20/08/2014
LE MASSACRE DE SAINT MARTIN DU VAR
Dans la nuit du 6 au 7 Septembre 1851, une troupe de paysans originaires d’Utelle et de la vallée de la Vésubie, fut prise en embuscade par les douaniers sardes alors qu’ils passaient sur le nouveau pont de la Madeleine, chargés de sel acheté à bas prix au Broc en France.
La fusillade qui dura une partie de la nuit fit six morts parmi les paysans. L’affaire, qualifiée de “ massacre de Saint Martin ” par les journaux de Nice et du Piémont, fit grand bruit. On prit souvent fait et cause pour les paysans, en insistant sur le fait qu’ils n’avaient pas d’armes et on eut aucune peine à monter en épingle la sauvagerie des gardes.
L’exaspération de la presse fut à son comble lorsqu’on apprit qu’ils avaient, le lendemain, célébré leur victoire à Saint Martin autour d’une bonne table, faisant ensuite le tour du village en chantant des airs déplacés, au moment où passait (c’était le 8 septembre) la procession en l’honneur de la Nativité de la Vierge. La population en fut paraît-il profondément choquée.
L’intervention des douaniers sardes marquait la volonté du gouvernement sarde de faire respecter les nouvelles lois douanières supprimant, “ grosso modo ”, les faveurs commerciales dont bénéficiait le Comté de Nice depuis le Moyen Age.
La frontière du Var entre Nice et la Provence avait pendant longtemps été facile à franchir, du moins jusqu’à la Révolution. Depuis 1815, le franchissement était devenu plus difficile, surtout en raison de la rigueur toute nouvelle des douanes françaises. Mais il subsistait par-delà la frontière des intérêts de voisinage et une identité linguistique qui permettait la poursuite des relations, sinon au grand jour, du moins plus discrètement.
La fusillade du pont Charles Albert résonnait aux oreilles des Saint-Martinois, comme un avertissement : la frontière était verrouillée et la contrebande une activité à très haut risque. Ce qui venait de se passer sur ce pont, dit aussi de la Madeleine, pouvait tout aussi bien arriver en face de Saint Martin, sur le gué conduisant au Broc. L’épisode marqua assez les esprits pour que cette affaire de la “ saou dou Broc ” (le sel du Broc) devint synonyme de correction exemplaire. Promettre la “ saou dou Broc ” à quelqu’un resta pendant longtemps la pire des menaces.
La contrebande ne s’arrêta pas pour autant, si l’on en juge par la décision de la municipalité Baudoin (1872-1875) de construire un hangar au cimetière pour y déposer les noyés, trouvés dans le Var, en faisant la contrebande du sel.
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05/08/2014
DES BARBETS VICTIMES D'UN TOUR DE COCHON !
La Révolution française, apportée par les troupes de la République en automne 1792 dans le Comté de Nice (Province du Royaume de Piémont-Sardaigne) provoqua des réactions diverses souvent teintées d’hostilité.
Les réquisitions, les pillages des troupes en campagne, les profanations de l’athéisme républicain et la conscription obligatoire ébranlèrent les fondements d’une société rurale traditionaliste, au point de déclencher une révolte comparable à la Chouannerie vendéenne.
Embusqués dans les vallées, des bandes de paysans montagnards : les Barbets, encouragés par le clergé et souvent encadrés par des nobles, officiers piémontais, menèrent une guérilla de francs-tireurs contre les troupes de la République.
La guerre de conquête, menée contre les troupes austro-sardes et leurs auxiliaires Barbets, va se poursuivre par des campagnes successives.
Enfin le 15 Mai 1796, un traité de paix, signé par Victor Amédée III, met fin aux hostilités. Le Roi du Piémont-Sardaigne renonce au Comté de Nice, qui devient le département français des Alpes-Maritimes. Les troupes françaises se retirèrent, mais les Barbets s’enhardirent. L’historien Paul Canestrier précise que loin d’obtempérer à l’ordre de désarmement du roi sarde, ces partisans optèrent pour le brigandage, ouvrirent leurs clans aux déserteurs de tous crins, aux ennemis des lois, aux criminels de profession.
Ils erraient de Lantosque à Entraunes en passant par Saint-Sauveur, Breil et Péone ; ils échelonnaient leurs pieds à terre sur les pics, dans les manoirs désaffectés, dans les grottes ouvertes sur le vide. Ils rasaient dans l’ombre les fermes éparses et fondaient sur leur proie. Ils détroussaient les voyageurs, les laissant nus et rossés. Les vieillards nous effraient en rapportant les récits précis qu’ils tiennent de leurs pères.
Les Barbets étaient plus de deux cents au-dessus de Guillaumes et de Beuil en septembre 1797. Le gouverneur de Nice détacha contre eux la garnison d’Entrevaux et recruta dans chaque village trente miliciens. On promettait une prime de 20 quintaux de froment et une somme équivalente à qui capturerait un Barbet. Le 8 Mai 1799, le général Pouget invita les habitants à se lever en masse. Le préfet pouvait enfin écrire en 1801 : “ La tranquillité et le calme règne dans cette contrée qui aurait pu devenir une seconde Vendée ”.
Voici un événement authentique, reflet de cette période trouble, parvenu jusqu’à nous d’une génération à l’autre.
L’hiver 1797, comme chaque année à la même époque, la famille Arnaud, qui demeurait à Enaux, un hameau isolé de Villeneuve d’Entraunes, avait tué son cochon. Un beau cochon bien nourri, rose et gras à souhait. Voilà que court la rumeur de la prochaine venue d’une bande de Barbets, détrousseurs de voyageurs et pilleurs de ferme. Aussitôt avec beaucoup de sang froid, la famille Arnaud décide de sauver son cochon en essayant d’attendrir les brigands.
Promptement habillé, le porc nanti d’une coiffe en dentelle, est dignement installé dans le lit de la grand-mère, dont la chambre est parée pour une veillée mortuaire improvisée. Volets fermés, rideaux tirés, cierges et crucifix posés autour et sur le lit achèvent de planter le décor. Les visages tristes, les chapelets que l’on égrène, la larme écrasée au coin de l’œil complètent la mise en scène.
Lorsque les Barbets se présentent à la modeste ferme en deuil, les pleurs sont tels qu’ils hésitent puis rebroussent chemin. Le chef aurait même esquissé un signe de croix au seuil de la chambre où reposait la chère disparue !
Sitôt le danger passé le sourire reprit ses droits. Quand au cochon, héros involontaire de cette burlesque histoire, sa dépouille fut rondement dévêtue, découpée et mise au saloir.
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20/07/2014
LA VENGEANCE DE L'AMAZONE MARGUERITE DE TENDE
“ Illustre Amazone et généreuse capitanesse ”, c’est ainsi que Nostradamus définit Marguerite del Carreto, veuve du comte Honoré Lascaris de Tende, empoisonné en 1473. Elle sut déjouer le complot visant à livrer le comté à la Maison de Savoie après l’assassinat de son époux. Menacée dans son château par les conjurés, elle réagit avec vigueur face aux dangers et trahisons, réussissant à se tirer de toutes ces aventures. Sa détermination et son courage s’expriment dans cette phrase écrite quelques jours après le complot : “ Je fais faire bonne garde, c’est pourquoi je n’ai peur de personne ”. Marguerite va non seulement se défendre mais attaquer et soumettre plusieurs comtes rebelles, suite à la disparition d’Honoré Lascaris.
Ainsi le 21 Mars 1474, la comtesse obligera son cousin Jeannet de Vintimille à céder ses droits sur certains territoires. Tout au long de l’année 1474, Marguerite va obtenir serments de fidélité et actes de soumission, du Val de Maro à Tende. De même, soucieuse d’assumer ses arrières, l’Amazone s’adressera au roi René de Provence pour confirmer l’alliance politique instaurée par le comte Honoré.
Jusqu’à la Renaissance, la politique des Lascaris de Tende coincés du Nord et au Sud par la Savoie, à l’Est par la République de Gênes et à l’Ouest par les comtes de Provence puis les rois de France, maudits par les populations limitrophes, s’appuiera essentiellement sur le peuple de Tende en rénovant leurs institutions et respectant leurs libertés. Ainsi, trois siècles durant, les Lascaris abrités dans leurs montagnes, tiendront en échec les plus puissantes maisons d’Europe.
Bientôt une rébellion éclate à Gênes contre Gian Galeazzo Sforza, duc de Milan et seigneur de Ligurie, et son alliée Marguerite de Tende, à propos des possessions et châteaux de cette dernière, situés dans le Val de Maro, revendiqués de tout temps par Gênes.
Marguerite proclame “ l’ost général ” et à la tête des milices du comté aidées de bandes de mercenaires, elle parvient à reconquérir les châteaux perdus. Jean Antoine Lascaris, fils du défunt Honoré, obtient au printemps 1479, le jurement d’obédience de ses terres. A l’automne, les Gênois reviendront vainement à l’attaque. L’Amazone avait donc raffermi son autorité sur l’ensemble de ses fiefs. Elle se voit alors offrir, en 1483, l’occasion d’assouvir une vengeance tardive.
Pierre Lascaris, coseigneur de La Brigue et seigneur du château de Préla, sur lequel la comtesse revendiquait ses droits, avait été l’un des chefs de la conjuration contre le comte Honoré Lascaris.
Navigant dans les environs de Varigotti en direction de Gênes, dont il était l’allié, Pierre Lascaris fut soudain attaqué et capturé pour être livré à Finale au marquis Nicolo del Carretto, seigneur du lieu et frère de Marguerite. Enfermé au château de Murago, le captif fut remis à la comtesse Marguerite qui le plaça dans les cachots du château de Maro.
Soumis à la torture par ordre et vengeance de la comtesse de Tende, le malheureux prisonnier verra aussi son château de Préla rasé sur ordre de celle qu’il avait trahie. La Maison de Savoie intervint en Août 1485, pour faire remettre en liberté son vassal Pierre Lascaris, mais l’Amazone fit la sourde oreille. Sa libération ne sera obtenue qu’après versement d’une rançon de 800 florins.
Les différents entre le comté de Tende et leurs cousins de La Brigue, assoupis pour un temps, reprennent bientôt à propos de la situation chaotique de la Ligurie.
Marguerite de Tende attaque par surprise le château de Préla, à nouveau reconstruit, dans lequel est retranché Barthélémy Lascaris, frère de Pierre, allié de la République de Gênes. Cette dernière n’interviendra pas, grâce à une manœuvre diplomatique de la comtesse de Tende.
L’Amazone face à qui deux évêques, un Lambert Grimaldi et la République de Gênes s’étaient inclinés, n’était pas seulement un grand capitaine mais aussi un habile stratège politique. Prévoyant l’isolement économique du comté de Tende, elle obtient en 1489 une importante concession du Duc de Savoie : la suppression de tout péage pour les sujets et le bétail de Tende, traversant les terres de Savoie pour se rendre ou revenir de Provence. Après cette dernière démarche de détente politique, disparaît Marguerite de Tende, l’une des femmes les plus remarquables de ce comté. La comtesse repose dans la chapelle St Ludovic avec son mari et ses fils à l’intérieur de l’église paroissiale de Tende, au cœur d’un fief qu’elle sut si habilement défendre et protéger.
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16:45 Publié dans Découverte du Pays d'Azur, HISTOIRE, Livre, MEMOIRE, TRADITION | Lien permanent | Commentaires (0)