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18/03/2008

LES LUNETTES DE GRATTELOUP

« Fernand, vous prendrez bien un petit verre de vin de noix ? C’est naturel et ça ne peut pas vous faire de mal, je l’ai confectionné avec nos noix. Chaque année j’en préparé d’après la recette de ma grand-mère. Notre petite Rosalie adore ça, vous aussi j’espère ? » Madame Ciarlet insistait avec tant de gentillesse qu’il m’était difficile de refuser. Le repas se prolongeait et en cet après midi du dimanche 22 octobre 1868, je n’aspirais qu’à me retrouver seul, en tête-à-tête avec Rosalie la fille de la famille. Nous nous étions connus cet été, au festin de la Sainte Anne à Lantosque. Ses yeux pétillants de malice et son sourire charmeur m’avaient tout de suite conquis. Le bal s’était achevé tard dans la nuit, avec la promesse de se revoir très vite. Normalien de la toute nouvelle Ecole de Nice, j’avais obtenu ma récente affectation comme instituteur stagiaire à La Tour sur Tinée, alors que les Ciarlet résidaient au Figaret dans la vallée voisine de la Vésubie. A vol d’oiseau nous étions proches, mais à pied il fallait compter au moins cinq heures pour aller d’un village à l’autre, et encore pour un bon marcheur. Ce qui heureusement était mon cas… Depuis la rentrée, je venais chaque dimanche depuis La Tour, pour courtiser avec assiduité ma chère Rosalie. Nos rencontres se déroulaient dans les formes, c'est-à-dire en famille. Selon l’usage, tout devait se conclure par des fiançailles envisagées au printemps, après Pâques. Le mariage suivrait, il devait être célébré en juillet. Le père, François Ciarlet, maréchal-ferrant réputé dans la vallée conduisait bien ses affaires. Il venait d’ouvrir avec succès un atelier au Suquet, au bord de la grande route où son fils aîné combinait les activités rémunératrices de charron. Martine, la mère, avait élevé ses quatre enfants, deux fils et deux filles, Rosalie étant la cadette. J’avais été accepté et reçu avec sympathie par toute la famille. Ma fonction d’instituteur offrait une garantie que les parents appréciaient. Lorsque j’avais révélé cette liaison à ma mère, elle m’avait simplement dit :  « Fernand c’est ton choix. Bien que j’aie eu d’autres ambitions pour toi, je trouve Rosalie si mignonne que je ne regrette rien. Je vous souhaite à tous deux beaucoup de bonheur. » Rosalie, sous le prétexte de m’entraîner à voir Bijou, son nouveau cheval, cadeau du père, avait réussi à nous faire quitter la chaude atmosphère de la table familiale où les desserts, cafés et autres liqueurs s’enchaînaient pour nous contraindre à une pesante présence. Dehors, la fraîcheur alpine nous fouetta le visage embuant mes verres de lunettes. Je serrais amoureusement Rosalie contre mon corps, laquelle toute joyeuse, après de longs et tendres baisers, se moqua gentiment de mon impatience. Puis, comme pour me rassurer, elle me promit de m’accompagner un temps sur le chemin du retour, grâce à son Bijou au pied sûr. Désireux de ne pas rejoindre La Tour trop tard dans la nuit, j’avançais mon départ saluant les Ciarlet, avec promesse de retour le dimanche suivant.
Le père m’avait alors attiré à l’écart murmurant : « Fernand, j’ai quelque chose pour vous, venez, suivez-moi. » Rosalie s’impatientait : « Papa, laisse-nous… » Parvenus dans la remise, le bonhomme ouvrit un coffre d’où il sortit une boîte contenant un revolver à crosse d’ivoire dont le barillet était garni de six balles de neuf millimètres. « Avec ce British-Bulldog, il ne vous arrivera rien… Nos chemins ne sont pas sûrs. Si les Barbets ont disparu, les loups eux sont toujours là, et tout aussi féroces. Prenez ça, croyez moi et soyez prudent ! » « Papa arrête, tu vas lui faire peur ! » répliqua Rosalie avec un grand rire incrédule. Un peu surpris, je logeais l’arme dans mon sac. Nous quittâmes ensuite Le Figaret, en cette belle après midi de fin d’automne où le soleil rehaussait les flamboyantes couleurs de la forêt. Bijou nous précédait d’un pas de sénateur, alors que je tenais tendrement la fine taille de Rosalie. Après avoir traversé le hameau du Blaquet et s’être arrêtés face à la chapelle Sainte Anne, pour lui rendre grâce d’avoir favorisé notre rencontre, nous parvinrent à la ferme du Bourgougnon, à partir de laquelle le chemin devenait accidenté et dangereux pour Bijou. Après nous être longuement enlacés, il fallait encore une fois se résoudre à une difficile séparation. Rosalie l’œil humide se voulait forte, tristement, elle souriait quand même. Alors, comme si l’ombre d’un pressentiment assombrissait son regard elle ajouta simplement : « Fernand, je t’aime très fort. Sois prudent, je pense à toi toujours… » Deux lacets plus haut, j’aperçus au loin dans le vallon, la gracile silhouette de Rosalie dressée sur Bijou qui cheminait vers Le Figaret. J’emportais cette dernière image dans mon cœur. Alors que le soleil baissait sur l’horizon, je parvins sur la crête séparant les versants des deux vallées. Je poursuivis ensuite jusqu’au col de Gratteloup, avant d’amorcer ensuite la longue descente vers Saint Jean, suivie d’une lente remontée vers La Tour. Arrivé au col, je posais mon sac pour me rafraîchir lorsqu’un bruissement étrange attira mon attention, je me retournais pour me voir observé puis très vite entouré par une meute de loups gris, certainement affamés et décidés à avoir ma peau. Agitant mon bâton ferré qui accompagnait toujours mes marches, je tentais par des tourniquets d’éloigner la horde féroce. Mais mes coups ne décourageaient pas les agresseurs. Conscient du danger, et bien décidé  à défendre ma vie, je sortis mon revolver et après avoir ajusté le loup le plus agressif, je fis feu le clouant au sol après quelques soubresauts. Rassuré par cette action je repris mes esprits. Pas découragés pour autant, les loups persistaient à trottiner sur mes talons alors que j’entamais la descente vers Saint Jean. Je dénombrais huit loups adultes et deux jeunes qui sans méfiance s’approchaient menaçants. Chaque fois que l’un d’eux fonçait sur moi en grondant, je lui logeais une balle dans le corps, j’obtenais alors une trêve de courte durée. Me défendant avec l’acharnement du désespoir, je m’encourageais en pensant à ma chère Rosalie. Quand on aime, on est plus fort, plus déterminé, j’en étais convaincu. Mais hélas, il ne me resta bientôt qu’une seule balle dans le barillet…

