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16/03/2011

A SAUZE,“ LE PASSE EST PASSE, LE PRESENT ME TOURMENTE, L’AVENIR M’EPOUVANTE ” (devise des Faucon de Sauze)

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Pour atteindre les plateaux ensoleillés de Sauze, où sont disséminés plusieurs hameaux, il faudra vous hisser depuis Guillaumes et les bords du Var grâce à une route serpentant en une vingtaine de lacets. Parvenu à une altitude moyenne de 1.300 m., vous pourrez à loisir retrouver maints témoignages de la vigueur passé de ce terroir.

Le bourg de Sauze, ancien hameau de Guillaumes, érigé en commune au XVIIIème siècle, contrôle plusieurs écarts favorisés par la dispersion des terres cultivables (Sauze-vieux, Villetalle, Selves, les Moulins).

Ces terrasses bien exposées, abritées des vents du Nord, accueillaient déjà les premiers hommes. Leur présence nous est révélée par des tombes du Néolithique retrouvées à l’intérieur de la grotte de Trémens (les “ tremblements ” de la peur), située dans le vallon de Cante.

Une pierre, avec un fragment d’inscription romaine, ainsi que des tuiles ont été mises au jour au quartier de Champ Garcin. Ces vestiges attestent d’une pénétration romaine du Haut Pays, ainsi que d’une colonisation des tribus ligures du lieu dans la période du Bas-Empire (IVème siècle).

Une famille seigneuriale originaire de Faucon, dans la vallée de l’Ubaye, où un Rostang de Faucon avait participé à la fondation de Barcelonnette, va présider aux destinées de Sauze sous l’Ancien Régime de 1481 à 1792.

La commune de Sauze formait deux fiefs, celui de Sauze - de loin le plus important - et celui du Quartier, peu habité, correspondant au hameau des Moulins. Dès le XVIIème siècle, un canal long de sept à huit kilomètres dit “ canal des seigneurs ” conduira l’eau depuis le vallon d’Enaux jusqu’aux fiefs  de Sauze (moulins et campagnes). En 1570, les trois frères Claude,Jacques et Honorat de Faucon - tous trois chefs de famille - résidaient à “ Sauze-Ville ” comme coseigneurs indivis du fief de Sauze.

La demeure des seigneurs, une maison banale ne se signale que par l’étrange devise citée en titre. Cette dernière est gravée dans la pierre du mur de la salle commune, sous une rosace.

Au gré des mariages, d’autres coseigneurs vont s’installer sur certaines terres à compter du XVIème siècle : Ferrero ou Ferré, Sauvera, Dominici (bourgeois de Guillaumes) et même les Grimaldi de Beuil pour le fief du Quartier.

Ces quelques nobles et bourgeois titulaires de droits seigneuriaux préfèreront s’enfuir au moment de la Révolution, entraînant des prêtres dans leur sillage.

Dès le Moyen Age, Sauze comprenait plusieurs montagnes pastorales appréciées. Au XVIème siècle, les plus importantes appartenaient à la famille seigneuriale des Faucon qui les louait. La communauté réservait sa montagne pastorale pour le troupeau communal, dans lequel chaque famille pouvait mettre l’été son menu bétail. En 1580, on comptait à Sauze 45 “ trentaniers ” soit environ 1.350 ovins et caprins. Les pâturages étaient loués à des bergers étrangers venus généralement de la Crau (Miramas, Istres). Les dates de transhumance dépendaient des conditions climatiques : montée fin Mai, descente fin Septembre (St Michel) ou fin Octobre (St Simon). Le bayle ou chef berger recrutait à Sauze quelques aides qui plus tard quittaient leur village pour suivre le troupeau et s’installer en Provence (Salon, Arles, Aix et Draguignan). Le troupeau communal était confié à un chef berger agréé par le conseil de ville, rémunéré par une taxe minime par tête de bétail plus une rétribution en blé et fromages.

Mais la richesse de Sauze ne se limitait pas à sa seule vocation pastorale. L’altitude moyenne et la bonne exposition favorisaient autrefois les cultures céréalières et le plateau de Sauze était qualifié de “ grenier à grains du canton ”. La culture des lentilles tenait également une place appréciable. Ainsi sa promotion s’opérait traditionnellement pour la Fête-Dieu où chaque famille servait à tour de rôle une soupe de lentilles à la population réunie au sortir de la messe.

