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20/11/2009

A TENDE : SOUS L’EMPRISE DE LA SORCIÈRE

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Au XII ème siècle, le seigneur de Tende régnait sur la haute vallée de la Roya. Son bourg vivait heureux dans la paix de ses activités pastorales et la richesse du commerce qui y transitait. A cette prospérité, s’ajoutaient les profits tirés de la « Minière » au pied du Bégo.

Quand il le fallait et pour épargner la communauté tendasque, le comte rançonnait quelques gros marchands pour le bien-être de tous.

Vint l’appel de la Croisade, vaillant et pieux chevalier, le comte de Tende s’engagea parmi les premiers pour cette lointaine expédition dans les terres d’Orient.

Il s’embarqua pour Gênes, entouré d’une cohorte d’hommes d’armes, composée de nombreux volontaires tendasques.

Après le départ de tous ces hommes dans la fleur de l’âge, il ne resta au pays que les vieux ou les éclopés chargés de veiller sur les femmes, les enfants et les biens.

Les mois s’écoulèrent interminables. Privé de son chef et de ses hommes forts, le prestige de la petite cité déclina. Les caravanes refusaient parfois le péage pour franchir le col, un éboulement paralysa l’exploitation de la mine, tuant sept ouvriers. L’été venu, la malmort frappa les troupeaux, la sécheresse détruisit les récoltes et les pluies d’hiver gonflant les torrents emportèrent terres et chemins.

Le prieur avait bien organisé processions et neuvaines, rien n’y faisait. Le mauvais sort semblait vouloir s’acharner sur les pauvres Tendasques. Même Eloi, leur saint patron, paraissait les négliger.

C’est alors que les femmes, privées de la présence apaisante de leurs valeureux époux, passèrent leurs longues nuits d’insomnie en bavardages qui échauffèrent leurs têtes. Elles aperçurent de curieuses lueurs dans le ciel qui ne laissaient présager rien de bon.

Ces clartés troublant la nuit venaient de la maison de « la Revelli » qui ne fermait jamais l’œil. Cet œil unique et noir vous glaçait quand, par malheur, vous ne pouviez l’éviter.

Ses activités nocturnes, sa solitude étrange, la rumeur publique eut tôt fait de la rendre responsable de tous les malheurs accumulés sur la communauté.

Elle devait bien conspirer de sombres vengeances dans des sabbats interminables.

Tout se compliqua lorsqu’elle refusa de venir baiser la croix, comme le lui demandait le prieur entouré de ses deux enfants de chœur.

A partir de ce jour, personne n’osa la croiser, même avec une tête d’ail dans la poche !

Elle n’en continua pas moins à promener ses chèvres noires et cornues à barbichette de Diable tout autour du village.

Son pouvoir s’exerça sans partage sur Tende, durant près de sept ans ! Sept ans de misère où la population paralysée de frayeur n’osait braver la terrible sorcière responsable de tous ces maux.

Un soir, amaigri et entouré de quelques fidèles épargnés par les combats et la fièvre, le comte réapparut sur la place centrale, retrouvant les siens après ces années d’exil.

Ce retour peu glorieux n’eut pas beaucoup d’échos, malgré les récits des exploits accomplis dans les terres lointaines. La population amère reprochait durement à son seigneur vieilli ces années d’abandon, le rendant indirectement responsable des malheurs endurés pendant son absence.

Les Croisés, l’esprit ailleurs, préoccupés surtout de panser leurs plaies et d’évoquer leurs souvenirs, ne prêtaient nulle attention aux dures réalités vécues par leurs concitoyens.

Excédée la foule des habitants de Tende décida d’en finir avec la « masca ».

Privée d’une initiative salutaire de son seigneur, elle entreprit elle-même de conjurer le mauvais sort et de faire justice.

La maison de « la Revelli » fut cernée, le bûcher dressé. Seul le feu pouvait assainir une situation qui n’avait que trop duré.

Alerté, le comte sortit, pour une fois, de sa torpeur mélancolique et se dirigea vers le rassemblement, parlant enfin haut et fort. Il intima l’ordre à la sorcière de sortir de sa tanière.

L’attente parut longue à chacun, avant que ne brille dans l’obscurité de l’encoignure l’œil unique et le sourire sardonique de « la Revelli ». Le chef de guerre qui en avait vu d’autres soutint sans sourciller  le regard fulgurant de la sorcière. La toisant du haut de sa monture, il attendit qu’elle fut hors de son antre pour lui crier : « J’ai vu couler trop de sang, là-bas, en Terre Sainte, aussi je te laisse la vie sauve, mais à une condition, c’est que tu ailles rejoindre ton maître le Diable. Pars avec tes chèvres dans la montagne où sont tracées les fourches des démons. Ne reparais plus ici, disparais à tout jamais ».

« La Revelli » ne se le fit pas dire deux fois, elle rassembla lestement son maigre troupeau et en maugréant, s’enfuit vers les hauteurs damnées. Tende put enfin respirer, libérée de l’angoisse. La joie puis la prospérité revinrent au pays.

Plus tard, parfois, lorsque le grondement assourdi du tonnerre rappelait aux Tendasques les terribles orages qui se déchaînaient à l’ouest, vers le Val d’Enfer et la Valmasque, ils se signaient d’un mouvement rapide, songeant à ces terres d’épouvante où jamais l’un d’eux n’aurait osé se risquer.

 

 

D’après « Les Aventures du Diable en Pays d’Azur » (Alandis-éditions Cannes), pour commander cet ouvrage illustré et dédicacé de 18 € : téléphoner au 04 93 24 86 55

Où mieux rencontrer le Diable que dans les Alpes Maritimes, sur ces terres chargées de contrastes où s’opposent mer et montagne, au carrefour de la Provence et de l’Italie ?

Ici, le Diable est aussi à l’aise sur la Côte d’Azur où s’étalent d’outrageantes richesses que  vers l’intérieur où se cachent une humilité austère.

Puits du Diable, Château du Diable, Cime du Diable, longue est la liste des sites, marqués par la forte empreinte de celui qualifié par Bernanos de « Singe de Dieu ».

De Nice, à la Vallée des Merveilles, devenue son « domaine réservé », le Diable hante les villages, plastronne sur les murs des chapelles et persiste à enflammer l’imaginaire de ses habitants.

Il fallait raconter l’extraordinaire aventure du Diable dans les Alpes Maritimes. Grâce à Edmond Rossi, auteur niçois de plusieurs ouvrages sur l’histoire et la mémoire de son pays, cette lacune est aujourd’hui comblée.

Laissons-nous entraîner, à travers les siècles, sur la piste attrayante et mouvementée, de l’éternel et fascinant tourmenteur du cœur et de l’âme.

 

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17:40 Publié dans MEMOIRE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire

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