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12/07/2011

VILLENEUVE D'ENTRAUNES HISTOIRE D'UNE COMMUNAUTÉ DU HAUT COMTÉ DE NICE

 

0 VILLENEUVE D'E., VUE GENERALE 2.jpg

 

Ce lieu se trouve en plaine, au milieu des montagnes, distant de la présente ville (Nice) de deux jours et demi en passant dans le domaine de France par Cros (Ascros) ou Entrevaux et en passant dans les états de sa Majesté (Duc de Savoie) quatre jours, ce qui toutefois n’est pas possible en hiver. Il est composé de 46 feux et 200 personnes. Il touche aux territoires de St Martin, Sauze, Châteauneuf et à celui de Guillaumes en France.

Gaspard JOANINI (1754)[1]

 

LES GRANDES DATES DU PASSE

La chronologie qui suit a été établie d’après les travaux de Paul Canestrier « Villeneuve d’Entraunes et ses environs » (NICE HISTORIQUE, 1914) et de Catherine Espeil « La vie communale de Villeneuve d’Entraunes au XVIIIe siècle » (mémoire de l’UER des lettres et sciences humaines 1975-76), ainsi que par des recherches personnelles.

        -3000 (environ) : première occupation humaine, attestée par la découverte, au quartier du Vigna, d’une hache en pierre polie datable de cette période.

        -600 (environ) : présence dans la région de la tribu ligure des Vélauni, chasseurs, pasteurs et agriculteurs se livrant au troc avec les comptoirs phocéens de la Côte. Faits attestés par la découverte d’une main en bronze gravée en grec « Signe de reconnaissance des Vélauni », objet visible au Musée Borelli de Marseille.

        -49 : Jules César envoie Publius Niger soumettre les vallées hostiles des Alpes. Parvenu à Nice, il remonte le Var avec 500 légionnaires et quatre catapultes, soumettant les Ligures de la région de Puget-Théniers sans parvenir plus haut dans la vallée.

        -16 : Auguste « nettoie » la zone rebelle du Haut Var et de la Tinée.

        -14 : soumission définitive des Ligures de la montagne par les Romains.

        -6 : Les Vélauni sont inscrits parmi les peuples vaincus par Auguste sur son victorieux trophée de la Turbie.

        -du Ier au IV siécle : la paix romaine voit s’implanter sur le futur territoire de Villeneuve une première communauté agro-pastorale.

        Selon Canestrier, le souvenir du dieu romain Jupiter transparaîtrait dans le nom de « Testa Jouan » donné à une colline dominant le quartier du Moulin. Cette appellation dériverait du Mont Jove.

        - Autour de l’an 700 : naissance du « Castrum Abusiscum », petit village fortifié.

        - 879 : Villeneuve d’Entraunes apparaît pour la première fois, comme un fief de la couronne provençale, le village s’accroche sur les collines du  Claus et de Sainte Marguerite. Villa nova ou nouvelle villa semble provenir de la renaissance, après destruction, d’une villae romane (importante exploitation agricole avec aire de battage, moulin, forge, etc ...) installée en ces lieux. Entraunes viendrait de Inter amnes, entre deux cours d’eau.

        - 983 : expulsion des Sarrazins venus de la mer et installés dans les montagnes du pays niçois.

        - 1137 : l’évêque de Glandèves installe les Chevaliers Hospitaliers de St. Jean de Jérusalem à Villeneuve d’Entraunes, où ils possèdent quelques biens. Ne pas confondre les Hospitaliers avec les Templiers qui n’ont jamais été présents ni à Villeneuve, ni dans la Haute Vallée du Var selon les spécialistes de la question.
Plus tard, les religieux de Saint Dalmas de Pédona (Piémont) acquièrent le prieuré de Saint Genès à Bante.

         - 1154 : mention de Dena, l’actuel Enaux (archives de St Eusèbe d’Apt). L’abbaye bénédictine de St Eusèbe installe un prieuré aujourd’hui disparu, dit des « Barres de Saint Pierre » dans l’épaisse forêt des « Cordaillaous » (moines cordeliers).

 - 1232-1244 : Enaux, Ena ou Dena apparaît dans la liste des castra (Archives Départementales des Bouches du Rhône).

         - 1251-1252 : Mention de Dena dans l’enquête domaniale de Charles d’Anjou.

