05/03/2014
L’ÉNIGME DU GALET GREC DE TERPON À ANTIBES
Antipolis, au témoignage de l'archéologie, à été fondée dans la première moitié du VIème siècle (vers 570-560 ? ) par les Phocéens de Marseille, sur un site précédemment occupé par des indigènes. Antibes fut donc, dans l'Antiquité, une cité grecque, parlant et écrivant le grec, avec des institutions grecques, des cultes grecs, etc. Pourtant, peu d'inscriptions grecques y ont été découvertes, la plus ancienne et la plus importante, la plus mystérieuse aussi, est celle qui est gravée sur la pierre dite «galet d'Antibes» ou «galet Terpon».
Il ne s'agit pas, en effet, d'une pierre taillée, mais d'un galet de grandes dimensions (65 x 21 cm, poids 33 kg), fait d'une roche vert foncé, qu'on appelle la diorite. Ce galet était autrefois incorporé dans le mur d'une petite construction probablement maison de pêcheur, dans le quartier de la Peyregoué à l'ouest d'Antibes, où il semble avoir été pour la première fois remarqué en 1866.
Sur cette pierre très dure, l'inscription n'a pas été gravée, comme c'est le cas d'habitude, régulièrement, au ciseau, mais plutôt entaillée à l'aide d'une pointe, dont les impacts rapprochés et successifs sont visibles en certains endroits. Cette technique assez rudimentaire explique certaines irrégularités dans la forme et la dimension des lettres. Ce sont dans l'ensemble celles de l'alphabet ionien, mais il y a quelques exceptions. D'après leur forme, l’inscription paraît dater de la deuxième moitié du Vème siècle.
Le texte, voir figure, se déchiffre aisément; il s'agit de deux vers (hexamètres).
La gravure détache non seulement les vers, mais aussi les coupes. La seule particularité notable, dans le détail, est que le v avait été oublié par le graveur et a été rajouté au-dessus de la ligne.
Traduire, c'est déjà interpréter, et les problèmes apparaissent d'emblée. On peut proposer la traduction suivante : «Je suis Terpon, serviteur de l'auguste Aphrodite ; puisse Cypris, en échange, accorder sa grâce à ceux qui m'ont confié cette charge.» Le sens, on le voit, n'est pas très clair. Quelques explications sont nécessaires, qui, malheureusement, prendront la forme d'interrogations plus que d'affirmations.
Le premier mot pose déjà un problème, car il peut s'interpréter soit comme un nom propre, soit comme le participe présent (masculin singulier) du verbe signifiant «réjouir» (et non : «se réjouir»). La deuxième hypothèse ne menant à aucune construction raisonnable, il vaut mieux considérer ce mot comme un nom propre. Terpon est fort possible comme nom d'homme, mais il est connu aussi comme le nom d'un des Silènes qui forment le cortège soit de Dionysos, soit d'Aphrodite. L'inscription s'adressant au vers deux, à Aphrodite, on est tenté de penser qu'il ne doit pas s'agir d'une coïncidence; mais que viendrait faire ici le Silène ? La dédicace ne peut être le fait que d'un homme. Sur ce point, on est donc pour le moment dans l'impasse.
La deuxième difficulté concerne le sens de l'expression. Certains commentateurs, considérant que c'est la pierre elle-même qui parle (usage très répandu dans les inscriptions grecques, surtout à l'époque archaïque, ont pensé que l'expression désignait ceux qui l'ont déposée, érigée, dédiée : «Que Cypris accorde sa grâce à ceux qui m'ont érigée.» Mais le grec, en ce sens, emploie normalement un autre verbe. Le sens du verbe que nous avons ici, est, dans la majorité des cas, celui de nommer quelqu'un à une charge ou à une fonction. On est donc renvoyé à «serviteur», et on entrevoit le schéma suivant : quelqu'un a été nommé «serviteur» d'Aphrodite, c'est-à-dire en quelque façon prêtre, membre du clergé, en reconnaissance pour cet honneur, il appelle sur ceux qui lui ont confié cette charge la bénédiction de la déesse.