La grotte-refuge de la montagne de la Lare avec citerne permettait aux habitants de Sauze de se réfugier en période d’insécurité ou d’épidémie. Distante d’un bon kilomètre du village, creusée dans une falaise, elle aurait été occupée au Moyen Age et encore en 1690 comme l’atteste la gravure de ce millésime sur une des parois de la grotte. Marche frontière après le passage de la Provence sous souveraineté française en 1481, Sauze comme ses voisins sera condamné à subir les ravages causés par des conflits inutiles et renouvelés opposant la Maison de Savoie aux rois de France, du XVIème au XIXème siècle.

Autre vestige, une pierre écrite en latin, enchâssée dans le mur d’une bâtisse située à Chana-Pastoun aux Moulins, témoigne de la prudente réflexion d’un habitant du lieu, voici sa traduction : “ Prends garde au vin et aux femmes 1787 JO ”.

Cette méfiance n’est peut-être pas étrangère au retentissant enlèvement d’Anne Baretta de Sauze par le prêtre Aillaud de Daluis, qui fut pour cela condamné aux galères en 1672.

Le premier recensement connu signale 45 feux soit environ 240 habitants à Sauze en 1315. La vie sociale, écho de la vigueur économique de l’âge d’or du XVIème siècle, où s’activaient quelques 500 habitants, nous indique la présence d’un forgeron maréchal-ferrant, d’un menuisier, de trois tisserands (2 en draps, un en toile), d’un savetier, d’un marchand de vin, d’un aubergiste, d’un garde champêtre, d’un notaire ainsi que d’une scierie communale.

Ces artisans œuvraient surtout l’hiver, se réservant l’été à la culture de leurs terres. On retrouve 300 Sauzois en 1715, 389 en 1838, mais seulement 179 habitants en 1911 avec trois institutrices et deux curés. Le déclin s’accélère avec 140 habitants en 1930 vivant avec deux institutrices et un curé, une épicerie, un bar et un moulin à farine. Aujourd’hui, la population s’est stabilisée autour d’une soixantaine de personnes.

Quelques curiosités s’offrent encore aux visiteurs de cet attachant village :

Dans l’église, trois tableaux du XVIIème siècle : le retable du chevet représentant une vierge à l’enfant - œuvre d’un petit maître itinérant d’Avignon datée de 1622 - entourée des Saintes Anne, Catherine et Brigitte. A gauche, une autre vierge à l’enfant de Viani de Vence datée de 1647, et à droite un tableau de Charles Emmanuel II offert par le prieur Trouche en 1649. Mais surtout l’étrange bénitier en pierre sculptée dont la vasque repose sur une colonne hexagonale décorée d’une croix, de béliers sur pattes et d’un serpent ondulant entre trois têtes humaines.

De tradition celtique, les têtes humaines sculptées dans la pierre sont particulièrement abondantes à Sauze, aussi bien sur les façades du village qu’à l’intérieur de la paroissiale. Leur rôle protecteur a été évoqué par les spécialistes.

Sur le mamelon surmontant le village, on retrouve les décombres de l’ancien château féodal.

Autant de raisons pour vous inciter à découvrir Sauze.

  

D’après «Les Contes et Légendes du Pays d’Azur» (Editions Sutton),

En vente sur Internet http://www.editions-sutton.com

ou dédicacé, au prix de 23 euros, plus frais d’envoi, en téléphonant au 04 93 24 86 55

 Les « Contes du Pays d’azur » ont pour cadre l’extraordinaire décor qui s’étend des Alpes du massif du Mercantour aux rivages de la Côte d’Azur.Dans cet univers tout est possible, puisque les outrances de la nature dépassent souvent les excès de l’imaginaire.

 Les contes, histoires orales nées de la tradition populaire, attestent au travers du merveilleux de réalités historiques authentiques.Reflets du passé, ces récits constituent les fondements de la mémoire collective d’un terroir au particularisme évident.

 Edmond Rossi, écrivain niçois, auteur de différents ouvrages traitant de la riche histoire de sa région, témoigne à nouveau ici, en présentant une anthologie des contes les plus passionnants du Pays d’Azur.

 Ce fabuleux florilège s’étend des mythes des origines aux relations insolites précédant l’apparition de la télévision, fatale à l’expression orale des veillées.

 Les « Contes du Pays d’Azur » nous ouvrent la porte d’un  univers où l’émotion se mêle souvent à la magie du mystère.Pour un temps, laissons-nous entraîner vers ce monde troublant pour y retrouver la chaude et naïve simplicité des récits de nos ancêtres. 

Pour en savoir plus sur un village typique chargé d’anecdotes et d’images du passé : Cliquez sur

http://saintlaurentduvarhistoire.hautetfort.com

12/03/2011

SAINT AUBAN, HISTOIRE ET LÉGENDES D'UN VILLAGE DU PAYS D'AZUR

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HISTOIRE DE SAINT AUBAN

Entouré d’un site verdoyant, Saint Auban, confortablement adossé sur le versant d’une échine rocheuse, veille sur un carrefour stratégique important.

De la préhistoire nous conservons l’actuelle forêt de hêtres vestige de la forêt primaire, ainsi qu’un menhir ou pierre dressée sur l’ancien chemin gallo-romain, menant aux Lattes. 

Au début du XIIème siècle la famille seigneuriale des Garac de Castellane, descendante indirecte des Comtes Griffon possède le fief de Puget Mallemort.Lorsque Charles 1er d'Anjou, Comte de Provence, installe son autorité dans les Alpes Maritimes (1258) que les Génois s'efforcent d'attirer, il rencontre dans cette région centrée sur Glandèves une résistance qu'il devra sévèrement réprimer.Dans ce contexte, Guillaume du Puget ou de Saint Alban (Guiglielmo de San Albano) à la fidélité douteuse devra abandonner ses fiefs : Puget-Théniers (se verra accorder des lettres patentes d'affranchissement), Auvare, Saint Benoît, Massoins, Puy Michel. Il recevra en échange, après la victoire le 14 septembre 1278, les parts et juridictions que le Comte possédait au Muy et le château de Tracastel avec le fief de Puget de Mallemort. Voilà comment Puget de Mallemort devint Saint Auban. Le nouveau seigneur, détesté de ses sujets, commit de nombreuses exactions, prélevant une dîme exagérée sur les habitants, ce qui entraîna leur révolte. Lors de sa fuite à cheval le Seigneur de San Albano fut arrêté et massacré à l’endroit où se dresse la Chapelle de Saint Auban. La légende voudrait que le Seigneur, pour atteindre ce lieu, fit un saut gigantesque à cheval du haut de son château de Tracastel, il disparut ensuite sans laisser de trace. 

Sur le même emplacement une source jaillit encore visible de nos jours. Cette source longtemps considérée comme miraculeuse attirait des pèlerins venus là pour y tremper leurs pieds.

L’actuel buste du Saint, de cette chapelle Saint-Auban, représente un guerrier, avec casque et armure, peut-être inspiré par l’histoire.

Le Comte de Castellane fonde la paroisse de Sancto Albano (citée en 1166) sur un site voisin de la chapelle romane de Veraillon, au nord de l’actuel Saint Auban.

Un habitat se forme autour de la nouvelle église. Simultanément et pour des raisons militaires, une forteresse est dressée avant 1164, au-dessus du verrou formé par les clues de l’Esteron, contrôlant l’accès vers le nord. Le village initial est alors déplacé à proximité du château féodal de Tracastel, pour former le castrum de Sancti Albani.

De cette époque médiévale, subsiste aujourd’hui au sommet du village de Saint Auban les ruines du premier château féodal cité au XIIIème siècle. Ces vestiges se composent du donjon et d’une enceinte qui le protège de ses remparts.

Le site est dénommé au début "Puget de Mallemort", parce qu’édifié sur une butte (ou une hauteur comme tous les Pugets) et Mallemort, à cause des condamnés à mort précipités à cette époque dans l’Esteron depuis le haut de la falaise !

Comme la plupart des villages de la région, qui au cours du Moyen Age descendirent plus bas par rapport à leur site primitif, Puget de Mallemort sera abandonné au profit de l’emplacement de l’actuel village, construit avec les ruines de Mallemort.
Saint Auban et ses environs comptèrent jusqu’à 3 000 habitants, avec trois proconsuls à l’époque romaine.

Les gens se nourrissaient alors de glands, de pêche et de chasse.

La plaine de Saint-Auban restait marécageuse soumise  aux petites sources jaillissant au pied du Pensier. Le Brunet est encore aujourd’hui particulièrement humide, avec ces vieilles maisons tombées en ruine.
On donnait aux animaux comme nourriture, les faines de hêtre en évitant qu’ils s’empoisonnent avec l’enveloppe des fruits à cause de la fagine. Une immense forêt couvrait les pentes du Pensier.
Cette forêt est demeurée infestée de loups, lesquels attaquaient le bétail et les hommes. Aussi ces derniers utilisèrent-ils les grands moyens pour s’en débarrasser.
Les habitants des villages qui entouraient la forêt de Pensier se mirent d’accord et au  signal convenu, incendièrent la forêt. Ce gigantesque incendie dura plusieurs jours et les loups disparurent à jamais. C’est de là que viendrait le nom de Garou, forêt brûlée. En se promenant aujourd’hui sur les crêtes du Pensier, on trouve encore des cailloux noircis.
Au temps de sa splendeur, Saint Auban n’était pas la localité la plus peuplée. De nombreux habitants vivaient à l’Hôpital qui bénéficiait d’une source abondante (actuellement captée pour le village), ainsi que d’un micro-climat favorable aux cultures. De l’Hôpital à Laval, s’étendaient les terrains cultivés dont subsiste encore les restanques construites de gros blocs de pierres d’origine antique. 

En 1180, un foyer de guerre s’allume en même temps à Castellane et Grasse qui aboutira en 1189 au siège de Castellane par les troupes comtales. Lorsqu’un nouveau soulèvement s’opère en 1196 à l’initiative de Guillaume IV de Forcalquier, hostile l’autorité du Comte de Provence Alphonse II, une expédition est organisée au départ de Grasse contre les places fortes rebelles du Pays grassois. Thorenc est enlevé et le col de Bleyne franchi.

Les troupes du Comte buttent sur le château de la Faye, proche de Saint Auban qui tombe après un siège. Pour isoler Boniface de Castellane de l’aristocratie grassoise hostile à son pouvoir, le Comte de Provence confie vers 1200 aux chevaliers Hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem, corps d’élite qui l’a secondé durant ses opérations, la maîtrise d’une ligne de forteresses de Comps à Saint Auban. Pugnefort et La Faye feront partie de ces défenses.

Après la défaite des aristocrates révoltés, le Comte de Provence choisit le castrum de Sancti Albani comme siège d’un bailliage. Ce même castrum figure dans la Liste des Castra en 1230, dans l’Enquête de Charles d’Anjou en 1251-52 et enfin en 1325 dans la viguerie de Grasse.

La baillie de Saint Auban aurait été créée après 1241 par le Comte de Provence avec le souci de séparer les six castra d’Amirat, Briançonnet, Gars, le Mas, Montblanc et Ubraye du reste des castra de Glandèves. D’autres raisons plus stratégiques auraient prévalues en reliant les deux points fortifiés du pouvoir comtal dans la vallée de l’Esteron : Saint Auban et le groupe d’Olive, Les Ferres, le Moustier de Saint Honorat, Gerbières ; pour cela, les castra d’Aiglun, Conségudes, Roquesteron, Sigale et Sigalon seront retirés de l’évêché de Glandèves.

De plus, la vallée et son axe de communication seront placés sous une autorité unique.

Mais la raison majeure reste incontestablement la surveillance de la baronnie de Castellane voisine, tout en mettant à part les fiefs les plus sûrs de l’évêché de Glandèves.

Au début du XXème siècle, on pouvait encore voir la Chapelle de l’Hôpital. Elle n’était pas totalement en ruines, seul le toit commençait à s’effondrer.

On a retrouvé une toile datant de 1260 représentant une descende de croix, qui avait été confiée au Curé Faissolles (cette toile a été malheureusement brûlée par l’ecclésiastique qui vivait avec lui).
En effectuant des fouilles pour capter la source de l’Hôpital, furent mises au jour les ossements d’un cavalier romain enfouis sous un gros rocher. Mêlées aux ossements, quelques pièces d’or et d’argent, attestent la domination romaine la région.

Il n’y eu jamais d’hôpital au village, l’origine du mot est en rapport avec l’Ordre des hospitaliers présents au Moyen-âge dans ce secteur.
Le village initial bâti sur le Tracastel se situait aux limites Est de la Provence. La frontière passait sensiblement au Col de Bleyne.
La grotte actuelle que l’on aperçoit au-dessus et à l’entrée de la Clue, constituait un repaire de contrebandiers. Lesquels descendaient du sommet de la montagne, comme des alpinistes, par une corde en rappel.
 Au XIVème siècle, la viguerie de Grasse englobera non seulement l’évêché de Grasse mais aussi la baillie de Saint Auban qui disparaît.

Si l’histoire révèle ce territoire dès le XIme siècle, elle mentionne une famille seigneuriale du lieu en 1200 et en 1208 dans l’entourage du Comte à Grasse.

En 1323, la petite communauté est affouagée. La Faye apparaît ensuite en 1338, comme une dépendance de la commanderie Hospitalière de Comps, occupée par des religieux, probablement fortifiée, avec domaine agricole.

L’église de la Faye s’acquittera encore de la taxe synodiale au XVIème siècle.