          - 1264 : Villeneuve est citée dans «le rationnaire », sous le nom de Villeneuve d’Enaux (Villanova Dene). (Archives Départementales des Bouches du Rhône B 1501, Fol 115), puis en 1325, dans la Viguerie de Puget.

        - 1289 : Charles II d’Anjou, Comte de Provence, accorde à Villeneuve une chartre de franchise. La communauté s’administre elle-même sous la tutelle de son seigneur Adolésio, à qui les souverains provençaux délèguent leurs pouvoirs.

        - 1315 : la population est évaluée à 64 feux (environ 416 habitants).

        - 1365 : par mandement du 3 mai, la reine Jeanne ordonne depuis Naples au Sénéchal, de laisser Barnabé Grimaldi, seigneur de Beuil, arrêter sur ses fiefs les rebelles à ses ordres, notamment ceux du Castrum de Villeneuve d’Entraunes. La reine désirait que soient améliorées les fortifications des terres du comté pour y ramener à l’intérieur les foires et marchés, à l’abri des envahisseurs. Mais les Villeneuvois refusent d’édifier ces fortifications et de payer l’impôt, allant jusqu’à former une « association armée ».

        Contestant le pouvoir, « ils commettent chaque jour des homicides pour lesquels ils restent impunis ... il y aurait dans le castrum de Villeneuve plus de 300 hommes bien entraînés ... et animés par l’esprit de la rébellion ».

        « Barnabé demande l’autorisation de s’emparer des perfides et des rebelles où qu’ils soient, dans les limites de sa juridiction, et de les punir comme ils le
méritent ... de rassembler ses cousins et amis sous les armes pour venger le meurtre de son écuyer Jourdain de Lieuche et Antoine Fulconis de Pierlas ».

        Il demande « que personne ne donne asile aux coupables et les lui livre ». L’autorisation de poursuite est accordée par la reine mais à condition que les rebelles capturés soient emprisonnés dans la prison comtale (Archives Départementales, Citta e Contado, Mazzo 17 N°15).

        - 1388 : la communauté prête serment de fidélité à son nouveau suzerain, le Duc Amédée VII de Savoie et à son représentant Jean Grimaldi Seigneur de Beuil.

        - 1418 : la Viguerie du Puget condamne par contumace un habitant de Villeneuve à 25 livres et 15 sous d’amende pour meurtre.

        - 1419 : Le Duc de Savoie baille en emphythéose à la communauté la montagne de Pascaïret à l’ouest d’Enaux, riches pâturages dont le sous-sol recèle de l’or et de l’argent d’où les noms d’Aurent et Argenton au bas de cette vallée.

        - 1431 : Jacques Adélosio renonce à ses droits sur Villeneuve moyennant la somme de 180 florins et une redevance annuelle de 3 sols en faveur du Duc de Savoie.

        - 1445 : des compagnies d’aventuriers désolent les campagnes de la région, leur chef Archimbald d’Abzac installe son quartier général vers Sainte-Marguerite. Son trésor de guerre, perdu après sa capture, se cacherait au sommet de la colline dans les fondations de l’ancienne tour du château ruiné.

        - 1446 : le comte de Provence, allié de la France contre la Savoie, engage ses troupes dans le Val d’Entraunes y commettant de cruelles dévastations.

        - 1543 : à l’occasion des luttes entre François Ier et Charles Quint, le Duc de Savoie prend partie pour ce dernier, Français et Espagnols occupent le Haut du Var. Ils en sont chassés, Jean de Grimaldi, Seigneur d’Ascros à la tête de troupes provençales envahit à nouveau la vallée. Villeneuve se soumet. Nouvelle incursion en 1553 jusqu’à la paix de Cateau- Cambrésis en 1559.

        - 1565 : incendie du village.

        - 1590 : les Huguenots sont à Villeneuve, le seigneur de Sauze, Jean Faucon, les déloge à la tête de milices locales, les force jusqu’à Barcelonnette où il les assiège.

        - 1594 et 1597 : retour plus heureux des Ligueurs qui plantent l’étendard des lys dans les villages de la vallée.

        - 1610 : une crue avec débordement du torrent Bourdous anéantit des quartiers d’habitation. La chapelle de N.D. des Grâces avec son grand tableau ex-voto de 1638 serait consécutive à ce sinistre.

        - 1614 : fin tragique d’Annibal Grimaldi, seigneur de Beuil et de Villeneuve en rébellion contre le Duc de Savoie.