Ce point de départ relativement solide nous permet de revenir à Terpon. Le sens exact permet en effet d'écarter définitivement la thèse selon laquelle le Terpon de l'inscription serait le Silène: nul ne saurait, en effet, le «nommer» ou «I’ instituer». Faut-il pour autant admettre que c'est par hasard que le personnage nommé «serviteur» d'Aphrodite s'appelait précisément Terpon ? La chose parait difficile. Il vaut mieux penser que c'est justement à la suite de, sa «nomination» que le personnage en question a pris l'identité de Terpon, est «devenu» Terpon. Dans certaines associations cultuelles et notamment dans les mystères de Dionysos, certains membres de l'association étaient chargés, lors de certaines cérémonies, de tenir le rôle de divinités ou de personnages mythiques associés à la «geste» du dieu, qui était représentée devant l'assemblée des fidèles. Or, Terpon fait partie de la suite aussi bien de Dionysos que d'Aphrodite, Nous aurions donc affaire ici non à un culte de la cité, mais à une association privée, une sorte de thiase vénérant Aphrodite dans des formes comparables à celles que prend ailleurs le culte de Dionysos. Etre admis dans un de ces thiases supposait une initiation; s'y voir confier une fonction comme celles dont il vient d'être question signifiait que l'on avait franchi un degré dans la hiérarchie, stricte et complexe, de ces associations. C'est ce qui serait arrivé à notre «Terpon» ; pour marquer sa dévotion à la déesse, il ne se désigne que par son nom d'initié; il est fier de sa promotion et reconnaissant envers les membres du thiase qui l'ont promu.
Mais il y a d'autres problèmes. Une inscription ne peut être considérée indépendamment de son support. Or, celui-ci est tout à fait singulier. Il n'y aurait aucun problème si l'inscription était gravée sur une statue ou sur une base, comme c'est l'usage: il s'agirait de l'effigie de «Terpon», consacrée par lui-même à Aphrodite et proclamant par l'écrit son identité. Mais cette pierre brute peut difficilement avoir fait partie d'une base. Toute la difficulté vient donc de ce que ce document n'entre pas dans une série, de ce qu'il n'est semblable à aucun autre.
Certains ont cru pouvoir donner un sens à ce galet en expliquant qu'il s'agit d'une représentation ou d'un symbole phallique, ce qui n'étonnerait pas dans le contexte. Mais cette pierre n'a vraiment pas une forme suggestive, et, d'ailleurs, lorsque
les Grecs représentent, en général dans un but religieux, le sexe masculin, ils le font d'une façon qui ne laisse aucune place au doute. Les Grecs n'avaient, en ce qui concerne les choses du sexe, ni complexes ni tabous, le symbolisme et l'allusion étaient donc, en ce domaine, superflus. D'autre part, si phallus il y avait, il aurait nécessairement été présenté en position dressée (oblique plutôt que verticale), or, il n'y a, sur la pierre, aucune trace indiquant une fixation quelconque sur une base. Il est probable que, comme le suggère la disposition du texte, elle gisait horizontalement.
Faut-il chercher la solution du côté des argoi lithoi, pierres (plus ou moins) brutes dressées, auxquelles les Grecs, dans certaines régions, rendaient un culte? La chose parait impossible; outre qu'on trouve la même objection technique que précédemment, ces pierres brutes étaient toujours censées représenter une divinité. On serait alors obligé d'interpréter Terpon comme le Silène (encore ceci ne serait-il qu'à moitié satisfaisant, car Terpon n'est pas vraiment une divinité, mais un membre d'une «collectivité mythique»), ce qui, nous l'avons vu, ne s'accorde pas avec le sens normal de l’inscription.
On constate ainsi que la véritable difficulté n'est pas de reconstituer ce qu'a pu être l'«histoire» de «Terpon», elle est de comprendre pourquoi un galet proclame «Je suis Terpon»...
On aimerait pouvoir conclure: quoi qu'il en soit, cet énigmatique monument est à coup sûr un témoignage sur le culte cl 'Aphrodite à Antipolis. Malheureusement, cela même n'est pas possible, du moins pas avec une certitude totale. La graphie et la langue ne sont pas réellement typiques, ce pourrait être du style poétique, d'un peu n'importe où. La pierre peut fort bien avoir été apportée à Antibes d'un lieu quelconque et à une époque indéterminée, soit en tant que pierre (pour lester un navire, par exemple), soit parce que l'inscription avait attiré l'attention d'un voyageur. Même l'hypothèse d'un faux ne peut être complètement écartée.
Le galet grec dit de Terpon est visible au musée archéologique (Musée Picasso) d’Antibes.
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27/02/2014
LES TEMPLIERS À BIOT
Maison du Temple de Biot
Département : Alpes-Maritimes, Arrondissement : Grasse, Canton : Antibes-Biot - 06
L'étude de la commanderie de Biot est de beaucoup plus intéressante étant donné l'importance de la seigneurie que possédèrent les Templiers. La fondation de Biot en tant que maison du Temple possède les mêmes origines que Montfort-sur-Argens. A la fin du mois de mars 1209, Alphonse II, comte de Provence, donnait à la milice du Temple, représentée par Guillaume Candeil, maître de Provence, tous les droits qu'il avait sur la ville, la châtellenie et le territoire de Biot (1). L'acte fut passé à Grasse et Bernard Cornut, évêque de Fréjus assistait à la passation des pouvoirs. Les Templiers s'installèrent bientôt, non loin d'Antibes, siège de l'évêché et aussi port sur la Méditerranée. La dernière invasion musulmane venait d'avoir lieu sur les côtes. Les Templiers de Nice durent se retirer à l'intérieur des terres et en 1195, l'évêque de Vence leur donnait la bastide Saint-Laurent.