Deux jours plus tard, une colonne d’habitants venus de La Tour à la recherche de leur instituteur découvrit sur le chemin du col: un revolver vide, une chaussure et une paire de lunettes. C’est tout ce qui restait du malheureux Fernand dévoré par les loups. Son destin s’était arrêté là, au bien nommé col de Gratteloup.

 

D’après « Les Histoires et Légendes du Pays d’Azur », pour commander cet ouvrage dédicacé de 15 € : téléphoner au 04 93 24 86 55.

Pour en savoir plus sur un village typique chargé d’anecdotes et d’images du passé :

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http://saintlaurentduvarhistoire.hautetfort.com

 

 

17:40 Publié dans MEMOIRE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : HISTOIRE

16/03/2008

CHATEAUX DU MOYEN ÂGE DES ALPES MARITIMES

ROSSI Edmond

LES CHÂTEAUX AU MOYEN ÂGE EN PAYS D’AZUR

20.00EUR

[format :21X28cm***ISBN :2-913637-33-7]

 

Les « Châteaux du Moyen Age du Pays d’Azur » est conçu pour répondre à une exigence manifeste, il reste à ce jour unique en son genre, puisque le seul ouvrage spécifique à ce département pour la période médiévale. Méthodiquement étudiés et répertoriés, commune par commune, les sites sont offerts au lecteur dans la perspective d’une agréable découverte. Des anecdotes, puisées dans les chroniques et légendes d’époque, tempèrent la description des 140 ouvrages présentés et un choix d’itinéraires est enfin proposé pour clore l’étude. Véritables joyaux ignorés, les fabuleux châteaux du Moyen Age du Pays d’Azur, restaurés, ruinés ou fantômes, dévoilent enfin leur vie secrète et la part de mystère et de légende qui entoure leurs vieilles pierres.

