25/01/2016
SAINT DALMAS LE SELVAGE UN MONDE À PART
Situé à l’extrémité Nord du département et encore au siècle passé, à 33 heures de marche de Nice, par le chemin de la Tinée, Saint Dalmas le Selvage conserva longtemps un particularisme propre à sa situation isolée de village de haute montagne, à 1500 mètres d’altitude.
L’autarcie régnait ici comme une nécessité quotidienne, encore plus évidente de Novembre à Avril avec le long sommeil de l’hiver. Les hommes valides partaient alors sur les routes d’Europe avec leur vielle à roue - la “ sansougna ” - pour faire danser leurs marmottes vers Lyon, Genève et même Londres et Copenhague. Saint Dalmas conserve le souvenir d’une messe réunissant 30 vielleux dans un concert remarquable.
Les chroniques rapportent qu’un vielleux du lieu fut reçu avec sa petite partenaire à la Cour d’Angleterre par Georges III et qu’un autre eut ce même privilège auprès de Louis XVIII, exilé à Gand au moment des Cent Jours.
La fabrication des vielles à roue s’effectuait au village avec des caractéristiques propres. Les instruments sortis de ces ateliers, très élaborés, comme les vielles “ organisées ”, portèrent loin la renommée des artisans du lieu. L’un d’entre eux, un certain Chemin, ouvrit une boutique célèbre à Grenoble au XVIIIème siècle, pour la qualité et la beauté de ses créations.
La légende veut qu’un vielleux invité à une noce au hameau voisin de Bousieyasse eut la vie sauve grâce à son instrument. De retour vers St. Dalmas par le col de la Colombière, poursuivi par un loup féroce, le malheureux musicien commença par le retarder en lui jetant quelques beignets rapportés dans sa besace. Mais très vite à bout de ressources, il se mit alors à jouer de la vielle. Effrayé par les notes grinçantes, le loup s’enfuit en hurlant. Devant cette victoire inattendue, le vielleux regretta de n’avoir pas joué plus tôt et d’avoir dû ainsi sacrifier de si rares et délicieux beignets.
La chasse à la marmotte s’organisait en Novembre par le déterrage des petits mammifères capturés, dépiautés, vidés et dégraissés, mis ensuite à sécher dans “ le poli ” - vaste grenier de la fonctionnelle ferme de la Haute Tinée.
Dans ce même “ poli ” et jusqu’au Printemps, était également remisée en cas de décés hivernal, la dépouille de celui qui ne pouvait être enterré dans le sol gelé.
Une sorte de canne coudée à une extrémité, ferrée de l’autre, “ l’échéïone ” permettait l’extraction de l’animal de son terrier.
La viande et la graisse, conservées tout l’hiver, assuraient la nourriture des femmes, des enfants et des vieux, concentrés avec bétail, fourrage et litière dans la vaste ferme engloutie sous la neige. Pas loin de là à Bayasse, les marmottes capturées vivantes, placées dans des cages enterrées, répondaient aux mêmes exigences.
Les veillées, dans le contexte d’un hiver long et rigoureux, tenaient une place importante. Elles se déroulaient dans la chaleur humide des étables, à la clarté des lampes à huile de graisse de marmotte, chacun s’y occupait en laissant les anciens développer la trame inépuisable des histoires légendaires du passé. Parmi les activités de ces veillées signalons la typique préparation des amandes retirées des noyaux brisés des affatoux (en français : abrignons ou pruneaux sauvages). Les noyaux étaient cassés avec un maillet en bois, sur des planches creusées de petits trous. Les amandons ainsi obtenus étaient portés au Printemps au moulin le plus proche pour fournir une huile comestible très appréciée.
Coïncidant avec l’arrivée de l’hiver, la nuit des morts donnait lieu à un glas symbolique interminable, carillonné jusqu’à l’aube. Deux cuissons de pain coupaient la monotonie de l’hiver : “ lou tchaoutchisse ” et “ lou tchaoutchasse ” (début Décembre et fin Janvier), les événements étaient situés par rapport à ces deux dates clés.
Pour construire les rares parties maçonnées des maisons bâties en bois de mélèze, on extrayait le gypse, calciné sur place, au bas du vallon de la Combe. Pour passer un bon hiver et éviter la maladie on buvait et conservait l’eau de la “ Fuont sant ” qui sort au Pas des Lauzes. L’huile de graisse de marmotte faisait merveille contre les affections rhumatismales. Les mulets n’étaient pas oubliés, pour la Saint Jean, ils étaient bénis sur la place du village, après avoir goûté la rosée du matin dans les près voisins.
Les sorcières possédaient elles aussi leur quartier réservé, reléguées dans l’hostile vallon de la Combe, elles pouvaient s’y livrer à leurs ébats sans troubler la quiétude des habitants. Si les sauterelles envahissaient les adrets des Tronciés, terres à céréales de la petite communauté, tout rentrait dans l’ordre par la seule intercession du prieur. Il leur “ donnait quartier ” en face, de l’autre côté du vallon de Sestrière, par la seule grâce d’une bénédiction.
