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18/01/2013

VENCE ET LA GAUDE AU MOYEN ÂGE: DE FUNESTES REFUGES DE CATHARES

17 LE CHATEAU DE LA GAUDE.jpg

Tout au long du XIIe et XIIIe siècle, l’Eglise dut combattre des hérésies dont les plus importantes furent celles des Vaudois et des Cathares.

Les Cathares, surtout nombreux en Italie du Nord et dans le Midi de la France, croyaient que le monde et la société étaient entièrement mauvais. Ils voulurent remplacer le christianisme par une autre religion et former une autre église.

L’Eglise de Rome mena contre eux, en Languedoc, une terrible croisade. Elle fonda ensuite pour lutter contre les hérétiques un tribunal spécial : l’Inquisition.

Si les Vaudois sont inspirés par la pauvreté, en réaction contre la richesse, les Cathares poursuivent un idéal de pureté, en se réclamant d’une tradition spirituelle orientale, le manichéisme, opposant le bien et le mal.

Le Catharisme se développe surtout en Italie du Nord et dans le sud  de la France actuelle (Provence et Languedoc), le long des routes commerciales qui unissent ces régions aux Balkans byzantins, foyers de manichéens orientaux : les Bogomiles.

Les hérésies, devenant de véritables religions hostiles au christianisme, s’organisent en églises avec leurs rites et leur hiérarchie.

Il y eut des évêques cathares et un grand concile international cathare se tint en 1167 à Saint Félix de Caraman, près de Toulouse.

Cette véritable contre-église s’installe également en Provence orientale et eut à subir à la fin du XIIe siècle l’hostilité de l’église romaine, résolue à exterminer l’hérésie par la force.

L‘Eglise organise contre les Cathares du Midi de la France ou Albigeois, une lutte armée qu’elle reconnut comme une «croisade », avec tous les avantages matériels et spirituels qui s’y rattachaient. Encadrés par des légats pontificaux (moines et abbés cisterciens), les petits seigneurs et les aventuriers venus de la France du Nord surpeuplée, se ruèrent à l’assaut des riches terres et des villes du Languedoc.

Malgré les atrocités comme le sac de Béziers (1209) où la ville fut pillée et incendiée (y compris la cathédrale) où des milliers de femmes, enfants, vieillards, réfugiés dans les églises, furent massacrés,  il fallut l’intervention du roi de France à partir de 1219, pour venir à bout de la résistance des Albigeois.

Le traité de Paris de 1229 prépara la réunion de la France du Midi et de la France capétienne du Nord.

Les hérésies, cathares ou vaudoise, recrutaient leurs fidèles dans toutes les classes de la société. Mais les plus fervents adeptes venaient des opposants à l’ordre économique, social et politique du système féodal : marchands, notables des villes, travailleurs des champs et des villes (comme les tisserands), mais aussi quelques nobles.

La croisade ne mettant pas fin à l’hérésie, l’Eglise eut alors recours au tribunal de l’Inquisition, pour traquer et juger les hérétiques. Comme les accusés refusaient le plus souvent d’abjurer, l’Eglise les abandonnait alors au «bras séculier », c’est à dire aux autorités publiques et laïques qui étaient tenues de les châtier.

En France, la peine consistait le plus souvent à être brûler vif.

Ces moments d’horreur de notre histoire ont laissé des traces dans les chroniques des Alpes Maritimes.

Surgi, près du château, le Castrum de Gauda sera d’après l'opinion de certains histo­riens, entièrement rasé à la suite de la résistance opposée par une bande d'Albigeois, réfugiés en ce lieu vers 1215.

« La Gaude ayant offert l'hospitalité aux Carthares, lors de leur massacre dans le Midi, fut punie de cette bonne action; on en rasa les murs et il ne resta debout que les ruines du vieux château, que l'on voit encore aujourd'hui et qui fut une habitation des Templiers. » selon Xavier Eyma, (Nice et les AIpes-Maritimes, I865).

Tisserand confirme dans son « Histoire de la cité de Nice et des Alpes-Maritimes, T. I, p. 183. » :

 « Depuis la défaite de Muret, les bandes errantes des Albigeois couraient le pays. Le comte (Raymond Bérenger) leur donna vingt-quatre heures pour quitter la Provence, puis il les traqua partout. La Gaude, l'un de leurs repaires, fut incendiée ».

Cette destruction expliquerait le départ des rescapés plus au sud, où ils allèrent fonder, avec les habitants d'Alliganza (La Condamine), les deux hameaux de la Haute et de la Basse-Gaude.

La réunion des trois castrum formera le castrum de Triganza.

L. Dailliez (Vence : un diocèse, une cité, un canton) signale que Guillaume Giraud, évêque de Vence de 1176 à 1193, s’attacha surtout comme le fit son prédécesseur Lambert «à combattre les hérétiques qui prêchaient leur doctrine dans le diocèse…Le diocèse de Vence avait ouvert ses portes aux Albigeois et aux Cathares qui commençaient à réunir quelques embryons de communautés à La Gaude et à Gattières ».

