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06/07/2012

SAUVAGES ET HÉROÏQUES "BARBETS" DU COMTÉ DE NICE

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La Révolution française déclenche dans le Pays de Nice où elle est importée, une «Chouannerie» animée par les Barbets, paysans montagnards qui combattent au côté des Sardes avant de se reconvertir dans le brigandage lors de leur démobilisation.

Au XV111ème siècle, le Comté de Nice appartient au Royaume de Sardaigne, où, dès 1760, des réformes ont rendu caduques les institutions féodales. Région rurale à fortes pratiques communautaires, le Pays Niçois conserve un attachement inébranlable aux valeurs culturelles du catholicisme. Le peuple reste empreint d'une profonde religiosité incompatible avec l'athéisme républicain, apprécié seulement par une poignée de nobles citadins. La vente des biens nationaux acquise par une minorité bourgeoise sera perçue par les paysans comme une frustration.

Refuge des émigrés provençaux, Nice baptisé «le petit Coblentz» devient dès 1789 un foyer de contre révolution, dont les idées pénètrent une large couche de la population. Très vite, le poids des réquisitions ajouté aux pratiques déchristianisatrices active l'exaspération populaire. Les premiers signes d'opposition entraînent la répression brutale des volontaires nationaux de l'armée française, amplifiant les mouvements de résistance à une occupation étrangère à priori tolérée.

Ces explications du phénomène de refus de la Révolution sont prises et analysées ainsi par le Commissaire Bertrand le 5 septembre 1798: «Les Français entrés dans le Comté de Nice purent parcourir avec des guides les communes du département, sans trouver aucune résistance. Ils étaient partout bien reçus, mais la conduite qu'ils tinrent à U telle, Lantosque, la Bollène, Belvédère et Roquebillière fut cause que les habitants de ces communes et autres voisines prirent les armes pour défendre leurs biens, leurs femmes et leurs propriétés, les en chassèrent et les poursuivirent jusqu'à Utelle. Depuis cette époque s'est formée l'armée des Barbets qui ont tant inquiété les troupes françaises par leur brigandage...».

Les mêmes excès de l'armée française avaient été dénoncés, en leur temps, à la Convention, par le député Goupilleau, le 18 novembre 1792 : «Les vols, les pillages, les viols, les concussions arbitraires, la violation des droits de I 'hospitalité, la bonne foi trahie, la chaumière du pauvre insultée, l'impunité de tous ces crimes se continuent, voilà les fléaux qui affligent une région que vous avez rendue à la liberté et où vous avez voulu que les personnes et les propriétés fussent placées sous l'égide de la République française...».

 L'Abbé Grégoire le 1er juillet 1793 reprendra le même thème accusant les horreurs «qui ont conduit au désespoir et provoqué des vengeances: beaucoup de ces malheureux, voyant leurs familles se traîner dans la misère, sont allés dans l'armée ennemie chercher du pain ou la mort».

Henri Sappia au début de notre siècle donne une description pittoresque de ces terribles francs-tireurs:

«Leur teint fort basané n'est pas embelli par les os saillants de leur figure en triangle: des sourcils fort épais au bas d'un front large et monteux rendent hagards les yeux dont les mouvements dans l'orbite sont bien loin d'être uniformes; leur tête est hérissée de crins que la dent du buis ou du faine n'a jamais divisés; quelques uns même laissent croître leur barbe à peu près de la même espèce que leurs cheveux... Le costume... est le même, je crois depuis l'origine du monde, les peaux de chèvres ou de moutons non préparées en font tous les frais. Sur ces peaux, ils jettent quelquefois une mandrille de joncs non tressés ou tissus, dont le bruissement n'est pas fort agréable; sans la tête qui domine, on les prendrait pour des bêtes fauves à couvert sous une tanière mobile, leurs tempes à l'époque des neiges et des frimas sont entourées de bandelettes blanches, dépouilles de leurs nombreuses victimes... De leur épaule gauche pend une espèce de bissac ou gibecière dans laquelle se trouve toujours, avec quelques aliments grossiers, l'image d'un saint ou le jeu du «tarroco»...».