        - 1616 : le fief de Villeneuve échoit à Annibal Badat, gouverneur du château de Villefranche.

        - 1618 à 1648 : la Guerre de Trente ans entre successeurs du Duc de Savoie, Victor Amédée Ier, divise ses états. Le Comté de Nice est envahi par les Français. Le Duc d’Angoulême occupe le Val d’Entraunes qu’il quitte à la venue des Espagnols.

        - 1621 : moyennant 1.500 ducatons, Villeneuve est libérée de l’inféodation à Badat. Elle devient commune libre ne relevant que de l’autorité des Ducs de Savoie.

        - 1640 : édification de la Chapelle Sainte-Marguerite, pour « éloigner les Vents désastreux qui couchent les épis ».

        - 1665 : un témoignage : Jean-Louis Arnaud plante la vigne dans ce qui devient le quartier du Vigna (pierre écrite en français, visite à 1 heure de marche du village dans le vallon du Bourdous).

        - 1699 : lourd procès, à la suite des arrérages de redevances impayés au Duc de Savoie. Insolvable, la communauté se voit à nouveau inféodée à un seigneur, Michel-Ange Lodi, nanti du titre de « Comte de Villeneuve » en 1702.

        - 1701 : on recense 53 chefs de famille.

        - 1708 : à l’occasion de la Guerre de Succession d’Espagne, le Maréchal de Tessé poste 10 bataillons français dans le Val d’Entraunes pour couper la route aux Impériaux. Il est délogé en 1710 par le Comte Autrichien de Thaun. Le traité d’Utrecht met fin aux hostilités en 1713.

        - 1709 : Charles d’Hozier signale dans son Armorial, la Confrérie des Pénitents blancs de Villeneuve d’Entraunes (couverture) « D’argent à un Saint-Bernardin de carnation vêtu en religieux de Saint François au naturel, la tête couronnée d’un cercle de gloire d’or, et tenant en sa main dextre un soleil de même, accompagné de deux pénitents à genoux et confrontés affublés de leurs habits d’argent ». La communauté ne possédait pas d’autre blason.

        - 1733 : la communauté rachète le titre comtal et devient « communauté-comtesse ».

        - 1741-1748 : nouveaux troubles, avec la Guerre de Succession d’Autriche. Les troupes espagnoles imposent lourdement la petite communauté qui s’acquitte de 526 livres et 5 sols.

        - 1754 : on recense 46 chefs de maison et 200 âmes.

        - 1760 : traité Franco-Sarde, le territoire voisin de Guillaumes, français depuis 1713, redevient Savoyard. A la suite de cette modification de frontière, les pâturages et les ressources de Pascaïret, propriété de la communauté, sont devenues françaises, alors que celle-ci reste sarde. Un gros procès international où seront mêlés plus de 20 avocats et notaires aboutira à l’exemption de toute taxe de ces terres restées possession de Villeneuve.

        - 1775 : on recense 55 chefs de maison et 278 personnes, les patronymes les plus cités sont : Arnaud, Brun, Ginésy, Trouche, ... suivent : Coste, Giraud et Tardieu.

        - XVIIIe siècle : de cette période daterait la légende de la « Pierre du Loup », où un habitant de Bante attaqué par l’animal se sauva en grimpant sur un gros rocher en bordure du chemin conduisant à Villeneuve (La « Pierre » est toujours visible, au sortir des marnes dans le dernier tournant sur le bord de la route actuelle).

        - 1790 : des caravanes d’émigrés, quittant la France devant la Révolution, traversent le pays. Le conseil communal jure « fidélité inaltérable » au roi du Piémont, Victor Amédée III.

        - 1792 : l’armée piémontaise quitte la vallée en automne, remplacée par une colonne française. Offensive des Piémontais en Décembre, qui réoccupent la région, bientôt chassés par les Français qui installent leur état major à Villeneuve : 150 lits sont réclamés à la Communauté, victime des réquisitions des deux partis en lutte.

        - 1793 : le 4 Février, le Comté de Nice est annexé à la France, formant le département des Alpes-Maritimes. Villeneuve compte 333 habitants. D’août à novembre, retour des troupes sardes et allemandes. Les Austro-Sardes sont délogés en décembre. De cette période trouble daterait l’occupation de la Balme du Vigna[2] (sorte d’abri sous roche), par un prêtre réfractaire refusant de prêter serment de fidélité à la Constitution civile du clergé de la République. Des offices y auraient été célébrés en cachette des autorités (1795).