Plus loin l’auteur poursuit : « Romée de Villeneuve fut dans l’obligation de lutter contre les hérétiques. Venant d’Italie ou chassés par les barons du Nord, faisant la pluie et le beau temps dans le Languedoc, les Vaudois et les Cathares s’installent dans notre région et principalement à La Gaude. Une église est installée et nous trouvons mention d’un évêque cathare dans la région…Les archives inquisitoriales de Lombardie à Milan font état de quatre brûlements à Vence au lieu-dit l’Enfer, en présence de l’inquisiteur de Nice, frère Giacomo et de l’évêque du lieu le 19 juillet 1241. Il en sera de même à La Gaude et Gattières ».

La vocation cathare de La Gaude apparaît évidente à la lecture de ces documents, avec le cortège de persécutions qui en découlèrent.

Paul Canestrier (Traditions religieuses en Pays niçois) indique : « Des colonies de Cathares, d’Albigeois, de Vaudois et d’autres iconoclastes chassés du Languedoc se fixèrent dans les vallées, notamment à Saint Etienne de Tinée, à Péone, à Sospel, au début du XIV ème siècle. Ces hérétiques troublèrent les esprits, incubèrent des idées ariennes, le satanisme, le goût de la magie et de la sorcellerie, réveillèrent les croyances païennes aux bons et aux mauvais génies. Le résultat le plus clair fut de répandre, dans les masses populaires, la peur du Diable, des esprits du mal et de leurs auxiliaires, les sorciers. ».

G. Beltrutti (Tende et La Brigue) précise, au sujet des sorcières victimes de la sévérité des autorités civiles et religieuses : « En 1426, une femme de La Brigue,  accusée de sorcellerie, fut torturée et brûlée à Sospel ; le 10 octobre 1446, le bailli de La Brigue a recours au souverain pontife et s’oppose à la demande de remettre plusieurs sorcières au vicaire apostolique de Sospel. L’évêque de Vintimille s’occupe aussi des sorcières et des hérétiques. Lors de l’été 1497, il envoie à La Brigue l’inquisiteur Fra Girolamo ».

Beltrutti poursuit : « Il est donc prouvé qu’à cette époque, nous nous trouvons en présence d’un mouvement hérétique qui, bien qu’encore circonscrit, détermine déjà la présence d’un inquisiteur à La Brigue. Les premiers éléments  concernant l’apparition des hérétiques dans la vallée de la Roya remontent à 1476, c’est à dire à l’époque où l’évêque de Vintimille faisait monter au bûcher de nombreux hérétiques comme le narre Gioffredo ».

J.P. Domerego (Sospel, l’histoire d’une communauté) confirme : « C’est surtout La Brigue qui, vers le milieu du XV ème siècle, devient un centre très actif ouvert aux idées des Vaudois.

Dès cette époque les prêtres de Tende, La Brigue et Saorge prêchent ardemment contre les hérétiques. Cependant beaucoup de croyants se réunissent déjà dans une grotte dite «grotte des Couettes » où des pasteurs commencent à prêcher et à enseigner directement la parole du Christ. De là, l’enseignement gagne Vernante et Sospel où les propositions nouvelles se propagent rapidement dans les masses, prédisposées depuis le siècle précédent, Sospel devient un foyer d’hérétiques.

En 1471, l’évêque de Vintimille se présente dans la ville.

Avec l’approbation du gouverneur de Nice, il fait élever un grand bûcher sur les rives de la Bévéra et fait brûler vives une dizaine de personnes convaincues d’être hérétiques.

La persécution ne cesse pas un seul instant car, dès 1488, le pape Innocent VIII proclame une nouvelle croisade contre les Vaudois.

Les ducs de Savoie se montrent très cruels à l’égard de leurs sujets épousant les idées nouvelles. On voit même le vice-gouverneur Claudio Bonardi venir en personne à Sospel afin d’allumer de nouveaux bûchers. ».

Ainsi est attesté que la lutte fut impitoyable, dans l’ensemble du diocèse de Vintimille, contre les partisans de la doctrine vaudoise.

Les Alpes Maritimes ont donc étaient impliquées directement dans la tourmente religieuse du Moyen-Age et durent subir la cruelle répression de l’Eglise de Rome.

Les sinistres bûchers de l’Inquisition s’allumeront ici comme ailleurs, sur les places des villes et des villages pour d’innocentes victimes «diabolisées » qui n’avaient que le seul tort de croire autrement.

EXTRAIT DES "HISTOIRES ET LÉGENDES DES BALCONS D'AZUR": LA GAUDE, SAINT JEANNET, GATTIÈRES, CARROS, LE BROC, BÉZAUDUN, COURSEGOULES, TOURRETTES SUR LOUP, VENCE, SAINT PAUL DE VENCE, LA COLLE, ROQUEFORT LES PINS, VILLENEUVE LOUBET, CAGNES...

De La Gaude à Vence et au Broc, le vaste belvédère qui surplombe la Méditerranée et le Var reste méconnu. La région provençale des « Balcons d'Azur » renferme pourtant des trésors histo­riques et architecturaux qu'il est urgent de découvrir, au-delà de la splendeur des paysages. C'est à ce voyage insolite que nous invite l'auteur, le long d'un amphithéâtre, au cœur duquel s'égrènent les célèbres fleurons de LA GAUDE, VENCE, SAINT-JEANNET, GATTIÈRES, CARROS, LE BROC.

Passant tour à tour de la réalité des faits historiques, chargés de fabuleuses anecdotes, aux légendes, Edmond Rossi, auteur de divers ouvrages sur le passé et la mémoire des Alpes-Maritimes, a recueilli et réuni quelques moments singuliers de ces villages.

Le choix de La Gaude s'impose comme le centre de gravité de ce « triangle d'or» d'une richesse exceptionnelle. Aux limites de ce secteur, des vestiges témoignent également d'un passé où l'insolite nous interpelle pour mieux conforter la légende: chapelle oubliée de COURSEGOULES, fayard de BÉZAUDUN, tombeau mystérieux de TOURRETTES-­SUR-LOUP, ruines austères de VENCE ou cachées de ROQUEFORT-LES-PINS, sentinelle fortifiée de SAINT-PAUL et abbaye de LA COLLE, châteaux de VILLENEUVE-LOUBET et de CAGNES.

La Gaude, célèbre pour son vin sera aussi l'inspiratrice de Marcel Pagnol pour sa « Manon des Sources ». D'Hercule à d'Artagnan venu arrêter le marquis de Grimaldi à Cagnes, laissez-vous guider par les fantômes des personnages, pour parcourir les vivantes ruelles de ces villages et la riante campagne alentour. L'agréable découverte de ces bourgs authentiques aux limites de la Provence, vous révélera bien d'autres trésors, dignes de ceux cachés là par les Sarrasins et les Templiers, bien présents dans tout ce secteur.

Ce livre est édité par les "EDITIONS CAMPANILE" http://www.editions-campanile.fr

avec possibilité d'y être commandé.

Ouvrage illustré, de 160 pages, également disponible dans toutes les bonnes librairies au prix de 18 € et dédicacé par l'auteur, en contactant: edmondrossi@wanadoo.fr 

08/01/2013

"DU MISTRAL SUR LE MERCANTOUR": LES SUSPENDUS DE LA BAOUMA

16 LA PETITE EGLISE DE BELLUCE.jpg

 

« Dieu n’est qu’un mot rêvé pour expliquer le monde »

Alphonse de Lamartine

 

Les gens de Belluce possédaient un vaste territoire de prairies et d’alpages, propre à accueillir un important troupeau de vaches laitières. Hélas, isolés de la vallée, ils ne disposaient que d’un étroit et sinueux sentier, pour descendre leurs bidons de lait à dos de mulet, jusqu’à Villeplane. Ensuite, de là, leur production rejoignait par une route accidentée la Coopérative laitière du Bourguet.

La difficile construction d’une route entre Villeplane et Belluce, longtemps remise, n’aboutira qu’à deux tronçons prometteurs, ouverts respectivement au départ de chaque village. Il faudra deux décennies d’hésitation et de promesses électorales, pour que ces moignons de route puissent se rejoindre !

Dans l’attente, le progrès et les subventions relevèrent avantageusement le défi, par une surprenante liaison aérienne. Il s’agissait de l’installation du «câble », véritable prouesse technique ! Grâce à ce téléphérique à traction électrique, les bidons de lait de Belluce descendaient à Villeplane sans encombre, après un vol record de quelques minutes. Finis les pénibles voyages d’une heure, au pas lent des mulets.

Le «câble » d’une longueur d’environ trois kilomètres, après avoir quitté Villeplane, survolait les campagnes paisibles, avant de se cabrer pour s’élever brutalement à 45 degrés, au-dessus des gorges de la Chavagne, encaissées entre les falaises verticales de la Baouma.

Bien qu’interdite aux personnes, cette liaison, aisée et rapide, séduisait plus d’un amateur intrépide. La mise en route s’opérait depuis la station de Belluce, les candidats à la montée patientaient dans l’étroite benne, après avoir pris soin de déployer au sol, bien visible, un large linge blanc en guise de signal de départ.

Certaines heures étaient plus propices que d’autres, notamment le soir, après le passage du car, «le laitier » qui rapportait les bidons vides, depuis la Coopérative. Ceux-ci, chargés dans la benne, remontaient ensuite à Belluce. Descendus du car, quelques voyageurs impatients tentaient alors l’aventure, grâce à ce moyen de transport moderne qui  leur évitait une bonne heure de marche et 400 mètres de dénivelé.

Ce manège s’opérait chaque jour, avec une recrudescence particulière au moment des foires et des festivités.

Précisément, cette année là, l’incontournable festin de la Saint Anne, patronne de Belluce, devait attirer nombre de visiteurs. Ancrée dans la tradition, la messe avec offerte et chorale, constituait le moment fort de cette fête villageoise. Succéderait un apéritif d’honneur convivial où le public s’attarderait volontiers, alors que le Maire prendrait rituellement la parole, pour adresser ses remerciements et souligner les réalisations communales.

Dans ces circonstances, il appartenait donc aux autorités, l’abbé Pellegrin curé de Villeplane, accompagné du Maire Clément Payan, de rejoindre, en priorité, le hameau de Belluce.

Il faut préciser que les rapports entre l’homme d’église et le premier magistrat de la commune n’étaient pas des plus amènes.

La situation sociale de ces deux hommes, tous les deux célibataires, l’un par devoir, l’autre par habitude puis par choix, aurait pourtant dû les rapprocher. Il n’en était rien.