Au Moyen Age, on cultivait surtout le chanvre avec un moulin particulier, sensiblement à l’emplacement actuel du garage des Pompiers, d’où son nom de col du Moulin.
Plus tard, seront construits deux moulins à farine, l’un à l’entrée, et l’autre à la sortie de la Clue. 

Dans le village, un second château du XVIème siècle, remanié avec façade classique, héberge actuellement la gendarmerie. Sur le territoire communal, il est possible de retrouver au quartier de la Faye, les restes des anciens ouvrages défensifs conquis et occupés par les Hospitaliers au début du XIIIème siècle, à l’extrémité de la crête dite de la Faye. Au nord, dans le vallon de « l’Hôpital », une ferme voisine avec les ruines d’une église romane.

Par héritage du Roi René, la Provence fut rattachée au Royaume de France, sous le règne de Louis XI en 1481, ensuite Saint Auban ne quitta plus jamais le Royaume de France.
En 1718, suite à un accord amiable de rectification de frontière entre le Roi de France et le Duc de Savoie le Mas fut rattaché au Royaume de France, et Val d’Entraunes cédé au Duc de Savoie.
Saint Auban possédait jadis un Palais de Justice, qui devint le siège du Juge de Paix, puis le Bureau de l’Enregistrement. Nul doute que les belles pierres que l’on trouve dans cette maison, proviennent de l’ancien village de Puget de Mallemort.

 

Anecdotes :

 

Une légende, en rapport avec les possessions des Templiers à Soleihas, près des sources de l’Esteron et en amont de Saint Auban, fait état d’un trésor qu’ils auraient enfoui dans une bastide sur les pentes de la montagne du Teillon.

A la fin du XIVème siècle, après la disparition des célèbres moines à la croix rouge, une bande de brigands venus pour investir le village ne fut repoussée que par l’incendie de la forêt du Teillon. La bastide templière disparut dans les flammes. Des années plus tard, un berger découvrit une pépite d’or dans l’Esteron, il eut la candeur de l’apporter au seigneur de Saint Auban. Ayant deviné sans mal son origine, le baron fit taire son naïf serviteur en lui coupant la langue. Puis, ingénieux, il fit placer un fin grillage dans les clues, au travers de l’étroit cours d’eau, sous prétexte d’user de son droit de pêche. Pendant les décennies qui suivirent, la famille souveraine du lieu s’enrichit au gré des crues, puisant l’or dans les limons du ruisseau.

Un malheureux éboulement ensevelit un jour la grille et le filon, mettant fin à la précieuse dîme prélevée sur l’Esteron.

Autre chimère générée par l’ardent métal et toujours à Saint Auban, celle des mystérieuses opérations conduites par un alchimiste-faiseur d’or venu se cacher là au XVIIIème siècle.

C’est dans le château de Saint Auban, qu’opéra en 1710 Jean Troin dit De l’Isle, alchimiste éminent, en présence de Monsieur de Saint Maurice, expert commis à Cannes pour réprimer le faux monnayage. De l’Isle le fit collaborer à ses expériences sans rien lui cacher de ses secrets. Ebranlé, M. de Saint Maurice rendit compte le 21 mai au Ministre des Finances : « Rien n’est plus sûr, Monseigneur que  son secret pour faire de l’or et de l’argent ». Il emporta le petit lingot d’or obtenu pour le présenter à la Cour. Devant ce succès, la crainte s’installa que De l’Isle aille livrer le fruit de son savoir à la Cour de Turin (voir « Contes et Légendes du Pays d’Azur », du même auteur http://www.editions-sutton.com ).

 

Edmond ROSSI

http://edmondrossiecrivain.hautetfort

08/03/2011

CONTES ET LÉGENDES DES ALPES MARITIMES : "LE SECRET DU SEIGNEUR DE L'ALP"

 

LE MANOIR DE ROYA, HAUTE TINEE.jpg

« Vous eûtes des erreurs et non pas des vices, votre conduite fut répréhensible, mais votre cœur fut toujours pur. »

Jean-Jacques Rousseau

 

Lorsque Pauline poussa la porte de la chapelle le soleil pénétra largement dans la nef mettant un terme à mon recueillement. Je quittai la pénombre et m'avançai pour l'accueillir. Elle portait un gros bouquet de fleurs parfumées qui dissimulait la moitié de son corps et ne laissait apparaître qu'un visage rond au teint clair, encadré de deux tresses rousses. D'un pas rapide et souple elle approcha :

- Monsieur le curé, pardonnez-moi, je ne voulais pas vous déranger, je venais simplement fleurir la statue de notre Sainte Mère, vous m'avez fait peur, je ne vous avais pas vu dans l'ombre.