        - 1794-1795 : les Armées françaises en campagne, s’installent dans la Haute Vallée du Var.

        - 1796 : le 15 mai, Victor Amédée III renonce au Comté de Nice. L’insécurité s’installe avec la venue des « Barbets ». Leurs bandes, regroupant des anciens francs-tireurs favorables à la Maison de Savoie et des déserteurs, se livrent au brigandage. Abrités dans des grottes comme au Rocher d’Enaux, ils attaquent fermes et voyageurs. On en dénombre 200 dans le pays en 1797.

        Une garnison venue d’Entrevaux et des primes aux habitants regroupés en milices ne viendront à bout de leurs méfaits qu’en 1801.

        - 1814 : retour du Comté de Nice à la Maison de Savoie-Piémont-Sardaigne sous l’autorité du roi Victor Emmanuel Ier.

        - 1838 : on recense 350 habitants.

        - 1860 : rattachement définitif du Comté de Nice à la France.

        - 1861 : 334 habitants recensés. On signale plusieurs incendies du village au XIXe siècle.

        - 1900 : ouverture de la route des Grandes Alpes par le Col de la Cayolle : passage des premiers touristes.

        - 1911 : 248 habitants.

        - 1922 : ouverture d’une agence postale.

        - 1924 : nouvel incendie du village.

        - 1934 : deux cafés à Villeneuve, l’Hôtel Rossi accueille des pensionnaires travaillant sur les routes et dans les coupes de bois.

        - 1936 : 175 habitants.

        - 1939 : à la suite de la déclaration de guerre, les troupes françaises de l’infanterie de montagne s’installent au village.

        - 1943 : on vient s’y réfugier et s’y cacher depuis la Côte.

        - 1944 : en août, la Résistance, après de durs combats dans les gorges de Daluis contre une importante colonne allemande, coupe les ponts vers Nice. Les hommes valides du village épaulent la Résistance qui libère la Haute Vallée du Var avant la Côte.

        - 1946 : une lente et inexorable hémorragie continue de vider le village et ses hameaux : 142 habitants.

        - 1954 : 112 habitants.

        - 1962 : 99 habitants.

        - 1966 : fermeture de l’agence postale.

        - 1968 : 82 habitants.

        - 1975 : 76 habitants.

        - 1982 : 61 habitants, légère reprise en 1990 : 77 habitants.

 

Pour connaître les détails de l’Histoire et du passé de Villeneuve d’Entraunes, lire « Histoires et Légendes de Villeneuve d’Entraunes » d’Edmond ROSSI, pour commander cet ouvrage illustré en CD (15€) s’adresser à edmondrossi@wanadoo.fr

 


[1] Villeneuve d’Entraunes, situé sur les bords du Var à l’extrême nord-ouest de l’actuel département des Alpes-Maritimes (une centaine de kilomètres de Nice par la R.N. 202), 900m d’altitude, compte aujourd’hui
77 habitants dont une trentaine de résidents permanents.

 

[2] « La cabana déou paîré » est visible à 10 minutes à pied au-dessus de la « Pierre écrite du Vigna » de 1665.

 

10/07/2011

BAR SUR LOUP : DANSONS AVEC LE DIABLE !

 28 LA DANSE MACABRE DE BAR SUR LOUP page 28.jpg

 Lorsque pénétra dans la cour du château le messager de la reine Yolande, Bertrand de Grasse se préparait au banquet qui allait suivre son retour de chasse, François de Villeneuve et sa femme dame Silette furent les premiers à le féliciter pour sa promotion au titre de gouverneur. Nous étions en 1417, la reine Yolande, veuve récente de Louis II comte de Provence, assurait la régence, ses quatre enfants étant tous mineurs en droit royal.
La souveraine ne pouvant visiter toutes les populations de son comté, légua ses prérogatives pour les lointaines terres de Vence et sa région à Bertrand de Grasse, seigneur de Bar. Le nouveau gouverneur possédait toutes les vertus et les défauts propres au lion porté sur son blason, plus surprenant encore, il en avait les traits physiques. Une abondante crinière rousse encadrait son visage carré, fendu d’une large bouche surmontée d’un nez épais séparant deux yeux mobiles abrités sous de broussailleux sourcils. Homme jeune et actif, passionné et autoritaire, aimant le luxe et les plaisirs de la vie, Bertrand de Grasse allait remettre en question les droits octroyés par les comtes de Provence, s’attirant les vives inimitiés de ses sujets. Droits de pacage, usage des eaux, chaque fois le gouverneur tranchera de façon arbitraire et impitoyable, provoquant les contestations des gens de Tourrettes, Vence et Saint Paul. Assuré de son pouvoir, Bertrand ira jusqu’à braver l’Eglise, mais là les choses se gâteront.
 
Le château de Bar, centre de décision, était devenu le rendez-vous de toute la noblesse locale. Chaque occasion y devenait prétexte à fêtes et réceptions brillantes où se distinguait le beau Bertrand, célibataire et jouisseur impénitent.
Après de plantureuses agapes où rôtissaient dans les vastes cheminées bœufs, moutons, agneaux et gibiers, copieusement arrosés par les vins liquoreux de La Gaude et Montaleigne, les convives se lançaient dans des farandoles endiablées rythmées par le tambourin et le galoubet des meilleurs ménestrels.
La brise de la nuit portait jusqu’aux chaumières d’alentour les fumets des viandes rôties et les notes stridentes, mêlés aux cris et aux rires des donzelles lutinées dans les couloirs et les chambres du château.
Au chant du coq, lorsque enfin la paix s’installait avec le jour naissant, le prieur Malerati, après une nuit d’insomnie et de prières, sonnait à toute volée un angélus vengeur, rappelant à chacun ses devoirs de chrétien.
Bertrand, lassé par la mesquinerie de l’homme d’Eglise, convoqua ce dernier et lui déclara sans ménagement : « Cesse de troubler le sommeil des justes, si tu ne veux pas encourir la bastonnade, ici le maître c’est moi ! ». L’autre maugréa des excuses et ne se le fit pas dire deux fois. Dans les jours qui suivirent, Malerati, rancunier, porta l’affaire jusqu’aux oreilles de l’évêque de Vence, Antoine Sabranti, lequel ne donna pas suite, soucieux de ménager le puissant et tyrannique gouverneur.
Nous étions en 1437, le Carême approchait. N’en ayant cure, le beau et léonin Bertrand préparait déjà une grande soirée, célébrant à la fois les fêtes de ses trois  jeunes et jolies cousines, Bernadette d’Agoult, Béatrice de Trans et Isabelle de Cabris. Festoyer pour le Carême ! Pour le prieur la provocation était à son comble ! Ce soir là, l’hôte du château se surpassa, les salles et les chambres décorées de superbes tentures, chauffées par leurs nombreuses cheminées, furent parfumées abondamment aux essences rares de rose, jasmin et violette, les senteurs favorites de ses trois cousines.
Après le bal où les invités se déchaînèrent, enivrés de gaieté et de bon vin, la nuit se poursuivit en jeux galants où chacun pu s’adonner librement à la licence. Une fois de plus, témoin de ces ébats nocturnes, les habitants de Bar et leur prieur, observant pieusement le jeûne, se signèrent plus d’une fois lorsque leur parvinrent du château les rumeurs de ces débordements. Comme à l’habitude, aux premières lueurs de l’aube, tout s’apaisa et, avec le silence retrouvé, chacun put enfin s’endormir.
Hélas, parmi les hôtes du châtelain, certains frappés comme par une étrange malédiction, ne devaient plus se réveiller. L’atmosphère confinée des chambres surchauffées, lourdement chargée d’essences aromatiques, avait entraîné trois d’entre eux dans un sommeil fatal. Parmi les victimes, la douce et tendre Béatrice de Trans, son beau regard noir où brillait pour Bertrand des perspectives tantôt gaies, tendres et moqueuses, tantôt sombres, inquiètes et méfiantes, restait désormais sans vie. Fou de douleur, le malheureux seigneur de Bar s’enfuit dans les gorges du Loup, pour y invoquer la protection de Saint Arnoux. Dans ce lieu sauvage, en signe de repentir, il fit édifier une chapelle à l’entrée de la grotte où avait vécu le saint ermite.
Après cet épisode funeste, devenu un homme anéanti par le poids du chagrin et des regrets, Bertrand le taciturne, torturé à jamais par le souvenir de cette nuit de Carême, vécut solitaire, enfermé entre les murs austères et vides de son château.
Ayant renoncé à sa charge de gouverneur, fuyant les honneurs, il ne recevait aucune autre visite que celle du fidèle Malerati, devenu son confesseur.
Des circonstances toutes aussi tragiques allaient lui fournir l’occasion de racheter sa conduite passée.
En  1462, les nuages assombrissent le ciel de Provence. La reine Yolande meurt à la suite d’une terrible maladie : la peste qui bientôt apparaît dans la région de Vence. L’épidémie se répand en 1463, frappant toutes les demeures des villages du diocèse. Des villes entières sont dépeuplées. Ni Saint Lambert, ni Saint Véran, les saints locaux sollicités par les fidèles ne purent freiner l’impitoyable fléau.
Bertrand de Grasse s’exposera durant des semaines en soignant les malades et en enterrant les victimes. Sa folle témérité l’entraînera dans la mort.
 
