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10/12/2011

DURAND DE LA PENNE, UN HÉROS ORIGINAIRE DES ALPES MARITIMES

PORTRAIT DE DURAND DE LA PENNE.jpg

 

DURAND DE LA PENNE (1914-1992)

« L’HOMME QUI S’ÉTAIT CONDAMNÉ A MORT »

 

Luigi Durand de La Penne, héros italien de la seconde guerre mondiale était originaire du village de La Penne, situé dans la vallée de l’Esteron (Alpes Maritimes). Sa famille noble, qui n’avait pas admis le rattachement du Comté de Nice à la France de 1860, avait émigré à la cour de Turin. Ses ancêtres conservaient néanmoins le "Pavillon du Marquis", leur résidence située au « Plan » en contre bas du village.

Voici son acte d’héroïsme raconté par Pierre Bellemar :

«Quand il a terminé ses derniers préparatifs, le lieutenant de vaisseau Luigi Durand de La Penne s’attaque au plus difficile : passer de l’état de vivant à celui de mort en sursis.
Pour cela, il referme la porte de sa cabine et commence à se dépouiller de tout ce qu’il a sur lui, c’est-à-dire des accessoires d’un aristocrate italien, officier de marine : le petit carnet de moleskine noire sur lequel il note pêle-mêle ses impressions, un stylo, sa montre-bracelet. Il hésite un instant avant de retirer son alliance. Il prend encore quelques affaires qu’il a déjà dispersées au pied de son lit et place le tout dans un sac imperméable sur l’étiquette duquel on peut lire : « A remettre, après ma mort, à ma femme Mme Valeria de La Penne, à Gênes. »
Puis il s’assoit devant la petite planchette qui lui sert de bureau, prend une feuille de papier blanc et commence à écrire : « Ceci est mon testament. »
Au fur et à mesure qu’il écrit, un sentiment assez inhumain s’empare de Luigi Durand de La Penne : il lui semble qu’il est devenu un étranger et que ce mort dont il est question n’est pas lui.
Brusquement, l’image de Valeria, sa femme, lui provoque un choc… Une émotion violente qui l’oblige à reprendre son souffle.
Il imagine Valeria, assise, dans le grand bureau de l’amirauté, à Gênes, tandis qu’on lui lit ce dernier message.
Afin de se redonner du courage, il s’oblige, pour la centième fois, à donner à sa mort les dimensions d’une servitude purement technique. Elle lui paraît ainsi plus facile à envisager.
Ce qui lui donne du souci, c’est l’idée qu’il n’aura peut-être pas le temps, sans se faire repérer, d’aller fixer la tête explosive de 300 kilos sur la coque du navire de mouillage…
Car le lieutenant Luigi Durand de La Penne, chef d’un commando d’hommes-grenouilles de la marine italienne dont les exploits durant la dernière guerre sont légendaires, va se lancer dans la mission la plus périlleuse qu’il ait jamais entreprise… Une aventure tellement étonnante qu’on en a tiré un roman, un film et une pièce de théâtre.
Le navire que Luigi de La Penne a décidé de couler, c’est le « Vailant », de la marine britannique, au mouillage dans le port d’Alexandrie, en Egypte, avec une partie de la flotte anglaise qui s’y est réfugiée, car, en ce mois de décembre 1941, les sous-marins italiens rôdent dans les eaux de la Méditerranée.
Le plan de Luigi de La Penne : détruire les navires anglais jusque dans leur abri, puisqu’ils n’osent plus se risquer sur la mer où on les guette.
Mais le port d’Alexandrie est bien défendu.
Plusieurs filets, auxquels sont mêlés des câbles électriques, en interdisent l’entrée, ne s’ouvrant que devant les navires amis sur un mot-code transmis par radio, pour se refermer aussitôt après leur passage. La seule façon de pénétrer à son tour dans le port, sans donner l’alerte, consisterait donc à se dissimuler dans les parages à la faveur de la nuit, pour se faufiler à la suite d’un de ces convois anglais devant qui la porte s’ouvre durant quelques instants.
Or, cet exploit, qu’un sous-marin trop volumineux ne peut accomplir sans être repéré, des hommes-grenouilles, chevauchant à califourchon ces minuscules sous-marins qu’on appelle des « cochons «, peuvent le tenter et le réussir…
Il leur suffit simplement de savoir que la porte se refermera derrière eux comme la grille d’une nasse. Une nasse où ils vont eux-mêmes semer la mort.
Il est 10 heures du soir, le 18 décembre 1941.
La nuit est maintenant si noire qu’on a peine à distinguer la surface de la mer.
Le sous-marin italien « Scipé », qui a attendu toute la journée, posé sur le fond, émerge lentement de l’eau.
A un kilomètre au sud, il y a le phare de Ras El-Tit, qui ne s’éclaire que quelques minutes par nuit, à l’approche des patrouilleurs anglais…
Doucement, les trois « cochons » sont mis à la mer. Les hommes-grenouilles viennent les chevaucher, deux sur chaque appareil. Avec leur combinaison en caoutchouc, leur masque et leurs bouteilles d’oxygène, ils ressemblent à d’étranges centaures marins…
3 h 30 du matin.
