04/06/2006
AVEC LES "BARBETS", AU TEMPS DE LA REVOLUTION
SAUVAGES
ET HEROIQUES
BARBETS (3 ème partie)
Les Barbets seront incorporés dans les compagnies sardes des «Chasseurs de Nice» jusqu'au traité de paix du 15 mai 1796, mettant fin aux hostilités entre le Royaume de Sardaigne et la République française,. Les trois quarts d'entre eux sont des paysans, le reste se compose d'artisans et de commerçants. Ces auxiliaires intrépides connaissent le terrain, conduisent leurs coups de main comme une chasse aux chamois. Les moyens mis en oeuvre pour neutraliser leurs bandes qui infestent la montagne ne font pourtant pas défaut (900 hommes à Tende en août 1796). On créera des commissions militaires ou Tribunaux Criminels encourageant la délation, on exécutera les suspects, emprisonnera les otages (l'Escarène), on promènera jusqu'à Nice le cadavre d'un de leurs chefs (Fulconis août 1796). La répression reste impuissante.
Pendant la période napoléonienne, les rangs des Barbets vont se gonfler de nombreux conscrits réfractaires. Dans les Alpes Maritimes 80 % des conscrits échappent au service militaire! A ces insoumis s'ajoutent des déserteurs, des proscrits politiques et des hors-la-loi en tout genre. Le Barbétisme évolue vers le brigandage profitant d'une période trouble. Le phénomène se poursuivra jusqu'à la chute de l'Empire en 1815 et au retour du Pays de Nice à la maison de Savoie.
En dehors du sinistre «Saut des Français» près de Duranus, où les Barbets poussaient dans l'abîme les suspects de sentiments républicains, bien des lieux conservent le souvenir de leurs exploits légendaires. De leur repaire, dans les ruines de Roccasparvièra au-dessus de Coaraze, les Barbets contrôlaient les communications sur les artères vitales de la Vésubie et du Paillon. Ils s'installèrent même à proximité de Nice au quartier du Ray! Mais autour des villages des centaines de bastides, éparpillées dans la campagne pour permettre une culture éloignée des villages, leur servirent longtemps de refuge.
Pour illustrer le climat de résistance farouche et de répression impitoyable, voici deux témoignages recueillis dans «l 'Histoire de la Révolution Française dans les Alpes Maritimes» du chanoine Tisserand (1878): «Mais jugez par le crime suivant l' horreur qu'inspiraient les Barbets. Dans une pauvre maison située entre Laude (Loda) et Lantosque étaient restées une femme et ses deux filles. Le père de famille et son fils, déserteurs, et des Sardes et des Français, couraient la montagne avec les Barbets. Ils ne revenaient au logis que la nuit, et avant le point du jour, ils s'en allaient armés. Ces gens là avaient eu une certaine aisance et tenu auberge avant 1793. Ils étaient doués, raconte Alexandre Dumas, d'une force herculéenne. Or, par une soirée brumeuse de novembre l794, vers quatre heures du soir, dix éclaireurs français surpris par la neige et par la pluie frappèrent à la porte de la maison. On ne répondit rien d'abord. Ils frappèrent encore rudement, et la pauvre femme ayant caché ses deux filles dans une espèce de réduit que fermait une porte vermoulue se hasarda d'ouvrir: «Dieu vous en a pris, la femme, dit le sergent-major; sans cela vous passiez un mauvais quart d'heure.
Avez-vous quelque chose à nous donner à manger ? Allons vite, dépêchons, entendez-vous, la mère ?
- Messieurs, répondit-elle alors, vous ne savez que nous n'avons plus rien dans ce pays-ci. Je vais vous offrir du peu qu'il nous reste».
Et elle tira de l'armoire du pain dur comme la pierre puis une sorte de chose qui ressemblait à du fromage. Elle mit quelques fascines dans l’âtre, et chacun se blottit là comme il put. Le sergent-major paraissait jouir d'un grand ascendant sur ses hommes. Ainsi quand ils demandèrent du vin:
«Est-ce qu'il y a du vin dans ce pays-ci ? dit le sergent à ses soldats. Quand on a pas de vin, on boit de l'eau. Faites comme moi.
- Quel pain de chien! dit l'un d'eux.
- Encore heureux d'en trouver. Si tu le trouves trop dur, fais comme moi, trempe le dans l'eau».
La pauvre femme revenait un peu à elle et la conversation s'engageait même entre elle et le sergent, si bien qu'elle alla tirer du fond d'un placard une bonne bouteille d ' eau-de-vie. Ce qui mit chacun en liesse. La bonne femme avait parlé de ses filles. Les soldats demandèrent aussitôt où elles étaient, et voilà qu'ils font le tapage. Les filles s'élançaient par la fenêtre en fuyant. Cependant entrent le père et son fils. Les soldats restent interdits à la vue de ces rudes montagnards qui portaient leurs fusils en bandoulière, et avaient sous leur large chapeau une figure qui imposait.
- Femme, dit le père, en regardant les éclaireurs français, as-tu donné à ces braves ce qu'ils demandent ?
- Oui, tout ce que j'avais, mais...
- Allons, ne vois-tu pas qu'il fait froid, que chacun de nous est fatigué. Vas nous chercher ce que tu as de mieux dans la cachette.
- J'y vais, répondit la femme.
- Il ne sera pas dit que des soldats français soient venus chez nous sans être satisfaits».
Le sergent ne soufflait mot, les autres soldats se félicitaient d'avoir si bien rencontré. L'eau-de-vie arrive., Le Lantosquin verse rasade sur rasade et trinque avec eux, jusqu'à ce que nos soldats déraisonnent, et tombent d'ivresse. Oh! Maintenant, écoutez. Quelle horreur! Le père et le fils s'armant chacun d'une hache abattent l'une après l'autre les têtes de ces infortunés, et les jettent dans le gouffre à côté. La nuit cacha cet horrible forfait. En une heure, tout fut expédié. Le lendemain éclaira ces deux crimes. lorsqu'on eut trouvé ces corps mutilés, on avisa le général Garnier; on fouilla dans tous les environs. A Nice, le comité et les administrations poussèrent de hauts cris, on redoubla de sévérité à l'égard des Vésubiens, surtout à l'approche des fêtes de Noël.
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http://saintlaurentduvarhistoire.hautetfort.com10:04 Publié dans HISTOIRE | Lien permanent | Commentaires (0)
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