Le théâtre de leurs exploits couvre les hautes vallées des Alpes Maritimes et l'est du département. Quels motifs poussent ces hommes à lutter aussi farouchement contre leur intégration dans la nouvelle République française ? Il semble surtout s'agir d'un refus radical de tout ce qui bouleverse les structures sociales ancestrales. Les Barbets s'opposent en cela au nom d'une idéologie réactionnaire au progrès social et à l'émancipation civile, estimant que le monde de la tradition leur garantit plus d'équité.

Voici la déclaration faite à Masséna par un chef des Barbets d'Utelle, arrêté près de Duranus au tristement célèbre «Saut des Français»:

«Je défends mon pays; vous êtes les plus nombreux et nous multiplions nos forces par la ruse et l'audace. Que nous font vos libertés et la gloire d'appartenir à une nation plus grande que la nôtre. Nous leur préférons les franchises (privilèges accordés par les souverains) de nos ancêtres et nos petites tribus montagnardes. Nous n'avons pas été vous attaquer chez vous, c'est vous qui êtes venus nous piller et nous chasser de nos foyers. Faites de moi ce que vous voudrez, le sacrifice de mon existence appartient à mon Roi...».

La complicité du clergé jointe à la ferveur religieuse encourage la haine des principes républicains et de leurs symboles, les arbres de la liberté. Systématiquement coupés et arrachés, la destruction de ces emblèmes de l'administration française s'accompagne de processions publiques et de chants liturgiques.

De 1793 à 1796, les actes de guérilla des Barbets soutiennent la guerre de position poursuivie entre la France et le Royaume de Sardaigne. On recense encore 1670 Barbets en 1797 et près de 400 en 1801. La population attentiste choisit la loi du silence, quand ce n'est pas la solidarité. Proches de leurs villages, de nombreux Barbets poursuivent leurs activités de bergers ou de bûcherons avec le soutien de leurs familles et de leurs amis.

Le traité de paix du 15 mai 1796 mettant fin aux hostilités entre le Royaume de Sardaigne et la République française, les Barbets seront incorporés jusqu'à cette date

dans les compagnies sardes des «Chasseurs de Nice». Les trois quarts d'entre eux sont des paysans, le reste se compose d'artisans et de commerçants. Ces auxiliaires intrépides connaissent le terrain, conduisent leurs coups de main comme une chasse aux chamois. Les moyens mis en oeuvre pour neutraliser leurs bandes qui infestent la montagne ne font pourtant pas défaut (900 hommes à Tende en août 1796). On créera des commissions militaires ou Tribunaux Criminels encourageant la délation, on exécutera les suspects, emprisonnera les otages (l'Escarène), on promènera jusqu'à Nice le cadavre d'un de leurs chefs (Fulconis août 1796). La répression reste impuissante.

Pendant la période napoléonienne, les rangs des Barbets vont se gonfler de nombreux conscrits réfractaires. Dans les Alpes Maritimes 80 % des conscrits échappent au service militaire! A ces insoumis s'ajoutent des déserteurs, des proscrits politiques et des hors-la-loi en tout genre. Le Barbétisme évolue vers le brigandage profitant d'une période trouble. Le phénomène se poursuivra jusqu'à la chute de l'Empire en 1815 et au retour du Pays de Nice à la maison de Savoie.

En dehors du sinistre «Saut des Français» près de Duranus, où les Barbets poussaient dans l'abîme les suspects de sentiments républicains, bien des lieux conservent le souvenir de leurs exploits légendaires. De leur repaire, dans les ruines de Roccasparvièra au-dessus de Coaraze, les Barbets contrôlaient les communications sur les artères vitales de 12 Vésubie et du Paillon. Ils s'installèrent même à proximité de Nice au quartier du Ray! Mai~ autour des villages des centaines de bastides, éparpillées dans la campagne pour permettre une culture éloignée des villages, leur servirent longtemps de refuge.