Le phare de Ras El-Tit vient de s’allumer… Trois torpilleurs anglais approchent, tous feux éteints. Les filets de protection vont s’ouvrir pendant quelques secondes…
-Allons-y, souffle Durand de La Penne.
Dans le sillage des trois navires, les étranges cavaliers marins se faufilent.
La Penne, transi de froid immobile dans l’eau, entend que le filet se referme derrière eux.
Tout se passe comme il l’a voulu.
La tête de chacun des trois « cochons » est constituée par une énorme ogive explosive de 300 kilos... que les hommes doivent détacher au dernier moment pour aller la fixer par des ventouses sur la cible elle-même. Les trois « cochons » se séparent…
La cible pour La Penne, c’est le « Valiant », le cuirassé amiral… La deuxième équipe doit se charger d’un autre cuirassé, le « Queen Elizabeth ». La troisième, d’un grand pétrolier plein de carburant…
Voici maintenant La Penne et son compagnon, un scaphandrier professionnel, à une centaine de mètres du « Valiant ».
C’est alors que, brusquement, le « cochon » sur lequel ils sont assis tressaille, bascule et plonge…
Luigi de La Penne plonge à son tour… Il atteint le fond de vase à dix-sept mètres.
Inutile de vous dire que par dix-sept mètres, sur un fond de vase, la nuit, même avec une lampe électrique, on ne voit pas très loin… Pourtant, La Penne retrouve son « cochon »… Mais où diable est passé son compagnon scaphandrier ?
Et puis, impossible de faire repartir le petit sous-marin : un filin d’acier faisant partie du système de protection du « Valiant » s’est enroulé autour de l’hélice… Il est tellement emmêlé, serré, qu’il ne faut pas songer à le défaire à la main.
Le scaphandrier a disparu… Mais la masse énorme du « Valiant », elle, est là… vivante. Il voit la lumière bleue du poste de la chambre de veille… Il entend le ronronnement sourd des dynamos des moteurs et des pompes… C’est là, au milieu, sous la tourelle, point névralgique du navire, qu’il faut placer la bombe…
La Penne regarde l’heure à sa montre : 4 h 5 mn. Il est convenu qu’il doit régler le mouvement d’horlogerie de l’ogive explosive à 6 h 5 mn… Dans deux heures exactement… Avant, le « Valiant » risquerait de sauter alors que les deux autres équipes n’ont pas fini leur travail. Après, les deux autres navires ayant explosé, l’équipage du « Valiant », alerté, aurait peut-être le temps d’explorer la coque et de trouver la bombe.
Luigi de La Penne repère alors, à la boussole, la position du « Valiant » et, seul, plonge à nouveau vers son « cochon ».
4 h 50 mn.
Parvenu au fond, Luigi de La Penne a desserré les vis, tiré sur l’énorme ogive… Pendant quarante-cinq minutes, dans un long effort épuisant, il traîne l’ogive mètre par mètre dans la vase du fond… Celle-ci se soulève… Il ne voit plus rien, même pas sa boussole à son poignet… D’ailleurs, son masque est complètement embué… L’eau est glacée.
Il pense au petit mouvement d’horlogerie qui bat au cœur de l’énorme bombe et dont il a presque l’impression, par instant, d’entendre le tic-tac.
4 h 51 mn.
4 h 52 mn.
4 h 53 mn…
La Penne sent qu’il s’épuise,…
L’air dans ses bouteilles, aussi…
Il risque évidemment de perdre connaissance… Aura-t-il le temps de fixer la tête explosive sous la tourelle du « Valiant » ?... Le plus possible sous la tourelle ?...
4 h 55 mn…
La Penne est en position sous la tourelle. Il voudrait pouvoir tenter un dernier effort pour fixer l’engin avec les ventouses à même la coque du navire anglais, mais, épuisé… sans oxygène, il sait qu’il n’en est plus capable… et il est à deux doigts de perdre connaissance…
Mais ses efforts ne sont pas inutiles… L’ogive explosive va faire son effet… sous la coque du navire, à très courte distance des tôles… Alors… il règle la minuterie… Explosion à 6 h 5 mn…
Maintenant, vite de l’air… de l’air… Il remonte à la surface et arrache son masque.
Mais, en arrivant à la surface, contre la coque du « Valiant », le corps de La Penne a fait un petit « floc » imperceptible…
Le marin de vigie l’a entendu, il a entendu ce petit clapotis… anormal… Et puis quelque chose a brillé… pendant une seconde. Là-haut, sur le pont du « Valiant »… le marin de vigie se penche et hurle…
Jusque-là… après tout, Luigi Durand de La Penne n’a fait qu’accomplir une mission… difficile, peut-être, mais dont il avait lui-même fixé les paramètres et dont il connaissait les risques. Brusquement, tout va changer… Il va se trouver dans une situation imprévue, évidemment dramatique… est c’est là que sa mission devient vraiment une aventure.
5 h 1 mn.
Dans soixante-quatre minutes, la bombe doit exploser.
La Penne, dès qu’il sent qu’on l’a repéré, veut s’enfuir entre deux eaux… Mais, n’ayant plus d’air dans les bouteilles, il est obligé de venir respirer à la surface… Alors une grêle de balles fait gicler l’eau autour de lui.
Et, maintenant, il est comme cloué, par les faisceaux convergents de plusieurs projecteurs, contre la bouée d’amarrage du « Valiant » à laquelle il s’est accroché.
