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27/12/2008

POUR LES ETRENNES OFFREZ LES LIVRES DU "PAYS D'AZUR"

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24/12/2008

VENCE: QUAND LES GENETS FLEURISSAIENT A NOËL

LE CAMP DES SARRASINS.jpg

Pour resituer la menace des Sarrasins dans les Alpes Maritimes, rappelons qu’après avoir été battus par Charles Martel, les Maures se replient en Provence où ils brûlent Cimiez et Lérins en 734.

Les raids se poursuivent ensuite, avec une attaque sur Nice en 813.

A la suite de sa prise de pouvoir en 822, le comte Hugues d’Arles détruit l’armée sarrasine, avant de céder ses droits au duc de Bourgogne Rodolphe II. Les Sarrasins se regroupent alors dans la Basse Provence.

Commence à ce moment-là, une période sombre pour la Provence orientale qui durera presque un siècle de, 883 à 972.

Installés au Fraxinet (La Garde-Freinet) au- dessus  du Golfe de Saint Tropez, au Cap Ferrat et à Eze,  les Sarrasins opèrent dans toute la région, ravageant  successivement Grassse, Nice, Cimiez, La Turbie et Vence.

Le comte d’Arles Guillaumes et son frère le marquis  de  Turin Arduin fédèrent  les seigneurs locaux dans  une sorte de croisade qui aboutit en 972-974, à l’expulsion définitive  des Maures de leur repaire du Fraxinet.

Après cette glorieuse épopée, Guillaume dit «le libérateur » assoit son autorité sur une Provence indépendante en prenant le titre de marquis.

Mais la menace  insidieuse des corsaires musulmans catalans ou andalous, va se poursuivre par des raids surprises  sur les côtes des Alpes Maritimes. En 1047, l’île de Lérins est de nouveau dévastée et  les jeunes moines sont emmenés en Espagne musulmane.

L’incendie criminel de la cathédrale épiscopale d’Antibes en 1125, par les princes opposés à l’évêque, sera mis ensuite au compte des Sarrasins qui, donc, sévissaient encore dans la région.   

Qui étaient ces  pirates enturbannés venus  de  la mer ? Selon les historiens, des  muwallads espagnols convertis à l’Islam ou des mozarabes chrétiens sous domination musulmane du calife de Cordoue.

S’y ajoutaient parfois des apports du  Maghreb, comme en  934, quand  une  flotte arabe, venue d’Afrique et de Sicile, saccage la ville de Gênes.

En Espagne, le  roi d’Aragon Jacques le conquérant (1213-1276 ) atténuera le péril par la conquête de Valence et des Baléares. Il en sera de même lors de la reconquête de Murcie en 1243. 

Mais il faudra attendre 1492, pour voir les musulmans, chassés de leur royaume de Grenade, quitter définitivement l’Espagne.

Durant tout le Moyen-Age, les inquiétantes felouques des flottilles sarrasines viendront depuis leurs  bases espagnoles razzier  sans vergogne  le littoral des Alpes Maritimes.

L’apport odieux d’esclaves, femmes et enfants, enlevés sur la côte de Nice à Cannes, va constituer tout au long  de ces siècles, un commerce florissant, propre à encourager la  répétition d’attaques audacieuses dont il faudra se protéger.

Du haut des murs dressés au sommet du «Baou des Blancs», dominant collines et vallons, la vue s'étend jusqu'à la mer. De son repère aérien, Victor Roubaudy, attentif, surveille les allées et venues des Infidèles campant dans les ruines de l'ancienne cité de Vence. Les campagnes d'alentour, abandonnées et sans culture depuis trois ans, n'offrent plus que le spectacle de la désolation. Ce nouveau raid des Maures a débuté la veille par l'arrivée de voiles noires cinglant au Ponant. Débarqués sur la côte déserte, les nouveaux venus sont d'abord allés renforcer leurs frères d'arme regroupés dans l'ancienne forteresse de Cagnes.

Réfugié depuis peu à Saint Laurent la Bastide, le moine Aymard, rescapé de l'abbaye de Lérins, a témoigné dans son premier sermon des crimes et dévastations: «Les Sarrasins ont tout saccagé, détruit l'église et le monastère, des lieux les plus agréables ils en ont fait la plus affreuse solitude. Sur la côte, ils se promènent dans tout le pays portant le fer et la flamme, emmenant en esclavage une multitude de captifs. Des hommes et des femmes sont écorchés vifs, comme les Sarrasins ont coutume de le faire à l'égard des nôtres et comme nous l'avons vu de nos yeux. »

La poignée de Vençois retirés dans le nouveau village de Saint Laurent la Bastide, à l'abri des hauteurs du Baou, s'est placée sous la protection du nouveau seigneur Laugier Ruffi. Laugier a conquis ses titres de noblesse au combat, il a su organiser la défense et la vie de la petite communauté évitant les attaques et la famine. Les murs ont été renforcés autour de l'antique castelet à tour carrée. Placé au sommet de cet observatoire, Victor Roubaudy guette les mouvements de l'adversaire depuis le lever du jour.

Soudain un cri: «Les Maures! Les Maures ! . » Secouant la cloche tout en hurlant, Victor donne l'alerte. En effet, prenant la direction du vallon de Malvan, après s'être regroupés, quelques centaines d 'hommes s'avancent d'un pas décidé. Devinant la manœuvre d'encerclement, Laugier Ruffi prépare une sortie avant que l'ennemi n'atteigne le pied des murailles en contournant par le plateau. Dévalant du rocher vers le vallon, la petite troupe part courageusement à la rencontre de l'adversaire. Surpris par l'attaque, les Maures désemparés reculent puis se ressaisissent et très vite submergent les Provençaux qui succombent sous le nombre. Laugier Ruffi, après un combat héroïque où tombent à ses côtés les meilleurs de ses hommes, est fait prisonnier, entravé et traîné au pied du farouche caïd Haround el Rachid. Nous étions le jour de Noël de l'an 953. La veille, la femme du seigneur de Saint Laurent la Bastide, dame Phanette à la chevelure d'or, belle comme une madone, avait donné le jour à une fillette jolie comme un ange. L'enfant avait été baptisée Nouvette en souvenir de la nuit sacrée de Noël se disant Nouvé en provençal. Avant de partir, captif du Maure, Laugier, le vainqueur de jadis, s 'humilia en demandant une ultime faveur: embrasser son épouse sur le point de rendre le dernier soupir et sa fille qui venait de naître. Magnanime, Haround accepta et proposa un bien étrange marché: «Retourne dans ton château, nous ne troublerons plus la paix des terres dont tu es le maître. Mais dans vingt ans, jour pour jour, mon fils viendra réclamer la main de ta fille, à cette condition je t'offre la liberté à toi et aux tiens qui vous êtes si bien battus ! »

Libre, Laugier Ruffi reprit le chemin de Saint Laurent la Bastide où, après avoir pleuré la mort de Phanette, il se consacra tout entier à sa fille. Au fil des années, Nouvette grandissait en beauté et en sagesse. Dans toute la contrée chacun vantait la douceur de ses traits, son charme et sa vertu. Mais le retour du Maure approchait. Laugier avait dissimulé à sa fille le terrible secret qu'il gardait enfoui au fond de son cœur tourmenté. Préparant l'assaut final contre les dernières bandes sarrasines qui infestaient encore le pays, Guillaumes le Roux Comte de Provence, déjà nommé le «libérateur», passa en automne par Saint Laurent la Bastide. Il y fut dignement reçu par Laugier Ruffi et les seigneurs d'alentour. A la fin du banquet, Guillaumes troublé par la beauté de Nouvette glissa à l'oreille de son hôte: «Je vous envie d'avoir un pareil joyau, il va pourtant falloir songer à vous en séparer pour la marier à l'un de nos preux chevaliers. Les prétendants seront nombreux! Je serais flatté de revenir parmi vous pour ses épousailles. » Laugier, confus et honteux, rougit sous le compliment n'osant révéler que sa fille représentait le prix de sa liberté.

En dépit du temps qui passait, l'odieux serment torturait la mémoire et le cœur du père de Nouvette. Les saisons s'écoulaient rapprochant toujours plus la date de l'échéance fatidique.

L'avant veille de Noël 973, alors qu'on s'activait déjà aux préparatifs de la fête, trois voiles sombres apparurent à l'horizon contournant le Cap d'Antibes. Le lendemain un émissaire du fils d'Haround el Rachid prévenait le malheureux Laugier Ruffi qu'il allait devoir exécuter sa promesse et lui livrer sa fille, rançon de l'impitoyable marché conclu vingt ans plus tôt jour pour jour. Le Maure promettait en outre à Nouvette un sort enviable, comme favorite de son harem.

Devant l'imminence du péril, le seigneur de Saint Laurent la Bastide terrassé par le poids de sa conscience, s'agenouilla dans la petite chapelle contiguë au château. Après avoir imploré la grâce divine et offert son âme et son corps pour expier la faute, il se décida enfin à avouer sa lâcheté.

Prévenue, Nouvette tomba en larmes, révoltée contre le sort injuste qui l'attendait. Nous étions le soir de Noël. Déjà la troupe des Maures confiante s'installait sous les remparts du château éclairés par la lune. Des tentes dressées s'échappaient des flots de musique étrange mêlés aux fumets des moutons rôtis pour fêter l'accueil de la promise.

La fille du seigneur de Saint Laurent la Bastide s'avançait déjà effleurant une dernière fois les genêts accrochés au bord de la falaise. Penchée vers le vide elle murmura : «Je ne vous verrai plus fleurir belles «ginestres» de ma Provence», implorante elle ajouta : «Si vous pouviez me protéger et m'épargner l'exil au pays de l'Infidèle! Aidez-moi ! » Supplia-t-elle. Simultanément et comme en écho à ces paroles, les douze coups de minuit s'égrenèrent au clocher de la modeste chapelle du château.

A ce signal et comme sous l'effet des chauds rayons du soleil de juin, tous les genêts se dressent, s'épanouissent et fleurissent formant mille haies défensives devant les Sarrasins déconcertés. Dans la campagne environnante autant de piques acérées couvertes de fleurs inondent le paysage d'une lumière dorée. Devant ce sortilège, attaqués de toute part par les flèches jaunes, les Maures abandonnent leur camp et s'enfuient en désordre vers la côte. Le jour qui suivit, ils levèrent l'ancre et disparurent à jamais du pays vençois.

Quelques mois plus tard, le 21 juin alors que les précieux genêts fleuris embau­maient les collines et les vallons, la douce et tendre Nouvette épousa en grande pompe le beau et brave Pons, fils de Rodoard, prince d'Antibes et seigneur de Grasse.

Les festivités du mariage se poursuivirent dix jours durant à la grande joie de tous. Plus tard sept enfants concrétisèrent cette union heureuse. Vence renaquit de ses ruines, la princesse s'y installa et vécut de longues années de bonheur dans sa chère Provence.

D’après « Les Légendes et Chroniques insolites des Alpes Maritimes » (Equinoxe-éditions Saint Rémy de Provence), pour commander cet ouvrage dédicacé de 23 € : téléphoner au 04 93 24 86 55.

Avec les "Légendes et Chroniques insolites des Alpes Maritimes", Edmond Rossi, auteur niçois de plusieurs ouvrages sur le passé de son pays, nous offre un recueil d'une centaine de relations confondant la vérité historique et l'imaginaire de la légende.

Pour tous ceux qui désirent connaître non plus une Côte d'Azur artificielle mais une terre de culture et de mémoire, ce recueil constitue une promenade originale puisée aux meilleures sources.

Les Alpes Maritimes possèdent un particularisme né d'un isolement géographique, terre de contraste. Elles offrent une tradition enracinée dans un passé fertile en anecdotes souvent ignorées.

Merveilleux voyage que ces récits qui vont des légendes des origines aux chroniques d'un millénaire de défis naturels, se poursuivant vers des villages du bout du monde pour y traverser un passé où se croisent les silhouettes d'illustres personnages et l'ombre inquiétante des sorcières.

Laissons nous conduire dans les coulisses secrètes de ce théâtre factice qu'est la Côte, vers l'intérieur de ce pays d'Azur, à quelques pas du littoral, pour en découvrir et en pénétrer l'âme.

 

Pour en savoir plus sur un village typique chargé d’anecdotes et d’images du passé : Cliquez sur

http://saintlaurentduvarhistoire.hautetfort.com

 

 

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17/12/2008

ALPES MARITIMES: EXORCISME ET CHASSE AUX SORCIÈRES (SUITE)

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Mais à côté de ces innocentes croyances populaires, confirmant un terrain propice à l’accueil de pratiques plus audacieuses, les chroniques du passé nous restituent les tragiques épisodes d’une impitoyable chasse aux sorcières.

Les potences et les bûchers vont se dresser aux quatre coins des Alpes Maritimes, pour punir les malheureuses « mascas » accusées de pactiser avec le Diable.

En 1428, plusieurs femmes seront pendues devant la population rassemblée à Sospel. Dans cette même bourgade, en 1446, une femme sera brûlée vive à cause de ses maléfices. Plus haut, à Saint Etienne de Tinée, une femme et ses deux filles monteront sur le bûcher en 1437 pour crime de sorcellerie. Une autre sera pendue en 1451 à Nice. Ces exécutions étant indépendantes de celles évoquées précédemment, relatives à la poursuite des partisans des hérésies.

A cette époque, l’Eglise pouvait rendre la justice, ce privilège ne sera aboli en France qu’en 1790. Jusque-là et particulièrement au XV ème siècle, les autorités ecclésiastiques persécutèrent sans relâche tous ceux qui s’écartaient des préceptes par leur conduite, s’exposant dans leurs égarements à l’hérésie ou à la sorcellerie.

S’il est admis, « qu’il n’y a qu’un sorcier pour dix mille sorcières » et que la « masca » est du féminin, nombreux furent les hommes poursuivis devant les tribunaux pour les mêmes délits

L’enquête initiée au XIX ème siècle par Mgr Dominique Galvano, évêque de Nice, permet de connaître l’état d’esprit des populations des Alpes Maritimes à cette époque, en matière de pratique et de croyance religieuse.

En 1836, le prélat adresse à tous les curés de son diocèse un imprimé en préalable à ses visites pastorales de 1838, 1839 et 1840.

Une rubrique, relative aux superstitions et aux rites étrangers à l’Eglise, reflète les mentalités des habitants, particulièrement sensibles à la sorcellerie dans le Haut-Pays.

Voici quelques exemples révélateurs, extraits de ces notes.

A Guillaumes, le curé Coste précise au sujet des gens du hameau de Bouchanières que  « les superstitions, vices et abus principaux sont ceux-ci : croire aux sorciers et agir en conséquence ; placer la lune presque en tout ; croire que le son des cloches garantit de la grêle et autres ridiculités semblables ».

Le prêtre de Saint Antonin signale : « Dans leur misère et leur infortune et aussi leur grossièreté, il y a des gens qui croient que les sorciers sont leurs ennemis et c’est pourquoi ils croient aussi aux devins et ils vont les consulter jusqu’à trois fois ».

Plus bas, à Sigale, : « Certains croient, mais en petit nombre, aux sortilèges, aux devins que l’on consulte en cas d’infortune ou de maladie ».

A La Penne : « On croit aux sortilèges ».

Toujours dans la vallée de l’Esteron, à Roquesteron : « On va consulter les « devineuses » et on pratique ce qu’elles prescrivent pour guérir les maladies ».

Et encore à Cuébris : « l’on croit quelques fois aux devineresses et on les consulte dans leurs adversités ».

Plus loin à Toudon : « Certains croient aux sortilèges et aux maléfices et à la vertu des cloches qui protègent contre les effets des tempêtes et des bourrasques ».

Dans la vallée du Var, à Villars, « On sonne les cloches en temps de tempête ou lorsque tombe la grêle ». De même à Beuil où l’on fait appel aux cloches, « pour chasser le mauvais temps ».

Jugée efficace, cette pratique était authentifiée au point que de nombreux villages des Alpes Maritimes comme Belvédère, Coaraze, Guillaumes, La Tour, Saint Jeannet, Valdeblore possédaient un carillonneur attitré que sa fonction entraînait vers le clocher à la moindre alerte. Certains d’entre eux perpétuent encore cet usage profane et d’autres possèdent toujours une cloche baptisée « Salva Terram » qui sonnait spécialement les jours d’orage.

Enfin, le curé de la paroisse niçoise de la cathédrale de Sainte Réparate reprochait à ses fidèles « d’avoir recours aux cartes pour tenter de gagner à la loterie » !

Toujours au XIX ème siècle, la fin troublante du grand violoniste Paganini à Nice est toute aussi révélatrice de la mentalité de la société de cette époque.

Le 27 mai 1840, une étrange nouvelle se répandait dans la ville : « Le Diable est mort ! ». Pourquoi ce qualificatif inquiétant ?

Dans le Vieux-Nice, on se méfiait de la présence de cet individu bizarre, au profil d’aigle, squelettique, au visage sans joues, aux cheveux sales couvrant le col. Depuis quelques semaines il n’apparaissait plus, était-il malade ? Oui, un pharmacien confirmait la nouvelle, il était atteint d’un cancer au larynx.

La rumeur s’enflait quand on apprit qu’un curé, Don Caffarelli, s’était présenté

plusieurs fois chez lui, pour lui administrer l’extrême onction et chaque fois dans un démoniaque sursaut d’énergie, Paganini avait envoyé le prêtre au Diable !

Dans le passé aussi, chaque fois qu’un représentant de l’Eglise était venu le solliciter pour des dons, il s’était fait sauvagement mettre à la porte.

De plus, ruiné, après la faillite d’un casino monté à Paris, il avait dû se réfugier à Nice, pour fuir la police française jetée à ses trousses.

Il se cachait au 23 rue du Gouvernement (l’actuelle rue de la Préfecture), dans un appartement mis à sa disposition par un de ses admirateurs, le Comte de Cessole, président du Sénat de Nice. Pourquoi portait-il cette étiquette diabolique ?

Il fallait lui reconnaître un tempérament volcanique qui s’exprimait par une surprenante virtuosité. Tous les musiciens du monde étaient à ses pieds, car partout où il jouait, il mettait ses auditoires en transes.

Nice se souvenait de ses concerts donnés quatre mois plus tôt, en décembre, le journal relatait alors la réaction d’un aveugle, ne voulant pas croire que Paganini était seul sur scène, à tirer autant de sonorités de son violon : « s’il est vraiment seul, c’est le Diable ! Fuyons, Fuyons ! ».

Il était même question de son « secret », évoqué par le poète Rosalinde Rancher, chacun souhaitait qu’il le révèle avant sa mort !

Enfermé dans son appartement du Vieux-Nice, Paganini restait sourd à ces sollicitations. Pourtant, n’avait-il pas déclaré au poète allemand Heine : « J’ai un secret : C’est le Diable qui me guide par la main ! ».

Deux jours après sa mort son corps était transporté à l’hôpital Saint Roch, pour y être embaumé.

Déjà la légende d’un être surnaturel, voir satanique, se répandait autour du port où des marins venus de Gênes, rappelaient les origines du violoniste, fils d’un docker de là-bas. A la veille de sa naissance, le 27 octobre 1782, sa mère avait vu le Diable en songe et celui-ci lui avait annoncé : « Teresa, forme un vœu pour ton fils Niccolo qui va naître !

– Qu’il soit le plus grand violoniste du monde !