Payan, républicain laïque convaincu, de tendance radicale-socialiste, se heurtait à quelques adversaires de sensibilité différente qui  trouvaient dans l’abbé un allié naturel et un ardent défenseur de leur cause.

Le débat politique dépassait les seules limites du village, pour s’exprimer avec vigueur jusque sur la place du Bourguet, chef lieu de canton ancré à droite.

La rumeur expliquait que les obstacles dressés dans la réalisation de la route de Belluce, provenaient tout simplement de l’étiquette du Maire, opposée à celle du conseiller général, maire du Bourguet.

L’hostilité latente entre le curé et le Maire empoisonnait la vie publique du village, divisant les familles en clans opposés, provoquant des règlements de comptes interminables !

Même la fête devenait prétexte à mesurer l’influence de chaque camp, tant à l’occasion du prêche à la messe que lors du discours précédant l’apéritif d’honneur.

Sainte Anne n’y pouvait rien, ce serait donc encore avec une froide courtoisie que les deux représentants de la communauté de Villeplane se retrouveraient pour sa fête.

Le bol fumant, savamment dosé de café chaud et de lait bouillant, accompagné de tartines beurrées et d'un petit pot de miel, préludaient à une agréable journée.

Dans ce presbytère aux fenêtres étroites, toujours obscur, Sidonie discrète et efficace évoluait silencieuse, comme une ombre.

Monsieur le Curé l’appelait son « Ange Gardien ». Veuve d’âge canonique, confite en dévotion depuis son enfance, ses états de services de bigote, souvent attardée dans les courants d’air glacés de l’église, l’avaient prédestinée à la fonction enviée de «gouvernante ». Plus prosaïques, les villageois la désignaient comme «la bonne du Curé ». Sidonie s’acquittait avec un dévouement sans borne de sa mission qu’elle  considérait comme un apostolat.

Ce matin, son front se plissait de sa ride des mauvais jours. En proie à une évidente anxiété, elle avait même oublié la serviette de table en fine batiste brodée, accessoire que le prêtre lui réclama, en s’étonnant de cette inhabituelle négligence.

« Monsieur le Curé, soyez prudent, j’ai fait un mauvais rêve…

- Rassurez-vous Sidonie, aujourd’hui, entouré plus que jamais, par la chaude sympathie de mes chers paroissiens, il ne peut rien m’arriver de fâcheux

- Sans vouloir vous offenser, j’ai comme un mauvais pressentiment.

- Vous n’allez pas jouer les oiseaux de mauvaise augure !

- C’est que justement, dans mon rêve il y avait des oiseaux noirs qui vous voulaient du mal. Ils tentaient de vous emporter dans les airs…

- Priez Notre Seigneur ma bonne Sidonie, afin qu’il vous rassure et vous apporte la paix. »

Après avoir préparé sa custode et enfilé ses chaussures ferrées soigneusement lacées, l’abbé Pellegrin partit d’un bon pas en direction du «câble ».

Huit heures sonnaient au clocher du village. Un léger Mistral s’était levé dégageant les sommets des brunes matinales.

Parvenu au départ du téléphérique, un protocole implicite accorda la priorité au prêtre et au Maire, pour embarquer les premiers, dans l’étroite et inconfortable benne, faite de planches à claire-voie.

Un carré de linge blanc bien étalé, visible depuis Belluce, devait indiquer au machiniste qu’il pouvait actionner la mise en route.

Soudain une brusque traction enleva les deux notables dans les airs. Déjà ils survolaient les eaux bouillonnantes du Riou bordé de vernes dont les cimes se tendaient vainement vers eux.

Ensuite, emportés au-dessus de la verdoyante campagne et secoués au passage des pylônes successifs, ils se laissèrent aller à contempler la surprenante beauté d’un paysage aérien, offert à leur situation dominante.

Seuls les couinements des poulies roulant sur le câble rompaient la pesanteur du silence. Après avoir échangé poliment quelques banalités sur les bizarreries du temps et les récoltes prometteuses  des vergers qu’ils surplombaient, les deux hommes évoquèrent le programme de la fête.

Légèrement balancée par le souffle capricieux du Mistral, la nacelle poursuivait sa progression au-dessus du torrent tumultueux de la Chavagne, descendant de Belluce.

C’est dans la dernière moitié du parcours que s’affirmait la hardiesse de la liaison filaire lorsque quittant la zone humanisée des prairies et des champs cultivés, le câble s’élançait déterminé dans l’imposant et étroit défilé de la Baouma. Là, entre les falaises hostiles et jaunâtres culminant au-dessus des vertigineuses cascades de la Chavagne, l’ascension relevait de l’équipée.

La clue, couloir humide et sombre, balayée par un courant d’air permanent, n’était jamais abordée sans appréhension, par les quelques téméraires tentés par cet aventureux voyage.

Il faut préciser que la ligne s’élevait alors avec une pente impressionnante, à 45%, affirmant soudain la prétention de la technique, face à un dénivelé négligé jusque là.

Sitôt dans l’ombre froide de la paroi, Payan après avoir enfoncé sa casquette, remonta le col de sa veste, en se tassant au fond de la benne, alors que l’abbé rajustait son béret en serrant fermement contre lui, ce que le Maire désignait ironiquement par sa »boîte à Bon Dieu ».