Sur la bouée, d’ailleurs, il y a un homme : son scaphandrier… éjecté du « cochon » au moment où celui-ci a coulé. Ayant perdu son masque, il ne peut qu’attendre, depuis cinquante minutes, que Luigi de La Penne ait fini son travail.
Une chaloupe à moteur s’approche, tandis que les deux hommes s’interrogent… « Est-ce que les deux autres équipes, au moins, ont réussi ? »
Dans ce cas, dans une heure, le port d’Alexandrie va s’embraser en un gigantesque bouquet de dynamite…
5 h 35 mn.
Depuis un temps qui lui paraît interminable, La Penne est debout, dans sa combinaison ruisselante, dans le bureau du commandant de ce navire amiral… le commandant Morgan…
L’interprète est là aussi pour traduire.
Mais il n’y a rien à traduire.
La Penne n’a consenti à parler que pour dire son nom et son grade :
-Luigi Durand de La Penne, lieutenant de vaisseau.
Pour le reste, il n’a rien voulu dire, ni ce qu’il était venu faire, s’il était seul, s’il était là depuis longtemps ou s’il venait d’arriver. A l’époque, les exploits des hommes-grenouilles, qui allaient devenir légendaires, sont encore mal connus, et le commandant Morgan et ses officiers se perdent en conjonctures…
Ils sont loin d’imaginer qu’une tête explosive de 300 kilos repose, en cette seconde, juste au-dessous d’eux et que le mouvement d’horlogerie va s’arrêter dans trente minutes, à 6 h 5.
5 h 47 mn.
Dans dix-huit minutes, le navire va sauter.
On vient d’enfermer Luigi Durand de La Penne, qui se refusait toujours à parler, dans une cellule… Dans la soute… Dans les fonds.
5 h 55 mn : dans dix minutes, le navire va sauter.
Or, en dix minutes, il est impossible, maintenant, d’équiper des plongeurs, de les mettre à l’eau avec l’éclairage adéquat, pour explorer la coque de l’énorme navire… Alors, Luigi de La Penne se met à frapper, de toute la force de ses poings, contre la porte de fer.
-Le commandant ! Vite ! Je veux parler au commandant !
Le commandant Morgan est là, sous la coursive, devant la porte ouverte.
-Dans dix minutes, dit lentement Luigi de La Penne, le navire va sauter. Il vous reste dix minutes pour évacuer l’équipage.
6 h 1 mn.
Derrière la porte de son cachot, La Penne a deviné la dernière galopade des hommes dans les coursives…
Il est seul, enfermé dans l’immense navire. La Penne ne quitte plus sa montre des yeux. Si les calculs sont bons, dans quatre minutes il va mourir, déchiqueté ou noyé au milieu du déluge de fer et de feu qu’il a déclenché.
Dans deux minutes, si les autres équipes ont réussi leur travail, le « Queen Elizabeth » va ouvrir le feu d’artifice.
6 h 2 mn 30 s.
La Penne n’a plus que quelques secondes à vivre… Deux minutes et demi exactement…
Il entrevoit la petite silhouette droite de sa femme… Valeria. Assise en face d’un officier au visage grave, dans le grand bureau de l’amirauté, à Gênes… Sur la table, il y a un paquet pour elle. Un paquet enveloppé dans un sac de toile imperméable, avec une lettre…
6 h 4 mn…
Une immense lueur embrase le port d’Alexandrie : le « Queen Elizabeth » a sauté.
Dans son cachot, Luigi Durand de La Penne ferme les yeux et comptes les secondes : une, deux, trois…
… cinquante-cinq, cinquante-six, cinquante-sept, cinquante-huit, cinquante-neuf, soixante !
Une formidable explosion… Juste en dessous. Luigi de La Penne, projeté à terre, se relève… L’explosion a été telle que tout semble avoir bougé autour de lui… et le « Valiant » a pris 5 degrés de gîte.
Luigi de La Penne s’aperçoit alors, avec étonnement, qu’une volute de fumée se glisse sous la porte… L’huisserie s’est déformée et la porte s’est ouverte…
Luigi s’élance dans la coursive. De coursive en échelle, d’échelle en escalier… il fait irruption sur la plage arrière. Là, des marins le regardent sans rien dire, tandis que le commandant et ses officiers donnent calmement des ordres pour essayer de sauver leur navire. La plus grande partie de l’équipage est déjà dans les chaloupes.
En le voyant, le commandant Morgan lui demande :
-Lieutenant, jurez-moi sur l’honneur que vous n’avez posé qu’une seule bombe.
Comme Luigi refuse de répondre, le commandant Morgan se détourne avec un geste de colère vers ses officiers :
- C’est bon, qu’on évacue aussi cet homme.
Le « Valiant » n’a pas coulé… Gravement endommagé, il sera longuement immobilisé sur le fond du port… Mais aucun homme n’a été tué ni noyé.
Après la guerre et une longue captivité, le lieutenant de vaisseau Luigi Durand de La Penne sera décoré par les Italiens pour son courage. Mais, chose beaucoup plus rare, il recevra des anglais, pour avoir permis de sauver la totalité de l’équipage, la médaille d’or de la valeur militaire… Et l’officier qui lui remettra cette médaille ne sera autre que le commandant Morgan, commandant du navire amiral « Valiant ».

Après le 8 Septembre 1943 et l’Armistice de l’Italie avec les Alliés, Durand de La  Penne, aristocrate fidèle au roi, se voit offrir l’opportunité d’être libéré en acceptant de combattre aux côtés des Alliés. Il y consent et reprend du service comme homme-grenouille.

Le 22 juin 1944, il  participe à une opération conjointe Italien-Anglais contre les Allemands. Une équipe formée de plongeurs britanniques et italiens sera transportée par le destroyer italien Grecale pour une attaque contre La Spezia port aux mains des Allemands. Ils couleront les croiseursGorizia et Bolzano avant qu'ils puissent être utilisés pour bloquer l'entrée du port.

Après la guerre, de La Penne poursuit sa carrière dans la « Marina Militare”. Il serapromu au grade de Capitano di Fregata ( commandant ) en 1950 et Capitano di Vascello ( capitaine ) en 1954. En 1956, il sera nommé attaché naval au Brésil. Il sera également adjoint de l'Italie au Parlement européen pour la deuxième législature comme sixième candidat indépendant. Il prit sa retraite avec le grade de Ammiraglio di Squadra ( vice-amiral ).

En son honneur, la Marine italienne nommera ses nouveaux destroyers de la classe de 1993 le premier Luigi Durand de La Penne, le second Francesco Mimbelli.

 

Luigi de La Penne, grand géant blond, terminera son existence à Gênes en 1992, après avoir effectué de courts séjours à La Penne, dans les murs du château familial devenu aujourd’hui une luxueuse et accueillante résidence hôtelière.