09:45 Publié dans HISTOIRE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire

11/03/2008

ROMEE DE VILLENEUVE, DIGNE SERVITEUR DE LA PROVENCE

Au début du XIIIème siècle, la Provence est dirigée par le Comte Raymond Bérenger V qui rétablit son autorité tout en confirmant les franchises. Il se heurtera dans sa démarche au désir d’indépendance des grandes villes et à l’indocilité de certains de ses vassaux, particulièrement situés à l’Est du Var. Le comte sera secondé dans ses entreprises par un fidèle et zélé serviteur : le grand Romée de Villeneuve. Le jour où le futur sénéchal de Provence croisa la route de Raymond Bérenger, il se rendait en pèlerinage à Rome depuis sa Catalogne natale. Le comte, lui aussi d’origine catalane, avait demandé peu de temps auparavant à Dieu de lui venir en aide, alors que seul il doutait de la fidélité et de la sincérité de son entourage. Pour le comte, cette rencontre ne pouvait être le fait du hasard, il y vit comme le signe évident d’une intercession divine. Il offrit sans hésiter le gîte et le couvert à cet étrange messager. Il faut dire que « Romieu », conduit vers Rome sur la tombe du premier martyr de la chrétienté, avait déjà accompli le fameux pèlerinage de Saint Jacques de Compostelle. L’homme portait la tenue habituelle des pèlerins : un large chapeau de feutre, une robe de bure, la panetière en bandoulière, un grand bâton en main avec, accrochée au sommet, la gourde traditionnelle. Son costume, son visage barbu emprunt d’une pieuse dignité inspiraient au premier coup d’œil un sentiment de respectueuse sympathie. Le pèlerin accepta l’hospitalité qu’il supposait offerte par un simple particulier, ignorant avoir à faire au comte de Provence. Chemin faisant, il répondit librement aux interrogations du noble personnage. La délicatesse de Romée, son désintéressement, son apparente droiture d’esprit achevèrent de convaincre Raymond Bérenger. Cette rencontre ne pouvant être fortuite, ce pèlerin était envoyé là par la Providence. Puis, les relations devenant plus intimes, le comte dévoila au voyageur sa véritable identité en le priant de rester à ses côtés pour l’aider à gouverner la Provence de manière juste et équitable. Le soir même, après avoir obéi aux sollicitations du comte, le Romieu s’installait au château en qualité d’intendant avant de devenir l’homme de confiance et le premier ministre du souverain de Provence. Romée, dépouillé de son habit de pèlerin, revêtit les brillantes parures dévolues à son rang, siégeant avec les principaux gentilshommes de Provence, sans se laisser aveugler par ses nouvelles fonctions. Le jour où il dut quitter sa robe de bure pour revêtir sa nouvelle tenue, il rangea soigneusement ses pauvres vêtements de voyageur dans un coffre qu’il dissimula dans un coin secret de son nouvel appartement. Devenu seigneur de Villeneuve, Romée entreprit de gouverner avec sagesse, justice, rigueur et piété. Conduite avec de telles dispositions d’esprit, sa politique ne pouvait que réussir et ses efforts être récompensés. Le gaspillage et la concussion disparaissant, la prospérité réapparut. Le nouveau ministre mit fin aux injustices, punissant les profiteurs de tout rang, jusque là maintenus à l’abri des rigueurs de la loi. Cette équité eut les meilleurs effets sur la tranquillité publique. Un climat de paix s’instaura enfin dans tout le royaume, faisant de la Provence un véritable petit paradis. Raymond Bérenger, dégagé des soucis du pouvoir, était devenu un homme heureux, s’en remettant à son intendant pour la direction des affaires de l’état, lui laissant le pouvoir de faire le bonheur de ses sujets en châtiant les plus turbulents. L’habile ministre réussit la prouesse de doter les quatre filles du comte et à les marier à quatre puissants monarques. Ainsi, grâce à la sagesse et à la vigilance de cet ancien pèlerin, la Provence oublia peu à peu les temps de misère et de tristesse pour enfin connaître une ère de prospérité et d’allégresse. Mais l’envie et les rivalités n’avaient pas été désarmées par les vertus de Romée, sa subite promotion et sa réussite rapide attisaient les jalousies de plus d’un courtisan. L’intendant