Aujourd’hui, au-delà des siècles, subsiste un témoignage troublant de l’existence tumultueuse du comte de Bar. Il s’agit d’un étrange tableau anonyme sur bois, daté du XV ème siècle, intitulé «La Danse Macabre », exposé dans l’église Saint Jacques, située sur la place du village actuel de Bar-sur-Loup.
On y voit des jeunes gens dansant une ronde maudite, au son du galoubet et du tambourin, avec de petits diablotins posés sur leurs coiffes.
La mort les crible de flèches, plusieurs sont atteints. Au centre un jeune homme s’écroule, déjà un minuscule diable s’affaire sur sa poitrine, pour s’emparer de son âme. A côté, une jeune femme est touchée et tombe, là encore un diablotin attend la fin. A droite, un jeune homme couché à terre exhale son âme, représentée par un bébé, promptement saisi par un diable. Plus à droite, un second diable enfourne une autre âme dans la gueule d’un dragon, représentant l’Enfer. Au-dessus, l’Archange Saint Michel tient une balance dont l’un des plateaux porte une âme. Un troisième diable espiègle tente de faire pencher la balance vers le mal. Plus haut, serein, le Christ montre le Livre, posé sur l’autre plateau où sont inscrites les pensées et les actions.
A l’écart, dans l’angle opposé, des témoins assistent impuissants à cet affligeant spectacle. Sous le tableau, une légende, en trente trois vers monorimes provençaux, souligne d’une façon explicite la moralité de cette scène dramatique.
Cette relation, semblable à une bande dessinée, rappelle en images symboliques, le tragique destin de Bertrand de Grasse, seigneur du lieu.

D’après «Les Contes et Légendes du Pays d’Azur» (Editions Sutton),

En vente sur Internet http://www.editions-sutton.com

ou dédicacé, au prix de 23 euros, plus frais d’envoi, en téléphonant au

04 93 24 86 55

Les « Contes du Pays d’azur » ont pour cadre l’extraordinaire décor qui s’étend des Alpes du massif du Mercantour aux rivages de la Côte d’Azur.

Dans cet univers tout est possible, puisque les outrances de la nature dépassent souvent les excès de l’imaginaire.

Les contes, histoires orales nées de la tradition populaire, attestent au travers du merveilleux de réalités historiques authentiques.

Reflets du passé, ces récits constituent les fondements de la mémoire collective d’un terroir au particularisme évident.

Edmond Rossi, écrivain niçois, auteur de différents ouvrages traitant de la riche histoire de sa région, témoigne à nouveau ici, en présentant une anthologie des contes les plus passionnants du Pays d’Azur.

Ce fabuleux florilège s’étend des mythes des origines aux relations insolites précédant l’apparition de la télévision, fatale à l’expression orale des veillées.

Les « Contes du Pays d’Azur » nous ouvrent la porte d’un  univers où l’émotion se mêle souvent à la magie du mystère.

Pour un temps, laissons-nous entraîner vers ce monde troublant pour y retrouver la chaude et naïve simplicité des récits de nos ancêtres.

