03/12/2013
LES VOLCANS DE LA COTE D’AZUR PEUVENT-ILS SE RÉVEILLER ?
Rares sont ceux qui, en observant la réalité peu connue des volcans de la Côte d’Azur, ne se sont pas posés au moins une fois la question. Que peut-on attendre de ces volcans avec les moyens existants pour surveiller leur sommeil.?
Aujourd'hui, la Côte d’Azur avec plus d’un million d’habitants ne peut ignorer la présence de ces structures géologiques, postées à ses portes.
En demandant si les volcans de la Côte d’Azur peuvent se réveiller on a peut-être tort. Il serait plus juste de se poser une question plus générale : "les volcans métropolitains peuvent-ils se réveiller ?". En effet, dans l'Hexagone le volcanisme est loin de se résumer à ceux de la Côte d’Azur et de l’Auvergne. Si cette dernière est prise en exemple avant toute autre province volcanique, c'est notamment pour la fraîcheur de ses formes et la richesse pédagogique qu'elle représente : elle expose une fantastique diversité de dynamismes éruptifs à travers les édifices qui la composent.
A priori, les volcans de la Côte d’Azur, comme ceux de la chaîne des Puys en Auvergne ne se réveilleront pas car ils sont monogéniques ! Cela signifie qu'ils se sont créés au cours d'une seule éruption et qu'ils ne rentreront plus en activité. En revanche, de nouveaux volcans au voisinage verront sans doute le jour : la dernière éruption remonte pour certains à moins de 10 000 ans et pour cette raison la région est considérée comme potentiellement active.
Si l'on devait vivre aujourd'hui un épisode volcanique sur la Côte d’Azur, Mandelieu, Cannes, Antibes, Biot, Villeneuve-Loubet et Cagnes seraient sans nul doute des sites à haut risque. Mais, à l'heure qu'il est, la science est incapable de dire précisément où et quand cela se produira. Dans ces conditions, il est difficile de savoir où placer un système de surveillance.
Lorsque le magma se fraye un passage pour remonter en surface, la roche encaissante est fracturée sous la contrainte exercée. Le magma provoque des séismes de faible puissance sur son parcours ascendant. Ce sont ces signes que les scientifiques sont en mesure de détecter et qui permettraient de donner l'alerte. Mais combien de temps à l'avance ? En outre, si cela se produisait au sein de ces agglomérations, l'activité humaine pourrait masquer les signaux précurseurs.
La complexité géologique de la région n'est pas encore totalement comprise. Certaines réponses sont encore inaccessibles aux techniques et au matériel de recherche actuels. Aussi est-il essentiel de poursuivre les études et de comprendre le passé de la région pour se préparer à un réveil futur de l'activité volcanique.
Sans faire de sensationnalisme, on peut dire que la France métropolitaine est potentiellement soumise au risque volcanique toutes proportions gardées face à des régions menacées aujourd'hui par des volcans actifs.
CONNAISSANCE DU PASSE VOLCANIQUE DE LA CÔTE D’AZUR
Les volcans de la Côte d’Azur vont-ils se réveiller un jour ? Où, quand et comment cela pourrait-il se produire ? Serions-nous prévenus à temps ? Des questions pas aussi grotesques que cela et qui, à l'heure actuelle, restent sans réponse... ou presque.
Les scientifiques tentent encore aujourd'hui de lever le voile sur le thème de l'activité volcanique en France métropolitaine.
Si l'on veut parler de risque, tout volcanologue vous dira qu'il faut d'abord définir ce terme afin d'éviter des confusions regrettables. En effet, on nomme trop souvent "risque" ce que l'on devrait qualifier d’aléa. L'aléa désigne le phénomène (coulée de lave, retombée de cendre, coulée pyroclastique, mélange de cendre, blocs de tailles diverses et de gaz à haute température...) tandis que l'évaluation du risque tient compte des populations et des infrastructures potentiellement menacées par ces aléas. Avant de s'intéresser aux risques encourus par les habitants de la Côte d’Azur il est donc nécessaire de s'interroger sur le type d'activité auquel on peut s'attendre.