19/11/2011

ROCCASPARVIERA, HISTOIRE D'UN VILLAGE MAUDIT

12 LES RUINES DE ROCCASPARVIERA.jpg

 

Roccasparvièra, “ La Roche de l’épervier ” (situé à une trentaine de kilomètres au nord de Nice et à 3 km au nord-ouest de Coaraze) dresse ses ruines confondues à la roche grise dont elle émane à 1100 mètres d’altitude, au-dessus du col Saint Michel reliant les vallées de la Vésubie et du Paillon.

Ce village fantôme porte l’empreinte de légendes sanglantes, où curieusement le crime se mêle à l’anthropophagie dans un contexte de vengeance. Au Moyen Age, ce lieu sera maudit par la reine Jeanne, après l’assassinat de ses enfants servis au repas du réveillon de Noël 1357. Plus tard, pendant les guerres de la Révolution, de sauvages barbets, réfugiés dans ses ruines, feront manger à des soldats français le cœur de l’officier meurtrier de leur père.

Véritable nid d’aigle ou plutôt d’épervier selon son nom, le village, dominé par les restes de son château, s’accroche sur une crête rocheuse surveillant le col, passage obligé d’une voie intervallée empruntée depuis les origines de l’humanité. Pour l’atteindre aujourd’hui à partir des routes modernes, il faut compter une bonne heure de marche, au départ du hameau de l’Engarvin au nord de Coaraze ou de Duranus.

Une cinquantaine de bâtisses ruinées s’entassent dans une enceinte, avec les traces d’un four et d’une citerne. Seule subsiste intacte, sur une plate-forme au sud, la chapelle Saint Michel, restaurée en 1924 sur les restes de la paroissiale.

La découverte de céramiques et de tuiles romaines atteste d’une occupation des lieux dès cette époque, probablement poste de guet. On y a même trouvé un silex taillé et une hache en serpentine verte polie, qui repoussent la fréquentation du site à des temps plus lointains (Néolithique).

Roccasparvièra pénètre pour la première fois dans l’Histoire dans deux chartes du XIIe siècle, recensant les paroisses dépendantes de l’évêché de Nice ; on y dénombre 15 feux en 1264 (environ 86 habitants). En 1271, l’église paroissiale est déjà dédiée à Saint Michel, pourfendeur du démon, exorciseur des lieux élevés, remplaçant souvent une divinité païenne de la montagne.

A la même époque, profitant de la faiblesse du pouvoir central, le premier seigneur augmente son autonomie avant d’être soumis brutalement comme d’autres feudataires de la région.

Le fief est confisqué en 1230 et racheté partiellement en 1239 par Guillaumes Richieri (Riquier), sans l’approbation de Raymond Bérenger V. L’enquête de Charles Ier de 1251 recense les droits et revenus du village avec exemption de corvées.

Le 6 Mars 1271, un des membres de l’illustre famille niçoise des Riquier prête hommage au souverain, ils seront coseigneurs de Roccasparvièra, avec un certain Faraud en 1309. Un état des feux de 1316 en attribue 26 à Roccasparvièra (67 à Coaraze) soit environ 150 habitants.

Une acquisition progressive du fief par le domaine royal devient définitive en 1351. Cette année là, l’église rapporte 14 sols de bénéfice au diocèse. Huit ans plus tard, Pierre Marquesant rachète la totalité du fief pour 700 florins d’or.

C’est à cette époque que se situe l’invraisemblable légende de la reine Jeanne. A la nouvelle qu’elle vient de manger le fruit de ses entrailles, elle s’enfuit comme une folle en hurlant des imprécations contre ce lieu maudit où s’est accompli un aussi abominable forfait : “ Rocca rouquina, rocca malina, un jou vendra que su la tieù cima, cantera plus gal ni galina ” (Roche rousse, roche méchante, un jour viendra où sur ta cime ne chantera plus ni le coq ni la poule).

Malgré cette malédiction, Roccasparvièra va poursuivre son destin dramatique quatre siècles durant. En 1364, peu rancunière, la reine Jeanne élève le fief au rang de baronnie. Mais la même année, une ravageuse invasion de sauterelles, entraînées par un vent chaud venu d’Afrique anéantit les cultures. Rien ne s’améliore, puisqu’en 1376 le compte de procuration déclare la petite communauté “ impuissante à payer l’impôt ”.

