04/06/2008
LA GAUDE, UNE BIEN TRISTE FIN...
Il faut dire que le père Bonifacy, bourgeois économe, ne brillait pas par ses largesses à l’égard d’Antonin son valet de ferme. Ce dernier, bien souvent, partageait sa soupe avec son précieux auxiliaire à quatre pattes, pour parvenir à le nourrir.
Aussi, le malheureux « Pied-blanc »n’avait que la peau sur les os, mais bien qu’efflanqué, il persistait à s’acquitter de ses tâches avec courage et un sens évident du devoir.
La vie de « Pied-blanc » se déroulait chaque jour entre un aller matinal vers les pâturages des Serens et des Vaquières et un retour au déclin du jour vers l’étable du Trigan. Encadrant deux douzaines de chèvres et une centaine de moutons, le chien attentif avait fort à faire pour conduire son troupeau au long des chemins, sans qu’il ne s’égare vers quelques parcelles de particuliers bougons.
Jappant allégrement et mordillant les pattes des récalcitrants, « Pied-blanc » faisait preuve d’autorité et d’une habileté indiscutable pour conduire sa petite troupe sans encombre au terme du déplacement.
Nous étions parvenus ainsi à la mi-février de l’année 1870. Il faisait froid et les montagnes environnantes avaient revêtu leur manteau de neige depuis la Noël. L’hiver ne désarmait pas enfermant la campagne dans une étreinte glacée, aussi dans ces conditions plus question de sortir les bêtes de l’étable.
Comme la réserve de foin s’amenuisait, bêtes et gens attendaient impatiemment la fin de l’hiver.
Le matin du 22 février, un timide soleil réchauffant enfin l’atmosphère, Antonin décida de reprendre à l’aurore le chemin des Vaquières. Le sol gelé et les taches blanches de la neige persistante avaient transformé le paysage de la campagne. «Pied-blanc», fidèle compagnon du berger, s’affairait fier de pouvoir reprendre ses fonctions.
L’après midi un vent sournois souffla du nord, apportant depuis les Baous la menace de lourdes nuées. Bientôt une bourrasque gonflée de flocons de neige tourbillonnants s’enroula autour du berger et de son troupeau. Aveuglé, mais décidé à revenir au village coûte que coûte, Antonin défia la tempête harcelant de la voix son pauvre chien qui se démenait plus que jamais.
Le ciel s’était assombri au point de masquer la lumière du jour, rendant encore plus difficile la progression du troupeau
Soudain des aboiements furieux déchirèrent l’épaisseur de la tourmente, très vite suivis de grondements de colère, puis de cris de douleur s’achevant en une longue et faiblissante litanie faite de : »Kaiii, kaiii, kaiii » à fendre l’âme.
Antonin égaré, persistait sans succès à appeler «Pied-blanc» désormais muet. Parvenu au village avec une partie de ses bêtes mais sans son chien, le berger apparut comme un héros après sa tumultueuse aventure.
Le père Bonifacy jugea très mal son valet de ferme, lui reprochant son manque de discernement dans une pareille circonstance.
« Antonin vous êtes un irresponsable, retournez là-bas sans tarder et ramenez les bêtes avec l’aide du chien qui à dû s’égarer. Il doit vous attendre mort de peur. Vous me rendrez compte des bêtes manquantes, perdues à cause de votre stupide négligence. »
Parvenu aux Vaquières, Antonin retrouva le pauvre « Pied-blanc » mort égorgé et en partie dévoré par un loup, lequel profitant de la panique engendrée par la bourrasque, s’était attaqué à la queue du troupeau. Trois autres moutons avaient subi le même sort. Préjugeant de ses forces, le courageux « Pied-blanc » avait vaillamment combattu jusqu’à la mort, pour défendre ses chers moutons.
Rentré au Trigan la larme à l’œil, Antonin confia son désarroi à un maître insensible qui l’accabla encore, lui reprochant son inconscience.
Vous n’avez pas de jugeote et tout ça est de votre faute, comment allons nous faire maintenant privés de chien ? Sans parler de mes trois brebis offertes à l’appétit du loup !»
Au village, chacun regretta la disparition du brave chien des Bonifacy, aimé de tous.
Aussi, comme en hommage à «Pied-blanc» et pour mieux alerter les gens du lieu après cet événement tragique, ce quartier de La Gaude se nomme depuis « Les Vaquières et Le Loup » comme si ce territoire restait acquis à ce féroce animal.
D’après «Les Histoires de loups en Pays d’Azur » (Alandis-éditions Cannes), pour commander cet ouvrage illustré et dédicacé de 18 € : téléphoner au 04 93 24 86 55
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