Au XIXème siècle, les pôles d’attraction migratoires ne changent guère. Les hommes valides partiront surtout pour Lyon et un peu moins vers Marseille, pour s’y embaucher l’hiver chez les marchands de bois et charbon.
Lorsque la Révolution Française secoua la paix du village, le seigneur de la famille Eymeric jugea plus prudent de quitter Saint Dalmas pour se réfugier d’abord à l’île de Guernesey, puis de là en Angleterre.
Environ deux siècles plus tard, un jeune homme blond, au français hésitant, visita un jour d’été Saint Dalmas pour y retrouver la grosse maison face à l’église, reliée à celle-ci par un souterrain : le “ château ” de ses ancêtres, dont les armoiries[1] seraient devenues celles du village.
Extrait de « Histoire et Patrimoine des vallées du Mercantour » d’Edmond ROSSI, Éditions des Régionalismes 2014
“ D’argent au trois sapins de sinople, en fasce, accompagnés, en chef, d’une croix du Temple de gueules ”. Dans ces armoiries, les sapins évoquent la forêt qui entoure Saint Dalmas et qui est présente dans le toponyme “ Selvage ”. La croix du Temple rappelle que le village fut créé par les Templiers qui le vouèrent à Saint Dalmas le Selvage.
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19/01/2016
SECRETS DE TEMPLIERS
Des centaines d'année après leur disparition, les Templiers et leurs mystères fascinent toujours.
Le livre de l'historien régional Edmond Rossi fait le point sur leur présence en Provence orientale et dans les Alpes-Maritimes,« département de France le plus pourvu en possessions templières ».
Appelés en Provence pour lutter contre les Sarrasins qui s’y maintenaient 400 ans après avoir été battus à Poitiers par Charles Martel, les Templiers étaient plus de 600 et possédaient plus de 700 exploitations agricoles dans les Alpes- Maritimes à la veille de leur anéantissement par le roi de France Philippe le Bel.
Au fil des pages, de Vence et du Broc jusqu’au Verdon et à la pittoresque principauté de Seborga, Edmond Rossi fait revivre ces moines soldats, leurs cinq commanderies azuréennes, leurs multiples possessions… Et la quête obstinée de leurs supposés trésors.
« Les Templiers en Provence orientales et dans les Alpes Maritiùes » par Edmond Rossi ; 250 pages, « Éditions Campanile », 22 Fjros.
- Laurent Quilici ( NICE MATIN)
Ce livre est disponible ; dédicacé par l’auteur en contactant ;
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13/01/2016
LES JUIFS DANS LES ALPES MARITIMES AU MOYEN AGE
C'est un des traits originaux de la société provençale au Moyen-Age que la proportion notable des juifs, rencontrée non seulement dans les grandes cités commerçantes mais aussi dans certains bourgs. Ecartés de la vie publique, les juifs trouvent dans les transactions commerciales et dans le crédit un emploi utile de leur activité, le seul même qui leur est permis. Ils consentent des prêts aux paysans, et même, à Avignon où ils représentent les compagnies florentines, aux communautés, seigneurs et commerçants. Ils s'adonnent en outre à une grande variété d'occupations (la médecine, l'artisanat etc.). Leurs droits en Provence sont égaux à ceux des chrétiens; ils sont sous la protection de la Cour royale qui lève une taille sur l'ensemble des communautés.
A Nice, après la dédition, la communauté est soumise à des règles plus strictes et d'esprit moins tolérant surtout à partir de 1430 et de l'édit d'Amédée VIII qui révoque et annule toutes les tolérances et privilèges passés, oblige les juifs à vivre dans un quartier séparé, à porter un signe distinctif sur l'épaule gauche, leur fait défense absolue de prêter à usure.
Voici quelques pièces d’archives révélatrices de la vie des Juifs à cette époque.
1 - Publication en la viguerie de Puget Théniers de l'ordonnance du sénéchal sur l'application de l'édit contre l'usure, donnée à Aix le 14 mai 1302-1302, 27 mai A.D. Bouches-du-Rhône, B 416
« Nous avons appris que certains juifs... qui n'habitent pas dans des lieux relevant de notre autorité... se livrent à l'usure dans les comtés de Provence et de Forcalquier... en infraction avec la constitution royale... parce qu'étant placés sous une autre juridiction, il ne pensent pas pouvoir être punis par la cour royale... Nombre de nos sujets... sont tombés dans un extrême dénuement à cause de... leur voracité extrême... Nous ordonnons que la dite constitution soit proclamée... afin qu'aucun contrat ne soit passé avec des juifs relevant d'une autre juridiction... Vous ferez faire de cette proclamation un instrument public, dont vous garderez un exemplaire, un autre étant dressé, sous quinzaine, au maître rational à la Cour royale d' Aix ; il vous sera restitué après avoir été enregistré dans le cartulaire de la cour, et vous nous en accuserez réception... ».