Alphonse II voulait-il, par là faire comme son ancêtre en Aragon pour protéger les grands axes face à de futures invasions ? Peut-être.
A Biot, les frères reçurent de nombreuses donations tout en restant sous la dépendance directe du commandeur de Grasse qui prit rapidement le titre de commandeur de Grasse et Biot. Dès 1211, des frères résidants sont cités (2). Les habitants connaissaient cette particularité et lorsque, 1e 9 mars 1213, Narbona et ses fils vendent une pièce de terre située à Biot, ils le font à la maison du Temple de Grasse (2). Tout comme Raimonde qui donne sa terre de Biot au lieu dit Touche Bosse au commandeur de Grasse, Olivier Aidier (2). Biot devint maison régulière, semble-t-il, le 15 août 1233, encore faut-il y voir une union avec Grasse et Nice, ces deux dernières étant déjà réunies sous un même commandeur. Ce jour-là, Bernard de Cambolano, commandeur des maisons de Grasse et Biot par la voie du retrait féodal, prenait possession, au nom de l'Ordre de tous les biens situés à Biot et Saint-Julien, qu'il venait d'acheter à l'évêque d'Antibes, lequel les avait obtenus le 15 octobre 1227 de Raimond de Biot et ses fils (2).
Les achats effectués par les Templiers sont de plus en plus nombreux et même que le commandeur porte le titre des trois, la maison de Biot fut la plus importante si bien que l'on peut sans risque de se tromper dire que vers 1240-1250, le commandeur porte plus facilement sa résidence à Biot plus qu'à Grasse. A Biot le commandeur était tout de même châtelain et surtout il se trouvait tout près de l'évêque qui avait sa résidence à Antibes. C'est aux environs du milieu du XIIIe siècle que l'évêque d'Antibes choisit Grasse comme siège épiscopal. Des divergences éclatèrent. Il faut dire que l?évêque ne demeura pas longtemps sur le siège n'étant pas très commode pour ses ouailles. Lors de son départ d'Antibes la population accepta difficilement ce changement. Il en fut de même des populations environnantes. Plusieurs différents eurent lieu entre Biot et Grasse. Deux arbitres furent désignés et rendirent leur sentence le 3 janvier 1247. L'évêque de Grasse, Raimond de Villeneuve et Geoffroi de Grasse, commandeur de Grasse, Nice et Biot, choisirent Guillaume, évêque de Vence et Rostang de Comps, maître du Temple en Provence (2). Les problèmes de la Provence et surtout l'héritage de Béatrice, fille de Raimond Bérenger V occasionnèrent de nombreuses enquêtes. Ayant épousé le roi de Naples, la comtesse de Provence l'associa au trône et en 1250, lors de l'enquête sur les droits du nouveau comte, le frère P. Capion, commandeur de Biot est cité en témoin (3).
Les biens du Temple de Biot s'étendaient dans la région immédiate. A Valbonne ce furent des biens donnés par R. Salnioze, moine de Valbonne, de l'Ordre de Chalais qui se faisant templier entraîne avec lui tous ses biens meubles et immeubles, ecclésiastiques et laïcs (3)
A la fin du XIIIe siècle deux grandes affaires éclatèrent entre les habitants d'Antibes et de Villeneuve et les templiers de Biot. Il en fut de même au sujet des bois de Clausonne.
