Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

29/08/2014

LE DÉBARQUEMENT EN PROVENCE DU 15 AOÛT 1944

debarquement-de-provence.jpg

Sujet de polémique entre les dirigeants alliés, l'opération aéronavale Anvil (Enclume) présentait l'intérêt majeur de libérer rapidement le territoire français par la conjonction des troupes débarquées le 6 juin en Normandie avec celles devant débarquer en Provence le 15 août et; secondairement, de capturer les divisions allemandes stationnées dans le Sud-ouest qui se trouveraient encerclées.

Sans atteindre l'ampleur de l'opération Overlord, l'opération Anvil (rebaptisée Dragoon le l " août) mobilisa 2000 navires de guerre et de transport partis pour la plupart de Naples, la Corse servant de porte-avions fixe à 200 km des côtes provençales, ce qui permettait de disposer de la suprématie aérienne afin de bombarder les défenseurs au cours des jours précédant le débarquement puis de les mitrailler au matin du Jour J avec 2100 appareils.

Autre différence importante avec Overlord, Dragoon mobilisa davantage de troupes françaises (6 divisions d'infanterie et 1 division blindée) qu'américaines (3 divisions d'infanterie et 1 division aéroportée), ces dernières devant pénétrer rapidement vers les Alpes du Nord par la vallée de la Durance et remonter la vallée du Rhône en direction de Lyon alors que les unités commandées par le général de Lattre devaient s'emparer des deux places fortes de Toulon (J + 20) et de Marseille (J + 40).

Contrairement à Overlord, les 250000 soldats de la Wehrmacht ne disposaient pas de réserves et leurs fortifications étaient moins impressionnantes, bien que nombreuses (121 dans les Alpes-Maritimes, 173 dans le Var et 275 dans les Bouches-du-Rhône), complétées par environ 500.000 mines antipersonnel et antichar dispersées sur les plages entre le delta du Rhône et la frontière italienne.

Dans la nuit du 14 au 15 août, des commandos français débarquèrent aux deux extrémités du dispositif afin de réduire au silence les batteries du Cap Nègre qui battaient de leurs canons la plage la plus occidentale (opération réussie par les Commandos d'Afrique) et de détruire les routes reliant Cannes à Fréjus (échec sanglant du Groupe naval d'assaut de Corse à Théoule-L'Esquillon avec onze tués, dix neuf blessés graves et trente-cinq prisonniers), tandis que la 1° Special Service Force occupa les Iles d'Hyères sans grande difficulté et que la 1° Air Borne Task Force fut parachutée dans la cuvette du Muy, sur les arrières des défenseurs du littoral et à proximité du QG de Draguignan. Le 15, les premières unités américaines débarquèrent assez facilement à Cavalaire, Pampelonne, La Nartelle, Le Dramont et Anthéor, rejointes le lendemain par les divisions françaises, le général de Lattre fixant à Saint-Tropez son' quartier général.

La phase d'exploitation fut une grande réussite puisque la Task Force Butler, guidée et renforcée par des FFI varois et bas-alpins, parvint à Digne le 19 août et à Gap le 21, Grenoble étant libérée le 22 et Lyon le 3 septembre tandis que l'Armée B s'emparait de Toulon avec sept jours d'avance sur les prévisions (2700 tués et blessés français contre 7000 allemands et 18000 prisonniers) et de Marseille avec vingt-six jours d'avance (1500 tués français contre 5000 allemands et 10000 prisonniers), ce qui, malgré quelques destructions portuaires, allait permettre aux troupes débarquées de bénéficier d'un ravitaillement plus conséquent qu'en Normandie, d'où une progression ra­pide vers le nord (Grenoble étant libérée six jours plus tôt que les trois grandes villes provençales et Lyon trois jours plus tôt que Menton).

                                                                   Jean-Louis PANICACCI 

 

20/08/2014

LE MASSACRE DE SAINT MARTIN DU VAR

SAINT MARTIN DU VAR.jpg

Dans la nuit du 6 au 7 Septembre 1851, une troupe de paysans originaires d’Utelle et de la vallée de la Vésubie, fut prise en embuscade par les douaniers sardes alors qu’ils passaient sur le nouveau pont de la Madeleine, chargés de sel acheté à bas prix au Broc en France.

La fusillade qui dura une partie de la nuit fit six morts parmi les paysans. L’affaire, qualifiée de “ massacre de Saint Martin ” par les journaux de Nice et du Piémont, fit grand bruit. On prit souvent fait et cause pour les paysans, en insistant sur le fait qu’ils n’avaient pas d’armes et on eut aucune peine à monter en épingle la sauvagerie des gardes.

L’exaspération de la presse fut à son comble lorsqu’on apprit qu’ils avaient, le lendemain, célébré leur victoire à Saint Martin autour d’une bonne table, faisant ensuite le tour du village en chantant des airs déplacés, au moment où passait (c’était le 8 septembre) la procession en l’honneur de la Nativité de la Vierge. La population en fut paraît-il profondément choquée.


L’intervention des douaniers sardes marquait la volonté du gouvernement sarde de faire respecter les nouvelles lois douanières supprimant, “ grosso modo ”, les faveurs commerciales dont bénéficiait le Comté de Nice depuis le Moyen Age.

