11/06/2006
LES SECRETS DU PAYS D'AZUR
LA CHASSE
AUX TRESORS (1ère partie)
De tout temps, l'homme a rêvé trouver un trésor qui mettrait fin à sa misère croyant que dans le sol dorment inutilement des magots insoupçonnés. Paul Arène a symbolisé cette conviction des populations provençales dans son conte «La chèvre d'Or». L'auteur l'a rencontrée près de Vallauris sur le plateau des Encourdoules «semé d'étranges ruines et d'où la vue s'étend si belle par delà les bois d'orangers». Il aurait pu tout aussi bien la croiser en de nombreux autres lieux du Comté de Nice. Sur la côte comme dans les vallées, la tradition veut en effet qu'un trésor mystérieux soit enfoui quelque part dans la terre.
Depuis l'Antiquité, une chèvre d'or ou un veau d'or serait caché près du col d'Eze et du mont Pacanaglia sur le plateau de Sembola en bordure de la célèbre voie héracléenne. Selon la légende, les Sarrasins auraient eux aussi enterré une chèvre d'or, plus près de Nice vers les Quatre-Chemins. Les Infidèles auraient caché divers trésors dans la région de Menton: dans la ville même, à la tour Valetta, à Saint Roch, à l'Ubac Fossan, sur la route de Menton à Sospel (à Monti), sous les ruines de la chapelle Saint Pancrace près de Gorbio, à la Madonnette et au col de Peille...
La légende de Saint Hospice reflèterait une tradition analogue. Les Lombards croyaient que le vieil ermite gardait jalousement un trésor caché dans la presqu'île de Saint Jean. Pour le lui faire avouer, ils posèrent sous ses pieds des barres de fer rougies au feu. Comme l'ermite se contentait de prier, un barbare leva sa hache sur la tête du vieillard et son bras se raidit.
On a cru longtemps qu'un fabuleux trésor gardé par des esprits gisait dans le souterrain de l'antique château d'Ascros. Nul n'avait jamais osé s'y aventurer jusqu'en 1793, où des soldats de la Révolution se moquant de ces superstitions firent sauter l'entrée à la dynamite. Après avoir déblayé l'accès, ils visitèrent les galeries et ne trouvèrent qu'un énorme tas de blé calciné. Sans doute la provision de grain du seigneur Grimaldi, atteinte en 1621, lors de l'incendie du château d'Annibal par les troupes de Savoie.
Les vieillards de Bairols transmettaient à la veillée la croyance d'un trésor caché dont la découverte tirerait la population de la misère.
«Un jour, annonçaient-ils, une fleur rouge se montrera au bout d'une tige, sortant d'un de ces tas de pierres qui bordent les champs, pour révéler la présence d'un trésor enfoui à cet endroit».
L'historien Bouche rapportait l'aventure d'un gentilhomme provençal, venu prospecter à Cimiez dans la propriété de Jean Baptiste Gubernatis sur les conseils d'un sorcier niçois: «Après avoir fait ses invocations, le magicien fut vu emporté en l'air, bien battu et entendu pleurant avec de grands cris et lamentations. Finalement remis à terre, il fut vu par deux assistants tout livide sur sa personne et tout meurtri de coups, détestant ses charmes et ses invocations».
Au-dessus de Villeneuve d'Entraunes, au sommet de la colline qui porte la chapelle Sainte Marguerite apparaissent les traces d'un ancien château féodal. C'est là, dans la marne noire, au pied de la tour carrée, que reposerait oublié mais protégé par le fantôme de son propriétaire, le trésor de guerre en pièces d'or d'Archimbald d'Abzac capitaine des «Grandes Compagnies». A la tête d'une de ces bandes de mercenaires, d'Abzac vint semer la mort et la désolation dans la région depuis sa lointaine Gascogne. Son repaire, installé dans la Bastide en contrebas de la chapelle, permit à ce brigand sanguinaire et féroce de piller et ravager le Haut Var de Guillaumes à Entraunes. Enfin capturé par les troupes provençales du Roi René en 1446, Archimbald d ' Abzac aurait avoué au bourreau venu le pendre:
«Se me fas gaïre soffrir lou trésor es a tu, damoun a Villanova au pen de la tourre au soun de la couola» ( Si tu me fais peu souffrir, le trésor est à toi, là haut à Villeneuve, au pied de la tour, au sommet de la colline ).
Dans quelles souffrances le terrible capitaine rendit son âme noire ? ... Seul son fantôme peut nous répondre.
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07/06/2006
AVEC LES "BARBETS" AU TEMPS DE LA REVOLUTION
SAUVAGES ET HEROIQUES
BARBETS (4 ème partie)
Mais plus l'on sévissait, plus les Barbets frappaient dans l'ombre.
Ils continuèrent leurs scélératesses en 1795 et conspirèrent même contre les jours de Kellermann. Le vainqueur de Valmy , montant en voiture la pente escarpée qui conduit sur les hauteurs de l'Escarène, au même endroit où Sallicetti avait failli périr, entend le sifflement d'une balle qui traverse la portière et effleure son front. L'aide de camp s'élance aussitôt, et le pistolet à la main court aux brigands, et aidé de ses hommes, il parvient à en arrêter trois, qu'on expédia bien vite...
«Pour en finir, on forma des meilleurs tireurs et des gens les plus décidés une troupe de chasseurs qui eurent pour chef le Corse Albertini, et dont le quartier général fut à Lantosque. On mit de nouveau à prix la tête des Barbets. C'est ainsi que nous lisons sur les registres de Belvédère 50 fr. de gratification à Joseph Castelli de Belvédère pour avoir tué de sa main le Barbet, Otto de Lantosque. Le maire de Lantosque écrit au juge de Coni que le Barbet Salari, dit Renard, poursuivi par ses gardes nationaux, s'est réfugié dans sa province. Grasse, Saint-Paul, Puget-Théniers, tous les districts en 1795 font la chasse aux Barbets.» Parmi les chefs de bandes, un des plus fameux Charles Christini de la Vésubie se livra à toutes sortes d'exactions, faisant trembler les habitants de la vallée par le seul énoncé de son nom. Passé plusieurs fois au travers des mailles du filet, il revint à la fin de la guerre à Roquebillière pour y terminer une existence paisible et s 'y éteindre en 1844. Sur ses vieux jours, il se vantait encore avoir tué plus de Français qu'il n'avait de cheveux sur la tête! On affirmait alors qu'il avait enfoui des trésors dans le vallon d'Espagliart, malheureusement perdus à cause des crues.
Dans les villages de la montagne, de nombreuses familles se flattent encore aujourd'hui d'avoir eu comme ancêtre un de ces terribles Barbets, défenseurs en leur temps des valeurs traditionnelles du Pays de Nice.
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04/06/2006
AVEC LES "BARBETS", AU TEMPS DE LA REVOLUTION
SAUVAGES
ET HEROIQUES
BARBETS (3 ème partie)
Les Barbets seront incorporés dans les compagnies sardes des «Chasseurs de Nice» jusqu'au traité de paix du 15 mai 1796, mettant fin aux hostilités entre le Royaume de Sardaigne et la République française,. Les trois quarts d'entre eux sont des paysans, le reste se compose d'artisans et de commerçants. Ces auxiliaires intrépides connaissent le terrain, conduisent leurs coups de main comme une chasse aux chamois. Les moyens mis en oeuvre pour neutraliser leurs bandes qui infestent la montagne ne font pourtant pas défaut (900 hommes à Tende en août 1796). On créera des commissions militaires ou Tribunaux Criminels encourageant la délation, on exécutera les suspects, emprisonnera les otages (l'Escarène), on promènera jusqu'à Nice le cadavre d'un de leurs chefs (Fulconis août 1796). La répression reste impuissante.
Pendant la période napoléonienne, les rangs des Barbets vont se gonfler de nombreux conscrits réfractaires. Dans les Alpes Maritimes 80 % des conscrits échappent au service militaire! A ces insoumis s'ajoutent des déserteurs, des proscrits politiques et des hors-la-loi en tout genre. Le Barbétisme évolue vers le brigandage profitant d'une période trouble. Le phénomène se poursuivra jusqu'à la chute de l'Empire en 1815 et au retour du Pays de Nice à la maison de Savoie.
En dehors du sinistre «Saut des Français» près de Duranus, où les Barbets poussaient dans l'abîme les suspects de sentiments républicains, bien des lieux conservent le souvenir de leurs exploits légendaires. De leur repaire, dans les ruines de Roccasparvièra au-dessus de Coaraze, les Barbets contrôlaient les communications sur les artères vitales de la Vésubie et du Paillon. Ils s'installèrent même à proximité de Nice au quartier du Ray! Mais autour des villages des centaines de bastides, éparpillées dans la campagne pour permettre une culture éloignée des villages, leur servirent longtemps de refuge.
