22/05/2011
MOLLIERES UN VILLAGE ASSOUPI, AU PAYS DES MARMOTTES
Situé dans le Parc du Mercantour entre la vallée du Boréon (affluent de la Vésubie) et celle de la Tinée, cet ancien village, rattaché administrativement à la commune de Valdeblore, aligne ses maisons à 1572m d’altitude. Inhabité l’hiver, il n’est occupé que l’été que par un couple d’habitants auxquels se mêlent les occupants de quelques résidences secondaires. En dépit de l’attachement que lui portent les familles originaires du lieu, son accès difficile et les péripéties de son histoire expliquent son abandon actuel.
De tout temps, le débouché naturel s’effectuait par le vallon de Mollières et la Tinée jusqu’à Saint Sauveur. Aujourd’hui encore, il faut quitter la route de la Tinée à hauteur de l’usine électrique, à 4km au Nord de Saint Sauveur, pour emprunter une route carrossable qui remonte le vallon de Mollières sur 3,5km, jusqu’aux granges de Peyra Blanca (Pierre Blanche). Ensuite, un sentier se poursuit jusqu’au hameau. Autre route d’accès par la Vésubie, depuis le Boréon au-dessus de Saint Martin, le vallon de Salèzes et le col de Salèzes (2031m). C’est une piste de terre carrossable mais officiellement interdite par les autorités du Parc aux non-riverains.
A partir de l’entrée du Parc à la vacherie de Salèzes, cet itinéraire ne s’offre qu’aux marcheurs et aux adeptes du vélo tout terrain.
Partagé entre la France et l’Italie tout au long d’un passé tourmenté, Mollières est un village en mal de résurrection. En effet, il tentera de renaître à deux reprises mais sans succès. Pour comprendre son destin si particulier, reportons-nous au XIXème siècle. Comme les communes de la Roya (Tende, La Brigue, Piène et Libre), Mollières n’a été rattaché à la France qu’en 1947. En 1860, le Comté de Nice fut cédé à la France par Victor Emmanuel II à l’exclusion des hautes vallées alpines (Roya, Tinée, Vésubie). Cavour, le ministre piémontais de l’époque, obtint de Napoléon III de garder cette partie du versant français des Alpes-Maritimes afin de permettre au souverain du nouveau royaume d’Italie de “ conserver ses terrains de chasse ” situés dans la région du Mercantour.
Il ne s’agissait en réalité que d’un subterfuge, Victor Emmanuel II désirant s’ assurer les passages indispensables à sa défense et réclamant pour cela, non pas une frontière sur la ligne des crêtes, mais largement étendue sur le versant méridional.
Le nouveau tracé tortueux de cette frontière contrariait la vie des communautés de ces hautes vallées dont l’activité économique s’ouvrait tout naturellement sur le littoral niçois et particulièrement du point de vue pastoral avec la transhumance. De plus, l’accès vers l’Italie dont elles dépendaient s’avérait difficile à cause des cols élevés et de l’enneigement hivernal de ces passages.
La frontière ne sera rétablie logiquement sur la ligne de partage des eaux qu’en 1947, après référendum des populations concernées.
D’une manière générale en 1850, la montagne niçoise représente près des deux tiers de la population totale du Comté (70.000 habitants sur un total de 120.000) mais elle demeure dans un grand état de pauvreté.
Mollières compte 150 habitants en 1865.
L’importance du peuplement des vallées dont la densité est une des plus élevée des Alpes françaises et les difficultés liées à la nature du terrain, comme aux rigueurs du climat hivernal, ont tourné la quasi totalité de la production vers une stricte économie de subsistance.
L’agriculture reste la principale activité et l’on satisfait avant tout les besoins nourriciers, les échanges étant limités par la nature hostile du relief et le manque évident de moyens de communication. En 1860, à la suite de l’installation des nouvelles frontières, l’Italie tient non seulement les crêtes alpines du Comté de Nice, mais aussi la rive gauche de la Tinée au niveau du vallon de Mollières.