Mais comment savoir ? Qui peut dire où, quand et comment l'activité volcanique se manifestera ? L'enquête revient aux scientifiques et leur meilleure arme est l'étude du passé volcanique de la région car c'est en connaissant l'activité passée que l'on peut recueillir des informations sur ce qui pourrait se produire à l'avenir. Si l'on sait comment a évolué le volcanisme sur la Côte d’Azur depuis ses débuts jusqu'à nos jours, peut-on prévoir à coup sûr ce qu'il sera dans le futur ? Malheureusement les choses ne sont pas aussi simples. En revanche, les informations recueillies permettent de retracer une évolution du volcanisme, dans le temps et dans l'espace. Ces éléments permettent ensuite de spéculer sur les différents scénarios concernant la reprise potentielle d'une activité volcanique dans la zone considérée.
La Côte d’Azur a connu des phases d'activité dont on a peine à imaginer la violence, en particulier dans le massif de l’Estérel.
Remontons le temps jusqu’à l’ère Primaire au Permien (-299 à -252 Ma) période caractérisée par l’explosion du Volcanisme.
A cette époque les distensions au sein de la croûte continentale se manifestent en Provence par un jeu de grandes failles orientées Est-Ouest qui forment des fossés d’effondrement. Ces grandes failles laissent échapper des coulées de laves et des nuées ardentes.
Une intense activité volcanique règne donc dans l'Estérel. D'importants édifices volcaniques rejettent de gigantesques coulées de laves, parmi lesquelles des productions émanant d'appareils volcaniques de type explosif, telles que les rhyolites.
Le plus important de ces volcans que l’on peut observer près de Mandelieu reste la caldeira de Maure Vieil.
Caractéristiques du stratovolcan de Maure Vieil
- Permien fin de l’ère Primaire) de 280 à 250 Ma
- phase de distension et mise en place d’un réseau dense de fissures Nord/Sud et Est/Ouest vers 280 Ma
- épisode volcanique de type rift continental Nord/Sud dans le Reyran pendant 50 Ma
– le massif de l’Esterel chevauche le socle hercynien entre Les Maures et le Tanneron
La fureur du volcan est apaisée et le calme est revenu sur la caldeira de Maure Vieil.
Devant un paysage aussi paisible, il est difficile d’imaginer le spectacle du volcan en activité.
Le Stromboli dans les Îles Éoliennes est une image actuelle de ce type de volcan : il explose et émet des laves pratiquement tous les jours. Les stratovolcans sont d’excellents témoins de l’activité magmatique. Ils cumulent en effet l’ensemble des phénomènes volcaniques: émissions de lave, explosions spectaculaires, projections pyroclastiques, déferlantes basales, nuées ardentes, périodes de repos, etc.
Maure Vieil a été un volcan hors norme : activité durant 50 Ma, émissions basiques et acides, projections pyroclastiques à grande distance (Plaine du Luc, Gorges de Pennafort), activités fluidale, explosive, pyromidale, pour terminer dans un final somptueux : explosion et effondrement pour créer la caldeira.
Maure Vieil est le témoin du grand volcanisme permien de l’Esterel. Différentes phases sont visibles sur le terrain :
- de la phase effusive il reste les coulées A5 au Col des 3 Termes et toutes les laves de la partie sud ouest;
- de la phase strombolienne il reste les gigantesques strates des déferlantes basales visibles dans la grande carrière, témoins de la violence des explosions, les brèches du Sommet Pellet;
- de la phase pyromidale calco-alcaline il reste la caldeira et des laves avec fluidalité.
La coulée A11 qui a formé le dôme est datée de 248 Ma La caldeira est le résultat de l’effondrement du toit de la chambre magmatique sous le poids du dôme.
La dernière manifestation est alcaline (A13 trachyte andésite) avec quelques necks au centre de la caldeira, des projections de cendres basiques et l’émergence de filons de fluorite. La coulée A13 est également présente à la Batterie des Lions à St Raphaël.