Dans ce passage difficile, la machine devait délivrer toute sa puissance, pour tracter le filin doublement lesté par le poids de la benne et la forte déclivité.

C’est alors que brutalement, sans crier gare, tout s’arrêta. Si l’endroit était mal choisi, plaçant les deux hommes perchés dans un décor fantastique, la chose n’avait rien de surprenant.

« Le moteur a encore disjoncté. Monsieur le Maire, quand vous déciderez vous à faire changer son bobinage ? Rancurel vous a pourtant prévenu qu’il chauffait anormalement. Nous voilà bien maintenant !

-Ils auront voulu nous faire une blague, ça va repartir. »

Payan tenta d’allumer sa pipe, mais le vent tourbillonnant l’obligea à ruser en abritant la flamme du briquet entre ses deux mains recourbées.

Avec le vent, les oscillations grinçantes de la benne augmentaient en amplitude. Le grondement du torrent, répercuté par les parois résonnait à leurs oreilles. Le temps passait sans que la mécanique ne redémarre. Il n’était pas question d’envisager une quelconque redescente, désormais impossible vers Villeplane et encore moins de glisser au bout d’une corde, pour atteindre le fond du vallon 200 mètres plus bas. Encore aurait-il fallu avoir une corde qu’ils n'avaient pas ! 

Le seul espoir résidait dans une hypothétique remise en route qui, hélas, tardait à se produire.

Après avoir calmement évalué leur retard et ses incidences sur le déroulement de la fête, les deux notables s’interrogèrent sur les causes possibles de la panne. Noirs et inquiétants, des choucas curieux tournoyaient, en graillant, moqueurs, autour de la benne.

Payan estimait qu’ayant refroidi, le moteur aurait dû repartir, il y avait autre chose, mais quoi ?

Là haut à Belluce, l’affaire prenait un tour dramatique. Un terrible Mistral y soufflait en tempête, privant le hameau d’électricité, à la suite d’une violente rafale. Un villageois, descendu jusqu’au transformateur, confirmait la panne. Plus bas, sur la crête du Viroulet, un arbre arraché par le vent, avait entraîné dans sa chute la ligne électrique alimentant Belluce.

Par bonheur le téléphone n’étant pas coupé, les secours étaient alertés au Bourguet et à Villeplane où chacun s’alarmait du sort du Maire et du Curé, immobilisés sur le «câble ».

Déjà, l’énergique fils Lions et son cousin Alphonse, bâtaient le mulet et partaient en reconnaissance à la Baouma, pour tenter une approche des deux malheureux prisonniers.

Midi sonnait au clocher de Villeplane, l’écho parvenait jusqu’à l’abbé Pellegrin qui récita avec une ferveur accrue les prières de l’angélus.

« Vous devriez prier avec moi Monsieur le Maire, il faut savoir être humble    lorsque le Seigneur nous soumet à l’épreuve.

- La mécanique n’est pas l’affaire du Bon Dieu, même s’il le voulait, il n’y pourrait rien.

- Vous n’êtes qu’un mécréant, apprenez que la force spirituelle peut beaucoup, priez avec conviction si vous voulez que ça reparte. Saint Anne ne peut abandonner ses serviteurs. Croyez-moi ! »

Payan butté ronchonna : « Mon pauvre Abbé, vous n’y comprenait rien, pas plus vous que moi ne méritons ce qui nous arrive, c’est la fatalité et vos exercices de piété n’y changeront rien. Pourquoi voulez-vous que Sainte Anne s’intéresse au sort de deux pauvres égarés sur leur fil ?

Et puis ce serait trop facile de prier et d’être exaucé. En attendant, excusez-moi, je me tourne pour pisser. »

Poussée par le vent, la benne s’approchait dangereusement des parois rocheuses, en penchant, au point d’obliger les deux passagers à s’agripper pour éviter de basculer dans le vide.

La situation devenait de plus en plus critique lorsque  des appels répercutés en échos leur parvinrent, ils comprirent qu’on ne les avait pas abandonnés.

Alphonse, parvenu sur le bord de la falaise, au bord du chemin, considéra la position des deux hommes avant que ne s’établisse un étrange et impossible dialogue.

« Tenez bon, on s’occupe de vous… » Voilà en gros, les quelques mots rassurants que leur renvoya l’écho.

Payan presque sans famille, mis à part une cousine, n’avait jamais été tenté par le mariage. Célibataire endurci, serviable et apprécié de ses électeurs, vieux briscard de la politique locale, il avait enchaîné les mandats successifs de maire, au point que cette fonction lui appartenait.

Régulièrement, il descendait à Nice chaque quinze jours, pour «les affaires ». Toujours accueilli chaleureusement dans les services de la Préfecture, Payan y apparaissait estimé pour ses talents d’administrateur consciencieux et de gestionnaire efficace.

Ces escapades citadines s’accompagnaient invariablement d’une visite «hygiénique », chez les expertes péripatéticiennes de la place Pellegrini ou de la rue André Theuriet. Au village, Clément, bien que partenaire assidu à la belote, n’était pas un amateur de pétanque. Bref, Clément Payan était un homme équilibré, dans une vie sociale riche, dégagée de toute préoccupation métaphysique.

Conscient du danger qu’il courait, impavide, il écartait toute idée d’un possible et funeste accident.

En ce début d’après midi à Belluce, l’esprit n’était plus à la fête et si le Comité organisateur tenait réunion, la cocarde à la boutonnière, c’était pour résoudre au plus vite, le sort des malheureux voyageurs du «câble ».

Rancurel proposa de débrayer le système de traction du moteur hors service, pour hisser coûte que coûte la benne, jusqu’au terminus. Quatre solides mulets seraient attelés au câble pour remplacer la traction électrique défaillante. Il fallut se rendre à l’évidence, la forte déclivité et la charge du câble firent obstacle à la manœuvre. Malgré leurs efforts les bêtes ne réussirent qu’à faire avancer le filin de quelques mètres.

Plus bas, les deux hommes secoués dans leur frêle esquif, crurent à une proche délivrance, il n’en fut rien. Reprenant confiance, l’Abbé interpella son compagnon de misère avec une conviction affirmée : « Monsieur le Maire, vous devez vous impliquer, sinon nous n’en sortirons pas. Je prie depuis midi, faites un effort. Implorez avec moi Notre Seigneur, je suis persuadé qu’Il nous exaucera, pour peu qu’Il sente notre volonté commune. Allez, répétez avec moi, même du bout des lèvres…

- Mais je ne crois pas à vos simagrées, sachez l’Abbé que si notre heure est venue, nous n’y pourrons rien et vos oraisons resteront sans effets… »

De retour à Belluce, Alphonse confirma la situation précaire des «isolés », ainsi que la coupure totale et définitive de la ligne électrique.

Il ne fallait plus espérer le courant, pour remettre l’installation en route.

Dans la clue, la benne, ballottée par les rafales de vent, avait failli se décrocher du câble porteur.

La situation tournait à la catastrophe.

Habituellement, la consigne interdisait l’usage du câble si le vent soufflait anormalement, là tout s’était précipité et il fallait faire face.

A Belluce on envisageait maintenant de faire redescendre la nacelle vers Villeplane, grâce à son poids, tout en prenant la précaution de ralentir sa course et d’éviter qu’elle ne s’emballe et chute après une folle glissade.

Parvenue au premier pylône, la benne serait stoppée et ses passagers libérés. L’opération serait contrôlée à la jumelle. Les mulets, attelés pour freiner et contrarier une descente accélérée du câble, s’arc-boutèrent sous le fouet d’Alphonse et de son cousin Lions, alors que Rancurel débrayait la machinerie.

Cette manœuvre de la dernière chance, produisit une soudaine et terrible secousse au niveau de la benne, décrochant les poulies du câble porteur, pour précipiter l’habitacle dans le vide.

Cramponnés au support, les deux hommes virent défiler le paysage. En un instant, chacun comprit qu’ils allaient s’écraser sur les rochers bordant la Chavagne. Le sol se rapprochait à une vitesse vertigineuse, tout était fini…Comme un éclair, Payan terrorisé lança : « Dieu, si tu existes, je t’en supplie, sauve-nous ! »

Trop tard, la chute était devenue désormais inévitable.

Alors que déjà les embruns de la cascade caressaient leurs visages, la descente s’interrompit brutalement. Le câble tracteur, tel un élastique avec un Yo-Yo, souleva la benne et la renvoya de nouveau dans les airs, dans une ascension fulgurante, lui faisant frôler les falaises.

Par saccades le câble, après s’être stabilisé, glissait lentement vers Villeplane, en emportant la benne, occupée par «les suspendus de la Baouma » !

Une heure plus tard, les rescapés sortaient enfin de leur situation dramatique. Parvenus à un pylône, ils pouvaient désormais quitter leur nacelle et descendre l’échelle pour retrouver le plancher des vaches.

Discret, l’abbé Pellegrin avait le triomphe modeste, avant de quitter la benne, il avoua avec componction : « Croyez-moi, c’est un miracle si nous nous en sommes sortis sans dommage ».

Payan le visage grave, avec encore un soupçon d’inquiétude dans le regard, conclut simplement : « Vous savez l’Abbé, j’ai toujours pensé que le « Grand Architecte de l’Univers » ne pouvait être insensible au destin des hommes ». Il confia ensuite qu’il  avait fait le vœu d’aller remercier l’an prochain Sainte Anne, au-delà des cols, à Sainte Anne de Vinay. Deux jours de marche forcée à travers la montagne, pour rejoindre les pèlerins venus des deux côtés des Alpes et s’unir dans un élan de foi commune, autour de l’antique sanctuaire.

D’après «Du Mistral sur le Mercantour» (Editions Sutton),

En vente sur Internet http://www.editions-sutton.com ou dédicacé, au prix de 21 euros, plus frais d’envoi, en contactant edondrossi@wanadoo.fr