La frontière du Var entre Nice et la Provence avait pendant longtemps été facile à franchir, du moins jusqu’à la Révolution. Depuis 1815, le franchissement était devenu plus difficile, surtout en raison de la rigueur toute nouvelle des douanes françaises. Mais il subsistait par-delà la frontière des intérêts de voisinage et une identité linguistique qui permettait la poursuite des relations, sinon au grand jour, du moins plus discrètement.

La fusillade du pont Charles Albert résonnait aux oreilles des Saint-Martinois, comme un avertissement : la frontière était verrouillée et la contrebande une activité à très haut risque. Ce qui venait de se passer sur ce pont, dit aussi de la Madeleine, pouvait tout aussi bien arriver en face de Saint Martin, sur le gué conduisant au Broc. L’épisode marqua assez les esprits pour que cette affaire de la “ saou dou Broc ” (le sel du Broc) devint synonyme de correction exemplaire. Promettre la “ saou dou Broc ” à quelqu’un resta pendant longtemps la pire des menaces.

La contrebande ne s’arrêta pas pour autant, si l’on en juge par la décision de la municipalité Baudoin (1872-1875) de construire un hangar au cimetière pour y déposer les noyés, trouvés dans le Var, en faisant la contrebande du sel.

Retrouvez le passé et l’Histoire des Alpes Maritimes à travers les livres d’Edmond ROSSI, renseignements : edmondrossi@wanadoo.fr

 

05/08/2014

DES BARBETS VICTIMES D'UN TOUR DE COCHON !

BARBETS.jpg

La Révolution française, apportée par les troupes de la République en automne 1792 dans le Comté de Nice (Province du Royaume de Piémont-Sardaigne) provoqua des réactions diverses souvent teintées d’hostilité.

Les réquisitions, les pillages des troupes en campagne, les profanations de l’athéisme républicain et la conscription obligatoire ébranlèrent les fondements d’une société rurale traditionaliste, au point de déclencher une révolte comparable à la Chouannerie vendéenne.

Embusqués dans les vallées, des bandes de paysans montagnards : les Barbets, encouragés par le clergé et souvent encadrés par des nobles, officiers piémontais, menèrent une guérilla de francs-tireurs contre les troupes de la République.

La guerre de conquête, menée contre les troupes austro-sardes et leurs auxiliaires Barbets, va se poursuivre par des campagnes successives.

Enfin le 15 Mai 1796, un traité de paix, signé par Victor Amédée III, met fin aux hostilités. Le Roi du Piémont-Sardaigne renonce au Comté de Nice, qui devient le département français des Alpes-Maritimes. Les troupes françaises se retirèrent, mais les Barbets s’enhardirent. L’historien Paul Canestrier précise que loin d’obtempérer à l’ordre de désarmement du roi sarde, ces partisans optèrent pour le brigandage, ouvrirent leurs clans aux déserteurs de tous crins, aux ennemis des lois, aux criminels de profession.

Ils erraient de Lantosque à Entraunes en passant par Saint-Sauveur, Breil et Péone ; ils échelonnaient leurs pieds à terre sur les pics, dans les manoirs désaffectés, dans les grottes ouvertes sur le vide. Ils rasaient dans l’ombre les fermes éparses et fondaient sur leur proie. Ils détroussaient les voyageurs, les laissant nus et rossés. Les vieillards nous effraient en rapportant les récits précis qu’ils tiennent de leurs pères.

Les Barbets étaient plus de deux cents au-dessus de Guillaumes et de Beuil en septembre 1797. Le gouverneur de Nice détacha contre eux la garnison d’Entrevaux et recruta dans chaque village trente miliciens. On promettait une prime de 20 quintaux de froment et une somme équivalente à qui capturerait un Barbet. Le 8 Mai 1799, le général Pouget invita les habitants à se lever en masse. Le préfet pouvait enfin écrire en 1801 : “ La tranquillité et le calme règne dans cette contrée qui aurait pu devenir une seconde Vendée ”.

Voici un événement authentique, reflet de cette période trouble, parvenu jusqu’à nous d’une génération à l’autre.

L’hiver 1797, comme chaque année à la même époque, la famille Arnaud, qui demeurait à Enaux, un hameau isolé de Villeneuve d’Entraunes, avait tué son cochon. Un beau cochon bien nourri, rose et gras à souhait. Voilà que court la rumeur de la prochaine venue d’une bande de Barbets, détrousseurs de voyageurs et pilleurs de ferme. Aussitôt avec beaucoup de sang froid, la famille Arnaud décide de sauver son cochon en essayant d’attendrir les brigands.

Promptement habillé, le porc nanti d’une coiffe en dentelle, est dignement installé dans le lit de la grand-mère, dont la chambre est parée pour une veillée mortuaire improvisée. Volets fermés, rideaux tirés, cierges et crucifix posés autour et sur le lit achèvent de planter le décor. Les visages tristes, les chapelets que l’on égrène, la larme écrasée au coin de l’œil complètent la mise en scène.

Lorsque les Barbets se présentent à la modeste ferme en deuil, les pleurs sont tels qu’ils hésitent puis rebroussent chemin. Le chef aurait même esquissé un signe de croix au seuil de la chambre où reposait la chère disparue !

Sitôt le danger passé le sourire reprit ses droits. Quand au cochon, héros involontaire de cette burlesque histoire, sa dépouille fut rondement dévêtue, découpée et mise au saloir.

Pour connaître le passé du Pays d'Azur, consutez les livres d'Edmond ROSSI, renseignements: edmondrossi@wanadoo.fr