– Il le sera ! ».

Les soupçons devenaient des doutes, la légende faisait place aux certitudes et les Niçois se persuadaient sérieusement que Satan venait de mourir chez eux. Les femmes se signaient dans la rue du Gouvernement où des musiques insolites émanaient des murs de l’appartement du défunt.

Cette émotion atteignit jusqu’à l’évêque Mgr Galvano qui prit la décision d’écarter Paganini de toute sépulture chrétienne. Son corps serait jeté dans le Paillon ! Etrange fin pour le plus grand violoniste de tous les temps ! Son ami le comte de Cessole ne pouvait l’admettre.

Sans s’opposer à la décision épiscopale, il cacha le corps de celui que l’Eglise estimait habité par Satan, d’abord dans une cuve à huile de sa propriété.

Les errances posthumes de Paganini se poursuivront ensuite pendant plus d’un demi-siècle, après que son cas fut examiné par le roi Charles Albert et le pape Grégoire XII ! Elles s’achèveront à Parmes dans la consécration et la gloire, en  1896.

A cette même époque, dès 1873, le Carnaval de Nice développe ses fastes avec une intensité nouvelle, exhibant dans les rues des personnages allégoriques où le Diable occupe une place privilégiée. Satan, Faust, Lilith et ses sorcières règnent en maîtres sur les chars, particulièrement en 1879. Méphisto sera tout aussi majestueux plus tard, en 1929. En 1884, « l’Enfer au Carnaval », tout comme en 1890 « La Redoute aux Enfers » et 1895 avec « La Fumisterie » (cuisine infernale) reprennent le thème avec complaisance. Le « Babaou », sorte de dragon cracheur de feu, apparaît dès 1882. Ce monstre effrayant, tout comme l’horrible « Ratapignata » (chauve-souris), fréquentera ensuite les corsi avec assiduité et une vigueur ostentatoire.

Les sorcières, accueillies avec la même ferveur, étalent leurs sabbats endiablés dès 1884. Leur présence animera avec fougue la suite des cortèges carnavalesques jusqu’à nos jours. Ces expressions traduisent les fantasmes d’une population qui mêle pour un temps, l’imaginaire au vécu, dans un psychodrame destiné à conjurer ses propres craintes.

Plus près de nous, dans l’entre-deux-guerres, les Niçois se rendaient à Saint-Jeannet, renommé pour être le village des sorcières, ces affidés du Diable.

Là, dans ce creuset de pratiques magico-superstitieuses et de remèdes de bonne femme d’un autre âge, chacun savait pouvoir trouver le réconfort et la paix du corps et de l’âme.

 

D’après « Les Aventures du Diable en Pays d’Azur » (Alandis-éditions Cannes), pour commander cet ouvrage illustré et dédicacé de 18 € : téléphoner au 04 93 24 86 55

Où mieux rencontrer le Diable que dans les Alpes Maritimes, sur ces terres chargées de contrastes où s’opposent mer et montagne, au carrefour de la Provence et de l’Italie ?

Ici, le Diable est aussi à l’aise sur la Côte d’Azur où s’étalent d’outrageantes richesses que  vers l’intérieur où se cachent une humilité austère.

Puits du Diable, Château du Diable, Cime du Diable, longue est la liste des sites, marqués par la forte empreinte de celui qualifié par Bernanos de « Singe de Dieu ».

De Nice, à la Vallée des Merveilles, devenue son « domaine réservé », le Diable hante les villages, plastronne sur les murs des chapelles et persiste à enflammer l’imaginaire de ses habitants.

Il fallait raconter l’extraordinaire aventure du Diable dans les Alpes Maritimes. Grâce à Edmond Rossi, auteur niçois de plusieurs ouvrages sur l’histoire et la mémoire de son pays, cette lacune est aujourd’hui comblée.

Laissons-nous entraîner, à travers les siècles, sur la piste attrayante et mouvementée, de l’éternel et fascinant tourmenteur du cœur et de l’âme.

 

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