A la dédition de 1388, Roccasparvièra est noté comme un chef-lieu de baillie, sans château. Pierre Marquesant, accusé de trahison, voit ses biens confisqués en 1391. Après s’être disculpé, il sera réinvesti en 1399. Sa famille conservera le fief jusqu’au XVIIIe siècle.

Un donatif en faveur du comte de Savoie de 1408 signale 5 feux fiscaux (16 à Coaraze) soit une trentaine d’habitants.

Au XVIe siècle (1529, 1544, 1550, 1580), une série d’épidémies de peste emporte une partie de la population. On y élève alors une chapelle vouée à Saint Roch, saint anti-pesteux éprouvé.

Mais un sort funeste continue de s’acharner sur ce malheureux village, victime d’une suite de redoutables tremblements de terre qui vont détruire une partie des maisons et entraîner le début de son abandon : 20 Juillet 1564, un des plus violents de France, 31 Décembre 1612, suivi en 1618 d’importantes secousses étalées du 14 au 18 Janvier mettant bas maisons et église avec chutes de rochers.

L’abandon progressif de cette commune, qui aurait compté jusqu’à 350 âmes avant ces catastrophes (avec une administration communale et même un notaire à demeure puisqu’il y rédigeait ses actes en 1564) va s’échelonner tout au long du XVIIe siècle. Il peut encore s’expliquer pour diverses raisons : d’une part l’absence d’eau sur ces hauteurs au relief tourmenté où seules des citernes d’eau de pluie devaient permettre une vie précaire, d’autre part les destructions des tremblements de terre qui malmenèrent effroyablement les villages plantés sur le roc, notamment dans le massif hérissé entre Vésubie et Bévéra. De plus, ces séismes ont pu détourner les sources et décourager les habitants qui vivaient là d’une modeste agriculture.

Dès 1625, le départ s’amorce vers les vallées en répartissant les familles sur chacun des versants à Duranus et l’Engarvin.

Paul Canestrier indique : “ Les chefs de famille, les uns après les autres, désarticulèrent les maisons tremblantes, emportèrent poutres et tuiles, puis pièce par pièce, le four banal, le moulin et autres édifices publics ”.

Si en 1690 quelques irréductibles s’accrochent encore aux ruines, dix ans plus tard, seuls le curé et sa servante résideront au  chef-lieu avant de se résigner eux aussi à partir en 1723.

Mais avant cet abandon définitif, la chronique tragique de Roccasparvièra sera encore émaillée de bien des vicissitudes : assassinat du prêtre Ludovic Uberti par des brigands, maison curiale dévalisée à cinq reprises en 1697, nouvelle mise à sac en 1703 avec tentative de s’emparer des cloches ! Ce qui reste des statues, des tableaux et du mobilier de l’église sera déménagé le 10 Août 1723 vers Duranus où s’installe le desservant de la paroisse.

Dans le village, signalé ruiné et désert en 1749 et 1754, seules certaines bâtisses servent encore de remises ou de refuge temporaire pour des bandes de barbets pendant la Révolution. Enfin, leurs caves seront utilisées pour abriter les troupeaux avant que des bergers n’y affinent leurs fromages jusqu’au début de ce siècle.

Comme si la mémoire de ce village maudit devait elle aussi s’effacer, signalons enfin l’étrange disparition du registre des baptêmes, mariages et décès antérieurs à 1697, ainsi que du manuscrit de Don Jules Uberti, dernier prieur de Roccasparvièra. Document où il consigna l’histoire, les coutumes et les conventions de sa chère paroisse.

L’histoire tourmentée de Roccasparvièra, mêlée d’inquiétantes légendes, n’a pas fini de troubler le visiteur de ses ruines solitaires, où seule la plainte du vent dérange parfois le silence.

Bibliographie : La vie communale de Roccasparviera a été décrite par son dernier curé, Don Jules Uberti, originaire de la Bollène, qui laissa un manuscrit aujourd’hui introuvable. Plusieurs personnalités et auteurs l'eurent entre les mains, en particulier Augustin Carlone (1812-1873) qui le fit relier à ses frais, et surtout l'historien tourretan, Paul Canestrier (1888-1955) qui en fit l'objet d'une communication au Congrès des Sociétés Savantes de 1922.