Pour illustrer le climat de résistance farouche et de répression impitoyable, voici deux témoignages recueillis dans «l 'Histoire de la Révolution Française dans les Alpes Maritimes» du chanoine Tisserand (1878): «Mais jugez par le crime suivant

l 'horreur qu'inspiraient les Barbets. Dans une pauvre maison située entre Laude et Lantosque étaient restées une femme et ses deux filles. Le père de famille et son fils, déserteurs, et des Sardes et des Français, couraient la montagne avec les Barbets. Ils ne revenaient au logis que la nuit, et avant le point du jour, ils s'en allaient armés. Ces gens là avaient eu une certaine aisance et tenu auberge avant 1793. Ils étaient doués, raconte Alexandre Dumas, d'une force herculéenne. Or, par une soirée brumeuse de novembre l794, vers quatre heures du soir, dix éclaireurs français surpris par la neige et par la pluie frappèrent à la porte de la maison. On ne répondit rien d'abord. Ils frappèrent encore rudement, et la pauvre femme ayant caché ses deux filles dans une espèce de réduit que fermait une porte vermoulue se hasarda d'ouvrir: «Dieu vous en a pris, la femme, dit le sergent-major; sans cela vous passiez un mauvais quart d'heure. Avez-vous quelque chose à nous donner à manger ? Allons vite, dépêchons, entendez-vous, la mère ?

- Messieurs, répondit-elle alors, vous ne savez que nous n'avons plus rien dans ce pays-ci. Je vais vous offrir du peu qu'il nous reste».

Et elle tira de l'armoire du pain dur comme la pierre puis une sorte de chose qui ressemblait à du fromage. Elle mit quelques fascines dans l’âtre, et chacun se blottit là comme il put. Le sergent-major paraissait jouir d'un grand ascendant sur ses hommes. Ainsi quand ils demandèrent du vin:

«Est-ce qu'il y a du vin dans ce pays-ci ? dit le sergent à ses soldats. Quand on a pas de vin, on boit de l'eau. Faites comme moi.

- Quel pain de chien! dit l'un d'eux.

- Encore heureux d'en trouver. Si tu le trouves trop dur, fais comme moi, trempe le dans l'eau».

La pauvre femme revenait un peu à elle et la conversation s'engageait même entre elle et le sergent, si bien qu'elle alla tirer du fond d'un placard une bonne bouteille d ' eau-de-vie. Ce qui mit chacun en liesse. La bonne femme avait parlé de ses filles. Les soldats demandèrent aussitôt où elles étaient, et voilà qu'ils font le tapage. Les filles s'élançaient par la fenêtre en fuyant. Cependant entrent le père et son fils. Les soldats restent interdits à la vue de ces rudes montagnards qui portaient leurs fusils en bandoulière, et avaient sous leur large chapeau une figure qui imposait.

- Femme, dit le père, en regardant les éclaireurs français, as-tu donné à ces braves ce qu'ils demandent ?

- Oui, tout ce que j'avais, mais...

- Allons, ne vois-tu pas qu'il fait froid, que chacun de nous est fatigué. Vas nous chercher ce que tu as de mieux dans la cachette.

- J'y vais, répondit la femme.

- Il ne sera pas dit que des soldats français soient venus chez nous sans être satisfaits».

Le sergent ne soufflait mot, les autres soldats se félicitaient d'avoir si bien rencontré. L'eau-de-vie arrive., Le Lantosquin verse rasade sur rasade et trinque avec eux, jusqu'à ce que nos soldats déraisonnent, et tombent d'ivresse. Oh! Maintenant, écoutez. Quelle horreur! Le père et le fils s'armant chacun d'une hache abattent l'une après l'autre les têtes de ces infortunés, et les jettent dans le gouffre à côté. La nuit cacha cet horrible forfait. En une heure, tout fut expédié. Le lendemain éclaira ces deux crimes. lorsqu'on eut trouvé ces corps mutilés, on avisa le général Garnier; on fouilla dans tous les environs. A Nice, le comité et les administrations poussèrent de hauts cris, on redoubla de sévérité à l'égard des Vésubiens, surtout à l'approche des fêtes de Noël. Mais plus l'on sévissait, plus les Barbets frappaient dans l'ombre.