Dans les mers qui entourent les massifs volcaniques, se déposent des matériaux provenant de l'érosion du gneiss. Les sédiments de cet âge sont principalement rouges, ce sont des conglomérats, des grès et surtout des pélites, vases très fines mêlées à un faible taux de cendres (issues du volcanisme de l’époque). Ces pélites donneront les magnifiques formations rouges caractéristiques de cette époque dans les Alpes Maritimes comme le dôme de Barrot (gorges du Cians et de Daluis avec plus de 1000 m d’épaisseur), ainsi que la Vallée des Merveilles.
Dans l'Estérel, les grés sont colorés en rose ou en vert. L'altération de ces cendres volcaniques parfois mêlées de sable fin aurait donné les schistes rouges ou rouge violacé permiens. Ils affleurent dans une large bande qui apparait dans le massif des Maures, de Fréjus jusqu'à Toulon.
Plus près de nous, à la fin de l’ère Tertiaire à la période du Miocène (-23 à -5 Ma)
Un golfe marin s'étend encore dans la région au sud de Vence. La mollasse à pectens de Tourrettes sur Loup date de cette époque.
Pendant l’Oligocène-Miocène, se mettent en place des laves andésitiques. Au travers de tufs volcaniques et de brèches andésitiques, des témoins ont été retrouvés à Biot, Villeneuve Loubet, Antibes et au Cap d’Ail. Les andésites de Villeneuve Loubet ont été daté à 26 Ma.
Ces phénomènes volcaniques dits andésitiques (explosifs ou volcan gris) sont nés de la subduction d'une plaque sous une autre. Ils entraînent de nombreuses conséquences, comme des tremblements de terre et surtout la formation de plis et de failles.
Aujourd’hui, il semblerait que le village de Biot se situe sur un ancien volcan, ou qu’il se trouve près d'un volcan plus important immergé au large de la plage de la « Siesta ». Par ailleurs, on a retrouvé des roches volcaniques dans les terres avant la construction massive des habitats.
A l’est, le parc de Vaugrenier possède un sol composé en profondeur de tuf volcanique surmonté de marnes.
Signalons enfin des phénomènes récents à l’échelle géologique du Quaternaire, relevés par l’homme dans les annales historiques.
1612 « Ce qui ne fut ailleurs qu’une secousse sismique se traduisit en catastrophe dans le Val de Blore : une crevasse s’ouvrit dans le sol, des flammes jaillirent et brûlèrent le petit village de Saint Jacques, que l’on a reconstruit plus bas sous le nom de la Bolline avec St Jacques pour patron. Une dalle rustique marque l’emplacement du village disparu : “ Hic omnes disparuerunt recquiesant in pace - 1612 ” (P. Canastrier).
Un phénomène analogue, d’origine volcanique se produisit à la même époque sur le mont Raton, près de Beuil. Le savant Peyresc y fit prélever des fragments de lave vomie au cours de l’irruption.
Le passé éruptif de la zone est là pour témoigner de la nature de l'activité future si celle-ci devait reprendre sur la Côte d’Azur.
Une telle diversité ne renseigne pas sur le type précis de volcanisme susceptible de se reproduire dans la région (effusif, explosif ?...) mais réduit toutefois beaucoup les possibilités.
N’oublions pas que la région des Alpes du Sud est, de fait, une ancienne faille tectonique avec d’éventuelles conséquences sur l’activité volcanique.
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30/11/2013
MERCANTOUR, DÉCOUVERTE DE SES TRÉSORS...
Les dieux se sont réfugiés au cœur des régions montagneuses, prédisposant les sommets à devenir de fascinants hauts-lieux de l’étrange.
A l’extrémité des Alpes du Sud, le Parc naturel du Mercantour confirme avec éclat cette vocation établie depuis les origines de l’humanité.
Les Alpes de lumière forment un de ces massifs riches d’histoire, de traditions et de trésors cachés.
Les vallées qui ouvrent le passage vers le cœur secret de la montagne ont joué un rôle capital, en favorisant la rencontre entre une nature fantastique et des peuples émerveillés et terrorisés par elle.
Placé entre l’azur du ciel et la pierre chaude, ce rude ensemble méridional, cloisonné de vallées, constitue une entité culturelle marginale méconnue.