et sénéchal de Provence va devenir sans raison l’objet de calomnies et d’accusations malveillantes visant à ternir sa réputation. Au début, le souverain accueillit très mal ces critiques infondées, puis cédant à la persistance des attaques, la méfiance s’insinua dans son esprit. Il en vint même à douter de la bonne foi et de la droiture de son ministre. En dépit de son dévouement et d’une évidente compétence, l’honnête Romée, victime d’intrigues de cour, sera bientôt accusé de malversations et finalement convoqué par le comte pour s’expliquer. Fort de son intégrité, l’intendant avoue être prêt à se soumettre à un contrôle permettant de vérifier d’éventuelles malversations. Le comte, suivi par les détracteurs de Romée, réclame alors une visite fouillée du logement de son ministre. L’appartement se révèle modeste et sans l’apparat que l’on pourrait s’attendre à trouver chez un personnage de ce rang. Le comte commence à regretter ses soupçons lorsqu’un courtisan lui fait remarquer une porte fermée à clé au fond d’un corridor. Romée, sommé de l’ouvrir refuse : « Monseigneur, je vous en prie, rien de ce qui peut vous intéresser ne se trouve dans cette pièce. » Il n’en faut pas davantage pour raviver la défiance de la cour. Nul doute le fruit de ses frauduleux détournements dort là, bien dissimulé. Après force hésitations, l’intendant se laisse convaincre et remet au souverain les clés de la porte de ce cabinet secret. La pièce, sorte d’alcôve, sitôt ouverte on s’y bouscule pour y pénétrer. Dans cet obscur et étroit local trône un coffre, lui aussi soigneusement clos. Chacun voit là le meuble renfermant le magot de Romée. Menacé de voir la serrure fracturée, ce dernier s’exécute. Sortant une clé glissée dans une fissure du mur, il ouvre le coffre. Chacun plonge alors son regard dans le fond du meuble, hélas, déception, point de pièces d’or pas davantage de bijoux ou de pierres précieuses. On fouille alors pour extraire un vieil habit de pèlerin, un large chapeau, une gourde, une panetière vide et rien d’autre ! Tête basse, décontenancés, les médisants rivaux de Romée quittent sans mot dire l’appartement laissant le comte conclure : « Votre innocence est prouvée à la face du royaume, je regrette d’avoir mis en doute votre probité ! » Heureux d’avoir fait taire une rumeur malveillante qui touchait un serviteur qu’il aimait, le souverain demanda à ses familiers comment se faire pardonner d’un tel affront public. Il vit alors arriver celui qu’il avait si méchamment accusé de forfaiture, non plus en habits de cour mais tout simplement vêtu en pèlerin. Parvenu au pied du trône, il tint ce langage : « Monseigneur, lorsque vous m’avez demandé de vous aider à remettre de l’ordre dans votre royaume, vos finances étaient au plus bas, votre pouvoir chancelant et la misère touchait votre peuple. Aujourd’hui, la prospérité est revenue, votre autorité est assurée et les Provençaux vivent bien. Si Dieu m’a aidé dans ma tâche, il n’a pu m’éviter d’être critiqué par vos courtisans, votre ingratitude m’a déçu. Je suis arrivé chez vous en pauvre pèlerin et j’en repars de même. Que Dieu vous bénisse et que sa volonté soit faite. » Raymond Bérenger très affecté, fit l’impossible pour retenir celui dont il reconnaissait les mérites après s’être laissé entraîner par la médisance de son entourage. Rien n’y fit, inflexible, Romée salua respectueusement le comte et la cour ébahie, avant de reprendre la route vers l’Orient.

Des paysans croisèrent sur les chemins de Provence un pèlerin de haute stature, le visage placide et résigné, marchant d’un pas tranquille, s’arrêtant devant chaque oratoire pour mettre genoux à terre et prier un court instant avant de poursuivre sa quête spirituelle vers le Levant.

 

D’après « Les Légendes et Chroniques insolites des Alpes Maritimes » (Equinoxe-éditions Saint Rémy de Provence), pour commander cet ouvrage dédicacé de 23 € : téléphoner au 04 93 24 86 55.

Pour en savoir plus sur un village typique chargé d’anecdotes et d’images du passé :

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17:30 Publié dans HISTOIRE | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : HISTOIRE