Ils continuèrent leurs scélératesses en 1795 et conspirèrent même contre les jours de Kellermann. Le vainqueur de Valmy , montant en voiture la pente escarpée qui conduit sur les hauteurs de l'Escarène, au même endroit où Sallicetti avait failli périr, entend le sifflement d'une balle qui traverse la portière et effleure son front. L'aide de camp s'élance aussitôt, et le pistolet à la main court aux brigands, et aidé de ses hommes, il parvient à en arrêter trois, qu'on expédia bien vite...

«Pour en finir, on forma des meilleurs tireurs et des gens les plus décidés une troupe de chasseurs qui eurent pour chef le Corse Albertini, et dont le quartier général fut à Lantosque. On mit de nouveau à prix la tête des Barbets. C'est ainsi que nous lisons sur les registres de Belvédère 50 fr. de gratification à Joseph Castelli de Belvédère pour avoir tué de sa main le Barbet, Otto de Lantosque. Le maire de Lantosque écrit au juge de Coni que le Barbet Salari, dit Renard, poursuivi par ses gardes nationaux, s'est réfugié dans sa province. Grasse, Saint-Paul, Puget-Théniers, tous les districts en 1795 font la chasse aux Barbets.» Parmi les chefs de bandes, un des plus fameux Charles Christini de la Vésubie se livra à toutes sortes d'exactions, faisant trembler les habitants de la vallée par le seul énoncé de son nom. Passé plusieurs fois au travers des mailles du filet, il revint à la fin de la guerre à Roquebillière pour y terminer une existence paisible et s 'y éteindre en 1844. Sur ses vieux jours, il se vantait encore avoir tué plus de Français qu'il n'avait de cheveux sur la tête! On affirmait alors qu'il avait enfoui des trésors dans le vallon d'Espagliart, malheureusement perdus à cause des crues. Dans les villages de la montagne, de nombreuses familles se flattent encore aujourd'hui d'avoir eu comme ancêtre un de ces terribles Barbets, défenseurs en leur temps des valeurs traditionnelles du Pays de Nice.

 

 

D’après « Les Histoires et Légendes du Pays d’Azur », pour commander cet ouvrage dédicacé de 15 € : contacter edmondrossi@wanadoo.fr

  

Des histoires extraordinaires naissent sous tous les cieux, mais seul un cadre favorable les fait éclore. 

La situation géographique du Pays d’Azur où les Alpes plongent dans la mer dans un chaos de montagnes et de vallées profondes lui confère déjà un caractère exceptionnel. Les climats qui s 'y étagent de la douceur méditerranéenne de la côte aux frimas polaires des hauts sommets sont tout aussi contrastés. Si l'on ajoute que l'homme a résidé sur ces terres d'opposition depuis ses origines, on ne peut s'étonner de trouver en lui la démesure du fantastique révélée par les outrances du décor. 

Cet environnement propice ne devait pas manquer de pro­duire dans la vie de ses habitants une saga où l'imaginaire rejoint naturellement la réalité. 

Depuis les milliers d'étranges gravures tracées à l'Age du Bronze sur les pentes du Mont Bégo dans la Vallée des Merveilles, en passant par les fabuleux miracles de la légende dorée des premiers chrétiens, ou les fresques tragiques des chapelles du Haut-Pays, jusqu'aux héroïques faits d'armes des Barbets pendant la Révolution française, longue est la chronique des «Histoires extraordinaires» du Pays de Nice, s'étalant dans la pierre et la mémoire de ses habitants. 

Par un survol du passionnant passé de cette région, qu'il connaît bien, Edmond Rossi nous entraîne à travers une cinquantaine de récits mêlant la réalité historique au fantastique de la légende. 

Rappelons qu'Edmond ROSSI, né à Nice, est entre autres l'auteur de deux ouvrages d'Histoire appréciés, dont «Fantastique Vallée des Merveilles», d'une étude sur les traditions et le passé des Alpes du Sud: «Les Vallées du Soleil» et d'un recueil de contes et légendes de Nice et sa région: «Entre neige et soleil».

 

 Pour en savoir plus sur un village typique chargé d’anecdotes et d’images du passé : Cliquez sur

 

http://saintlaurentduvarhistoire.hautetfort.com

 

22/06/2012

VILLENEUVE D’ENTRAUNES, UN VILLAGE SECRET A DÉCOUVRIR

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Niché sur les bords du Var, aux limites Nord-Ouest du département des Alpes-Maritimes, à une centaine de kilomètres de Nice, Villeneuve d’Entraunes, à 900m d’altitude, compte une centaine d’habitants dont trente résidents permanents.

En 1754, l’enquêteur du Roi de Piémont-Sardaigne, Gaspard Joanini, témoigne de son isolement en indiquant : “ Ce lieu se trouve en plaine, au milieu des montagnes, distant de la présente ville (Nice) de deux jours et demi en passant dans le domaine de la France par Cros (Ascros) ou Entrevaux et passant dans les Etats de sa Majesté (le Duc de Savoie) quatre jours, ce qui toutefois n’est pas possible en hiver. Il est composé de 46 feux et 200 personnes. Il touche aux territoires de St. Martin, Sauze, Châteauneuf et à celui de Guillaumes en France ”.

Le Var tranche le val alpin, opposant les ubacs boisés des montagnes d’Enaux aux adrets marneux où s’étale le village dominé par les écarts du Claous et de Bantes, le tout écrasé par la masse grise des falaises du Rocher de la Maïre à l’origine du terrible torrent du Bourdous. L’Histoire du village n’est qu’une longue lutte contre les débordements dévastateurs du Bourdous. Sorte d’oued le plus souvent asséché, capable d’enfler en quelques minutes à la suite d’un orage, pour se transformer alors en une coulée de boue noire précédée d’un souffle qui descend en grondant à la vitesse d’un cheval au galop, balayant tout sur son passage.

Le site, occupé depuis les origines de l’humanité, verra s’installer une petite communauté de pasteurs agriculteurs, contrainte vers 850 de reconstruire après une crue destructrice du Bourdous : ce sera Villanova. Vers l’an 1000, la christianisation s’opère grâce aux Bénédictins de St. Euzébe d’Apt. Subsiste le prieuré des Barres de St. Pierre en abri sous roche, dans l’épaisse forêt des Cordaillaoux (Cordeliers). Des religieux de St. Dalmas de Pédona (Piémont) fonderont à Bantes le prieuré de St. Genes. Au cœur de la montagne, vivant en totale autarcie durant des siècles, la petite communauté s’auto-administre dès 1289, après avoir obtenu une charte de franchises du Comte de Provence.

Les 400 habitants du XIVème siècle deviennent “ savoyards ” en 1388 et sont locataires des pâturages de Pascaïret au-delà des crêtes d'Enaux. Vaste et riche territoire dont le sous-sol recèle de l'or et de l'argent, d'où les noms significatifs d'Aurent et d'Argenton plus bas dans cette même vallée.

Lorsqu'en 1760 on voudra, à la suite d'une rectification de frontière leur retirer cet Eldorado, les Villeneuvois engageront un gros procès international avec 20 notaires et avocats, procès qu'ils gagneront. En 1445, des compagnies d'aventuriers pillent la région, leur chef Archimbald d'Abzac installe son quartier général sur la colline dominant le village. Son trésor de guerre, perdu après sa capture, se cacherait toujours dans les fondations de l'ancienne tour ruinée du château.

Une crue avec débordement du Bourdous anéantit en 1610 des quartiers d'habitations. La chapelle de N.D. des Grâces avec son grand tableau ex-voto de 1638 représentant Ste Marguerite et Ste Marthe maîtrisant dragon et tarasque serait consécutive à ce sinistre. En 1640, la même Ste Marguerite aura sa chapelle : "pour éloigner les vents désastreux qui couchent les épis". Une pierre gravée dans une pinède, au fond du vallon du Bourdous, à une heure du village, nous apprend qu'en 1665 un Villeneuvois y planta la vigne dans ce qui deviendra le quartier du "Vigna".

