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29/08/2007

LES BIENS TEMPLIERS DE LA COMMANDERIE DE VENCE

Les biens de Vence étaient dispersés dans la ville et au quarter du Malbosquet, du Claus, du Casal, à la Croix, au Cayron, etc…Il en était de même au «castrum » du Broc, notamment au lieu dit la Lausa. Les Templiers possédaient une maison au Broc et leurs droits y étaient reconnus depuis 1235. Dans son «Atlas » L. Dailliez signale d’autres possessions dépendantes de la commanderie de Vence : au Loubet (3services), à Saint Michel de Coursegoules, à Trigance (La Gaude), à Tourette du Château (2 services), à La Baumette, prieuré établi sur la rive gauche de l’Esteron, sous Pierrefeu, ainsi qu’à Saint-Laurent-du-Var. Les biens de cette dernière localité située sur la rive droite du Var étaient administrés par la commanderie de Nice, en charge du gué du Var Après avoir remis leur inventaire au Sénechal, les envoyés du Comte de Provence nommèrent à Villeneuve Guillaume Beroard de Vence comme administrateur unique de l’ensemble des biens du bailliage. L. Dailliez précise que « après la suppression, les biens de Vence passèrent à l’évêché et au baron de Villeneuve qui se partageaient la seigneurie, en compagnie du chapitre canonial de la ville ». Il n’est donc pas question ici, en dépit des décisions du Concile de Vienne de 1312, de l’attribution des biens du Temple aux Hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem. Les biens que les Templiers possédaient à Tourette, Toudon, La Caînée, Bézaudun et Coursegoules seront concédés au seigneur de Vence. Ceux de La Gaude seront rattachés à la maison du Broc passée à l’Hôpital. Les archives ne font pas mention du nom du frère arrêté à Vence le 27 janvier 1308, le fut-il ? Mais les commandeurs successifs de Vence nous sont connus, avec la date de leur prise de fonction, la liste s’établit ainsi : Jean, 1195, Rostang de Saint Laurent, 1215, Isnard, 1222, Raphaël de Bosio, 1227, Pierre Geoffroi, 1261, R. Jauberet, 1285, (donateur de la maison du Broc), Foulques, 1295, Hugolin de Capite, 1300-1308. La Vence médiévale s’est bâtie et agrandie par périodes alternées, autour de son église primitive (la cathédrale) jouxtant le château intérieur. Le château des Villeneuve avec  la tour-donjon Peyra, un temps extra-muros, sera annexé dans la ceinture de remparts dressés au XIII ème siècle. C’est dans une venelle de ce noyau initial voisin de la cathédrale et de l’ancien évêché que devait se situer la «maison » du Temple, d’abord dépendance de la commanderie établie à Saint-Laurent-la-Bastide, puis siège de l’Ordre après que Romée de Villeneuve eut acquis le fief. L’inventaire des biens de la commanderie de Vence, recensés dans de nombreuses localités a pu entraîner l’attribution abusive de certains monuments ou vestiges au bénéfice du Temple. La prudence et la rigueur historique imposent d’en vérifier l’authenticité, à la lumière des archives et des annales lorsqu’elles existent. Tourrettes-sur-Loup où le Temple percevait 9 redevances et services fonciers, est signalé par E. Raynaud pour «les ruines de Saint Martin de la Pelote, datables des Templiers ». Ce prieuré, voisin du village actuel, ne semble pas leur avoir appartenu et pas davantage le château que leur attribue Moris, bien que celui-ci soit nanti d’une tour beffroi datable du XII ème siècle. La Gaude : Cette localité avec son château et sa chapelle, aujourd’hui placés sur la commune de Saint Jeannet, a souvent été signalée (Moris, Raynaud, Boniffacy) comme le siège d’une commanderie templière. A la saisie, le Temple comptait 5 services à La Gaude et à Trigance, en propre une terre en friche et 4 redevances et services fonciers. Les services qu’y détenait l’Ordre n’ont fait qu’attiser davantage une polémique qui mérite quelques explications. J.C. Poteur suppose l’existence d’un modeste château sur le site, dès le début du XI ème siècle. Vers 1230, le Comte de Provence renforce le "castrum" de La Gaude, en édifiant une solide forteresse dont  quelques structures sont encore apparentes dans le château actuel. Le fief est cédé à Romée de Villeneuve, il restera, avec des fortunes diverses, dans les mains de sa famille. J.A. Durbec, spécialiste du Temple dans la région, signale que le château et la petite église romane Saint Pierre voisine, relevaient de « l’affar » (ensemble immobilier) que Guillaume d’Eze,  « domicellus » de La Gaude, possédait sous le « dominium » de l’Ordre. Il ajoute : «  mais rien ne permet d’identifier avec certitude au moyen d’un signe de propriétaire ou autrement un seul de ces immeubles ». Où certains on vu un «un grand palais de Templiers », L. Dailliez plus formel, affirme : «  Le château de La Gaude n’appartint jamais à l’Ordre du Temple…Les Templiers ne possédaient à La Gaude que six arpents de terre. ». Plus nuancé E. Boniffacy, auteur d’une monographie très fouillée sur La Gaude, leur attribue l’église de Saint Pierre, proche du château, à cause de ses ouvertures latérales caractéristiques et du choix de Pierre particulièrement vénéré par les Templiers. Cette ancienne bâtisse n’est plus aujourd’hui qu’une remise agricole sans prestige qui achève de se dégrader. Le mystère des origines templières des deux édifices s’épaissit encore, lorsqu’on apprend que le 6 juillet 1338 une transaction s’opère au château,  «en la terrasse de Guillaume de Isia » (Guillaume d’Eze ) attestant de la présence en ces lieux de l’intendant des biens du Temple. Trente ans se sont écoulés depuis la rafle fatale aux Templiers, il semble que les biens qu’ils avaient affermés à ce personnage dont  le château et l’église, aient été conservés par celui-ci probablement au bénéfice des Hospitaliers. Là encore, la présence mythique des Templiers s’accompagne d’un trésor, propre à enflammer bien des imaginations et non des moindres, puisque la dernière propriétaire des lieux l’actrice Viviane Romance nous avait confié avoir fait procéder à des sondages méthodiques, à l’occasion de l’importante restauration du château. Le Broc où le Temple possédait sa maison, y détenait 21 services, des droits divers dont la juridiction sur ses hommes, 1/16 de tous les bans tombés en commise et 5 redevances pour des habitations, figure comme une des possessions les mieux pourvues. Curieusement cette localité a été tenue à l’écart de la liste flatteuse des sites templiers, dressée par les auteurs à sensation et c’est peut-être là qu’existent les vestiges les plus authentiques, attestant de la présence de l’Ordre. Dans un acte de 1285, il est fait allusion aux droits pour les moins quinquagénaires du Temple dans le castrum du Broc. Sur appel du frère Bertrand Monnier agissant au nom du Temple de Nice, Grasse et Biot, le juge mage de Provence casse le 18 mai 1285 une sentence rendue par le juge de Nice, contre le frère donateur R. Jaubert qui avait empêché un homme du Broc, tenancier de l’Ordre d’obéir à la cour de Nice. Le 29 mai, sur appel du même frère, le juge mage casse une autre sentence rendue par le juge de Nice contre un habitant du Broc, P. Transtour, homme du Temple qui avait frappé Bertrand Canestrier, le commandeur G. Capion affirme à cette occasion les droits de justice de l’Ordre sur ses hommes dans ce castrum. Présent dès 1235 au Broc, le Temple va y exploiter ses biens jusqu’à leur saisie en 1308, avant qu’ils ne soient transmis à la commanderie de Nice des Hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem. En 1338, l’Hôpital y détient une maison et une chapelle héritées du Temple, 100 séterés de terre cultivée produisant 100 sétiers de méteil, 40 sétiers d’orge, s’y ajoutent 30 fosserées de vigne donnant 20 saumées de vin, 2 souchoirées de pré produisant 20 charges de foin, plus des cens et services représentant la coquette somme de 8 livres et 10 sous en argent, ainsi que plus de 5 saumées de vin. Cette estimation donne une idée du fructueux rapport de cette ancienne possession Templière, trente ans après sa saisie. Sur un mamelon dominant la route reliant Le Broc à Bouyon, à trois kilomètres du village, s’élèvent les ruines de la  «commanderie ». Il s’agit d’un ensemble récemment répertorié par l’I.P.I.A.M. (Institut de préhistoire et d’archéologie des Alpes Maritimes). Trois bâtiments à étages, disposés en U, délimitent une cour intérieure, des salles voûtées sont encore apparentes aux étages inférieurs. Le bâtiment médian présente une ouverture ronde, formant rosace, orientée vers le Levant, il s’agissait probablement de la chapelle. Ce groupe d’édifices de facture médiévale, désigné comme une commanderie, dut être occupé tour à tour par les deux ordres militaires et religieux, les Templiers d’abord, puis leurs héritiers et successeurs les Hospitaliers. Dressée selon le plan classique d’une commanderie à vocation agricole, cette structure dispose ses corps de bâtiments autour d’une cour centrale fermée par une chapelle, chaque édifice ayant un usage particulier : habitation, étable, écurie, grange, caves, etc… Nous sommes là certainement en présence des restes authentiques de ce qui fut la «maison » de l’Ordre au Broc avec sa chapelle. Coursegoules: à 17 kilomètres au nord  de Vence, cette commune fournissait 4 services au Temple, avec droit de juridiction sur 2 tenanciers et 8 redevances foncières, en particulier au quartier Saint Michel. C’est au pied du flanc sud du Cheiron, à une demi-heure à pied du village, au quartier de Lagneris que se dresse l’élégante chapelle Saint Michel. L’édifice rappelle la présence en ces lieux d’une communauté de moines, installée là sur les bords d’une antique voie romaine, dès le XI ème siècle, par l’Abbaye de Lérins. Le captage d’une source abondante et l’excellente exposition au Midi devaient permettre, en dépit de l’altitude, l’exploitation prospère des terres voisines. Une pierre tombale gallo-romaine, trouvée sur place, témoigne des origines lointaines de cette chapelle que l’histoire mentionne en 1312, avec un prieur, puis en 1351 et enfin en 1715 avec son cimetière médiéval sous le nom de Saint Michel de Lagneris. Le plan de construction est très simple, avec nef unique de deux travées, suivie d’une abside semi-circulaire. Au milieu de la nef un mur bahut, à peu près  ruiné, servait de clôture pour isoler les moines de la partie de la chapelle réservée aux fidèles, comme dans les églises du Temple. Ici le témoignage de la fréquentation templière, confirmé par les archives citées par J.A. Durbec, est corroboré par la présence d’une maison tenue par l’Ordre à Coursegoules, probablement le modeste moustier de Saint Michel de Lagneris. Plus haut dans la vallée de l’Esteron, la commanderie de Vence possédait divers biens, notamment à la Baumette, Tourette du Château, Toudon et La Caïnée. La Baumette, prieuré installé sur la rive gauche de l’Esteron dans la moyenne vallée, au voisinage de Pierrefeu, est mentionné dans «l’Atlas » de L. Dailliez. Tourette-du-Château : L’Ordre y percevait 2 services sous forme de redevances foncières, avec droit de juridiction sur ses tenanciers. Il détenait une «maison » dans cette localité. Toudon, avec une redevance foncière et un droit de juridiction de l’Ordre sur l’unique tenancier, s’est vu doté par Urbain Bosio d’une église bâtie par les Templiers. Nous avons émis des doutes à propos du trésor enfoui dans les fondations de cet édifice religieux. L’église Saint Jean de facture romane, avec son abside en cul de four et son clocher lombard, construite avec les pierres d’un ancien château, a été restaurée au XVII ème siècle. Bien que contemporaine des Templiers, présents en ces lieux de façon modeste, rien n’indique qu’elle fut construite par ces derniers. La Caïnée : Village oublié dont  les ruines occupent un monticule en contrebas de la route reliant Toudon à Ascros, à hauteur du hameau de Végautier. La communauté comptait 17 feux en 1315 et encore 135 habitants en 1765. Le Temple détenait là 3 services, avec droit de juridiction sur ses hommes, ainsi que des redevances foncières et services pour deux «maisons ». Saint-Laurent-du-Var, installé sur la rive droite du Var, a contrôlé de tout temps le gué le plus direct pour rejoindre Nice. Si nous savons avec certitude que les Templiers s’installèrent  sur la rive niçoise dès 1135, la première mention d’un hospice fondé en face par Raimbaud de Vence, ne date que de 1162. Cet hospice dédié en 1205 à Saint Laurent, destiné à accueillir pèlerins et voyageurs, passera dans les mains de plusieurs ordres religieux dont  certains prélevèrent un droit de péage pour la traversée du Var à dos de mulet. Un procès opposera longtemps l’évêque de Vence, seigneur du lieu, aux moines augustins détenteurs temporaires de l’hospice, au sujet des profits accumulés par ces derniers. Ils seront finalement chassés sur l’autre rive en 1328. Un acte de vente de terres sises à Saint Laurent du Var fut effectué le 23 avril 1208 par devant le notaire Maître Isnard. Le nouveua propriétaire, commandeur des Templiers, se nommait G. Olivier Audier. Ainsi le Temple S’installait sur les deux rives du Var. Les biens du Temple signalés par J.A. Durbec et Dailliez à Saint-Laurent-du-Var, relevaient de la commanderie de Nice, en charge du passage du fleuve. Il est possible qu’à l’occasion de tensions sur cette frontière naturelle ou de querelles déclenchées par la possession d’un hospice convoité, la milice de l’Ordre ait pu en assurer la gestion à l’égale de celui de Nice et ce dès le XII ème siècle. Les restes de ce vénérable hospice, contigus à l’église paroissiale, sont encore visibles aujourd’hui. Ils se composent d’un mur percé d’une grande voûte de plein cintre qui devait servir d’entrée au porche de l’édifice, limité en face par un mur en briques percé à l’étage d’une fenêtre géminée partagée par une élégante colonnette de marbre blanc avec chapiteau sculpté. Nous pouvons retrouver ici, avec une présence templière attestée par les textes, un témoignage architectural contemporain de l’Ordre.

 

D’après «Les Templiers en Pays d’Azur » (Alandis-éditions Cannes), pour commander cet ouvrage illustré et dédicacé de 18 € : téléphoner au 04 93 24 86 55

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22/08/2007

LES LOUPS ET TONIN LE MULETIER

En ce temps là, le village de Tende palpitait au rythme des allées et venues de ses muletiers courageux et tenaces. De génération en génération ils se transmettaient leur dur métier et l'amour du pays. C'est ici que grandissait Tonin qui aimait courir à travers champs avec l'insouciance de la jeunesse. Son père assurait les besoins de la famille en transportant des marchandises à dos de mulet. L'homme et l'animal étroitement liés, partageaient, depuis de nombreuses années, déjà, peine et fatigue. Depuis longtemps, ils prenaient le chemin qui conduit vers la mer et attendaient l'arrivée des goélettes dans le port de Villefranche. Là, s'effectuait le chargement de la plus précieuse des denrées, le sel. Alors commençait pour eux deux, la longue et pénible route qui mène à Cuneo. Le père de Tonin, sentant ses forces l'abandonner, décida un jour, que l'heure était venue de transmettre à son fils tout ce que son propre père et la montagne lui avaient appris. Mais, l'homme vieillissant avait trop attendu pour entreprendre un tel voyage. Il devait pourtant respecter son engagement et assurer la livraison aux tanneries. Il s'arrêta soudain en chemin, plaça les rênes dans les mains de son fils et lui dit: « Tu es encore bien jeune pour traverser seul les montagnes, mais j'ai confiance en toi, pars avec le mulet. Au bout de la route, tu auras grandi mon enfant, allez-va ! ». Tonin reçut le message de son père avec gravité. Troublé d'abord par la responsabilité qui l'attendait, il jeta un regard vers l'homme immobile, l'embrassa et s'engagea sur la route en lançant un « avanti » énergique au mulet. L'enfant et la bête quittèrent le bord de mer en direction de l'intérieur des terres. Les bruits de la ville s'estompaient, les cris des pêcheurs qui ramenaient les poissons se perdaient dans la brise marine. L'animation citadine était derrière eux. Les maisons se faisaient rares. Ils se dirigeaient vers des lieux plus calmes, plus silencieux. On n'entendait plus que les bruits des sabots qui martelaient le sol et le tintement des cloches du harnais. L'ensemble émettait une musique joyeuse qui rythmait les pas du jeune garçon. Le paysage changeait. Tonin admirait les collines environnantes, il écoutait le bruissement des branches des arbres que balançait un vent léger. A l'odeur acre de transpiration du mulet se mêlaient les parfums subtils des fruits, de la terre humide et de l'herbe mouillée par la rosée du matin. Il respirait la nature et s'enivrait de toutes ces senteurs. Il allait d'un pas léger, quand, soudain, au détour du sentier, il fut contraint de s'arrêter. Des arbres immenses, recouverts de piquants, aux troncs torturés, aux branches entrelacées, l'empêchaient d'avancer. Courageux, il essaya de se frayer un passage, mais il se piqua. Il comprit qu'il fallait trouver une autre solution car, s'il insistait, le mulet se blesserait et les sacs se déchireraient. Comment franchir cet obstacle ? Alors qu'il cherchait désespérément une solution une drôle de branche attira son attention, elle ressemblait étrangement à une flûte. Surpris, il essaya d'en jouer, mais il n'obtint que des sons stridents. « Peu importe, j'aurai tout le temps d’apprendre en route » pensa-t-il, tout en soufflant encore une fois. Aussitôt le bruit étrange émis par la flûte eut un effet inattendu, les rameaux se tordirent, les arbres se rompirent, le bois craqua. La voie était  libre. Tonin et le mulet reprirent la route et atteignirent l'Escarène sans encombre. Aux premières inquiétudes succédèrent les souvenirs, ceux-là mêmes qui allaient le guider. Pendant les veillées, les anciens parlaient souvent de deux voies qui se détachaient à l'Escarène. La première à gauche conduisait vers trois cols, la deuxième, celle qu'il devait emprunter, vers deux autres cols. Toutes deux se rejoignaient à Borgo San Dalmazzo, là où commençait la plaine. Alors même que leurs paroles faisaient écho en lui, il entendit des hurlements lointains. Les loups ! La peur le cloua sur place tandis que les cris se rapprochaient. Le mulet, proie idéale, céda à la panique. Les deux mains cramponnées sur la longe, Tonin tentait désespérément de remédier aux écarts et ruades de la bête. Tout à coup la corde fila entre les mains moites de l'enfant et l'animal libéré fonça droit devant lui puis s'arrêta net, tout près d'un oratoire bien connu des muletiers. Dans un flot de larmes, Tonin laissa échapper quelques mots " Petite Madone...  je t'en supplie, aide-moi... ". Quelque peu soulagé par ces paroles, il eut alors l'idée d'allumer un feu pour éloigner les loups. En hâte, il ramassa du bois sec et fit une belle flambée. Les loups tout proches s'immobilisèrent à la vue des flammes. Gagné par la rage de vaincre, Tonin s'empara d'une poignée de sel qu'il lança dans le feu en hurlant. Les flammes s'élevèrent en un feu d'artifice improvisé entraînant un mouvement de recul dans la meute. Tonin brandit alors son bâton de pèlerin vers l'agresseur tout en menaçant: "Maudites bêtes, partez" Les loups reculèrent jusqu'à la lisière de la forêt puis, à la queue leu-leu, s'enfoncèrent entre sapins et les mélèzes. L’enfant métamorphosé par la victoire, s'approcha du mulet encore inquiet et le caressant lui murmura à l'oreille: " On les a eus, on est les plus forts! " Puis songeur, il savoura cette force qui naissait en lui. Héritier d'une longue tradition, il refit les gestes maintes fois effectués par les anciens: Il cueillit des gentianes, des lys et des carlines et composa un bouquet en offrande, à la Madonette. Les rênes de son mulet bien en main il emboîta alors le pas à tous ceux qui, avant lui, avaient gravé leur passage dans la pierre. Quand ils arrivèrent devant la tour du Pont Vieux qui enjambait la Bevera, le chemin à parcourir semblait interminable à l'enfant. Fatigue et solitude augmentaient son inquiétude à l'approche de la nuit, souveraine des lieux. Mieux valait s'arrêter! Il abrita son mulet sous des branchages et s'allongea sur des planches recouvertes de mousse, les yeux rivés au ciel. De Cassiopée ou de la Petite Ourse, avec laquelle de ces constellations trouverait-il le sommeil ? Soudain une ombre gigantesque masqua le ciel étoilé, des nappes de brouillard montaient de la vallée et enveloppaient le paysage. Il devait rapidement sortir du bois avec son mulet. Accroché aux buis et aux genévriers il tentait vainement de se frayer un chemin. Devancé par les éclairs, il fut pris dans un vacarme assourdissant. Le tonnerre gronda et résonna d'une montagne à l'autre. Tandis que les roulements s'intensifiaient, la foudre embrasa les cimes. La pluie mêlée à la grêle tambourinait sur les branches. Plus rien ne contenait les éléments déchaînés. Un véritable ouragan pliait tout sur son passage. Arc-bouté sous l'assaut des rafales de vent, Tonin avançait en éclaireur dans la tourmente. Et puis tout s'apaisa. La résistance des deux compagnons leur permettait maintenant de rejoindre la vallée. Là, sans doute avec l'accueil et le réconfort d'une petite auberge retrouveraient-ils des forces pour affronter les éléments hostiles. Après une bonne nuit de repos, Tonin re-bâta son mulet, arrima les sacs et reprit la route abandonnant derrière lui toutes ses préoccupations d'enfant. Il longea quelques temps des terrasses complantées d'oliviers puis pénétra dans une enfilade de gorges creusées dans les roches mauves et vertes. Il retrouvait là les couleurs des lauzes de son village. Il entrait dans le canyon comme dans la gueule d'un monstre et progressait le long d'un sentier étroit et pierreux véritable menace pour le moindre faux pas. Tonin guidait prudemment son mulet, quand tout à coup, un individu surgit de derrière un rocher en lui barrant la route. Petit, trapu, le regard sévère, le « gabelier » exigea le versement d'un Louis, taxe réclamée à tous les muletiers. Dépourvu d'argent, Tonin se trouvait dans l'embarras. Ne pas payer signifiait rebrousser chemin. Pour ne pas en rester là, il se mit en quête d'une solution et se souvint soudain de la flûte. Taillée dans une essence mystérieuse pourrait-elle servir de monnaie d'échange ? Le cœur serré à l'idée de s'en séparer, il s'apprêtait à en proposer le marché quand un phénomène insolite se produisit. Une force étrange l'anima, l'obligeant à porter l'instrument à sa bouche. Ses doigts d'une extraordinaire agilité s'animèrent malgré lui. Cette fois, plus de sons gémissants et tourmentés mais une mélodie ensorcelante qui s'échappait de la flûte. Tonin virtuose, élevait sa musique produisant un véritable enchantement. Aux premières notes, les paupières de 1'homme se firent lourdes, ses jambes se dérobèrent, il tomba dans un profond sommeil. Sans perdre un instant, Tonin s'empara des rênes du mulet et se hâta de franchir les gorges. Il savait que bientôt, sur les hauteurs se profilerait Tende à qui il n'accorderait que la faveur d'un regard. Il traversa son village et s'engagea sur la route du col, dernière étape, ultime difficulté avant d'atteindre son but. La nuit tombait, les nuages et la                         brume enveloppaient le paysage. Il était las, las d'avoir marché des jours et des jours, las de la solitude. A sa fatigue s'ajoutait l'inquiétude. Il entendait encore les derniers conseils de son père avant son départ : « Lorsque tu franchiras le Col de Tende, redouble de vigilance! ». L'anxiété s'empara alors de lui. Il se souvint que les muletiers évoquaient souvent les dangers de cette sente rocailleuse marquée par les sabots des bêtes. Il pensa à cette suite interminable de lacets qui serpentaient à flanc de montagne et aux gorges vertigineuses où tant d 'hommes avaient déjà péri.  Non! C'en était trop! Il n'avait plus le courage d'avancer. Epuisé, son être entier refusait de poursuivre. Instinctivement, son mulet d'ordinaire si calme, perçut sa fatigue et s'agita. A plusieurs reprises, il poussa Tonin de la tête pour l'encourager à réagir croyant à un jeu de sa part, Tonin répliqua aussitôt : «Arrête, je n'ai pas envie de jouer ! » Mais le mulet sensible au découragement de son maître reprit de plus belle. Leur survie était en jeu. Tous deux devaient unir leurs efforts pour livrer leur chargement. Tout à coup, complices avec l'animal, de fortes rafales de vent balayèrent les nuages en un instant et la lune apparut. Majestueuse et parfaitement ronde, elle inondait le paysage de ses reflets d'argent. Eclairées, les hautes cimes devenaient plus rassurantes et le paysage grandiose. Tonin regardait l'étroit chemin pierreux qui conduisait au sommet, le long des pentes abruptes. Il devait s'y engager et accomplir sa mission. C'est alors qu'il aperçut, dominant la vallée, une imposante construction. La Cà, dernier refuge pour l'homme et la bête, semblait lui faire signe. S'ils l'atteignaient, ils pourraient y reprendre des forces. Le vent frais des cimes amena vers lui un air de « courentà ». D'autres muletiers sans doute ! Transporté par cette musique joyeuse et entraînante il caressa son mulet et reprit sa route. Chaque pas plus léger, il accéléra son allure et vint à bout de ce désert rocailleux. Dès l'aube, il fila le long des derniers lacets, assuré désormais qu'aucun obstacle ne l'arrêterait. Sur les hauteurs des cimes l'enfant et son mulet s'immobilisèrent. Tonin, songeur, promena son regard dans le lointain. Fasciné par la lumière du jour naissant, il contempla la mer, minuscule tache bleue au fond de 1 'horizon. Des yeux, il redescendit la sente sinueuse.

La lutte de l'enfant et du mulet, indissociables, était là, inscrite dans la terre et dans la roche. Fier du labeur accompli, l'enfant s'effaçait pour faire place au muletier.

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15/08/2007

LES CHATEAUX DU MOYEN AGE DE SAORGE

Baptisé "de Saurgio" dés 1092, Saorge déploie ses maisons en amphithéâtre à 550m d'altitude dans un site sauvage. Ce bourg médiéval classé, agrippé à des parois abruptes, domine la vallée de la Roya. Sa situation stratégique évidente s'affirmera tout au long de l'Histoire. Le village sera fortifié et protégé par trois châteaux, il deviendra après 1388, sous la Maison de Savoie, une barrière verrouillant la vallée de la Roya. Saorge et la vallée de la Roya en ce lieu étaient placés sous la protection des châteaux de Saint Georges, de Sales et de Malamorte  garantissant l'ensemble du bourg au nord comme au sud. Le château Saint Georges dit "château majeur" déjà connu avant 1264 abrite en 1344 : un castellan, douze sergents et un chien. Cette forteresse sera fortement endommagée par le terrible tremblement de terre de 1564. Le château de Sales, bâti au sommet du village, apparaît dès 1334., La forteresse de Malamorte, placée sur la rive droite de la Roya, domine Saorge de 300 mètres. Déjà cité en 1294, ses vestiges actuels rappellent que cette place forte, plusieurs fois remaniée, est pour l'essentiel du XIVème siècle. Cet ensemble composé d'une tour crénelée, d'une courtine et d'un mur de soutènement, mérite l'intérêt d'une visite. Malamorte est accessible à 5km au sud-ouest de Saorge au sommet de la montagne. A un kilomètre à l'est du village, la splendide chapelle de style roman de la Madone del Poggio (classée Monument Historique) fut édifiée en 1092 par les habitants de Saorge et léguée ainsi que le terroir environnant aux moines de l'Abbaye de Lérins. Ce don témoigne de l'influence considérable exercée au Moyen Âge par l'Abbaye de Lérins. Ses possessions s'étendaient sur tout le littoral méditerranéen depuis Barcelone en Espagne jusqu'à Viterbe en Italie, elles remontaient au nord jusqu'à la Loire, totalisant près de 80 prieurés et fiefs.

D’après « Les Châteaux du Moyen-âge en Pays d’Azur » (Alandis-éditions Cannes), pour commander cet ouvrage illustré et dédicacé de 20 € : téléphoner au 04 93 24 86 55

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