Pour illustrer le climat de résistance farouche et de répression impitoyable, voici deux témoignages recueillis dans «l 'Histoire de la Révolution Française dans les Alpes Maritimes» du chanoine Tisserand (1878): «Mais jugez par le crime suivant l' horreur qu'inspiraient les Barbets. Dans une pauvre maison située entre Laude (Loda) et Lantosque étaient restées une femme et ses deux filles. Le père de famille et son fils, déserteurs, et des Sardes et des Français, couraient la montagne avec les Barbets. Ils ne revenaient au logis que la nuit, et avant le point du jour, ils s'en allaient armés. Ces gens là avaient eu une certaine aisance et tenu auberge avant 1793. Ils étaient doués, raconte Alexandre Dumas, d'une force herculéenne. Or, par une soirée brumeuse de novembre l794, vers quatre heures du soir, dix éclaireurs français surpris par la neige et par la pluie frappèrent à la porte de la maison. On ne répondit rien d'abord. Ils frappèrent encore rudement, et la pauvre femme ayant caché ses deux filles dans une espèce de réduit que fermait une porte vermoulue se hasarda d'ouvrir: «Dieu vous en a pris, la femme, dit le sergent-major; sans cela vous passiez un mauvais quart d'heure.
Avez-vous quelque chose à nous donner à manger ? Allons vite, dépêchons, entendez-vous, la mère ?
- Messieurs, répondit-elle alors, vous ne savez que nous n'avons plus rien dans ce pays-ci. Je vais vous offrir du peu qu'il nous reste».
Et elle tira de l'armoire du pain dur comme la pierre puis une sorte de chose qui ressemblait à du fromage. Elle mit quelques fascines dans l’âtre, et chacun se blottit là comme il put. Le sergent-major paraissait jouir d'un grand ascendant sur ses hommes. Ainsi quand ils demandèrent du vin:
«Est-ce qu'il y a du vin dans ce pays-ci ? dit le sergent à ses soldats. Quand on a pas de vin, on boit de l'eau. Faites comme moi.
- Quel pain de chien! dit l'un d'eux.
- Encore heureux d'en trouver. Si tu le trouves trop dur, fais comme moi, trempe le dans l'eau».
La pauvre femme revenait un peu à elle et la conversation s'engageait même entre elle et le sergent, si bien qu'elle alla tirer du fond d'un placard une bonne bouteille d ' eau-de-vie. Ce qui mit chacun en liesse. La bonne femme avait parlé de ses filles. Les soldats demandèrent aussitôt où elles étaient, et voilà qu'ils font le tapage. Les filles s'élançaient par la fenêtre en fuyant. Cependant entrent le père et son fils. Les soldats restent interdits à la vue de ces rudes montagnards qui portaient leurs fusils en bandoulière, et avaient sous leur large chapeau une figure qui imposait.
- Femme, dit le père, en regardant les éclaireurs français, as-tu donné à ces braves ce qu'ils demandent ?
- Oui, tout ce que j'avais, mais...
- Allons, ne vois-tu pas qu'il fait froid, que chacun de nous est fatigué. Vas nous chercher ce que tu as de mieux dans la cachette.
- J'y vais, répondit la femme.
- Il ne sera pas dit que des soldats français soient venus chez nous sans être satisfaits».
Le sergent ne soufflait mot, les autres soldats se félicitaient d'avoir si bien rencontré. L'eau-de-vie arrive., Le Lantosquin verse rasade sur rasade et trinque avec eux, jusqu'à ce que nos soldats déraisonnent, et tombent d'ivresse. Oh! Maintenant, écoutez. Quelle horreur! Le père et le fils s'armant chacun d'une hache abattent l'une après l'autre les têtes de ces infortunés, et les jettent dans le gouffre à côté. La nuit cacha cet horrible forfait. En une heure, tout fut expédié. Le lendemain éclaira ces deux crimes. lorsqu'on eut trouvé ces corps mutilés, on avisa le général Garnier; on fouilla dans tous les environs. A Nice, le comité et les administrations poussèrent de hauts cris, on redoubla de sévérité à l'égard des Vésubiens, surtout à l'approche des fêtes de Noël.
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