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06/05/2006

L'ALCHIMISTE DE SAINT AUBAN

LE SECRET DU FAISEUR D’OR ( 3ème partie )


  
Pourtant, un autre incrédule, confondu, rapporte l’expérience qui se déroula dans la tour du château de Senez. De l 'Isle mit une poignée de chaque lunaria dans un poêlon rempli d'eau, qu'il chauffa sur un fourneau. Il jeta un grain de mercure philosophique dans un verre contenant de l'eau magistrale et obtint une liqueur blanche comme du lait. Au premier bouillon, il retira le poêlon et y ajouta la liqueur, fit chauffer, versa ensuite le tout dans une casserole remplie d'eau froide, retira les herbes, vida l'eau, recueillant au fond un dépôt brunâtre: la poudre de projection, qu'il fit sécher au feu. De l 'Isle estima la poudre juste assez bonne pour obtenir de l'argent et non de l'or. M. du Bourget prit la suite, il plaça un creuset sur le feu, y jeta un lingot de plomb (qu'il avait apporté pour plus de sûreté), une fois fondu, il le répartit sur le sol de la tour pour le séparer de la crasse. Avec un nouveau creuset (qu'il avait apporté), M. du Bourget refit fondre les morceaux de plomb mélangés à une dose de poudre de projection, une goutte d'huile de soleil et fit cuire le tout pendant une heure. Il touilla ensuite, sentant la masse pâteuse. De l 'Isle l 'invita à activer le feu, une heure et demie plus tard le mélange devint liquide.
« Voilà qui est fait Monsieur, nous allons voir ce que ma poudre vous aura donné» dit De l 'Isle. Au fond du creuset, que M. du Bourget saisit avec des pincettes, apparut une liqueur brillante. Voici son témoignage:
«Je le vuiday sur le pavé, par trois différentes fois, et ma surprise fut si grande en voyant de l’or par terre, qui me parut très beau, que je fus un quart d 'heure sans pouvoir parler, ce qui fit beaucoup rire M. de Senez et mon frère, qui estoient plus aguerris que moi. M. de l 'Isle me fit beaucoup d'excuses sur la peine que je m'estois donnée, adjoutant que si la poudre avoit esté parfaite, il m ' auroit fait convertir le même plomb sur un réchaud sans estre obligé de la fondre, et dans un quart d'heure».
Sept mois plus tard, en mai 1710, le Président de Saint Maurice opère au château de Saint Auban, selon les directives de De l 'Isle, en présence du prévôt Lenoble, du sieur de Riouffe, subdélégué de l'intendant de Provence à Cannes et de l'abbé de Saint Auban. On sortit tout d'abord, une espèce de mâchefer d'un panier enterré, que l'on mit à sécher un quart d 'heure au soleil. Puis M. de Saint Maurice déposa cette masse dans une cornue chauffée au fourneau jusqu'à obtenir une liqueur jaunâtre en forme de mercure, du volume d'un gros pois. Il distilla alors une huile visqueuse, appelée le «dragon dévorant», qui aurait pu détruire le petit grain de «mercure philosophique». Ce mercure, versé sur trois onces de mercure ordinaire, complété par deux gouttes d 'huile de soleil, chauffé «l'espace d'un miserere», donna un petit lingot d'or d'environ trois onces.
La seconde expérience de M. de Saint Maurice, s'opéra avec trois balles de plomb fournies par son valet, fondues dans un creuset avec alun et salpêtre. M. de Saint Maurice y ajouta «une prise à tabac» de poudre philosophique et deux gouttes d 'huile de soleil. Il remplit ensuite le creuset de salpêtre et mit à chauffer un quart d'heure. Déversant ensuite le tout sur une plaque de fer, il obtint une plaque d'or. M. de Saint Maurice fabriqua de l'argent de la même façon avec une poudre différente. Il fit un rapport détaillé de ses expériences au Contrôleur des Finances en décembre 1710.
 
A la suite de ces informations, le Contrôleur Général des Finances décida de faire arrêter De l'Isle et de le transférer à Paris sans plus tarder. Mission fut donnée au comte d'Artagnan d'opérer l'arrestation et de le remettre entre les mains de M. de Grignan. Mis au courant à la Cour de ces tractations, l'évêque de Senez intervint auprès de M. de Saint Martin par une lettre du 9 janvier 1711 pour sauver son protégé: «Il ne faut pas pousser un tel ouvrier à bout par la violence... Ce qui l'empêcha d'aller à Paris, c'est qu'il croit que le Ministre des Finances est fortement prévenu contre lui et le regarde comme un imposteur».
Un agent de d'Artagnan, M. de Rambion, prévient son supérieur que De l'Isle est attendu à Grasse le 30 janvier pour se rendre en pèlerinage à N.D. de Laghet. Prudent, De l'Isle s'abstient et De Rambion ne voit arriver que l'abbé de Saint Auban, qui, en bon indicateur de l'alchimiste, indiquera que le pèlerinage est remis à cause du mauvais temps. Craignant sa fuite en Italie, les hommes de d'Artagnan informeront le Sénat de Nice, qui réussira à faire cueillir le fugitif dans la bastide du comte de Galéan en dehors de Nice. L'alchimiste et son valet prirent immédiatement la route de Paris via Grasse et Marseille. Convaincu de fuite, d'autant plus qu'on trouva sur lui des papiers d'identité au nom de Saint Auban et une médaille du Roi du Portugal le nommant «Chevalier des Stymates», la Cour du Portugal cherchant sans doute elle aussi à attirer le faiseur d'or. Traité comme un vulgaire malfaiteur, pieds et poings liés, le passage du malheureux captif à Grasse apitoiera son protecteur M. de Soanen, qui intervint sans succès et s'engagea à porter lui-même jusqu'à Paris les ingrédients nécessaires aux futures expériences.
Le voyage de De l'Isle vers Paris se déroula comme un véritable cauchemar, il pleut à partir de Valence, le voilà seul avec ses gardiens, son fidèle valet ayant été retenu à Marseille pour y être enfermé au fort Saint Jean. Profitant de ce que la voiture s'embourbe et chavire, il tente alors une évasion désespérée dans la campagne. Voici le témoignage du brigadier Tornier, chef de l'escorte:
 «1'estois à costé de ce malheureux qui estoit ployé dans son manteau et je tenois par un bras et le Suisse estent de l'autre costé, qui lui faisoit de mesme. Et dans le moment qu'on se forsoit à faire relever les mulets, je ne scey si par un art diabolique ce malheureux fit un si grand effort de ses bras qui cassa ses menottes et d'un coup de son bras gauche, il renversa le Suisse, il s'arracha de mes mains en courant à toutes jambes dans un pays détestable».
Un des gardes se lance alors à cheval à la poursuite du fugitif, mais le cheval se renverse en sautant un fossé. Un des gardes tire sur De l'Isle à coups de pistolet, trois balles l'atteignent aux fesses le clouant sur place. Mgr de Soanen rattrape le convoi à Briare essayant de remonter le moral de son protégé.
                                     

 

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L'ALCHIMISTE DE SAINT AUBAN

LE SECRET DU FAISEUR D’OR ( 2ème partie )

 L'alchimiste pouvait désormais compter sur un nouvel allié de poids: l'évêque de Senez, Monseigneur Soanen, qui suivait ses expériences depuis longtemps. Son intervention et celle de ses amis avaient suscité à la Cour un courant de curiosité à l'égard de De l'Isle. L'évêque écrivit à Pontchartrain le 18 octobre 1708: «L'intérêt que vous prenez pour l'examen de la vérité des opérations du sieur De l'Isle, notre faiseur d'or, m'a déjà obligé de vous en rendre compte. Il a travaillé sous mes yeux, je suis parfaitement convaincu de l'excellence de son art et de la droiture de ses intentions pour S.M.». De l'Isle avait fabriqué en 1707 pour Mgr Soanen un clou de la longueur d'un doigt, mi-argent mi-fer à tête d'or, «un prodige» ! Le Roi lui-même demanda à voir le clou...
 L'invasion de la Provence par les Austro-Sardes retarde à nouveau les recherches du faiseur d'or . En automne 1708, il se rend à Menton, où sa femme et sa fille sont établies. Se rend-il en Italie pour des contacts avec Denis ? Certains l'ont prétendu. De retour en novembre, De l'Isle demande à l'évêque de Senez si le sauf-conduit est enfin accordé. C'est le cas, il poursuit donc ses activités à Saint Auban, Senez et Castellane. Au printemps, l'alchimiste doit reconnaître qu'il ne sera pas prêt à se rendre à Paris dans les délais prévus
pour y travailler devant le Roi. Devant cette dérobade, ses ennemis et en particulier Lebret en profitent pour déclencher contre lui une nouvelle campagne de calomnies, faisant allusion à ses apparitions dans les lieux d'où sont sorties de fausses monnaies! L'évêque de Senez se fait à nouveau son avocat: «Son retard n ' est dû qu’à l’irruption du Duc de Savoie et des gardes de M. de Grignan. La conduite de notre alchimiste est irréprochable. De l'Isle souffre des soupçons que l’on fait peser sur lui, alors qu'il force ses propres juges, à l 'Hôtel des Monnaies,
à déclarer que ses lingots sont bons...».
Lebret ne désarme pas, dans une lettre du 24 août, il finit par reconnaître qu'après avoir fait surveiller le «faiseur d'or», on ne pouvait plus le soupçonner de billonnage et de fausse monnaie.
«1e crois plutôt que sous prétexte de la transmutation des métaux, il trouve des dupes dont il tire quelque utilité».
Les détracteurs aboutissent; sur la foi d'autres renseignements de M. de Grignan, de Pellas directeur de la Monnaie à Aix et du Comte d'Artagnan, pourchasseur de faux monnayeurs, installé à Grasse, le Contrôleur Général des Finances informe Lebret de son intention de faire arrêter De l'Isle. Puis, nouveau retournement de situation grâce à l 'habile intervention de l'évêque de Senez, le même Contrôleur Général revient sur sa décision et accorde un sauf -conduit à De l'Isle en décembre 1709.
Il faut dire que Mgr de Soanen, évêque de Senez, était convaincu par le savoir de l'alchimiste:

«Il changea en argent devant moi et six ou sept témoins, quelques clous que je lui avais remis, et M. Imbert orfèvre d'Aix m'assura que l'argent était bon... A Castellane, en ma présence et celle d'une dizaine d'autres témoins, il changea deux pièces en plomb en deux pièces d'or que M. de Pontchartrain montra aux meilleurs orfèvres de Paris. Cela m'ébranla d'autant plus que l'expérience fut renouvelée cinq à six fois. De l'Isle a même fait exécuter l'opération devant moi par des tiers, sans toucher personnellement quoi que ce soit. C'est ainsi que mon neveu le père Bérard, de l'Oratoire de Paris, fit lui-même la transmutation des métaux suivant ses ordres et aussi M. du Bourget, un autre neveu (capitaine de cavalerie). Et ce que j'ai vu, cent autres personnes de mon diocèse l'ont vu également. Mes préventions se sont alors évanouies».

 L'affaire prenant de l'ampleur, le Contrôleur Général des Finances la confie alors à un Conseiller d'Etat, M. de Nointel, qui rentre en relation avec l'évêque de Senez. Celui-ci réplique le 30 avril 1710:
«Deux cents personnes de cette province (la Provence) m'ont averti qu’elles étaient convaincues du secret, après avoir assisté à ses opérations... Les préparatifs de De l'Isle ne sont pas encore suffisamment au point pour que l’on puisse travailler devant le Roi. Il faudra du temps et de la chaleur. Dans les trois mois à venir, on pourra faire des progrès. «Notre artiste» aurait pu avancer son travail, s'il disposait de certains produits tirés de l'étranger».
 
Nouveau test en présence cette fois de M. de Saint Maurice commis à Cannes pour réprimer le faux monnayage. A Saint Auban, De l'Isle le fit collaborer à ses opérations sans rien lui cacher de ses secrets. Ebranlé, M. de Saint Maurice rendit compte le 21 mai au Ministre des Finances: «Rien n'est plus sûr, Monseigneur, que son secret pour faire de l'or et de l'argent». Il emporta le petit lingot d'or obtenu pour le présenter à la Cour. Cette nouvelle preuve confirma l'évêque de Senez dans sa conviction. Devant ces succès, la crainte s'installa que De l'Isle aille livrer le fruit de son savoir à la Cour de Turin, où on le signale dans cette ville en compagnie de l'abbé de Saint Auban. Il fallait donc hâter le voyage de De l'Isle à Paris. Mais le mauvais temps et le «manque de chaleur» retardaient encore la préparation des produits indispensables aux expériences. Deux ans de plus s'avéraient nécessaires.
Dans une lettre à M. de Nointel, chargé de l'affaire, De l'Isle précise :
 «1°) qu'il faut à mes poudres une partie de l'été prochain pour boire les huiles...
2°) qu'après cela il me faudra tirer le mercure de mois en mois, cinq à six fois avant de parvenir au degré de perfection nécessaire;
3°) que les bornes d'un an apposées au présent sauf-conduit de mesme qu'au précédent ont beaucoup préjudicié à mon travail».
 