Voir aussi, le tome XXVI de 1984 des « Mémoires de l’Institut de Préhistoire et d’Archéologie des A. M. »

 

D’après «Les Contes et Légendes du Pays d’Azur» (Editions Sutton),

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Les « Contes du Pays d’azur » ont pour cadre l’extraordinaire décor qui s’étend des Alpes du massif du Mercantour aux rivages de la Côte d’Azur.
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·       « Contes et Légendes du Pays d’Azur » Editions Alan Sutton, Saint Cyr sur Loire, 2010 (23€)

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12/11/2011

FORTERESSES OUBLIÉES DE LA TRINITÉ VICTOR

 

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Si l’Abbaye de St Pons attire à l’Ariana les nobles venus rendre hommage aux moines et à leur abbé, on ne possède que peu d’informations sur le Moyen Age de ce quartier de l’Ariane qui changera son nom en La Trinité en 1726, suite à la construction d’une chapelle.

Passeront à « l’Ariana » en 1004 Roubaud d’Arles, frère de Guillaumes « le libérateur », puis en 1210 Sanche frère du roi d’Aragon qui campera en ces lieux.

Il reste les vestiges d’une tour de garde du XIme siècle visible en bordure du chemin de Laghet avec les traces d’un pont-levis au premier étage.

Mérindol (castrum de Mirendol), ce castrum se trouvait au confluent du Paillon et du vallon de Saint André. Son territoire correspond à la majeure partie de l’actuelle commune de la Trinité. Il apparaît détruit dans l’Enquête de Charles d’Anjou 1251-52. Vers 1070, Caïs de Pierlas cite les « hommes libres de Mérindol » et de même en 1078 « Mirindolio » et au XIIme siècle « Miridol ». Subsisterait selon L. Cappatti (Castra-Dirupta) un ancien château sur l’éperon dominant le confluent du Paillon et du vallon de Saint André.

 

D’après « Les Châteaux du Moyen-âge en Pays d’Azur » (Alandis-éditions Cannes), pour commander cet ouvrage illustré et dédicacé de 20 € : contacter edmondrossi@wanadoo.fr

 

Le Moyen Âge a duré plus de mille ans, presque une éternité ! Aussi, les différences l’emportent largement sur les points communs.

Quel rapport entre la Provence romaine, soumise aux déferlements des hordes barbares et celle annexée au Royaume de France de Louis XI ?

Terre de passage et de partage, les Alpes Maritimes – ou Provence orientale – sans ignorer ces disparités, conservent les facteurs d’une unité enracinée dans le sol et dans les mentalités.

Qu’il s’agisse de la langue latine, de la religion chrétienne, de la construction des états modernes aux œuvres de l’intelligence, cette époque fournit en ce lieu tous les éléments nécessaires pour appréhender dix siècles de cataclysme et de grandeur.

La découverte des châteaux et des forteresses médiévales du « Pays d’Azur » (Alpes Maritimes), témoins authentiques des bouleversements de cette période clé n’est pas aisée ; elle constitue pourtant le meilleur moyen de retrouver ces temps disparus.

Les plus anciennes constructions datent d’un millénaire ; en parties détruites ou restaurées, elles offrent rarement leur visage primitif, laissant le plus souvent à l’imagination le pouvoir de les faire renaître.

L’archéologie de l’âme peut nous aider à retrouver l’image vivante de la chevalerie et des nobles hantant ces demeures oubliées.

Elle nous sera restituée grâce à de nombreuses anecdotes émaillant l’austère description des sites. Puisées dans les chroniques et les légendes, elles restituent une vision de valeurs fondées sur l’honneur et la foi.

Confronté à l’hostilité et à la violence d’un monde obscur, l’homme médiéval exprimera une part de ses ambitions et de ses craintes par des ouvrages défensifs. Ces orgueilleux édifices inscrivent dans le paysage les premières empreintes de l’histoire mouvementée des Alpes Maritimes.

Laissons-nous entraîner à la fabuleuse découverte de ces 140 châteaux et vestiges médiévaux présentés avec précision par Edmond Rossi, un niçois passionné par le passé et les traditions d’une région qu’il connaît bien. Il nous offre en plus la part d’imaginaire qui entoure ces vieilles pierres.

Rappelons qu’Edmond Rossi est l’auteur de plusieurs ouvrages traitant de l’Histoire des Alpes Maritimes et de la mémoire de ses habitants.

 

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