2 - Juifs et chrétiens à Grasse (1386) Marie de Blois, régente durant la minorité de son fils Louis Ill, enjoint aux officiers de Grasse d'interdire des ventes de vin au détail faites par les Juifs dans des conditions jugées abusives et de limiter à 25 % le taux d'intérêt de l'argent que les Juifs prêtaient aux chrétiens. Ce texte est significatif de la méfiance et de l'hostilité latente qui inspiraient alors les rapports entre Juifs et chrétiens. «Marie, par la grâce de Dieu reine de Jérusalem et de Sicile, duchesse des Pouilles, d'Anjou, comtesse de Provence et de Forcalquier, du Maine, de Piémont et de Roucy, gardienne, tutrice et régente de notre illustre très cher fils Louis, par la même grâce roi, duc et comte des susdits royaumes, duchés et comtés, aux officiers de la cour royale de la ville de Grasse présents et futurs et à chacun d'eux ou à leurs lieutenants, grâce et bonne volonté. De la part de la communauté des hommes et des ambassadeurs de la ville royale de Grasse un rapport récemment présenté à notre majesté exposait que quelques juifs habitant dans la susdite ville achètent aux chrétiens pauvres des raisins au temps des vendanges et parfois les leur extorquent en quantité importante et achètent du vin pour le revendre au-delà de leur provision et ensuite vendent ce vin aux chrétiens et à tous ceux qui veulent en acheter pour une grande quantité d'argent; de plus ils prêtent aux chrétiens, et en reçoivent et exigent de l'argent à des intérêts plus élevés qu'il n'est d'usage au préjudice et très grand dommage de ladite communauté et de ses particuliers pauvres; c'est pourquoi on nous implore instamment d 'y remédier en droit. Nous voulons et mandons à votre fidélité par les présentes, en le prescrivant de notre science certaine, que vous ne permettiez à l'avenir sous aucun prétexte aux susdits Juifs de vendre aux chrétiens le vin au détail, mais seulement en gros, et que lesdits Juifs ne reçoivent en intérêts ou pour le profit de leur argent qu'ils accordent ou accorderont dans l'avenir en prêt aux chrétiens que cinq sous pour une livre annuellement, selon la forme des statuts édictés sur ces points à leur encontre dont nous voulons et ordonnons l'observation; ne le souffrez dorénavant en aucune matière ne le permettez, si vous désirez éviter la lourde peine qui vous serait imposée à notre jugement…»
3 - Lettre d'Amédée VIII, duc de Savoie, sur l'exécution des dispositions relatives aux juifs, contenues dans les statuts de réformation générale.- Thonon, 1433, 16 juillet, A.M Nice, GG 46 bis
« Nous ordonnons..., sous peine de cent livres reforciat... de faire observer par les juifs résidant dans la dite ville de Nice,... tant les dispositions contre l'usure... que la réclusion de leurs habitations (c'est-à-dire leur séparation d'avec les chrétiens » ).
Le taux de l'usure était alors fixé aux environs de 27 %, le taux majeur d'intérêt des prêts de la « casana » ou banque de prêt, était de 20 % .
4 - Lettre de Louis I, duc de Savoie, ordonnant l'installation d'un banc à part pour les juifs au mazel (boucherie).- Genève, l446, l0 décembre, A.M Nice, GG 46 bis
« ... Vue la demande annexée, à laquelle il nous semble (bon) de nous conformer, en séparant les juifs des chrétiens,... nous ordonnons qu'il y ait au mazel de Nice un étal séparé et un seul, pour les juifs habitant (la ville), sur lequel vous ordonnerez qu'ils achètent leurs viandes... leur interdisant... d'en acheter à un autre étal... ».
5 - Lettre de Louis I, duc de Savoie, ordonnant que les juifs portent un signe distinctif. Genève, l446, 12 décembre,A.M. Nice, GG 46 bis
« Nous ordonnons... que vous fassiez proclamer dans les lieux habituels de notre cité de Nice que tout juif habitant dans la dite cité, tant homme que femme, devra porter la rouelle ( « rotam » ) ou un grand signe, comme les autres juifs de nos États, et à un endroit visible et non caché... afin de pouvoir les distinguer des chrétiens... ».
La rouelle était un morceau d'étoffe rouge de 3 doigts de diamètre.
6 - Contrat de louage d'un domestique par un juif.- l452, 22 mars A.D. Alpes-Maritimes, 3 E 74/119
Le respect des règles religieuses, notamment du sabbat se traduit par une clause spéciale: « Egalement, il fut convenu que tous les samedis de l'année ledit Antoine aura congé... ».
D’après « Les Châteaux du Moyen-âge dans les Alpes Maritimes », pour commander cet ouvrage illustré et dédicacé de 23,50 € : téléphoner au 04 93 24 86 55
Pour en savoir plus sur un village typique chargé d’anecdotes et d’images du passé : Cliquez sur
19:29 Publié dans HISTOIRE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire