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20/07/2006

HISTOIRES DE LOUPS EN PAYS D'AZUR

LES LOUPS DANS LES ALPES MARITIMES 
Les Alpes Maritimes, nées de la rencontre des Alpes et de la Provence, offrent un cadre exceptionnel fait de villages perchés et de vallées sauvages aux traditions vivaces.

Notre propos sera de recueillir et présenter une anthologie des récits les plus remarquables, relatifs aux diverses péripéties prêtées au loup, dans ce vaste territoire. Nés d’une tradition orale qui se perpétuait jadis aux veillées, ces contes partaient le plus souvent de faits réels auxquels nos anciens étaient mêlés.

Partons vers les quatre coins du département, sur la piste mystérieuse de ce grand perturbateur que  l’imagination populaire a toujours travesti familièrement de nos propres fantasmes. Mais d’abord, apprenons à connaître cet animal mythique qui persiste à hanter les Alpes Maritimes. Le loup gris d’Europe vit en meute de cinq à six individus sur un territoire d’environ 250 km2. Un code subtil de comportement vise à maintenir la stabilité du groupe et à limiter l’agressivité des individus. Animal social le loup reste soumis à une forte hiérarchie. La meute est structurée autour d’un couple dominant, seul à se reproduire chaque printemps. Les mimiques, les postures et les vocalises nuancées ne sont pas encore comprises. Elles reflètent la hiérarchie de la meute. Ainsi, les oreilles dressées, le corps raidi et le regard fixe annoncent l’attaque. La queue basse et corps aplati allant jusqu’à se coucher en présentant le ventre et la gorge  traduisent la soumission. De même le langage vocal est très diversifié : si le loup jappe et grogne selon les circonstances, c’est à son hurlement, différent pour chaque individu, qu’il est systématiquement associé. Plus que son corps élancé, de la taille d’un berger allemand, couvert d’une fourrure variant du gris au fauve selon les saisons et l’âge, c’est par son regard scrutateur que le loup fascine. Dressées et mobiles, ses oreilles surmontent une tête triangulaire dont les yeux dorés en amande sont rehaussés par un masque blanc. Les loups d’une même meute se déplacent souvent « à la queue leu leu ». Dans la neige le loup pose ses  pattes dans les traces de celui qui le précède par économie d’énergie ce qui rend leur dénombrement difficile. Les indices de sa présence vont des fèces aux empreintes de pattes laissées dans la boue ou la neige, ces traces s’apparentent à celles d’un molosse. La sécrétion odorante de ses coussinets lui permet de marquer son territoire par grattage. Les liserés noirs sur les pattes avant sont caractéristiques des loups italiens et espagnols. Discret, rapide, doté d’une ouïe et d’un odorat exceptionnels ainsi que d’une puissante denture (150 kgs de pression au cm2) le loup est un chasseur efficace surtout lorsqu’en meute il poursuit et harcèle ses proies. Les louveteaux sont allaités deux mois par leur mère. Le sevrage débute ensuite lorsque la louve et les autres adultes régurgitent la viande dont les petits se nourrissent. Le louveteau se livre sous la surveillance des adultes à des jeux avec les frères et sœurs de sa portée, se préparant ainsi au rôle qu’il assumera ultérieurement dans la meute.  