- C'est bien, Pauline, samedi tu conduiras la procession avec les filles du village, je compte sur toi pour confectionner les couronnes de buis.

Un large sourire illumina sa frimousse piquée de taches de rousseur.

 

En cette veille du quinze août, notre petite commu­nauté de Roya, perdue dans ses montagnes, s'activait à préparer la grande fête de la Vierge, patronne du lieu. La procession constituait le moment essentiel de cette importante journée et chacun se devait d'y tenir son rôle. Les bergers, bâton en main, avec leurs guêtres et gilet en peau de mouton, leur grand chapeau et leur cape, les bûcherons en pantalon de velours sombre, la taille serrée par une large ceinture, les paysans cravatés de cordons multicolores, leurs femmes vêtues de noir, coiffées de dentelles blanches, les bravadiers en gilet, fusil à large embouchure sur l'épaule, tout ce monde suivant gravement la statue vacillante de la Madone portée par six hommes mûrs en bras de chemise, précédée par un essaim de jeunes filles en longue chemise blanche, pieds nus, le front couronné de verdure.

A l'avant de ce cortège, j'avan­çais, suivi des enfants de chœur, avec à mes côtés, très digne, Jules Achiardi, seigneur de l'Alp, maître du village. Cet homme de haute taille, la barbe rousse et les cheveux poivre et sel flottant sur les épaules, fixait les pierres du chemin de ses yeux bleu clair, en tenant dans ses mains jointes un large chapeau de feutre kaki décoré d'une plume de faisan. J'imaginais que cette année encore, pendant deux bonnes heures, nous remonterions les sentiers caillouteux dans la chaude poussière de l'après-midi, s'arrêtant régulièrement devant les divers oratoires pour bénir champs et moissons.

Les falaises rocheuses répercutaient en échos les pétarades de la bravade, avant que le concours de boules ne me ravisse la vedette en réunissant tous les hommes du village.

 

Lorsque le samedi je reçus mes ouailles en confession, je fus très étonné de ne point entendre les chuchotements de la petite Pauline. Je savais bien que sa conscience légère ne pouvait être entachée que d'intentions et de désirs puérils, mais je me promettais de la rappeler à ses devoirs. Le lendemain matin avant la grande messe, son père et son frère aîné vinrent m'avertir dans la sacristie que la gamine avait disparu depuis vendredi soir.

Partie dans le bois de l'Ubac pour rapporter quelques brassées de buis, comme je le lui avais demandé, elle n'était plus reparue depuis.

Jules Achiardi et ses chiens avaient battu la forêt avec les hommes du village sans trouver trace de la jeune fille.

 

 L'après-midi, la procession fut abrégée à cause d’un violent orage. Le ciel se boucha très vite, devint d'un noir d'encre, le tonnerre claqua vers la cime Nègre, les éclairs zébraient l'atmosphère et bientôt de larges gouttes s'écrasèrent sur la poussière du chemin, nous obligeant à chercher abri sous l'aire de Murris.

Jules Achiardi me proposa de profiter d'une accalmie pour rejoindre son château tout proche et d'y bénir la chapelle. Chacun partit alors en débandade.

 

Précédé du seigneur et suivi de mes deux enfants de chœur, je franchis l'étroit pont de bois sur le torrent qui grossissait très vite, et quelques minutes plus tard nous étions dans la chapelle. Un cierge brûlait au pied de la statue de la Vierge couronnée d'une tresse de branches de buis frais.

 

 L'hiver se passa sans trop de dommage, la neige tardive ralentit la venue du printemps, et durant les longues veillées on parla souvent de Pauline, mais aussi de Mélanie et Clotilde, disparues dans des circonstances tout aussi mystérieuses. L'une partie cueillir des myrtilles au Colombet, l'autre montée au Jassinette pour y rejoindre son oncle, n'étaient jamais reparues. On évoqua les loups qui n'épargnaient guère les moutons, mais l'étrange absence de cada­vres et de vêtements troublait les meilleurs chasseurs

 

Bientôt les perce-neige accompagnés de taches vertes qui s'élargissaient très vite, le soleil montant plus haut avec des rayons plus chauds, annoncèrent le retour du printemps tant attendu.

 

Nous étions à quelques jours de Pâques, lorsqu'une terrible nouvelle endeuilla à nouveau notre commu­nauté. Marie la fille de Fabron, une mignonne brunette, fut emportée par une avalanche dans le vallon du Riou blanc alors qu'elle ramassait du bois mort pour cuire le pain. Du moins c'est ce que nous supposions, car là encore pas de trace du corps de la jeune fille. La seule preuve provenait du bonnet de laine que Jules Achiardi avait découvert en bordure de la coulée de neige.

 

 L'automne suivant, l'épouvantable fatalité qui sem­blait s'en prendre aux filles en âge de se marier s'abattit à nouveau sur Julie, une gracieuse blonde tout en sourires qui avait été notre rosière.

Julie, servante de notre seigneur solitaire, ne revint pas de la foire de Saint-Étienne où elle était descendue faire quelques emplettes. Comme elle n'avait pas l'humeur vagabonde, on se perdit en conjectures sur son sort.

Le bon Achiardi me remit les quelques affaires qu'elle possédait, avec mission de les rendre à sa famille. Le petit baluchon s'étant dénoué, je fis un inventaire involontaire de son contenu. Si les jupes en courtil, les cotillons blancs bordés de dentelles faisaient partie de l'ordinaire d'une fille de sa condition, je fus tout de même surpris de découvrir un corsage moulant damassé de grosses fleurs, avec manches longues et serrées enveloppant des poignets festonnés de fines dentelles, le tout rehaussé d'un magnifique ruban de soie noire portant une croix en argent ciselé décorée d'un cristal de roche: un habit de princesse ! Peut être l'aimable Julie avait-elle longtemps économisé pour s'offrir de pareils atours ?

 

Les propos les plus divers se répandirent, mettant en cause les Piémontais qui s'embauchaient comme bûcherons et aimaient taquiner les filles du pays. Chaque été dans le torrent, au gros de la chaleur, les femmes à moitié dévêtues lavaient la laine des mou­tons. Quand elles se savaient seules, elles se bai­gnaient nues pour se rafraîchir. Ces ébats n'avaient pas échappé aux « buscatiers » transalpins qui fai­saient ensuite des gorges chaudes sur les rondeurs des filles. Mais ces diables d'hommes parlaient souvent pour cacher une timidité certaine.

Ils avaient même proclamé très haut que notre maître Jules appréciait fort ces spectacles, pêchant dissimulé parmi les saules en ces périodes de grande lessive.

Un homme si pieux, d'une chasteté exemplaire, refusant les meil­leurs partis, consacrant le plus clair de son temps à la chasse et à la sage administration de ses biens, seules de méchantes langues pouvaient répandre des paroles aussi calomnieuses.

 

Un jour, en confession, Marguerite, la cadette des Dieudonné, m'avait avoué que Jules Achiardi l'avait comparée à une sainte et invitée à visiter son château. La curiosité l'ayant entraînée dans la sombre demeure, Jules lui avait proposé de venir prier avec lui, puis soudain au comble de l'exaltation il lui avait offert de s'occuper de son intérieur, lui promettant des pièces d'or et bien d'autres cadeaux pour récom­penser ses services et sa présence constante. Une étrange lueur avait alors traversé son regard « C'est si triste ici et je suis bien seul, tu es si gentille. » Toute flattée de susciter l'intérêt d'un personnage aussi important, la gamine était réapparue au château à quelques jours de là. Le seigneur l'avait alors attirée dans son parc à bestiaux sous le prétexte de l'aider à la monte du bélier. Les commentaires troubles de Jules Achiardi, lors des scènes d'accouplement et les comparaisons équivoques sur les plaisirs respectifs des animaux et des hommes pendant la saillie achevèrent de fixer Marguerite sur les intentions de son hôte. A la suite de cette édifiante initiation, l'homme avait tenté de trousser son cotillon sans toutefois parvenir à ses fins. Effrayée, la pauvre enfant s'était enfuie pour ne plus réapparaître au château !

 

Dans ce contexte, je reçus la visite de notre maître qui venait comme à l'habitude avec un chapon bien gras et un panier de noix, pour « discuter avec son prieur des éternels retards du règlement de la dîme ». Je le sentais embarrassé par ces préalables et lorsqu'il me demanda soudain de l'entendre en confession, je compris que le poids de sa conscience réclamait mon secours. S'il se reprocha d'avoir pressuré injustement les paysans de Roya, d'avoir calomnié et cédé à la violence, là n'était pas l'essentiel. Je décidai de l'encourager à parler en énumérant les différents péchés et en lui demandant enfin s'il n'avait pas été tenté par la luxure. Là, cet homme toujours si sûr de lui m'apparut bouleversé. Baissant les yeux, il ouvrit son cœur : « Mon père, la vie n'est pas simple. Mon éducation religieuse m'a fait un devoir d'être chaste, si bien que tout jeune et pour obéir à ma mère j'ai toujours repoussé les tentations. Pourtant je dois l'avouer, depuis deux ans j'ai succombé à plusieurs reprises. Emporté par le démon, j'ai vécu d'insupportables cauchemars au bout desquels je me réveillais tel un somnambule, ne sachant trop où j'en étais.