Au lieu de Clausonne, les Templiers acquirent quelques biens. Le 12 décembre 1258 une sentence était rendue par Guillaume Aicard bailli de Vence au sujet des biens situés à Clausonne que les habitants contestent. Les Templiers ayant été reconnus dans leurs droits, le bailli de Vence rendit le fief de Clausonne à frère Guillaume Clumans, commandeur de Biot, au nom de Bernard de Bellano, commandeur de Grasse et Nice (4). Les habitants d'Antibes ne paraissent pas avoir été en mesure de tenir cette décision. Le 26 décembre 1286, les antibois après avoir molesté les frères du Temple, se retrouvèrent et volèrent plusieurs têtes de bétails qu'ils transportèrent sur leur propriété. Devant ces crimes, Foulques Bérenger, commandeur des maisons du Temple de Nice, Grasse et Biot demande aux officiers de la cour de Grasse d'ouvrir une instruction judiciaire contre plusieurs habitants d'Antibes qu'il accuse des méfaits proférés sur le territoire du castrum de Biot. Le juge de Grasse confie l'enquête au notaire Amboise qui s'en voit dessaisir à la demande de l'évêque qui montre un privilège de juridiction (5). Plusieurs sentences furent rendues par la cour de Grasse. Une affaire à peu près semblable eut lieu avec les habitants de Villeneuve. Certains habitants furent surpris par les hommes du Temple en délit de ramassage de bois dans les forêts de l'Ordre. Les villageois répliquèrent aux semonces en dérobant une ânesse et deux boeufs à la maison du Temple de Biot. Le commandeur s'adressa alors aux juges de Nice qui répondirent vouloir faire le nécessaire pour que les animaux soient restitués (2). Les templiers gagnèrent juridiquement, mais les habitants de Villeneuve ne s'arrêtèrent pas là. En juin 1298, le bailli de Villeneuve fit enlever deux hommes du Temple qu'il fit enfermer dans la forteresse. Un fut libéré, tandis que l'autre resta dans cette prison forcée, aussi le frère Pons Ycard, au nom de Pierre Ricaud son commandeur s'adressa au viguier de Nice lui demandant de faire libérer leur homme surtout que non contents de cela, les habitants continuèrent à commettre toujours quelques méfaits sur le domaine du Temple (2). Les Templiers voyant la lenteur et la carence de la justice du viguier de Nice et du juge de Grasse, furent comme les habitants de Villeneuve et s'emparèrent d'objets appartenant à plusieurs villageois. Le contraire n'étonne pas, le juge de Grasse intervint aussitôt et rendit sa sentence obligeant les Templiers à restituer le plus rapidement possible les biens pris aux villageois. Les frères du Temple furieux de voir comment ils étaient traités, alors que leurs hommes étaient toujours dans la forteresse de Villeneuve déléguèrent le frère Pons Ycard interjeter appel de la sentence, ce qui fut fait le 4 septembre 1298 (2). La lutte ne s'arrêta pas malgré deux sentences rendues par les cours de Nice et de Grasse. Au mois de mai 1300 un autre enlèvement eut lieu. Les habitants de Villeneuve, sous la direction de leur propre bailli enlevèrent 23 juments et 8 poulains aux Templiers de Biot. Le 9 mai, le juge de Grasse, Jean Rodolphe, saisi les officiers de la cour de Nice et leur précisa qu'ils restituent les délinquants à sa juridiction et qu'ils fassent rendre le bétail usurpé (6). Le lendemain, 10 mai, le juge de Grasse recevait la réponse des Chevaliers Bertrand de Reggio et Isnard de Rosseto. Les deux officiers sont prêts à leur donner satisfaction, mais avant tout, ils voulaient entendre les explications des habitants de Villeneuve.
Pour cela le frère Pons Ycard devait se rendre à Villeneuve le jeudi suivant (7).
Cette affaire alla jusque par devant le sénéchal de Provence, Raimond de Lecto qui écrivit au viguier et juge de Grasse ainsi qu'au baillie de Villeneuve leur signifiant qu'il avait appris l'enlèvement du bétail des Templiers de Biot. Il leur ordonne de faire restituer le bétail aux Templiers, lesquels devaient rendre les gages pris aux gens de Villeneuve (7). Quoiqu'il en soit l'homme resta dans la forteresse. On ne sait s'il y mourut ou quoi, la seule chose dont nous sommes certains, c'est que le conflit fut définitivement réglé par le commandeur de l'Ordre de Saint Jean en 1320.
Cela n'empêcha pas les Templiers d'acquérir d'autres biens pendant cette période.
1. Marseille. Archives Départementales, 56 H 5270.
2. Marseille. Archives Départementales, 56 H 5268.
3. Paris Bibliothèque Nationale, ms. latin. 10125.
4. Nice Archives Départementales, H 516.
5. Nice Archives Départementales, G 192.
6. Marseille. Archives Départementales, 56 H 5269.
Sources : Laurent Dailliez - Les Templiers en Provence - Alpes-Méditerranée-Editions - Nice 1977
Maison du Temple de Biot
En octobre 1207, Alphonse II remit au maître du Temple en Provence, Guilhem Jaufred, le castrum de Montfort avec tous ses droits, dont l'albergue, les cavalcades et les justices. Ce site, où l'ordre établit ou bien réoccupa un point d'appui fortifié « fortalicium », fut rattaché à la maison du Ruou. Deux années plus tard, le comte devait encore concéder aux Templiers la seigneurie sur la villa de Biot. Cette investiture en franc-fief fut à nouveau accompagnée de tous les droits régaliens - albergues, questes, cavalcades, justices.