 

La communauté n'aura de cesse de se libérer de toute tutelle : en 1621, elle rachète les droits féodaux de son seigneur Badat et en 1733 le titre comtal. Au XVIIIème siècle, 300 personnes sont recensées, de cette époque daterait l'épisode légendaire de la "Pierre du Loup" où un habitant de Bantes attaqué par l'animal n'eut la vie sauve qu'en grimpant sur un gros rocher en bordure de chemin conduisant au village. La "Pierre du Loup" est toujours visible au sortir des marnes grises dans le dernier tournant, sur le bord de la route avant Bantes.

D'autres échos nous parviennent provenant des troubles de la Révolution Française. En 1793, un prêtre anticonstitutionnel se cache dans un abri sous roche à quelques minutes au-dessus de la "Pierre écrite" du Vigna, il y aurait même célébré la messe ! Quatre ans plus tard, une bande de 200 "Barbets" (partisans de la royauté, déserteurs et brigands) s'abrite dans les grottes du Rocher d'Enaux, face au village, ils attaquent fermes et voyageurs. On n'en viendra à bout qu'en 1801.

Comme d'autres villages de la montagne environnante, Villeneuve a servi de réserve humaine aux régions plus riches. Au XIXème siècle, des migrations saisonnières entraînent l'hiver les hommes du village à labourer les vignobles du Var et de la Drôme près de Nyons. Au début de ce siècle, l'émigration devient définitive et des familles entières s'installent dans la région de Lorgues dans le Var.

Les gens de Villeneuve (lu Villanouvenc) portent le curieux surnom de "Chats". Ce totem souligne leurs particularités héréditaires tant morales que physiques : esprit d'indépendance, comme le prouve leur Histoire, méfiance, douceur et réserve, esprit secret comme leur terroir.

Le “ Val d'Entraunes ”, bien que terre "savoyarde" pendant près de 450 ans, a été qualifié de "France rustique" au XVIIème siècle, parce que resté attaché à l'usage parlé et écrit de la langue française et ce, en dépit de l'édit du Duc de Savoie de 1560 qui imposait l'écriture des actes en italien. Mais la langue courante  a toujours été "lou Gavouot" apparenté au Provençal.

Parmi les curiosités, signalons l'étrange bénitier de l'église romane dont le support porte un emblème sculpté, attribué par certains aux mystérieux Templiers : à la base, quatre énigmatiques têtes humaines décorent le croisillon.

Villeneuve d'Entraunes, originale petite "république des Chats" acceptera de vous livrer une autre part de ses secrets pour peu que vous lui rendiez visite.

 

A VILLENEUVE D’ENTRAUNES,

NOTRE-DAME DES GRÂCES ET SON CURIEUX EX-VOTO

Villeneuve d’Entraunes fut plusieurs fois ravagé dans le passé par les débordements du vallon du Bourdous, dont l’étymologie dérive du bas latin bodrium signifiant vase, bourbe.

En provençal bourdous veut dire vaseux, crotté, crasseux, boueux, comme les eaux chargées de limons noirs arrachés aux pentes marneuses par le torrent en crue.

Le nom du village rappelle d’ailleurs sa reconstruction avant le XIe siècle.

Au bout du village, se dresse la chapelle de Notre-Dame des Grâces avec un bien curieux tableau décorant l’autel. Il s’agit d’un ex-voto consécutif à un sinistre analogue survenu en 1610. Il a été offert comme l’indique le texte du cartouche par Jean Ludovic Arnaud et peint en 1638 par Jacques Viani, petit peintre itinérant de Vence.

A gauche, Sainte-Marthe, sainte exorciseuse, invoquée contre les esprits malfaisants, tient d’une main la Tarasque en laisse et de l’autre le bénitier, l’aspersoir.