Autour du Mercantour huit vallées (Roya, Bévéra, Vésubie, Tinée, Cians, Var, Verdon, Ubaye), chargées d’Histoire et de souvenirs, ceinturent tel un écrin les remarquables beautés d’une flore et d’une faune rares.
Accrochés à la caillasse au-dessus de gorges étroites et impénétrables, les villages perchés, maintenus à l’écart des bouleversements, ont su résister au temps et garder d’admirables témoignages du passé. Parmi ceux-ci, des œuvres d’art exceptionnelles en France.
Plus haut, au centre même du massif, mystérieuse et unique, la « Vallée des Merveilles » conserve sur ses roches des milliers de gravures tracées par les peuples de l’âge du bronze.
Oratoires oubliés à la croisée des chemins, chapelles abandonnées aux murs décorés de peintures émouvantes, églises aux sublimes retables, anciennes bâtisses chargées de présence surmontées d’insolites cadrans solaires, vénérables constructions aux énigmatiques linteaux, autant de messages qui s’adressent à notre esprit et à notre cœur, dans le langage simple des choses d’autrefois.
Aujourd’hui, Edmond Rossi fait revivre la mémoire et la passionnante aventure des hommes de ces hautes terres.
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17:51 Publié dans Découverte du Pays d'Azur, HISTOIRE, Livre, MEMOIRE, TRADITION | Lien permanent | Commentaires (0)
25/11/2013
ALPES MARITIMES:"POUR UN SORCIER, DIX MILLE SORCIERES", PORTRAIT
Le mystère a toujours captivé l'homme qui a essayé d'en percer le secret dès le début de son aptitude au raisonnement. Pour atteindre son but, il n'a pas hésité à recourir, entre autres, à des pratiques magiques recensées dès les origines de l'humanité.
La magie est intimement liée à la religion et plus particulièrement à la croyance en l'existence d'esprits désincarnés.
Ainsi, le paganisme des premiers âges attribuait une sorte d'âme ou de force spirituelle à chaque être comme aux éléments divers composant la nature.
La mythologie a personnifié ces entités en divinités imputables aux animaux, aux plantes, aux sources, aux pierres, aux astres (soleil, lune) et aux phénomènes naturels les plus variés.
Face aux manifestations capricieuses d'un monde insaisissable, le primitif a tenté de s'en concilier les faveurs, en domestiquant les puissantes entités, supposées en diriger le cours. De ce dialogue naîtront des pratiques magiques appropriées, adaptées à ses aspirations.
Les témoignages de rites propitiatoires à la chasse peints sur les parois des grottes de la Préhistoire, les cérémonies des Chamans asiatiques et amérindiens, comme les célébrations du culte Vaudou ont exprimé des démarches communes dans des cultures différentes.
Si le médium est un intercesseur passif et réceptif, le mage ou sorcier agit lui avec maîtrise et concentration, grâce à des pouvoirs acquis et cultivés par un apprentissage et une initiation de la connaissance. Ces pouvoirs varient d'un individu à l'autre en fonction de la seule capacité du praticien et de la sincérité du consultant.
L'initiation du mage s'acquiert par la maîtrise de rituels, liés à l'emploi d'objets issus de la tradition antique.
Volonté et concentration doivent donner suffisamment de force et de consistance pour atteindre l'objectif envisagé. Il est admis que le rituel n'est rien sans la puissance subjective. La démarche doit donc être soutenue et animée par une mobilisation des énergies psychiques du mage ou de la sorcière.
La panoplie et les règles en usages chez les adeptes de la sorcellerie dans les Alpes Maritimes sont souvent communes à l'ensemble du monde occidental. Les formules tirées d'ouvrages fameux comme le "Grand Albert" ou les "Clavicules de Salomon" visent à l'évocation des esprits sollicités, pour aider le mage dans l'accomplissement de son projet mais aussi à le protéger de possibles dérives incontrôlées.
Chaque esprit possède ses caractéristiques et sera sollicité pour l'accomplissement d'une opération spécifique. Selon le résultat envisagé, l'invocation s'adressera à de puissantes entités comparables à ce que l'on désigne communément comme des "anges" ou des "démons".
Les informations orales que nous avons recueillies dans les Alpes du Sud et plus particulièrement dans l'ensemble des Alpes Maritimes, ont débuté à la suite d'enquêtes visant la collecte des récits populaires contes et légendes ainsi que de traditions oubliées.
Ces renseignements sont complétés par les relations d'historiens, chroniqueurs, spécialistes du folklore et ethnologues ayant abordé ce thème.
Ce fond de superstition et de pratiques magiques englobe également la médecine traditionnelle. Ses recettes singulières ont le mérite d'avoir soulagé durant des siècles, les maux les plus divers affectant des générations de Niçois et de Provençaux.
L'identification du personnage du sorcier ou de son homologue féminin débute par le nom qui le désigne. Confondus au Moyen Age avec les hérétiques, les sorciers seront appelés "fattuchieri" et aussi "inzabati" à cause de la marque distinctive qu'ils portent sur leurs chaussures. "Fachinier" est un qualificatif utilisé dans les Alpes, tout comme celui d'"embarnaïré", "Magou" appartient lui au Comté de Nice.
"Masc", "marsco" et au féminin "masca" est en usage dans le Comté de Nice, la Provence et les Alpes du Sud. Le masque, synonyme français d'une dissimulation mystérieuse, s'apparente à cette dénomination. Si le féminin "masca" prévaut encore c'est pour la raison évidente qu'il y a plus de sorcières que de sorciers, d'où l'expression "pour un sorcier, dix mille sorcières". Si Michelet admettait à propos des femmes "que la nature les a faites sorcières", le sens commun les voyait s'adonner aux maléfices pour la seule volupté de nuire.
De plus, lors des procès de l'Inquisition, 80 % des victimes étaient des femmes. Cette distinction remonte certainement au matriarcat où la femme exerçait dans la communauté des fonctions particulières, cantonnées dans un domaine réservé. A la fois génitrice et nourricière, elle séduit, donne la vie, élève les enfants, cuisine, nettoie, soigne. Sa fonction reproductrice, mystérieusement liée à des cycles lunaires, l'isole naturellement des hommes qu'elle attire et captive.
Sa fonction, essentiellement féminine, de masca dans le Comté de Nice, le Piémont et la Provence, sera plus équilibrée dans les Hautes Alpes où le sorcier est généralement un homme étranger : travailleur saisonnier, piémontais ou berger transhumant.
La tradition a véhiculé le portrait de la sorcière sous les traits d'une vieille femme édentée, pourvue d'un nez et d'un menton crochus, semblable à ceux de MacBeth. Il peut s'agir plus rarement d'une troublante et vénéneuse beauté.
Généralement veuve ou célibataire, elle transmet ses dons à une proche : fille ou nièce. Elle est souvent fille unique sans frère ni fils.
Ayant pactisé avec le diable pour obtenir certains pouvoirs surnaturels, le sorcier ou la masca porte sur son physique la marque indélébile de cet accord. C'est là un moyen d'identification possible.
Tare, infirmité, difformité sont autant de signes laissés par le diable sur cette créature qu'il s'est appropriée borgne, boiteux, bossu, bigle, bègue, bâtard, tous ces stigmates perceptibles relevant de la lettre B prédestinent les malheureux qui en sont affligés.
Les roux, dont les pilosités sont teintés par les feux de l'enfer, sont tout aussi désignés à la méfiance publique.
Redouté pour son aspect, le sorcier ou la masca se différencie également par son isolement social. Vivant à l'écart comme un ermite, cette veuve, ce mendiant ou cette étrangère ne s'intègre pas à la communauté qui la craint pour ses pouvoirs, la fuit et la rejette.
Certains métiers comme celui de berger, de travailleur saisonnier, ou de mendiant sont soupçonnés de prédisposer à la sorcellerie. Il en était de même jadis pour les colporteurs, ramoneurs et saltimbanques voués à des métiers itinérants.
Isolé dans la nature dont il connaît les plantes et leurs vertus, capable de suivre dans le ciel la course des étoiles, le berger est un mage qui sait guérir les bêtes et quelquefois les gens.
Le mendiant ou la bohémienne "diseuse de bonne aventure" qui peuvent se venger du refus d'une aumône, sont tout aussi inquiétants.