Croyez que je regrette ce qui a pu se passer, mon repentir est sincère, je souhaite réparer le mal que j'ai fait. Hélas, je n'ai pas votre force d'âme, vous avez pu résister, moi pas... Ce n'est pas faute de me punir ! » Il ouvrit alors sa chemise et me fit voir des traces de flagellation, brutalisant ce corps sanguin qui le poussait à commettre ce qu'il appelait « l'ineffable ».

Je m'avançai en lui demandant si t'objet de cette passion vivait prés de nous « Il est partout », me répondit-il. « Je pressens dans chaque créature que je croise sur les chemins un serpent tentateur, d'autant plus qu'elle m'apparaît souriante, douce et ingénue. C'est comme une morsure qui active douloureusement mes désirs et mes rêves, faisant bouillir mon sang. Je ne peux tout de même pas écarter toutes ces incarnations vivantes du Malin, prêtes à m'entraîner dans l’œuvre de chair. » Il me demanda d'être son intercesseur auprès de l'abbé Galléan et du prieur des pénitents noirs de Saint-Étienne-de-Tinée, pour porter la croix le jour de leur procession, afin d'expier ses péchés. Il ajouta, déterminé: « Mon père, pour en sortir je souhaiterais faire retraite chez les capucins, partager leur paix de l'âme en vivant à l'écart des sollicitations permanentes de la vie quotidienne du village. »

 

Si j'encourageai le malheureux à suivre le chemin du repentir, je lui rappelai qu'il devrait peut-être songer à fonder famille pour vivre en harmonie avec les hommes et assurer sa succession dans l'intérêt de notre communauté. Mais sa décision était irrévocable et j'y vis comme un appel du Très-Haut.

 

Quelques mois plus tard, Don Jules Achiardi remit tous ses biens à l'Eglise. Il vécut le restant de ses jours à Sospel, au monastère des franciscains, et mourut en odeur de sainteté, entouré de l'estime affectueuse et du respect de ses anciens sujets. Il emporta avec lui son terrible secret.

 

Environ deux siècles plus tard, en 1885, les nouveaux propriétaires du château de l’Alp entreprirent des travaux de transformations. Quelle ne fut pas leur surprise de découvrir quantité d'ossements féminins à l'aplomb des oubliettes. Ainsi s'expliquaient les étranges disparitions des jeunes filles du village, qui avaient eu alors le seul tort d'attirer l'impitoyable satyre. Le sinistre château de Don Jules Achiardi, seigneur de l'Alp, dresse encore sa silhouette rustique sur un tertre herbeux, à proximité du hameau de Roya éparpillé au fond d'une vallée, dominée par le Mont Mounier et les pistes de ski de la célèbre station d'Auron.

D’après «Les Contes et Légendes du Pays d’Azur» (Editions Sutton),

En vente sur Internet http://www.editions-sutton.com

ou dédicacé, au prix de 23 euros, plus frais d’envoi, en téléphonant au

04 93 24 86 55

Les « Contes du Pays d’azur » ont pour cadre l’extraordinaire décor qui s’étend des Alpes du massif du Mercantour aux rivages de la Côte d’Azur.

Dans cet univers tout est possible, puisque les outrances de la nature dépassent souvent les excès de l’imaginaire.

Les contes, histoires orales nées de la tradition populaire, attestent au travers du merveilleux de réalités historiques authentiques.

Reflets du passé, ces récits constituent les fondements de la mémoire collective d’un terroir au particularisme évident.

Edmond Rossi, écrivain niçois, auteur de différents ouvrages traitant de la riche histoire de sa région, témoigne à nouveau ici, en présentant une anthologie des contes les plus passionnants du Pays d’Azur.

Ce fabuleux florilège s’étend des mythes des origines aux relations insolites précédant l’apparition de la télévision, fatale à l’expression orale des veillées.

Les « Contes du Pays d’Azur » nous ouvrent la porte d’un  univers où l’émotion se mêle souvent à la magie du mystère.

Pour un temps, laissons-nous entraîner vers ce monde troublant pour y retrouver la chaude et naïve simplicité des récits de nos ancêtres.

 

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