le Val d’Entraunes, une cinquantaine de métiers à tisser, assez simples, fournissaient draps et couvertures. Ces draps grossiers pour les vêtements de travail étaient presque inusables. A cette production, s’ajoutaient également des “ serges ” plus fines destinées aux habits de fête des femmes ainsi qu’aux gens riches. Rappelons que cette étoffe une fois filée et passée au foulon était colorée en rouge, vert ou fauve au moyen de plantes locales telles que la garance, l’épine-vinette, le sumac, le brou de noix et l’écorce d’aulne.
Les différents corps de métier : cordonnier, tailleur, maréchal, bourrelier, scieur de long, maçon faisaient dans chaque maison des séjours de quelques semaines pour y fabriquer chaussures, vêtements, outils, planches, pour y réparer toits ou planchers et aménager éventuellement granges ou bergeries.
La vannerie faite avec l’osier (amarine) du lieu, servait à faire les lourds paniers bruns, les mouraux (muselières), pour les mulets voraces, les banastres pour transporter terre et fumier. Tous ces paniers étaient tressés, les longues soirées d’hiver, dans la salle ou l’étable faiblement éclairées par des éclats de bois résineux, “ les téas ” ou encore par des lampions “ les calens ”. On y taillait et sculptait également dans du bois d’érable (l’ajax) ou dans du bois de buis les différents outils du ménage : mortiers, écumoires, faisselles, ainsi que les fourches et râteaux tirés du noisetier pour les travaux d’été.
La vie s’écoulait dans ces grandes masures basses, enfoncées à l’arrière jusqu’au toit dans le sol avec lequel elles font corps contre les vents d’hiver. Cette disposition facilite aussi le balayage des toitures écrasées de neige.
Si l’humidité tavèle les murs enterrés, ce type de construction protège de la rudesse du climat. Les fenêtres étroites à petits carreaux dispensent peu de lumière mais répondent aux mêmes nécessités.
Les linteaux, souvent datés, rappellent les origines des bâtisses. La chapelle Saint Jean Baptiste ruinée (ancienne paroissiale) qui jouxte le cimetière, nous interpelle à sa façon : “ J’étais là toute neuve en 1641 ”. “ Les Caires ”, rustique château-donjon restauré, indique sur l’une de ses trois portes “ 1766 ”.
Une étrange dame sculptée dans sa robe à paniers, parée d’un collier de perles vous accueille là, après une attente de plus de deux siècles.
La coïncidence et la répétition de ces dates indiquent que la fin du XVIIIème siècle et particulièrement la période de paix qui suivit le Traité de Turin de 1760 (où le territoire voisin de Guillaumes fut rattaché au Comté de Nice) sont perçues ici comme une époque de prospérité. Dans la petite vallée, les bâtisseurs s’activent avec un goût particulier pour la décoration. La poussée démographique n’est pas étrangère à ce sursaut constructeur.
N’oublions pas le passé chargé de litiges entre communes voisines : Guillaumes, maîtresse des hameaux de Barels et Bouchanières, enchevêtrait ses terres autour de la Barlatte avec celles de Châteauneuf. Si jusqu’en 1760, Guillaumes était Provence, Châteauneuf était Savoie, ce qui ne manquait pas de compliquer les démêlés entre villages au sujet des “ pascoli ” (pâturages) puisqu’il s’agissait de frontière d’états (France et Savoie).
Ce n’est pas pour rien que les gens de Barels s’étaient vus gratifiés du surnom
d’“ avocats ”, ceux de Bouchanières de “ sorciers ”, sans doute sujets à d’occultes machinations et les Guillaumois carrément d’“ orgueilleux ” à cause de leurs prétentions démesurées.
Le langage pratiqué “ lou gavuot ”, vieux provençal influencé par l’apport des transhumants de la basse Provence et du Piémont voisin, est aujourd’hui presque abandonné. La scolarisation a laissé progressivement place à l’usage du français qui s’est imposé. Seuls quelques anciens perpétuent encore la langue colorée et rocailleuse de leurs ancêtres.
L’acte de décès de cette active communauté est gravé sur la plaque qui sert de monument aux morts. S’y étale la liste douloureuse des noms de dix-sept de ces jeunes hommes, fauchés là-bas sur de lointains champs de bataille lors de la première guerre mondiale.
On se moquait gentiment des habitants des Tourrès en les gratifiant eux aussi d’un étrange surnom : “ les chambeirouniers ” parce qu’ils portaient l’hiver pour se déplacer dans la neige de grossières raquettes en osier, retenues aux jambes par des guêtres en toile.
C’est muni de ces mêmes raquettes que ces “ fourastiés ” (habitants de hameaux isolés) descendaient, déguisés pour le Carnaval, jusqu’au café de Châteauneuf, pour y célébrer la fin de l’hiver.
Là, réunis dans une chaude ambiance avec ceux du chef-lieu on échangeait les dernières nouvelles, racontait des histoires en buvant et dansant, alors que circulaient les corbeilles de ganses (les échaudées). Les plus habiles se livraient à un spectacle improvisé : mimes et tours de passe-passe.
Autre rassemblement, l’été à l’occasion de la fête patronale de la Sainte Anne, célébrée aux Tourrès le dernier dimanche de Juillet.
Vauban disait déjà en parlant de ce canton : “ On ne voit guère de pays dans le royaume plus rude et moins praticable. Les chemins sont fort étroits, pierreux et très difficiles. Toujours monter et descendre avec péril ”. Cette critique est encore valable pour la route accidentée qui grimpe en lacets jusqu’à Châteauneuf puis de là aux Tourrès.
L’Abbé Grégoire, envoyé par la Convention dans la région en 1793, reste plus optimiste puisqu’il compare ce territoire à une “ pierre précieuse qui attend le ciseau du lapidaire pour la mettre en valeur ”. Les siècles sont passés, aujourd’hui dépeuplés, enclavés dans le Parc du Mercantour comme dans une réserve, les Tourrès peuvent-ils encore espérer quelque orfèvre ?
D’après «Du Mistral sur le Mercantour» (Editions Sutton), En vente sur Internet http://www.editions-sutton.com ou dédicacé, au prix de 21 euros, plus frais d’envoi, en téléphonant au 04 93 24 86 55 Les dieux se sont réfugiés au cœur des régions montagneuses, prédisposant les sommets à devenir de fascinants hauts lieux de l’étrange. A l’extrémité des Alpes du Sud, le « Parc naturel du Mercantour » confirme avec éclat cette vocation établie depuis les origines de l’humanité. Accrochés à la caillasse au-dessus de gorges étroites et impénétrables, les villages perchés, maintenus à l’écart des bouleversements, ont su résister au temps et garder d’admirables témoignages du passé. Parmi ceux-ci, des récits originaux véhiculés jusqu’à nous par les bourrasques du mistral comme autant de feuilles d’automne. Edmond Rossi, originaire du val d’Entraunes, nous invite à pénétrer l’âme de ces vallées, grâce à la découverte de documents manuscrits inédits, retrouvés dans un grenier du village de Villeplane. Si les « récits d’antan » présentent des histoires colportées aux veillées depuis la nuit des temps, les « faits divers » reflètent une réalité contemporaine d’une troublante vérité. Edmond Rossi est depuis son plus jeune âge passionné par l’histoire de sa région. Il signe ici son troisième ouvrage aux Editions Alan Sutton Pour en savoir plus sur un village typique chargé d’anecdotes et d’images du passé : Cliquez sur
11:42 Publié dans Découverte du Pays d'Azur, HISTOIRE, Livre, MEMOIRE, TRADITION | Lien permanent | Commentaires (0)
12/06/2011
SAINT BLAISE SON CHÂTEAU DU MOYEN AGE
A une vingtaine de kilomètres au nord de Nice, près de Levens, sur les collines dominant la rive gauche du Var, Saint Blaise éparpille ses hameaux au pied des pentes du mont Cima où s’accrochent les restes du « Castel ». Ruines imposantes d’un château du XIIIme siècle dominées par un donjon carré, accessibles à pied depuis la route conduisant à Aspremont (500 mètres après l’église). Après un quart d’heure de marche à travers la pinède, on débouche face à la barbacane percée de meurtrières que l’on contourne pour accéder à une cour intérieure entourée de hautes murailles. Le château présente une arête à l’assaillant pour mieux résister à des tirs de boulets de catapulte.
Le donjon ( haut de 14m) renforcé d’un angle facile à protéger du côté d’une attaque possible, mesurant 4,65m de côté son mur épais de 1,20m se rétrécit à 0,85m vers la cour. Derrière lui, en enfilade, mais séparé, s’établissait un grand logis rectangulaire. Le choix du lieu surprend, sans doute guidé par la proximité d’une source.
L’Histoire témoigne des raisons de son édification. Le Comte de Provence dresse le Château de Saint Blaise vers 1230 sur les terres de l’Abbaye de Saint Pons. Ici comme ailleurs, le but est de centraliser le pouvoir, en plaçant un pion dans la stratégie militaire. Les raisons d’équilibre politique et social du temps visent à rassembler la population paysanne autour d’une petite mais puissante forteresse.
Restauré une première fois en 1235, puis en 1262 date à laquelle l’Abbé de Saint Pons récupère ce bien, le château de Saint Blaise connaîtra une seconde série de travaux au milieu du XIVme siècle. Cette ultime modernisation modifie sensiblement l’aspect du bâtiment. Le logis et l’enceinte cernant la cour sont reconstruites et une barbacane précède maintenant le donjon. En 1365, un inventaire dressé à l’occasion de l’élection du nouvel abbé, présente un château en cours d’abandon, peu armé et peu meublé. A la suite des crises qui troublent alors la région, ce terroir pauvre disposant de rares cultures se dépeuple. Le Château perd de son intérêt, ne parvient plus à survivre, déserté sans être détruit, il ne sera plus mentionné en 1388.
Gioffredo cite en 1208 « Donamus Revest qui nominatur Madalberti » et dit que ce château s’appelle aujourd’hui Saint Blaise, sans doute un castel antérieur ( ?).
Lorsque l’acte de cession du château est signé en 1262, Gioffredo indique que la scène s’est déroulée sur la terrasse du château situé au milieu de la forêt.
Le castrum de Saint Blaise(Sancto Blasio castrum) est cité en 1232-1244, également dans les Statuts de Fréjus de 1235, dans l’Enquête de Charles 1er d’Anjou de 1251-52 et dans la viguerie de Nice en 1325.
Anecdote :
L’Abbaye de Saint Pons propriétaire du fief est fondée en 775 aux portes de Nice. L’initiative en reviendrait au grand empereur Charlemagne qui plaça à la tête du monastère son neveu Siagre, fils de Carloman et de Théodora, sœur de Didier, roi des Lombards soumis en 774. Placée sous de tels auspices, l’Abbaye jouit très tôt d’un grand prestige. Rappelons qu’à la mort de Carloman en décembre 771, sa veuve se réfugia en compagnie de ses deux enfants en bas âge, Pépin et Siagre, auprès du Roi Didier.
A la capitulation de ce dernier, Charlemagne mit la main sur la veuve et les neveux. Le destin de Siagre s’identifia alors à celui du nouveau monastère qu’il dirigeait et de Nice dont il devint l’évêque.
L’Abbaye de Saint Pons possédait un grand nombre de prieurés dans la région. Affiliée à l’abbaye de Saint Victor de Marseille, elle était placée sous la tutelle de l’évêque de Nice.
Il est intéressant de noter que l’Abbé de Saint Pons concède le fief au début du XIIIme siècle à une riche famille noble de Nice les Chabaud, seigneurs d’Aspremont. La concession prendra fin en 1262. L’époque glorieuse du château s’identifie à la domination de ce turbulent seigneur qui ne rétrocèdera Saint Blaise à ces premiers propriétaires, qu’au prix de démêlés juridiques. Arguant des grosses dépenses engagées dans les réparations de la cour, Raymond Chabaud réclamera 120 livres de Gênes à l’Abbé, somme considérable à l’époque. Il faudra l’arbitrage de la noblesse niçoise pour que les abbés de Saint Pons puissent enfin recouvrer leurs biens.
Autour des ruines imposantes du manoir de Saint Blaise plane encore l’ombre des farouches Chabaud, seigneurs du lieu aux temps lointains de sa splendeur.
D’après « Les Châteaux du Moyen-âge en Pays d’Azur » (Alandis-éditions Cannes), pour commander cet ouvrage illustré et dédicacé de 20 € : téléphoner au 04 93 24 86 55
Le Moyen Âge a duré plus de mille ans, presque une éternité ! Aussi, les différences l’emportent largement sur les points communs.
Quel rapport entre la Provence romaine, soumise aux déferlements des hordes barbares et celle annexée au Royaume de France de Louis XI ?
Terre de passage et de partage, les Alpes Maritimes – ou Provence orientale – sans ignorer ces disparités, conservent les facteurs d’une unité enracinée dans le sol et dans les mentalités.
Qu’il s’agisse de la langue latine, de la religion chrétienne, de la construction des états modernes aux œuvres de l’intelligence, cette époque fournit en ce lieu tous les éléments nécessaires pour appréhender dix siècles de cataclysme et de grandeur.
La découverte des châteaux et des forteresses médiévales du « Pays d’Azur » (Alpes Maritimes), témoins authentiques des bouleversements de cette période clé n’est pas aisée ; elle constitue pourtant le meilleur moyen de retrouver ces temps disparus.
Les plus anciennes constructions datent d’un millénaire ; en parties détruites ou restaurées, elles offrent rarement leur visage primitif, laissant le plus souvent à l’imagination le pouvoir de les faire renaître.
L’archéologie de l’âme peut nous aider à retrouver l’image vivante de la chevalerie et des nobles hantant ces demeures oubliées.
Elle nous sera restituée grâce à de nombreuses anecdotes émaillant l’austère description des sites. Puisées dans les chroniques et les légendes, elles restituent une vision de valeurs fondées sur l’honneur et la foi.
Confronté à l’hostilité et à la violence d’un monde obscur, l’homme médiéval exprimera une part de ses ambitions et de ses craintes par des ouvrages défensifs. Ces orgueilleux édifices inscrivent dans le paysage les premières empreintes de l’histoire mouvementée des Alpes Maritimes.
Laissons-nous entraîner à la fabuleuse découverte de ces 140 châteaux et vestiges médiévaux présentés avec précision par Edmond Rossi, un niçois passionné par le passé et les traditions d’une région qu’il connaît bien. Il nous offre en plus la part d’imaginaire qui entoure ces vieilles pierres.
Rappelons qu’Edmond Rossi est l’auteur de plusieurs ouvrages traitant de l’Histoire des Alpes Maritimes et de la mémoire de ses habitants.
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