23/12/2012

TENDE AU MOYEN ÂGE, DES SEIGNEURS JALOUX DE LEUR INDÉPENDANCE

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LES COMTES DE TENDE,DES SEIGNEURS JALOUX DE LEUR INDÉPENDANCE

La christianisation des vallées des Alpes-Maritimes est généralement datée du milieu du IVe siècle. Mais l'éclosion des premières églises rurales n'est située que beaucoup plus tard, vers 506-529. Les Wisigoths en 410 puis les Vandales autour de 450 auraient ravagé la côte contrariant ainsi la naissance de la nouvelle foi. Bien qu'un certain doute plane sur la venue réelle des Saxons et autres Lombards, on leur attribue vers 573 quantité de destructions avant que ne leur succèdent dès 737 les Sarrasins qui occupèrent le pays pendant plus de deux siècles, la Renaissance ne débutant qu'après leur départ en 980. Ainsi la religion chrétienne ne s'implantera avec certitude qu'autour de l'an mille après avoir été malmenée par les envahisseurs barbares et musulmans. Le genre de vie des montagnards dut évoluer très vite. Les campagnes se vidèrent, des regroupements se formèrent dans un souci de sécurité, puis les villages se ressérèrent autour des chapelles préludant aux premières paroisses. La relation du martyre de saint Dalmas en 250, dans la vallée du Gesso conduisant au Bégo, atteste de l'hostilité manifeste des indigènes romanisés à l'évangélisation. Plus tard, une légende rapporte la résistance opiniâtre des Tendasques assiégés par une troupe d'infidèles dans les murs de leur château, dont la tour de la « Maura » rappellerait le glorieux fait d'armes.

Si l'on suppose que des activités liées au commerce de la laine, donc de l’élevage, animaient déjà la haute Roya à cette époque, ce n'est qu'en 1002 que l'Histoire cite pour la première fois ces cantons isolés. Il s'agit d'un acte, où le marquis de Suse en Piémont accorde aux habitants de Tende, La Brigue et Saorge, certaines garanties attestées par leurs seigneurs les comtes de Vintimille. Il est intéressant de noter qu'à cette lointaine époque, les pâturages alpestres de la zone des Merveilles, inclus dans cet acte, dépendaient du Piémont, confirmant une influence concrétisée au cours du précédent millénaire. Les comtes de Vintimille, vassaux du marquis de Suse, possédaient alors la haute et moyenne Vésubie en plus des vallées de la Bévéra et de la Roya, c'est-à-dire toutes les vallées issues du Bégo. La frontière nord suivait la ligne des crêtes passant par le col de Tende. Au XIIe siècle, le comte de Provence acquerra la totalité des fiefs de la maison de Vintimille par des testaments successifs. Pourtant, une branche de cette dernière famille, les Lascaris, apparentés à l'empereur de Constantinople, contestera la propriété du comte de Provence. Après de sanglants combats et des fortunes diverses, la paix fut établie entre Charles I" d'Anjou, comte de Provence, et le seigneur de Tende, par acte du 18 décembre 1285. Les Lascaris seront seigneurs souverains de leurs terres de Tende, mais devront prêter hommage. aux comtes de Provence. Cet hommage garantira leur indépendance lorsque Nice passera à la Savoie en 1388, puis il sera transféré sur la personne du roi de France, lorsque les biens de la Provence lui seront légués en 1481. Ainsi, né de la désagrégation du comté de Vintimille, pris entre les deux impérialismes de Gênes et de la Provence, le comté de Tende s'imposera au XV e siècle, grâce à l'importance économique primordiale du col. Seul passage commode sur la voie commerciale des Alpes du Sud, les rivalités qu'entraînera sa possession conduiront les Lascaris de Tende à jouer un rôle appréciable dans la politique italienne. Concrétisé par l'existence d'une monnaie propre, Tende devint le centre d'une région économique, où l'exploitation du sol, l'élevage et le péage assurèrent une certaine prospérité. L'indépendance du petit Etat se maintint pendant près de trois siècles jusqu'en 1501 où la maison de Savoie l'acquit par un habile mariage avant de l'annexer en 1581. La communauté dispose à cette époque de la majeure partie du sol, sous la forme de forêts, pâturages et bandites, qu'elle exploite librement depuis le XI e siècle. C'est une agriculture dirigée, où, malgré l'altitude, châtaigniers, noyers et culture des grains donnent d'abondantes récoltes complétées par celles des cerises et des pommes. Au XIII e siècle comme dans l'Antiquité, le troupeau constitue l'élément essentiel de la vie économique du haut pays niçois. Des règlements établis au XV e siècle par le conseil de Tende indiquent d'une manière claire les dates, les lieux et le prix de location de chaque pâturage selon les espèces. Nous retrouvons sans doute, dans ces dispositions, le reflet d'anciens principes qui devaient régir la transhumance bien avant l'âge historique. Ainsi les vaches étrangères doivent séjourner à Casterino et payer deux sous par unité, d'autres alpages leur sont indiqués au Sabion, à Peirafica et à l'Omo. La montée à l'alpage s'effectue à la Saint-Jean et le retour a lieu à la fin août, et quelquefois à la Saint-Michel (30 septembre), pour pouvoir participer à la grande foire de la Brigue (1413). La vente des fromages de chèvres, tome ou brous, est également réglementée (1416). On apprend aussi (1419) que des gens de Tende offrent leurs services pour garder les vaches étrangères. En 1479, les étrangers peuvent venir estiver à Valaura sur les pentes du Bégo; ils doivent consigner leur bétail dans les trois jours après leur entrée sur le territoire et payer six gros par pastore de mouton et par vache. Le bétail ne peut descendre des alpages avant le 8 septembre (Nativité de la Vierge). La vie pastorale est organisée dans ses moindres détails, qu'il s'agisse de la vente du lait de chèvre en fin de semaine, de la garde des bœufs de la Saint-Michel à la Noël, ou du retour des troupeaux après leur hivernage en Provence. La location des bandites rapporte des revenus intéressants à la petite communauté; on apprend ainsi que le quartier de Donnigloxa (entrée du val d'Enfer) fut adjugé de 1444 à 1455 alors que les zones de la Vallée des Merveilles proprement dite et de la Valmasque semblent interdites. Les gens de Cagnes et des vals d'Oneille et du Maro (Ligurie italienne) figurent comme locataires habituels des bandites. Au XV e siècle c'est près de 21000 têtes de menu bétail qui estivaient sur les alpages de Tende; en 1424, on dénombre 218 vaches et 143 veaux étrangers. C'est surtout les bovidés qui constituent le cheptel étranger, venant de la proche Ligurie par le col des Seigneurs ou de la région d'Antibes et Cagnes. Cette présence détermine une activité économique fondée sur le commerce de la viande, du lait, du fromage, de la laine et des peaux. On consomme de la viande, deux cent dix à deux cent vingt jours par an, particulièrement de Pâques à la Noël et de la Noël au Carême, le mouton étant la chair la plus appréciée. La nourriture du paysan du Moyen Age est agrémentée par les vins du terroir et ceux importés de la Marche et de la Ligurie. Comme cela devait être le cas aux époques antérieures, le pain noir est répandu, ainsi que les produits provenant de la pêche en rivière et de la chasse. Ces dernières activités sont réglementées, par exemple la chasse à la perdrix est mise en adjudication tous les ans et deux types de filets sont autorisés pour la pêche en rivière. Les châtaignes et les fèves complètent cet ordinaire où le pain reste la base de l'alimentation. Une partie du grain est importée de Villeneuve-Loubet (froment, seigle, avoine). L'intérêt de ces mœurs médiévales, c'est de nous transmettre le reflet d'habitudes alimentaires et de courants d'échanges beaucoup plus anciens pouvant nous aider à mieux connaître la vie des premiers habitants de la haute Roya. Comme cela devait être le cas dans l'Antiquité, l'économie du comté de Tende est centrée sur l'exploitation de l'élevage et du bois. La laine entraîne la fabrication de tissus et le bois est expédié par flottage jusqu'à Vintimille, comme en 1462, lorsqu'il s'agit de réparer le palais épiscopal. La petite communauté retire également un revenu de l'extraction de la résine. Ce tableau de la vie de Tende au XV e siècle serait incomplet si l'on ne citait pas les activités commerciales liées au passage du col. Le péage enregistre les transhumances, l'expédition du bois, de la laine, des peaux et fromages, l'importation du vin et du grain, mais surtout le transit· du sel et autres marchandises de Nice au Piémont. Les comtes de Tende, placés sur la route reliant les États de Savoie du Piémont à leur unique débouché maritime du comté de Nice, vont jouer jusqu'en 1501 le rôle de portiers du pays niçois. Un lourd contentieux va opposer les marchands et voyageurs empruntant le col à l'administration des seigneurs de Tende. Les Lascaris se verront accuser de pratiquer des péages excessifs, de forcer le prix du fourrage et même d'interdire le passage pour des raisons malhonnêtes comme en 1407! Jusqu'au XVIIIe siècle la voie ne sera ouverte qu'au trafic muletier, entraînant une spécialisation des gens de Tende et la Brigue dans les activités de transporteurs, la location et l'élevage des animaux de bât. Véritable relais sur la route nord-sud, Tende verra se créer une corporation des muletiers, correspondant bien aux goûts nomades de sa population. Le trafic ira s'intensifiant pour mobiliser, en 1780, près de 50000 mulets afin de faire transiter annuellement le sel et les marchandises diverses de Nice au Piémont.  