Le loup s'est maintenu  près de nous et sa présence s'inscrit encore dans la mémoire collective des Alpes du sud. Pendant sept années, de 1612 à 1618, les loups semèrent la terreur dans l'Embrunais et le Queyras. Après les luttes religieuses du XVIe siècle, une paisible coexistence s'était installée entre catholi­ques et protestants. Épargnée par le fléau des gens de guerre, la région connut d'autres ravageurs inattendus: les loups. Des centaines de personnes furent attaquées par des bandes de ces carnassiers, beaucoup en moururent. La chronique évalue à plus de 500 le nombre de victimes des loups dans l'Embrunais, sans compter celles du Briançonnais. Les loups devenaient sous la plume de témoins catholiques les « ministres de la colère de Dieu », dans la mesure où ils s'attardaient sur les territoires protestants! Dans le Queyras, les villageois, agressés jusque dans leurs maisons, abandonnèrent les hameaux pour vivre regroupés dans les bourgs. Dans les Alpes-Maritimes, des bandes de loups descendaient jusque sur le littoral avant la Révolution. Ainsi en 1751, les consuls niçois signalent dans une lettre à ceux de Saint-Laurent du Var que les incendies des bois de Provence avaient fait passer le Var à « une quantité de sangliers et de loups » les obligeant à organiser des battues. Plus tard, en 1802, on signale un loup abattu dans la banlieue de Nice. Les chroniques du XIX ème siècle dans les Alpes Maritimes relatent des attaques permanentes des loups sur les troupeaux et les hommes. Des primes furent offertes par les autorités afin d’encourager sa chasse et d’écarter le péril de ses agressions. -         Le 11 avril 1804 le Conseil municipal de Nice offre 60 livres par tête de loup. -         En 1815, le Prince de Monaco autorise le port du fusil à Roquebrune      «  pour se garder du loup ». -         Le naturaliste Risso signale en 1826 que le loup « séjourne dans nos bois et y apparaît toute l’année ». Bien qu’écartés de la Côte, les loups continuent de se multiplier dans le Haut-Pays de 1840 à 1850. -         Le zoologiste J. B. Vérany signale qu’en 1862 des chasseurs de Clans ont exterminé 150 loups et 100 lynx. -         Si en 1865 le loup est écarté des abords de Nice, il n’en est pas de même à Beuil et Pierlas. -         Lors du rigoureux hiver de 1870 un loup attaque encore un chien à La Gaude, d’autres actes similaires sont notés à Touët et Roubion où le maire organise une battue. Le Préfet distribue du poison sans écarter des apparitions et des attaques à Massoins et Pélasque en 1880. Le Valdeblore est visité par l’animal au point qu’en 1882 la loi du 3 août codifie les primes : 100 francs pour un loup, 150 francs pour une femelle, 40 pour un louveteau et 200 si le loup s’est jeté auparavant sur des êtres humains. Déjà en 1844 l’Intendant du Royaume de Piémont-Sardaigne offrait la somme équivalente en lires pour assainir le Comté de Nice qui relevait de son autorité. Ce n’est qu’en 1906 que les derniers des loups seront aperçus : quatre du côté de Péone, un en haute Vésubie dans le Boréon. Le dernier loup est tué en 1913 à Belvédère.