Le témoignage d 'hommes de marque, conduits à expérimenter, révèle une partie des ingrédients utilisés par l'alchimiste. On y relève: «le suc des lunaires», produit de distillation de deux simples, la lunaria major et la lunaria minor, cueillies après le 14ème jour de la nouvelle lune, séchées à l'ombre, placées dans un pot dont on a distillé les résidus. «L'eau magistrale» est un produit de distillation d'un mélange de trois tas d'or calcinés et pilés combinés en part égales de salpêtre et de vitriol, le tout calciné. «La poudre métallique» s'élabore à partir d'un mâchefer d'or et autres métaux, pilé, tamisé, enfoui dans un linge et un panier, enterré quinze jours à compter du 7ème ou du Sème jour de la nouvelle lune. Retiré à la lune vieille, placé dans une bouteille bouchée et séché au soleil. Ensuite, recouvert de deux doigts d 'huile de soleil, ré exposé jusqu'à séchage au soleil. Enfin, recouvert encore de deux doigts «d'eau magistrale» et à nouveau séché au soleil. Cette poudre mélangée à un peu d'huile de soleil, puis distillée donnait un grain de «mercure philosophique». Ce mercure pilé donnait la «poudre de projection». Mais les opérations effectuées par les visiteurs de De l 'Isle restaient fragmentaires, son secret demeurant bien gardé.
 
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L'ALCHIMISTE DE SAINT AUBAN

LE SECRET DU FAISEUR D'OR ( 1ère partie )

  

  C'est à Bargemon vers 1673 que naquit Jean Troin, le héros de cette authentique histoire plus romanesque que bien des oeuvres de fiction. Issu d'une modeste famille de laboureurs, n'ayant reçu aucune instruction, il sera berger jusqu'à l'âge de dix ans, développant ainsi sa sensibilité au contact de la nature. Ces premières relations avec les réalités d'un monde merveilleux flatteront chez lui le goût de l'imaginaire. Quelques vieux pâtres l'initièrent sans doute à une lecture originale de cet univers, où l 'homme vibre au rythme des saisons.

Il rentre ensuite à la forge du village comme apprenti maréchal, où il devient en cinq ans l' armurier-serrurier «le plus habile qui ait jamais paru». Adroit, vigoureux, séduisant, ce bon catholique épouse une fille de son pays, sa voie semble alors toute tracée. Bargemon, situé à proximité de la grande voie transversale reliant la Provence du Rhône au Var, conduira souvent Jean Troin au contact des équipages pour une ferrure dans un des relais voisins. A la fin du XVIlème siècle, la famine se répand dans la région avec son cortège d'émeutes et de pillages, Jean Troin a vingt ans. La fraude s'installe face à un gouvernement qui pressure le pays déjà exsangue, elle porte sur le tabac, le sel et les poudres. Au début du XVIIIème siècle, le pouvoir, à court d'argent, entreprend de réformer les monnaies anciennes dans un sens favorable à l'émission. La fausse réforme s'installe en Provence orientale à Grasse, Glandèves, dans les châteaux et mêmes les presbytères. Bargemon placé au centre de ces fabriques de fausses monnaies, doté d'un habile artisan forgeron capable d 'un délicat travail d ' orfèvre ne put rester à l’écart de ce vaste trafic. Jean Troin reçut-il l'appel flatteur et alléchant de la part d'un mystérieux émissaire en quête d'un homme apte à diriger un atelier de fausse monnaie ? Rien ne l’a jamais prouvé en dépit d 'une condamnation à mort par contumace.

Son destin change brusquement lorsqu'il se rend à Nice en 1701 pour y livrer des «platines de fusils» qu'il a trempées. Jean Troin y rencontre à l'hostellerie du «Chapeau Rouge», un étrange personnage italien prénommé Denis qui sera à l' origine de son «art». Il pilote son nouvel ami jusqu'à Avignon où celui-ci l'initie à la transmutation des métaux, lui apprenant à «faire de l'or» à partir du plomb et du fer. L'alchimiste transalpin était-il un aventurier recherché par la police de son pays, désireux de s 'abriter dans le comtat, alors terre d'asile de louches personnages ? Rien ne le prouve.

Dans la cité papale, Jean Troin apprend les rudiments de son art en prenant part aux manipulations de l'Italien. Dupe ou complice ? Il part herboriser sur l’ordre du maître, la fabrication de l’or et de l’argent exigeant deux variétés de «lunaires» la major et la minor poussant près de Sisteron. Sans études spéciales et de manière empirique, Jean Troin acquiert ainsi le savoir de son maître.

Puis il disparaît après huit mois de séjour à Avignon. Repéré par l'évêque de Glandèves, en mars 1705, au village du Mas, il est signalé au Contrôleur des Finances comme un «homme déguisé» sous le nom de DE L 'lSLE, sans domicile fixe, hôte volant de divers gentilshommes. Condamné à mort par contumace, pour crimes de «fausse réforme de monnaies» il aurait réussi à échapper aux recherches de l'été 1704. L'Intendant de Provence Lebret repère De l'Isle en août 1705 à la Palud près de Moustiers où il est hébergé par le seigneur. Le 29 août une embuscade est tendue dans la chapelle, mais le seigneur et sa famille mettent hors de combat les six hommes venus pour arrêter le contumace.

Jean Troin devenu désormais De l'Isle, exploite maintenant à son compte les secrets de l'Italien, mystérieusement disparu après un séjour de quelques mois au Mas. L'apprenti sorcier, devenu sorcier lui-même, fait fabriquer de l'or et de l'argent aux sceptiques qui doutent de son pouvoir, on comprend qu'il ait des amis! Furieux, Lebret reprend sa chasse. Conscient du danger, De l'Isle manœuvre alors pour obtenir de la Cour, un sauf -conduit en bonne et due forme. Allant de château en château, près de 200 personnes assistent convaincues à ses troublantes expériences. Un lingot, ayant été fabriqué chez le chevalier de Glandèves, sera soumis au sieur Lange de Ricard «savant éclairé sur les faits» qui assurera que l'or était bon. L'affaire est portée à la connaissance de M. de Ressons, Contrôleur Général des Finances, ami de M. de Glandèves. En dépit des allégations de Lebret, le Ministre des Finances, assailli de graves soucis d'argent, ne peut rester insensible aux exploits du «faiseur d'or». Vers la Noël 1706, De l'Isle obtient du Contrôleur Général des Finances un sauf-conduit de quinze mois.

Néanmoins prudent, De l'Isle s'installe à Saint Auban, un village d'accès difficile proche des Etats de Savoie. Quinze mois durant, De l'Isle va pouvoir travailler en toute quiétude dans ce nid d'aigle où il est l 'hôte du seigneur et du curé du village. Tissant un réseau de relations, il doit avouer dans une lettre à Lebret du 21 février 1708 que ses recherches n'ayant pas abouti (celles-ci dépendant du «soleil» et non de sa propre volonté), il serait utile de renouveler son sauf -conduit sans limitation de date. De l'Isle s'occupant aussi de médecine devait en effet herboriser près de Grenoble et acquérir des plantes médicinales à Montpellier. Son projet sera prêt à la fin de l'été, il compte alors se rendre à Paris en compagnie de l'abbé de Saint Auban, pour fournir à sa Majesté toutes les preuves de ses capacités. M. de Chamillard, secrétaire d'Etat au Département de la Guerre, contacté par M. de Coutardière gouverneur d'Entrevaux écrit à Lebret pour donner satisfaction à De l'Isle.

Un émissaire mystérieux débarque alors à Paris, se faisant nommer Troin, il se présente chez M. de Pontchartrain, Ministre de la Marine, se disant valet de De l'Isle, il confirme avoir vu son maître réussir la transmutation des métaux (!). Cette manœuvre de De l'Isle devait lui permettre de connaître, par l'intermédiaire d'un parent, quel serait le comportement des grands à son égard en cas de refus du sauf-conduit qui tardait à venir. Troin est dirigé vers M. de Grignan, gouverneur de Provence, avec mission «d'espier» son maître et de le localiser. Nous étions en juillet 1706, De l'Isle averti de ces intentions équivoques, gagne aussitôt la «campagne». En échappant à ses poursuivants, il casse la bouteille contenant ses précieux trésors, d'où un nouveau retard dans ses expériences. Nouvelle lettre à Lebret pour réclamer plus de quiétude: «il faut ou que j'abandonne mon travail, ou que je sois en sécurité». Les troupes de Grignan rôdant autour de Saint Auban, De l'Isle vivait toujours «en alarme». Lebret, exécutant les ordres de Paris, délivre enfin le fameux sauf-conduit.

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