A compter de 1880 et pendant une dizaine d’années, la tension ne cesse de s’accroître entre la France et l’Italie. En 1881, la France impose le protectorat à la Tunisie par le traité du Bardo ce qui aliène les visées de l’Italie sur ce pays. Un an plus tard, l’Italie rejoint le système bismarkien en ralliant la Duplice qui devient la Triplice. Nouveau raidissement des relations en 1886, avec la rupture de la convention de navigation de 1882 ainsi que du traité de commerce conclu en 1881.
1887 verra l’Italie renouveler la Triple alliance et signer un traité de défense avec l’Espagne ainsi qu’une entente navale avec le Royaume Uni afin d’assurer un équilibre en Méditerranée. Dans ce climat hostile, la France militarise fortement l’ensemble du département. La dégradation s’accentue en 1888 avec une rupture commerciale à peine masquée, instaurée de part et d’autre des Alpes.
Le risque d’un sérieux accrochage n’est plus écarté sur le maillon faible de la frontière alpine française. Mais la détente revient enfin en 1901 et 1902 à la suite d’accords secrets dans le domaine colonial. La Tripolitaine et la Cyrénaïque seront laissées à l’Italie en compensation de la main mise française sur le Maroc, un accord de neutralité est conclu entre les deux pays.
Ces nouvelles dispositions désamorcent la tension qui prévalait jusque là sur la frontière. Plongeons dans la réalité de Mollières devenu village italien par les caprices d’un prince et placé à deux pas des limites insolites de deux états.
En 1898, le chevalier de Cessole qui escalade alors pour la première fois l’ensemble des hauts sommets des Alpes Maritimes, découvre le haut vallon de Mollières dépendant de la commune italienne de Valdieri située outremonts. Frappé par l’aspect désolé du village, il réagit comme ses futurs confrères visitant un village népalais sur le chemin du toit du monde !
Il note : “ Certes, la Haute Tinée n’est pas de ces régions où les villages se signalent par un aspect de propreté ou d’aisance. Mais entre tous, Mollières est celui qui offre en apparence, tout au moins, les signes les plus caractéristiques d’une existence misérable ... De petites maisons, surélevées au-dessus du sol à cause des neiges, couvertes de bardeaux, se serrent sur un mamelon qui domine le torrent.
Un escalier en bois donne accès dans les habitations. On n’y rencontre que de rares habitants ... Cet ensemble revêt une physionomie si triste qu’on se sent saisi d’un sentiment de mélancolie que la situation particulière des habitants de Mollières ne fait qu’accentuer ”.
Mollières, dont l’étymologie viendrait de l’ancien provençal Molheras signifiant marécages, connaît alors un statut spécial permettant le transit commercial avec les villages français, en raison de son éloignement et des difficultés de communication.
Mme Roncati qui y vécut son enfance en 1908 témoigne sous un jour optimiste de la vie quotidienne particulière de ce petit monde clos au début du siècle. Mollières apparaît comme un territoire giboyeux car enclavé dans la réserve de chasse du Roi d’Italie. Chamois, coqs de bruyère, perdrix, bartavelles y sont abondants. A l’ubac, dans la forêt face au village, de vastes champs de fraises ainsi que des framboises et myrtilles s’offrent à la cueillette.
Les terres cultivées autour du village se partagent entre la production du seigle et du blé. S’y ajoutent quelques arpents de pommes de terre. Les gens sont qualifiés de très hospitaliers, charmants et accueillants, peu intéressés et satisfaits de par leur isolement de pouvoir rentrer en contact avec d’éventuels visiteurs. Le vallon de Pierre Blanche vers Saint Sauveur était leur seul accès vers le monde extérieur. En cas de maladie, ils dépendaient du médecin de Saint Sauveur de même pour la poste. Leur adresse originale s’inscrivait ainsi sur leur courrier “ Monsieur Constantin Guige à Mollières, Province de Cunéo, par Saint Sauveur sur Tinée Alpes Maritimes France ” ! Le facteur desservait le village une fois par semaine ou par mois selon l’abondance de la distribution.
En trois heures, on rejoignait Saint Sauveur pour y descendre les bidons de lait à dos de mulet et y remonter les sacs de farine et comme depuis toujours le sel et l’huile. Les échanges s’opéraient naturellement pour les foires vers le Comté de Nice et ceci de temps immémoriaux.
Le dialecte gavuot, parlé par les gens de Mollières, était identique à celui des habitants de la Tinée. Pour rejoindre en Italie le chef-lieu de Valdieri, dont dépendait Mollières, il fallait franchir le col de Merciera (2342m), traverser les pentes instables sous la cime de Tavel, passer la crête à la baisse de Druos à 2600m, descendre vers le lac de Valescura et après l’avoir longé, dégringoler vers le vallon de Valesco pour atteindre la route qui mène aux Thermes de Valdieri, de là à Sainte Anne et enfin à Valdieri ! Soit au total 35km, plus d’une journée de marche et autant pour le retour.
Moins escarpé, le chemin vers Vinadio était tout aussi long. Après le col de Merciera, on rejoignait Chastillon, le col de la Lombarde, puis le sanctuaire de Sainte Anne de Vinadio avant de descendre vers Vinadio. Ces chemins étant bloqués l’hiver par la neige dès la mi-Octobre, ne s’offrait alors que le seul accès vers la France.
Le hameau de Pierre Blanche, moins enneigé, regroupait quelques maisons occupées par les familles les moins démunies qui émigraient là l’hiver avec leur bétail.
L’altitude plus modérée en faisait un lieu privilégié pour la culture des potagers dont les récoltes précoces (haricots, carottes) étaient remontées à Mollières.
Les maisons rustiques voisinaient avec des granges alpines bâties en rondins encastrés, semblables aux isbas russes. Les habitations orientées plein Sud à l’écart du vallon, protégées des vents dominants et des couloirs d’avalanches, comportent encore au rez-de-chaussée l’écurie et la bergerie voûtées. Le logement occupe un ou deux étages (salle de séjour et chambres), les combles étant réservées au grenier-fenil. Les murs des pièces blanchis au lait de chaux étaient souvent décorés de curieux dessins géométriques colorés, peints au pochoir, rappelant ceux d’inspiration inca.
Tables, bancs, escabeaux, bahuts, étagères en bois, taillés et assemblés le plus souvent par les propriétaires, constituaient l’essentiel du mobilier. Au milieu de la pièce principale trônait un poêle en forme de trèfle avec un grand tuyau partant vers la cheminée et le toit.
La journée, une demi-douzaine d’enfants s’employaient à garder les vaches au bord du vallon avec dans leur musette un morceau de pain et du fromage. L’ordinaire se complétait avec quelques grenouilles capturées sur place et bouillies dans une vieille boîte de conserve en fer blanc.
Ces gais lurons, tels des trolls, n’hésitaient pas à s’asseoir sous les vaches pour les téter. Le matin, ils ne partaient jamais sans avoir absorbé un gros bol de lait où trempaient des morceaux de pain et avalé un bon morceau de fromage. Ils n’étaient donc pas sous-alimentés.
Les Mollièrois, héritiers de valeurs ancestrales communautaires considéraient que la terre comme le gibier appartenaient à tous. Si bien que la notion de permis de chasse n’existait pas et le braconnage estimé comme un comportement naturel.
A l’exemple des sociétés primitives, on ne prélevait que ce qui était nécessaire pour se nourrir. Selon les besoins, il pouvait s’agir d’un lièvre ou d’un chamois. Le roi, lui, venait périodiquement avec ses rabatteurs et ses chiens tuant à l’occasion trente à quarante chamois. Les chasseurs du cru opéraient eux, tous individuellement avec des fusils, mais jamais en battue. Lors de la guerre de 14-18, les Mollièrois, qui avaient été mobilisés dans les troupes alpines italiennes, participèrent vaillamment aux batailles meurtrières de l’Adige. Nombre d’entre eux se retrouvèrent en possession de fusils et de munitions ramenés du front à l’occasion d’une permission, prolongée jusqu’à la fin des hostilités dans les cas de désertion !
C’est avec ces armes qu’ils devaient poursuivre par la suite leur chasse au chamois.
Les mariages consanguins dans ce pays clos entraînaient quelques anomalies (pied-bot, strabisme, crétinisme), rares étaient les jeunes filles qui restaient au pays.
Pendant le long hiver où l’on vivait replié chez soi, les hommes industrieux travaillaient le bois, fabriquant des pièges pour capturer hermines et renards charbonniers dont ils vendaient les fourrures. Ces pièges, inspirés de ceux des trappeurs canadiens, fonctionnaient avec un morceau de lard qui provoquait la détente d’une branche étranglant la bête.
Un grossiste niçois en fourrures envoyait ses employés collecter les peaux dans les villages du Haut Pays. La préparation de ces peaux consistait à vider l’animal sans les couper et à extraire la chair par le museau.
Bourrées de plantes aromatiques, les peaux étaient suspendues aux poutres dans un local aéré jusqu’au début du printemps pour la montée de l’acheteur. Bien qu’exceptionnel, ce revenu était très apprécié parce que réglé en argent. L’hiver, quelques hommes partaient au loin dans les forêts pour travailler dans les coupes de bois.
Il faut préciser que les Mollièrois, bons bûcherons, avaient toujours su exploiter les ressources forestières. Les grumes descendaient par flottage dans le vallon de Pierre Blanche, puis vers la Côte et la mer par la Tinée.
En période de disette consécutive à de mauvaises récoltes, certains Mollièrois miséreux tentaient leur chance l’hiver sur la Côte. Là, en compagnie de leurs enfants, ils se faisaient montreurs de marmottes mendiant quelques pièces.
On se livrait à d’autres activités spécifiques comme la cueillette des plantes aromatiques qu’on allait vendre séchées en ballots jusqu’à Coni et qui rentraient dans la composition de liqueurs et d’apéritifs comme le Fernet Branca. La récolte des racines de gentiane et du thé des Alpes mobilisait femmes et enfants. S’y ajoutait la recherche de champignon du type langue de bœuf poussant sur les troncs des mélèzes (la vacharella et la bellarota), utilisés en pharmacie.
La capture des marmottes constituait une autre activité de rapport propre à ces habitants des hautes terres. Déterrées sous la neige après repérage des terriers, les animaux endormis étaient tués, dépecés, dégraissés par cuissons successives dans de grands chaudrons. Chaque famille prélevait ainsi une trentaine de marmottes. Les peaux comme la graisse étaient destinées aux pharmaciens pour combattre efficacement les rhumatismes. La chair servait à confectionner des rillettes parfumées aux plantes aromatiques d’une saveur délicate. Cette spécialité est à l’origine du surnom donné aux Mollièrois “ les manja murès ” (les mangeurs de marmottes).
Ces activités cynégétiques diverses se pratiquaient en dépit de la présence permanente des gardes chasse du roi. Un consensus tacite évitait toute bavure préjudiciable aux intérêts de chacun. En période de chasse autorisée, les gardes bénéficiaient, de temps à autre, d’un quartier de chamois pour favoriser leur indulgence. Néanmoins, la chasse restait prohibée dans la réserve, aussi pour éviter de s’y faire prendre, les chasseurs tendaient un fil ou des cheveux collés par de la résine et appliqués au bas de la porte du garde.
Le matin, une simple vérification suffisait pour s’assurer du départ éventuel du garde. Si le fils était cassé, le garde était sorti, on retournait alors chez soi. Les gens de Mollières se flattaient en disant que “ le garde qui attraperait l’un d’entre eux n’était pas encore né ”. De plus, ces montagnards étaient doués d’une incroyable vision nocturne qui facilitait leurs déplacements.
Si la menace du garde était écartée, ils partaient de nuit à travers la montagne pour tuer leur chamois aux premières lueurs de l’aube.