D’après « Les Vallées du Soleil », pour commander cet ouvrage dédicacé de 15 € : contacteredmondrossi@wanadoo.fr

 

« LES VALLÉES DU SOLEIL »

EDMOND ROSSI RACONTE LES ALPES DU SUD

 

Qui dit montagne dit pays de l'étrange: partout, les lieux se sont réfugiés au cœur des régions montagneuses; en Europe comme ailleurs et depuis l'origine des hommes. Les Alpes sont un de ces massifs riches de traditions et de mystères. Le lieu central où s'est jouée cette rencontre entre une nature grandiose et hostile et des peuples fascinés et terrorisés par elle, ce sont les vallées. Celles qui permettaient le passage entre la mer et le cœur secret des massifs ont joué un rôle capital. Placé entre la lumière vive et la pierre chaude, cet ensemble méridional cloisonné forme une entité culturelle marginale méconnue. Oratoires isolés à la croisée des chemins, chapelles abandonnées aux murs couverts de dessins naïfs, fontaines rustiques jaillissant dans le creux d'un tronc de mélèze, anciennes bâtisses aux larges balcons sur­montés de curieux cadrans solaires, vastes constructions énigmatiques ... autant de messages qui parlent à notre esprit et à notre cœur, dans le langage simple des choses d'autrefois.Aujourd'hui, Edmond Rossi fait revivre la mémoire et la passionnante aventure des hommes de ces vallées perdues. Pour en savoir plus sur un village typique chargé d’anecdotes et d’images du passé : Cliquez sur

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