Selon la légende, Sainte-Marthe, sœur de Lazare et de Madeleine, sur la prière du peuple d’Arles, alla vers le dragon noir, monstre aquatique, occupé à dévorer les hommes, et l’aspergea d’eau bénite. Aussitôt, le monstre vaincu se rangea comme un mouton près de la Sainte qui lui passa sa ceinture autour du cou, le conduisit au village voisin où les gens le tuèrent à coup de pierres et de lances.

Comme le monstre était connu sous le nom de Tarasque, ce lieu en souvenir de lui prit le nom de Tarascon. Ici, la symbolique de l’eau et de la couleur noire s’identifie aux flots ravageurs de laves noires charriées par le Bourdous. Sainte-Marthe a su là encore tenir en laisse le monstre dévastateur.

A droite, se tient Sainte-Marguerite d’Antioche, honorée jadis tous les 20 Juillet à l’occasion d’une procession à travers la campagne villeneuvoise jusqu’à la chapelle qui lui est dédiée.

Cet édifice ruiné fut élevé au sommet du mamelon dominant le village en exécution d’un autre vœu fait en 1640 par les consuls du lieu « afin d’éloigner les vents désastreux qui, en Juillet, couchent les blés ».

Sainte Marguerite, sainte protectrice joint ici son pouvoir à celui de Sainte-Marthe en tenant elle aussi en laisse un monstre dont les abondantes mamelles sont prêtes à sécréter l’eau boueuse du Bourdous. Victorieuses des forces du Mal, les deux saintes rendent grâce à la Vierge de les avoir aidées à épargner les innocents habitants du village, figurés ici par des enfants. D’où l’intitulé du tableau et de la chapelle, « Notre-Dame des Grâces », bâtie à l’entrée du village, face à la menace proche et permanente du Bourdous.

 

Extrait des « Histoires et Légendes de Villeneuve d’Entraunes »

Ouvrage illustré, disponible en CD en contactant: edmondrossi€wanadoo.fr
prix 15€

Consulter, du même auteur, le livre « Du Mistral sur le Mercantour » inspiré par le passé de Villeneuve d’Entraunes.

Les dieux se sont réfugiés au cœur des régions montagneuses, prédisposant les sommets à devenir de fascinants hauts lieux de l’étrange. A l’extrémité des Alpes du Sud, le « Parc naturel du Mercantour » confirme avec éclat cette vocation établie depuis les origines de l’humanité.

Accrochés à la caillasse au-dessus de gorges étroites et impénétrables, les villages perchés, maintenus à l’écart des bouleversements, ont su résister au temps et garder d’admirables témoignages du passé. Parmi ceux-ci, des récits originaux véhiculés jusqu’à nous par les bourrasques du mistral comme autant de feuilles d’automne. Edmond Rossi, originaire du val d’Entraunes, nous invite à pénétrer l’âme de ces vallées, grâce à la découverte de documents manuscrits inédits, retrouvés dans un grenier du village de Villeneuve.

Si les « récits d’antan » présentent des histoires colportées aux veillées depuis la nuit des temps, les « faits divers » reflètent une réalité contemporaine d’une troublante vérité. Edmond Rossi est depuis son plus jeune âge passionné par l’histoire de sa région. Il signe ici son troisième ouvrage aux Editions Alan Sutton.

«Du Mistral sur le Mercantour» (Editions Sutton),

En vente sur Internet http://www.editions-sutton.com

ou dédicacé, au prix de 21 euros, plus frais d’envoi, en contactant edmondrossi@wanadoo.fr

Pour en savoir plus sur un village typique chargé d’anecdotes et d’images du passé : Cliquez sur

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15/06/2012

L'EXPULSION DES SARRASINS DE PROVENCE

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APRÈS LA BATAILLE DE TOURTOUR EN 973, LES SARRASINS VAINCUS SONT EXPULSÉS DE PROVENCE

La bataille de Tourtour vit en 973 la victoire du comteGuillaume de Provence sur les Sarrasins : elle marque leur expulsion définitive de la Provence.