Le cadavre de la bête était dissimulé sous un rocher pour être ramené au village la nuit suivante et éviter ainsi une rencontre fâcheuse avec le garde dont la maison voisinait la leur. On chassait également les lièvres nombreux dans le secteur.
A Mollières, à l’exemple des communautés primitives de cueilleurs-chasseurs, on s’intéressait aussi à la pêche. Le vallon de Mollières comme le lac Nègre étaient très poissonneux. On isolait parfois une laune du torrent pour y pêcher à l’épuisette.
Les grenouilles abondantes fournissaient d’excellentes cuisses consommées frites au beurre ! L’élevage des poules et des lapins complétait ces divers prélèvements sur le milieu naturel.
C’est en 1918 que s’amorce la décadence du village, une plaque accrochée au mur de l’église porte encore les noms des six morts à la guerre pour l’Italie, de Mai 1915 à Novembre 1918. De plus, la grippe espagnole emporte alors le tiers des habitants. Lorsque le régime fasciste de Mussolini s’installe en Italie avec son irrédentisme visant l’annexion de l’ancien Comté de Nice (comme de la Savoie et de la Corse), Mollières devient malgré lui l’avant poste et la vitrine d’une Italie nouvelle.
En 1937, au voisinage des moulins à eau installés dans le vallon, dans une ancienne scierie, on implante une petite centrale électrique rayonnant ses fils dans le village. La consommation sera gratuite ! Au miracle de l’électricité s’ajoute celui du téléphone. Une ligne relie Mollières à Vinadio sur une distance de 40km à travers la montagne. Un bureau de poste fonctionne alors avec une régularité parfaite.
Un instituteur et un curé s’installent au village, le second ayant quelquefois les prérogatives du premier. Une représentation administrative est ouverte pour faciliter les démarches des habitants, s’y ajoutent un poste de “ carabinieri ” et de “ guardia finanza ” (douane) chargés de surveiller la frontière. La mainmise italienne est manifeste et ne fera que s’affirmer jusqu’à la déclaration de guerre.
L’existence pastorale va bientôt être troublée par la tension sur la frontière fermée dans la Tinée, obligeant à aller se ravitailler à Valdieri !
La France enterre des ouvrages fortifiés face au vallon de Mollières par où peut arriver l’envahisseur. Le 10 Juin 1940, les autorités militaires italiennes évacuent la population de Mollières soit une centaine de personnes qu’on transporte dans la région d’Asti. Les hostilités seront de courte durée et fin Juin tout le monde sera de retour chez soi.
A la capitulation de l’Italie, le 8 Septembre 1943, le territoire de Mollières devient un refuge de la Résistance, s’y côtoient “ partigiani ” italiens et résistants français. Après le débarquement allié sur la Côte le 15 Août 1944, les troupes allemandes en retraite incendient le village, heureusement déserté, évitant le massacre de sa population. Une trentaine de foyers seront détruits. Les Mollièrois sont à nouveau condamnés à l’exil et accueillis en France après que la mairie de Saint Sauveur ait alerté les autorités.
Plusieurs familles aboutissent dans la région de Vence avec qui existent des liens historiques. Moins favorisés que leurs compatriotes de la Roya, ils ne bénéficieront d’aucun secours matériel.
Sur place, on édifie des abris de fortune et le 12 Octobre 1947 un référendum concrétise la volonté des rescapés (167 oui et 2 abstentions) d’être rattachés à la France. Ce vote confirme par son unanimité la consultation de 1860 qui n’avait pu aboutir.
Les espoirs étaient grands de retrouver une vie pastorale paisible enfin ouverte vers ce pays qui était devenu le leur. L’installation d’un instituteur et d’un curé, l’ouverture d’une agence postale, le retour de l’électricité et du téléphone et surtout le désenclavement par une route carrossable tels étaient les vœux de ces nouveaux Français. La route n’arrivera qu’en 1966 par un tracé inattendu, sans rapport avec la voie naturelle et traditionnelle orientée vers la Tinée. Il s’agit d’une piste forestière grimpant du Boréon (au dessus de Saint Martin de Vésubie) pour franchir le col de Salèzes à plus de 2000m d’altitude, bloquée l’hiver par les chutes de neige. Cette voie tardivement ouverte ralentira la renaissance du village.
Dans ces conditions, les ruines ne seront pas redressées et les habitants utiliseront leurs aides pour s’exiler vers le Valdeblore et la région vençoise.
Oublié sur le plan administratif parce que rattaché à la commune de Valdeblore et sans représentation spécifique au sein du conseil municipal, Mollières s’assoupit et plonge dans une torpeur irrémédiable. Le coup de grâce sera porté le 18 Août 1979 lorsque se crée le Parc National du Mercantour dans lequel il est inclus.
Pour les habitants de Mollières, cette ultime manœuvre de l’administration française qui dissout leur communauté villageoise après s’être emparé de leur territoire, est ressentie non seulement comme une spoliation mais comme une véritable trahison. L’accès par la piste est réglementé et ne peuvent y circuler que les détenteurs de laissez-passer délivrés par les autorités du Parc National !
Une commission de techniciens du Parc mènent alors des études destinées à réactiver la vie du hameau moribond, coincé dans l’emprise protégée. Ces attentions tardives ne donneront aucun résultat probant.
Deux irréductibles bergers fréquentent encore les pâturages du lieu avec leurs troupeaux de moutons, exposés aujourd’hui à la menace du loup.
Il suffit d’une visite du village et de ses alentours pour réaliser que l’éteignoir s’est définitivement posé sur la flamme de vie du malheureux Mollières. Après un cheminement pénible dans la combe obscure, accessible depuis la Tinée, on parvient à ce village du bout du monde au prix de deux heures de marche.
Seul le claquement sec des tôles d’un toit surchauffées par le soleil et soumises au passage soudain de l’ombre d’un nuage peut laisser supposer la présence de quelque fantôme.
Aucune présence humaine pour répondre à vos appels, Mollières déserté, oublié n’est plus qu’un décor de cinéma sans figurant. Aujourd’hui privé d’une route ouverte en permanence, sans électricité le pays des “ mangeurs de marmottes ” est mort pour la seconde fois.
Pourtant, toujours tenaces, les Mollièrois de la diaspora se réunissent encore chaque année à l’occasion de la fête du village célébrée le 15 Août, pour perpétuer avec chaleur l’attachement indéfectible à leur terroir et à leurs racines.
D’après «Du Mistral sur le Mercantour» (Editions Sutton),
En vente sur Internet http://www.editions-sutton.com
ou dédicacé, au prix de 21 euros, plus frais d’envoi, en téléphonant au
04 93 24 86 55
Les dieux se sont réfugiés au cœur des régions montagneuses, prédisposant les sommets à devenir de fascinants hauts lieux de l’étrange. A l’extrémité des Alpes du Sud, le « Parc naturel du Mercantour » confirme avec éclat cette vocation établie depuis les origines de l’humanité.
Accrochés à la caillasse au-dessus de gorges étroites et impénétrables, les villages perchés, maintenus à l’écart des bouleversements, ont su résister au temps et garder d’admirables témoignages du passé. Parmi ceux-ci, des récits originaux véhiculés jusqu’à nous par les bourrasques du mistral comme autant de feuilles d’automne. Edmond Rossi, originaire du val d’Entraunes, nous invite à pénétrer l’âme de ces vallées, grâce à la découverte de documents manuscrits inédits, retrouvés dans un grenier du village de Villeplane.
Si les « récits d’antan » présentent des histoires colportées aux veillées depuis la nuit des temps, les « faits divers » reflètent une réalité contemporaine d’une troublante vérité. Edmond Rossi est depuis son plus jeune âge passionné par l’histoire de sa région. Il signe ici son troisième ouvrage aux Editions Alan Sutton
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12:05 Publié dans Découverte du Pays d'Azur, HISTOIRE, Livre, MEMOIRE, TRADITION | Lien permanent | Commentaires (0)
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