 

Pour en savoir plus sur un village typique chargé d’anecdotes et d’images du passé : Cliquez sur

http://saintlaurentduvarhistoire.hautetfort.com

03/07/2011

"LES VALLÉES DU SOLEIL" MYSTÈRIEUSES ET CHARGÉS DE SECRETS UN LIVRE D'EDMOND ROSSI

35 LE DIABLE DE ROURE, DETAILS, page 35.jpg

Où que nous nous rendions nous attendent l'inconnu, l'insolite et bien souvent le mystère. Il est rarement indispensable de beaucoup s'éloigner de l'autoroute pour le rencontrer. A condition de savoir le découvrir et d'avoir le goût de le traquer.
Un célèbre ouvrage d'Edmond ROSSI, ‘les Vallées du Soleil’, fait état d’un certain nombre de vals et d’emplacements méritant l’attention et bien plus encore des chercheurs de notre énigmatique passé.
Ces lieux que nous appellerions « des hautes vallées » sont éloignés des sites habituellement arpentés par le touriste. Si ce désintérêt est parfois regrettable, dans le cas qui nous préoccupe ici, nous dirons que c’est aussi pour nous un avantage de taille. En effet l’oubli, ou presque, nous assure souvent de retrouver des sites bien moins saccagés que ceux soumis à la négligence, voire souvent l’irresponsabilité d’une poignée de personnages dont le passe-temps favori est la destruction imbécile et gratuite. Il existe ainsi un nombre important de lieux et sanctuaires laissés pour compte ou inconnus, comportant encore un ensemble honorable de vestiges permettant une approche de ce qu’ils furent à leur origine… et de ce qu’ils devinrent au fil des réhabilitations habituelles… On trouvera, dans cette catégorie, des éléments templiers oubliés ou d’autres qui, n’en doutons pas, retinrent l’attention des chevaliers de l’Ordre ou d’autres initiés de même volée. Sur ces emplacements, souvent loin de tout, s’étalent d'étranges civilisations, lieux magiques, centres initiatiques millénaires mais aussi quelques autres maléfices... bref, un monde oublié et fascinant dans lequel l'explorateur s'aventure aussi bien dans l'espace et le temps que dans certaines dimensions de la réalité où tout est probable.
Un triangle comme refuge pour les dieux
Les fameuses vallées en question pénètrent la montagne alpestre du Sud, dans le triangle grossièrement compris entre la mer, Valence et Briançon. C'est bien entendu de la fameuse vallée des Merveilles dont nous ferons tout d’abord mention. Nous retiendrons qu’il est des plus étonnants que si peu de chercheurs et… ténors n’en proposent des études prononcées ou la présentation de ce site qui est, sans conteste, l’un des plus mystérieux de notre pays. Hormis le fait qu’il ne soit pas vraiment éloigné du site de la
Pyramide templière de Falicon, il s’agit cette fois d’un secteur enclavé dans un décor grandiose à couper de souffle, inaccessible en hiver, qui abrite des centaines d’étranges gravures dites rupestres. Bien sûr, ce petit pays hors du temps et des hommes n’est qu’un des jalons d’autres vallées des Alpes-Maritimes, plus accessibles, où se trouvent bien d’autres éléments le plus souvent pratiquement méconnus : vallée du Loup, du Var, de la Tinée, de la Vésubie, Tourette, ou chemin de Tende.
Plus au nord, on trouve d'autres saignées dans la montagne : le Queyras, l'Ubaye ou le sauvage Val des Monts, l'étoile des vallées briançonnaises. Autant d'endroits curieux et méconnus où le touriste s'aventure peu, faute d'informations.
Les grandes traditions racontent que les dieux se seraient exilés au plus profond des montagnes et hautes vallées... rendant ces ultimes bastions inexpugnables depuis la nuit des temps… les Alpes, tout autant que les autres massifs élevés, semblent héberger leur lot de divinités oubliées à jamais. Ces légendes, formidables rumeurs, ont pris racines dans ces grandioses régions isolées qui servent de théâtres imaginaires aux rencontres craintives des premiers humains avec l’hostilité d’une nature terrifiante. Pourtant, dans ces déserts de l’effroi glacé se trouvent quelques oasis en forme de vallées : « Placé entre la lumière vive et la pierre chaude », cet ensemble méridional cloisonné forme une entité culturelle marginale méconnue. Rendons grâce à Edmond ROSSI d’en avoir admirablement décrypté les sortilèges et les mystères dans ses deux ouvrages : « Les Vallées du Soleil » et «Fantastique Vallée des Merveilles».

 

Pour obtenir ces deux ouvages de chacun 10€, dédicacés par l'auteur, contactez edmondrossi@wanadoo.fr