Depuis plusieurs décennies, les Sarrasins s'étaient implantés en Provence grâce à des forteresses, d'où ils effectuaient de temps en temps des raids de pillage. Leur place forte la plus importante était le Fraxinet, à l'actuelle Garde-Freinet. Au début, les seigneurs provençaux restèrent passifs.

Cependant, au début de l'année 973, les Sarrasins commirent une erreur. Né à Valensole, Maïeul, l'abbé de Cluny, était vénéré par les Provençaux. Les Sarrasins pensèrent qu'en l'enlevant, ils pourraient en obtenir une importante rançon. Ils réussirent à le capturer au pont du Châtelard (le Châtelard, Valais) près d'Orsières, en juillet 972. Depuis 921, des bandes sarrasines, provenant de Provence, s'étaient rendues maîtresses de nombreux passages d'importance dans les Alpes occidentales dont le col du Mont-Joux que le vénérable abbé venait de franchir avant d'être reconnu et pris. Refusant de laisser l'abbé de Cluny aux mains des Sarrasins, les moines de Provence réussirent à réunir la rançon demandée. Tenant parole, les Sarrasins libérèrent leur otage.

Les moines se chargèrent alors de soulever chez les Provençaux une véritable furie guerrière contre les Sarrasins. Ils donnèrent à l'enlèvement de Maïeul de Cluny la plus grande publicité possible, réussissant à fédérer l'ensemble de la population autour du comte Guillaume, pour mener une offensive destinée à chasser définitivement les Sarrasins. Le comte Guillaume de Provence, appelé par la suite le Libérateur, répondit à l'appel de ses sujets et leva l'ost. De nombreux guerriers de Provence, mais aussi du Bas-Dauphiné et de Nice formèrent son armée.

Guillaume décida d'attaquer les Sarrasins au Fraxinet même, au cœur de leur dispositif, avec toutes ses forces. Si son offensive réussissait, le reste des forces musulmanes de Provence, beaucoup moins fourni, n'aurait aucune chance de résister à une offensive menée par toute l'armée provençale.

Renseignés sur les mouvements des Provençaux, les Sarrasins descendirent de Fraxinet pour engager le combat en rase campagne. Cinq premières batailles eurent lieu dans les Alpes provençales, à Embrun, Gap, Riez, Ampus et Cabasse. Battus dans tous ces affrontements par les Provençaux, les forces des Sarrasins se regroupèrent à Tourtour. Guillaume ne tarda pas à les rejoindre et y engagea la sixième et la plus importante bataille. Écrasés par les Provençaux, les Sarrasins regroupèrent leurs dernières forces, remontèrent à la Garde-Freinet et s'y retranchèrent solidement.

Après avoir donné un peu de repos à ses troupes, Guillaume fit donner l'assaut au Fraxinet. Les guerriers provençaux des seigneurs de Levens, d'Aspremont, de Gilette, de Beuil et de la ville de Sospel furent désignés pour l'attaque (toutes ces villes se trouvent actuellement dans le département des Alpes-Maritimes). Après avoir atteint le sommet de la Garde-Freinet, les Provençaux attaquèrent les retranchements du Fraxinet, en chassèrent les Sarrasins, et enfin s'emparèrent entièrement de la forteresse. Les Sarrasins trouvèrent un dernier refuge dans une forêt voisine, mais, vivement poursuivis, furent vite neutralisés : Ils furent soit tués soit faits prisonniers.

La forteresse de Fraxinet fut entièrement rasée, les Sarrasins survivants baptisés de force et réduits en esclavage. La plupart des dernières troupes musulmanes quittèrent la Provence sans attendre l'arrivée des troupes provençales.

Grâce à cette offensive décisive de 973 et des batailles qui suivirent, les Sarrasins sont définitivement expulsés de leurs bases fortifiées. Si une partie importante de la communauté sarrasine a sans doute périt au cours des combats, il est clair que des groupes de survivants demeurèrent dans la région y faisant souche et que certains se convertirent à la religion chrétienne. Le temps et d'innombrables mélanges de populations firent les reste: lentement, au fil des générations, le contingent sarrasin se dissout ainsi dans la population provençale[.