Néanmoins, d’autres apparitions seront signalées dans l’entre-deux-guerres, comme à Sainte Anne de Vinadio, selon le Dr Paschetta. En 1987 à Berghe sur la commune de Fontan un loup est abattu, il précède le retour du prédateur dans le secteur du Mercantour où un couple (?) est aperçu en 1992 suivi de six congénères en 1994. Dans les vallées des Alpes Maritimes, la toponymie conserve le souvenir de l’omniprésence du loup : les bois sombres, les « loupières » ou « loubières » rappellent encore sa fréquentation des lieux. Entre Villeneuve-d'Entraunes et Bantes un énorme rocher placé au bord du chemin, la « peïra déou loup », confirme le récit d'un paysan du lieu qui, attaqué par une meute, n'avait eu la vie sauve qu'en grimpant sur la pierre. Ainsi posté, appelant et faisant tournoyer son bâton, il avait pu attendre du secours. Le col de Gratteloup, entre les vallées de la Vésubie et de la Tinée, restitue une réalité du passé tout aussi douloureuse. Les bergers transhu­mant avec leurs troupeaux étaient plus exposés que quicon­que. Dans les pacages, pour défendre les bêtes des attaques des loups et des ours, ils disposaient de molosses armés d'un collier de clous: les chiens de parc. Le soir, les enclos abritant le bétail avaient le haut de leurs murs garni de grosses pierres pointues pour décourager ces mêmes rôdeurs. Dans ce contexte, fertile en anecdotes, l’évocation de l’inquiétant carnassier ne pouvait qu’alimenter les contes des veillées où l’imaginaire rejoignait la réalité.  Aujourd’hui le loup fréquente à nouveau les Alpes Maritimes. Retour naturel selon les officiels, ce qui garantit sa protection par la convention de Bernes ou réintroduction dans le parc du Mercantour à des fins expérimentales ? Le débat est ouvert compte tenu de l’incompatibilité du prédateur avec une activité pastorale traditionnelle. La Présence de « Canis lupus » (nom latin du loup) remet en cause la garde des troupeaux, nécessitant l’équipement des bergers en enclos, cabanes pastorales et chiens « patous », ainsi qu’un système de compensations. L’efficacité du « montagne des Pyrénées » ou « Patou », molosse spécialisé depuis des siècles dans la protection des troupeaux, s’est vérifiée depuis le retour du loup. Actuellement le nombre de loups s’élèverait à une vingtaine de têtes dans le Parc du Mercantour et autant dans les Alpes Maritimes. A l’évidence, la réapparition du loup dans les Alpes menace aujourd’hui le pastoralisme extensif du département, déjà affaibli par une impitoyable concurrence internationale. Le retour « naturel » du loup dans les Alpes, au début des années 90, tient davantage de la croyance que de la vérité scientifique selon les conclusions de Franco Zunino, biologiste italien de renom, lequel penche pour une introduction volontaire de plusieurs individus en divers lieux. Pourtant, le berger et son troupeau remplissent une fonction reconnue de protecteur intégré de la montagne qu’il nettoie et régénère pour mieux la sauvegarder. Il est pour le moins surprenant que l’homme décourage l’existence et le maintien de cette activité ancestrale, en imposant et tolérant la présence d’un prédateur hostile au pastoralisme traditionnel.

Le fossé est évident entre l’utopie écologique des citadins rêvant d’une nature sauvage des premiers âges, considérant le loup comme une « tendre peluche », et la réalité vécue par les acteurs sociaux de la montagne.

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EDMOND ROSSI SIGNERA SES DERNIERS OUVRAGES RELATIFS A L'HISTOIRE DE LA REGION :

SAMEDI 22  JUILLET A LA «  JOURNEE DE LA LITTERATURE»

DE

SAINT MARTIN VESUBIE.

12/05/2006

EVOCATION DU PASSE DU PAYS D'AZUR

LA VIE SIMPLE D’AUTREFOIS AU PAYS D’AZUR
 
Ici autour des leurs châteaux, les maisons vil­lageoises se sont assemblées, à flanc de rocher, serrées les unes contre les autres, formant enceintes percées de quelques portes donnant accès à un laby­rinthe de calades, pontis, ruelles et placettes.
Sublimes sur leur socle ou leur piton rocheux, ces vil­lages sont typiques de la région, comme de tous les pays méditerranéens, haut perchés pour échapper à la mer et à ses envahisseurs, les Barbaresques, les Maures, les Sarrasins, au début du XIXe siècle, ils venaient encore, dit-on, raz­zier les filles entre Nice et Antibes.
Pendant près de vingt siècles, entre les pillards de la mer au sud et les traînards des armées venues de l'Est ou de l'Ouest, l'une chassant l'autre, la Provence a été un pays périlleux, parcouru par des bandes. La tradition en était encore vive il y a cinquante ans, où l'on appelait la route de Saint-Jeannet à Saint-Laurent-du-Var la « route des brigands », en raison de sa solitude boisée, propice à l'agression. N'est-ce pas sur cette route que, par trois fois entre 1960 et 1970, fut attaqué le four­gon blindé transportant la paye du Centre de recherche I.B.M. de La Gaude ? Aujourd'hui, la cor­niche sur le Var est devenue une banlieue résidentielle où les villas se succèdent sans interruption.
Cette menace incessante fit qu'ici les paysans ne se bâtirent pas de grosses fermes isolées où vivre en per­manence, mais de simples abris agricoles, cabanons, bastidons, rentrant le soir s'enfermer dans le repaire de leur village où veillait à la porte, à la tour ou au clocher, le signadour. Il était bien le seul à la regar­der, la mer, dans sa méfiance. Ce sont les voyageurs des arts et des lettres, les touristes, les résidents, les retraités, les étrangers, qui en ont inventé l'obsession, tournant vers elles les terrasses et les façades de leurs villas. L'homme du pays, le paysan, ne l'a jamais recherchée ainsi, tourné qu'il était, lui, vers la mon­tagne où étaient échelonnées ses terres par planches ou terrasses aux murs et murettes de pierres sèches. Travaillées de main d'homme depuis des millénaires, elles ont donné au paysage du Pays d’Azur ses aspects d' im­menses escaliers à flanc de collines ou de baous, cam­pagnes plantées en oliviers et orangers. Orangeraies et oliveraies souvent retournées aujourd'hui à l'état sauvage dans un fouillis de hautes herbes et de basses branches chargées de fruits amers, la jusquiame blanche, la plante des maléfices, poussant vivement entre les pierres éboulées des murettes.
 
Pendant des siècles, l'usage du Pays d’Azur fut de se rendre le matin à sa campagne
- à moins que la pluie ne retienne au logis - et d' en repartir le soir pour souper et dormir au village. Cette manière de vivre déter­minant les dispositions de 1 'habitat. Chaque maison de bourg ou de village, haute et étroite, comportait : caves, à vin ou à huile en jarres; au rez-de-chaussée, écurie, remise, paneterie, puits            donnant sur  la
citerne approvisionnée en eau par les toits; à l' étage, cuisine et potager de deux à six foyers, évier, buga­dier, chambre à coucher; sous les combles, fruitier, poulailler, grenier à foin                        communiquant parfois directement avec le râtelier de l' écurie par le moyen d'un conduit, la trumba, prévue dans le mur d'arête.
Comme le raconte Marie une ancienne de Saint Laurent du Var qui a souhaité l’anonymat :
« Ici, tout le monde était cultivateur. Ils vivaient en ville et ils allaient tous les jours à leurs campagnes. Il y avait bien quelques maisons à la campagne, mais pas tellement. On cultivait des fruits, des légumes, des fleurs. Presque tout le monde faisait son vin, aussi on faisait son huile. Pour aller à notre campagne, quand on marchait bien, il fallait un quart d'heure...
Les trois quarts des paysans n'habitaient pas leurs campagnes, ils ont toujours habité la ville; on gardait les cochons à la cave, dans l'écurie il y avait l'âne ou le cheval, ou le mulet. Dans l'escalier, à chaque marche, il y avait un sac de blé, soit de légumes secs, et, au troi­sième étage, au-dessus des chambres, c'était le grenier à foin, et une petite pièce pour les provisions d'hiver : les pommes, les poires, les pommes de terre. Le matin, avant de partir pour la campagne, on mettait une chaise devant la porte, sur la chaise on mettait quatre ou cinq assiettes pleines de fruits, vous n'aviez pas besoin de mettre une étiquette, les gens savaient ce que cela voulait dire, c' était un sou l' assiette; eh bien, le soir, l' assiette était renversée et y avait le sou par­dessus...
Moi, quand je pense à Saint Laurent de ce temps-là, je pense toujours aux merveilleuses odeurs, les petites voitures qui traversaient la ville remplies de fleurs, roses de mai, jasmin, fleurs d'oranges amères, ces petites voi­tures traînées par des chevaux étaient remplies jus­qu'au bord de ces fleurs, et Saint Laurent de ce temps-là sentait bien bon... »
 
Cette vie rustique fit la renommée du pays dès la colonisation romaine, avec la culture en terrasse des oliviers, sur le modèle africain; de grands domaines, les villae rusticae, exportant leur production d'huile par Antibes sur l'Italie. Les Romains auraient aussi introduit la culture, toujours en terrasse, du bigara­dier, l'oranger commun au fruit aigre ou amer, dont la fleur distillée en eau est à la base de l'essence de néroli des parfumeurs de Grasse, elle-même base de l'eau de Cologne.
 

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