Raimon Bérenger V, continua à favoriser les établissements des Templiers en Provence orientale, et notamment les commanderies du Ruou, de Biot et de Grasse. En avril 1233, il fait une donation aux maisons de Biot et de Grasse et en novembre 1235, il exempte de péage la commanderie du Ruou, « Recueil des Actes des Comtes de Provence Raimon Bérenger V, n° 176 et 248. »
A Biot, le commandeur du Temple refusa à la fin du XIIIe siècle, de s'acquitter de la taxe imposée par le comte pour la surveillance maritime. En outre, l'érudition a fait remarquer depuis longtemps la pauvreté de l'armement conservé dans les commanderies au moment de l'arrestation des Templiers.
Sources : Damien Carraz - l'Ordre du Temple dans la Basse Vallée du Rhône - 2005. Lyon
COMMANDEURS DE NICE - GRASSE – BIOT
La maison de Biot se trouve dans les Alpes Maritimes, arrondissement de Grasse, canton d'Antibes.
Ces maisons semblent presque toujours réunies sous l'autorité d'un seul commandeur.
Guillaume Jaufred (Guillelmus Jaufredus) 1202
Appelé commandeur de Nice.
Raymond de Pamias (Raimundus de Pamias) 1205, 1206
Appelé commandeur de Nice.
(Pamiers, Ariège ?)
Olivier Audier (Olivierus Audierus) 1211-1219
appelé commandeur de Grasse.
Bernard Aimeric (Bernardus Aimericus) 1219
appelé commandeur de Grasse.
Les suivants portent le titre de Commandeur de Nice et Grasse, ou de Nice, Grasse et Biot.
Rostan de Saint-Laurent (Rostagnus de Sto. Laurentio) 1222
Bertrand Faraud (Bertrandus Faraudus) 1226
Commandeur de Montfrin en 1213
Bernard de Cambolan (Bernardus de Cambolano ou de Chamboleto) 1233-1236, 1240
Isnard (Isnardus) 1237
Bertrand Austard (Bertrandus Austarda) 1243
Geoffroi de Grasse (Gaufridus de Grassa) 1244-1248
(Grasse, Alpes Maritimes)
Raymond de Lamandelaye (Raimundus de Amenlerio) 1252
Commandeur de Montfrin en 1227-1228 q.v.
P. Geoffroi (P. Gaufridus) 1256, 1264
Bernard de Bessan (Bernardus de Bessano ou Bellano) 1258-1259
(Bessan, Hérault, arrondissement Béziers)
Geoffroi d'Alanson (Gaufridus de Alansone) 1263
Commandeur de Bras en 1287
Pierre Girard (Petrus Girardus) 1267-1269
Hugues de ....Lione (Hugo de ... Lione) 1274
Pierre de Roset (Petrus de Roseto) 1277
G. Capion (G. Capionus) 1285
Foulques Bérenger (Fuloco Berengarius) 1286, 1288, 1298
Arnaud de Fons (Arnaud de Fontis) 1291
(Fons, Gard, arrondissement Nîmes, ou Ardèche, arrondissement de Privas)
Ricaud de Pierre (Ricavus Pétri) 1295-1301
Commandeur d'Arles en 1288
Sources : E. G. Léonard - Tableau des Maisons du Temple en France et de leurs commandeurs (1150-1317).
Prochainement sortie en librairie des "Templiers en Provence orientale" d'Edmond ROSSI, pour être averti de cet événement inscrivez vous dès à présent en contactant: edmondrossi@wanadoo.fr
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17/02/2014
LE FABULEUX « CASTELLARAS DE THORENC »
Thorenc, agréable station d’altitude (1200m), s’étend sur un vaste et vert plateau au nord de Grasse, à une cinquantaine de kilomètres de Nice.
Elle s’enorgueillit de posséder un «castellaras» couvert de vestiges étranges propres à faire rêver les amateurs d’Histoire et de Merveilleux.
L’énigme s’est bâtie sur la présence de ruines muettes accrochées au sommet de ce promontoire et évidemment attribuée aux mystérieux Templiers, parce que d’origine médiévale et chargée de secrets. De plus, la rumeur locale persistante d’un trésor caché au milieu des décombres amplifie encore cette fascination. L’Histoire n’est pourtant pas aussi discrète sur le passé de ce site. Si les réalités démystifient des affirmations infondées, elles apportent par contre des révélations intéressantes et tout aussi singulières.
La toponymie de Thorenc, selon Dieudé Defly, dériverait de Castrum Toreduna évoluant en Torrenquo. Toredunum serait un nom gaulois signifiant le camp de Tore. Tor est aussi le nom d’un dieu germanique du tonnerre, de la pluie et de la fertilité. Donc, à l’origine, le «castellaras» défini par les spécialistes (Octobon, Cheneveau) comme un camp, une enceinte défensive «celto-ligure» aurait été consacré à une divinité celle du dieu Tor, maître de la pluie. Cette étymologie situe la naissance du camp vers le premier siècle avant Jésus Christ, alors que la pénétration celte s’est achevée dans la région. Ce camp retranché dominant les pâturages du plateau correspond bien à la vocation de ce type d’ouvrage.
La romanisation entraîne dans ces lieux le passage de la «via Ventiana», voie reliant Vence à Castellane en remontant la vallée du Loup de Gréolières à Andon. Un chemin se détache de cet axe pour rejoindre le plateau, franchissant la crête au pied du castellaras. La route actuelle (D5) l’emprunte et c’est un peu avant le col qu’il faudra abandonner son véhicule pour grimper en une demi-heure à pied vers les ruines par un sentier tracé dans la garrigue. Des fragments de «meules romaines» ont été trouvées au château de Thorenc et en divers lieux de la vallée (Forma Orbis Romani, carte archéologique de la Gaule romaine).
Mais au-delà de l’Antiquité, le destin du Castellaras se poursuit, signalé comme occupé au premier millénaire et au Moyen Âge.
En effet, les ruines d’un vaste village médiéval, visibles lorsqu’on suit le vieux chemin d’accès au sommet, s’étendent à la rupture de la pente où fut tracée la route moderne. Une grotte murée surplombe même cette route.
Mais le site majestueux de l’acropole fortifiée, avec ses grands murs bordant la face occidentale, n’apparaît qu’après le franchissement d’une poterne avec chicane. Aplati, le sommet, magnifique belvédère, est surmonté par les restes de trois édifices caractéristiques: au centre, une chapelle romane en mauvais état, à l’ouest les vestiges d’une forteresse protégée par une série de remparts et enfin, à l’est, une vaste bâtisse de facture plus récente (XV ème siècle) certainement une bergerie ou écurie. L’abandon du site est situé à la fin du Moyen Âge (XIV èmeou XV ème siècle) selon le spécialiste P. Bodard.
D’après J.C. Poteur, le castellaras de Thorenc porte dès 1038 le premier château de la Famille d’Andon. Le type de site recherché au début du XI ème siècle ainsi que l’étymologie du toponyme d’Andon confirmeraient cette hypothèse.
A la suite de combats opposant le Comte de Provence à l’aristocratie de la Provence orientale, le château des seigneurs d’Andon est assiégé vers 1196 et occupé. Sa chute entraîne le départ des sires d’Andon et leur installation sur un site différent, dominant le village actuel qui porte encore leur nom.
L’ancienne forteresse du castellaras de Thorenc n’est pas abandonnée, elle devient le castrum Torenco siège d’une seigneurie citée dès 1200 distincte de celle d’Andon voisine.
Les opérations militaires conduites par le Comte de Provence pour le contrôle de ce secteur se sont déroulées à deux reprises, à la fin du XII èmesiècle (vers 1180) et au début du XIII èmesiècle (vers 1227).
Les révoltes contre le pouvoir comtal sont entretenues par la ville de Grasse et la baronnie de Castellane dont l’influence rayonne sur la région.
Après le siège de Castellane en 1189, le Comte de Provence entreprend vers 1196 une expédition conduite au départ de Grasse, visant à neutraliser certaines places fortes hostiles de la Provence orientale encouragées par le soulèvement et les raids de Guillaume de Forcalquier.
Grâce au soutien actif des Hospitaliers, la troupe s’assure la maîtrise du Castellaras de Thorenc, avant de franchir le col de Bleine et d’échouer près de Saint Auban devant le château de la Faye qui tombera ensuite.
Le Comte décide alors d’isoler son adversaire, Boniface de Castellane, de l’aristocratie rebelle de Grasse, par une ligne solide de fortifications tenues par les Hospitaliers.
Ces supplétifs aguerris occupent alors les châteaux de Comps, La Roque-Esclapon, La Bastide, Pugnefort, La Faye. Dans le secteur de Thorenc, les fidèles Hospitaliers, après s’être emparés de la place forte ennemie de Pugnefort vers 1200 (possession confirmée en donation par le Comte en 1207), installent au pied du Castellaras un château de siège. Ce fortin, bâti sur l’actuelle colline Saint Jean, disparaîtra lorsque les terres qui l’accompagnent seront réunies à celle de Pugnefort pour former une seule seigneurie détenue par les Hospitaliers.
Durbec cite à ce propos le «mont des chevaliers de Saint Jean» qu’il situe en lieu et place du castellaras de façon tout à fait arbitraire.
Il faut peut être trouver dans cette présence de l’ordre militaire des Hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem à Thorenc, l’origine de la tradition attribuant le castellaras à l’ordre concurrent des Templiers absents des lieux.
Le castrum de Torenco apparaît en 1230 (Liste des Castra), dans les Statuts de Fréjus en 1235, ainsi qu’en 1251-52 (Enquête de Charles d’Anjou), il fera parti de la circonscription administrative de Grasse en 1325.
Les ruines du village dépendant du castrum sont encore visibles de nos jours au pied du versant sud du castellaras, en bordure du vieux chemin reliant Grasse à Castellane. Depuis leurs positions et pour le Comte de Provence, les Hospitaliers surveillent le castellaras qui après l’expulsion des sires d’Andon est tenu par Bertrand d’Amirat, parent et allié des Castellane.
Les consuls de Grasse demandent en 1200 à ce dernier de leur «rendre» le «castrum» pour le mettre en défense (!). Si les conditions qui entraînent les Amirat à y consentir ne sont pas connues, il est perceptible que le fief de Thorenc et sa forteresse sont l’objet de sourdes rivalités entre les puissantes familles de la région.
La place forte aboutit enfin en 1227 au fantasque Boniface, Comte de Castellane qui prête hommage au Comte de Provence pour la seigneurie de Thorenc.
Bien qu’il soit question d’un Blacas de Sartoux, seigneur de Thorenc en 1233, lorsque le Comte entreprend de soumettre la région en 1235, le castellaras est repris aux Castellane «par voie d’échange» et remis aussitôt à Romée de Villeneuve qui venait de s’assurer le contrôle de Nice. Au décès de Romée de Villeneuve, ses droits sont rachetés par sa belle-mère Astruge et restent au moins partiellement la propriété des Villeneuve jusqu’au XVIII èmesiècle.
En 1250, les Castellane opèrent encore quelques raids provocateurs dans le secteur. La paix ne sera assurée qu’en 1262, après que Boniface de Castellane battu, soit contraint de s’exiler en Italie, en abandonnant ses terres au Comte de Provence.
Le castrum de Torenco compte 38 feux en 1263, puis la seigneurie est divisée en 1309, si Giraud de Villeneuve en possède le tiers, les deux autres tiers appartiennent au Comte de Provence. En 1312, il est question, selon Durbec, de la chapelle Saint Pierre du Castellaras, «Sancti Petri de Toranquo», elle est également mentionnée en 1316 et 1376.
Les années noires du XIV èmesiècle débutent dès 1348, avec une épidémie de peste qui décime la population de la région. Puis les troubles occasionnés par les rivalités dynastiques opposant les Angevins aux Duras et les Savoyards à la Provence à propos du Comté de Nice, provoquent le passage de bandes armées opérant pour leur propre compte ou comme mercenaires de l’un ou l’autre parti.
Le village de Thorenc est encore habité en 1386 lorsque la place est investie par un redoutable chef de bande, Vita de Blois. Les vicissitudes des luttes d’influence entre Angevins et Savoyards sur les marches de la Provence entraînent le condottière dans le camp du Comte de Savoie dès 1388 avec sa troupe de 25 lances, soit environ 300 hommes.
Les Archives de Turin signalent : «Vita de Bloye s’est emparé du château de Thorenc : de là, il a emprisonné et pillé des bourgeois, en portant le tout à Nice où il avait sa demeure habituelle. Il en a fait autant en envahissant plusieurs villages tenus par le roi Louis».
En dépit de trêves signées en novembre 1388 et mai 1389 par le «vaillant capitaine», celles-ci sont rompues maintenant l’insécurité dans le secteur. Les Provençaux ne lui laisseront pas occuper longtemps ce point stratégique et la vaste forteresse est reprise et détruite en 1391. Le village subit le même sort.
Au début du XV ème siècle, le castrum de Thorenc n’est plus qu’un lieu détruit et inhabité exclu des affouagements de la viguerie de Grasse. Cette situation se poursuit tout au long du XV ème siècle, une note de 1478 indique toujours Thorenc comme abandonné et la chapelle Saint Pierre sans desservant. La Maison de Pugnefort des chevaliers Hospitaliers est également signalée détruite en 1429.
La famille de Villeneuve reprend possession de son fief bien qu’il soit désert.
Le village comme le château ne seront pas reconstruits. Un dessin de 1592 (Archives d’Etat de Turin) représente le castellaras avec ses trois bâtiments (chapelle du XII ème, château et écuries).
Il est question en 1584 de la chapelle attenante au château des Villeneuve, «château de M. de Thorenc-Villeneuve de Saint Paul». Cette demeure fortifiée surplombant le val, n’est qu’une résidence secondaire pour ces seigneurs occupant par ailleurs des charges importantes.
Une nouvelle famille, les Lombard, prend place au côté des Villeneuve en 1632 comme seigneurs de Thorenc, les deux familles s’allient en 1669.
Parallèlement, les Hospitaliers continuent d’affermer leurs biens à Valderoure.
Plusieurs nouveaux seigneurs s’ajoutent aux précédents au XVIII èmesiècle, ils occupent chacun un quartier de Thorenc mais n’y résident que l’été. A propos du castellaras et en 1787, un médecin amateur d’Histoire, M. Achard, indique que : «le château était au-dessus du village, sur une hauteur entourée de remparts de tous côtés, excepté vers le nord ou le rocher le rendait inaccessible».
Jusqu’à nos jours, le site du castellaras, régulièrement visité par les amateurs du passé, reste à peu près inchangé.
Aujourd’hui, Thorenc présente également un intéressant château du XV ème siècle, dit «château des Quatre-tours». C’est l’ancienne demeure des Villeneuve qu’ils conserveront jusqu’au XVIII èmesiècle avant de la vendre ensuite aux Fanton d’Andon. Cet ancien château fort est adossé à une falaise inexpugnable dont les trois autres côtés sont fortifiés.
Dressé sur une plateforme, il dominait et surveillait la voie de passage reliant Grasse à Castellane en faisant face au castellaras.
Au début du XX ème siècle, le guide touristique Moris, marquant la nouvelle vocation de Thorenc, station climatique d’été, vante «les charmes de cette délicieuse vallée où l’on ne voit que fraîches prairies, sources limpides, bois épais où les malades vont respirer l’air tonifiant des hauteurs et trouver l’Engadine sous le ciel bleu de la Méditerranée».
Une visite du castellaras et de ses environs permet de retrouver des vestiges médiévaux significatifs. Situé à 1400m d’altitude, l’acropole domine au sud le carrefour des quatre chemins au pont sur le Loup supérieur et au nord la vallée de la Lane. Le chemin d’accès prend dans un petit bosquet à gauche de la D5, au-dessus de la ferme des Valettes. Ce chemin, arrivé à un col redescend au nord sur Thorenc, c’est l’ancien chemin de Grasse à Castellane. Grimper ensuite à l’est vers le castellaras.
Les remparts, très élevés, comblent toutes les failles d’accès possibles.
Après le franchissement d’une poterne avec chicane, on trouve à l’intérieur trois bâtiments : le château proprement dit dans l’angle sud-ouest sur des à-pic impressionnants, une chapelle du XII èmesiècle dégradée, un grand bâtiment à l’usage de communs et peut être de gens d’arme et enfin une imposante citerne avec voûte écroulée au nord-ouest du château.
Non loin à l’ouest et sur une éminence, on distingue la trace d’une «chapelle Saint Jean».
Redescendant du castellaras vers le sud, l’ancien chemin longe des ruines disséminées dans d’épais fourrés. Au nord, les structures supposées d’une église, vaste rectangle de quinze mètres sur cinq, d’abside carrée. A proximité, trois grandes bâtisses à salle unique, cet ensemble laisse supposer un relais hospice pour accueillir les voyageurs affrontant l’hiver ces solitudes enneigées.
Plus au sud, dans les restes d’une enceinte, les ruines des maisons du village détruit au XIV èmesiècle, sont encore repérables.
Le site exceptionnel du castellaras de Thorenc, coiffé de ses ruines médiévales témoignant de sa fin tragique, frappe l’imaginaire au point d’avoir fait naître le mythe d’un trésor caché dans ses flancs.
Il est question là encore, comme chaque fois qu’il s’agit du Moyen Âge, d’un trésor templier et ceci bien que seuls les chevaliers de l’Ordre des Hospitaliers aient fréquenté les alentours.
Les partisans, convaincus de cette hypothèse hasardeuse, maintiennent que les Hospitaliers récupérèrent une grande partie des biens du Temple lors de sa dissolution et accueillirent en plus, bon nombre de leurs frères persécutés en 1308. Cette rumeur sera attestée en 1983-84 par les fouilles brutales conduites par une Comtesse italienne qui sonde le rocher à la dynamite pour y creuser un soi-disant élevage de vers de terre ! Ceci après avoir acheté la passivité complaisante de la Mairie propriétaire des lieux.
En effet, la municipalité avait acquis les biens de la famille Weiss, décimée dans les camps de la mort hitlériens qui possédait terrains et hôtels dans la station.
Aujourd’hui, l’ODAC (Office Départemental d’Action Culturelle) envisage de réhabiliter le site classé du castellaras, en y installant un élevage (!) d’aigles royaux, ce qui correspond mieux à la vocation naturelle de ce «nid d’aigle».
Edmond ROSSI
http://alpazur-edmondrossi.monsite-orange.fr
D’après les « Histoires et Légendes des Balcons d’Azur », pour commander ce livre dédicacé par l’auteur, contacter : edmondrossi@wanadoo.fr
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