Les étrangers, d'une manière générale par leur particularisme, sont également suspects.
Le prêtre doué de pouvoirs mystérieux, intercesseur reconnu avec l'au-delà, capable de désensorceler peut lui aussi pactiser avec les forces occultes. Il en sera de même de l'ermite prédisposé par l'isolement, la méditation et la prière, à des contacts avec le monde parallèle.
Le sorcier ou la masca sont parfois des êtres victimes d'un destin malheureux qui les entraîne à se venger des autres humains. Nés un vendredi, ou septième enfant d'une famille ne comportant que des garçons ou des filles, ces prédispositions naturelles es conduisent à se soumettre au diable et à servir ses noirs desseins.
Un indice est également à retenir pour distinguer la masca, c'est la présence familière à ses côtés d'un chat noir ou d'une poule noire, capable de l'accueillir à tout instant dans son corps pour servir ses maléfices. C'est d'ailleurs en compagnie de l'un de ces animaux transporté à minuit dans un sac, pour se rendre à un carrefour de quatre chemins et y invoquer trois fois le diable que va se conclure le pacte.
Une fois celui-ci scellé, sorciers et sorcières se réunissent périodiquement pour le sabbat présidé par le diable qui désigne à chacun ses missions. Dans le Comté de Nice, cette réunion s'opère généralement sous un noyer dans la montagne et sous un caroubier sur la côte.
Dans les vallées du Comté de Nice, les "balaours" (St Martin Vésubie, Bousieyas) accueillent les sabbats, tout comme les Valmasques (Antibes et Vallées des Merveilles).
Généralement, chaque village possède un lieu propice à ces réunions nocturnes, connu des habitants. Dans le Comté de Nice, le mois de mai est jugé favorable à la tenue des sabbats.
Les sorciers et leurs consœurs connaissent des formules d'enchantement pour évoquer et communiquer avec le diable, ses démons ou toute autre entité afin de produire des choses stupéfiantes.
Ces secrets ne sont révélés qu'à des personnes de confiance, lorsqu'ils pressentent leur fin prochaine. Douée d'une puissance exceptionnelle, la masca devine l'avenir, découvre les secrets, communique avec les morts, guérit mais peut aussi bien rendre malade et tuer à distance, ceci par simples opérations magiques.
Capables de se changer en chat, en mouton, en oiseau, et même en mouche ou en taon, elles peuvent alors mieux épier les humains sans être aperçues. A ce bestiaire s'ajoutent parfois des animaux familiers comme le chien, le cheval, l'âne, la chèvre et sauvages comme le chamois, le lièvre, le corbeau, le rat et le serpent.
De la même manière, la masca peut vous changer en crapaud ou en chien, vous immuniser contre la douleur et vous assujettir à sa volonté pour vous conduire tel un zombie à commettre un crime (!).
La sorcière peut aussi se métamorphoser en cochon et même en loup dans le seul but d'effrayer les gens. Les preuves de ces incarnations sont données par le simple fait qu'un coup ou une blessure portés à ces animaux étranges, a pour conséquence de retrouver le lendemain la masca alitée et portant une blessure similaire à celle reçue par la bête.
De nombreux récits du Comté de Nice rapportent des événements semblables.
Douée également de la faculté de se dédoubler, le sorcier ou la masca peut laisser échapper de sa bouche un papillon noir, son "double" qui va vagabonder et faciliter l'aboutissement de ses maléfices.
Pour se livrer en toute quiétude à ses multiples entreprises nocturnes, la masca mariée peut tromper son époux en laissant son similaire dans le lit conjugal. La possession du corps d'une victime s'opère aussi bien par contact que par piqûre (de préférence au talon) mais aussi par l'ensorcellement du linge étendu après la lessive.
Les enfants, proies innocentes de sorciers et de leurs semblables se doivent d'être protégés du mauvais sort, et ne pas être laissés libres et exposés sans surveillance. Jadis, sitôt sonné l'Ave Maria, ils devaient regagner la maison.
Les formules et recettes transmises à l'origine oralement seront codifiées au Moyen Age. Les initiés transmettaient le grimoire et les paroles symboliques au lit de mort.
L'imprimerie va faire éclore des ouvrages, véritables recueils soumis avant leur édition à l'imprimatur d'un dominicain. Là sont recensés les recettes pour chaque sortilège et contre-sortilège les paroles et prières, les signes cabalistiques, les objets magiques (talismans, amulettes, plantes, osselets, etc …).
Au fil des siècles, les livres de sorcellerie les plus diffusés dans les Alpes Maritimes seront : "Les admirables secrets du Grand Albert" (ou d'Albert le Grand), "Les secrets du petit Albert", "Le véritable dragon rouge", "La Poule noire", "La merveilleuse chouette noire", "Le secret de la reine Cléopâtre", Le trésor du vieillard des pyramides", "L'Arte della Normandia", "Les clavicules de Salomon", "De occulta philosophia", "L'Enchiridion".
Cette encyclopédie aux titres insolites prouve tout l'intérêt porté par nos ancêtres à des pratiques qui aujourd'hui nous apparaissent injustement fantaisistes.
Il est étonnant de constater que les formules insérées et les rites décrits dans ces ouvrages correspondent à ceux révélés oralement et transmis par la tradition.
Répandus par colportage du Nord au Sud de l'Europe, ces livres diffusent une pensée universelle. Ainsi s'explique l'uniformité relative de la sorcellerie en France et dans le monde occidental. Timide au XVIIIème siècle, la propagation se développera largement au XIXème siècle.
Signalons parmi les auteurs de ces grimoires sulfureux "Albert le Grand", évêque de Ratisbonne et, pour "l'Enchiridion" (ouvrage destiné à conjurer les esprits et lever le mauvais sort) le pape Léon III !
Comment reconnaître et identifier sans erreur un sorcier ou une masca ? Certains traits ou des comportements singuliers offrent des pistes sûres : les yeux souvent cernés, les mains sèches sur lesquelles l'eau glisse sans mouiller même en lavant du linge, ou en les humectant dans de l'eau bénite, leur isolement et leur localisation à l'écart et au fond de l'église durant l'office, une manière particulière de se signer. Enfin, un test infaillible : si on place des épingles en croix dans le fond du bénitier après que le sorcier ou la masca a pénétré dans l'église, ces derniers y resteront bloqués incapables d'en sortir aussi longtemps que les épingles seront en place.
Des précautions élémentaires permettent d'éviter l'ensorcellement comme : jeter une pierre dans l'eau en faisant le signe de croix avant de s'y baigner, placer à nouveau des épingles en croix dans l'eau avant d'y tremper le linge et ne pas se reposer à l'ombre délétère d'un noyer.
D'autres indices peuvent naître d'une mauvaise rencontre. Ainsi, si vous croisez un regard acéré ou éteint, un visage vous mettant mal à l'aise, un étranger qui disparaît soudainement quelques pas plus loin, un chat noir qui est là où il ne devrait pas être, ces signes sont autant d'avertissements significatifs.
La mort du sorcier ou de la masca est tout aussi tragique que son existence.
Une longue agonie précède en général son départ et le dernier souffle ne pourra venir qu'après qu'il ait serré la main de celui appelé à lui succéder.
Souvent, la sorcière meurt seule et oubliée, ou victime d'un subterfuge consistant à lui tendre un bâton à serrer pour éviter de lui avancer la main !
Généralement, un temps épouvantable accompagne son trépas. Souvent, la nuit précédant sa fin est traversée par les fracas du tonnerre ou les hurlements des oiseaux nocturnes, comme autant d'appels des serviteurs du diable annonçant le départ de son âme damnée.
C'est pourtant là l'unique occasion de recevoir la révélation de ses pouvoirs extraordinaires. La réincarnation du sorcier ou de la masca sous l'aspect d'un chat noir (son animal fétiche) est souvent relatée dans l'ensemble du département.
Ces divers traits présentés sans fard définissent la personnalité complexe du sorcier ou de la masca. Aussi vains et bizarres qu'ils puissent nous apparaître aujourd'hui, les portraits de ces mages correspondent à des personnages qui ont exercé une emprise sans limite sur les consciences des siècles durant.
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