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22/06/2012

VILLENEUVE D’ENTRAUNES, UN VILLAGE SECRET A DÉCOUVRIR

56 VILLENEUVE D'ENTRAUNES, VUE GENERALE page 56.jpg

Niché sur les bords du Var, aux limites Nord-Ouest du département des Alpes-Maritimes, à une centaine de kilomètres de Nice, Villeneuve d’Entraunes, à 900m d’altitude, compte une centaine d’habitants dont trente résidents permanents.

En 1754, l’enquêteur du Roi de Piémont-Sardaigne, Gaspard Joanini, témoigne de son isolement en indiquant : “ Ce lieu se trouve en plaine, au milieu des montagnes, distant de la présente ville (Nice) de deux jours et demi en passant dans le domaine de la France par Cros (Ascros) ou Entrevaux et passant dans les Etats de sa Majesté (le Duc de Savoie) quatre jours, ce qui toutefois n’est pas possible en hiver. Il est composé de 46 feux et 200 personnes. Il touche aux territoires de St. Martin, Sauze, Châteauneuf et à celui de Guillaumes en France ”.

Le Var tranche le val alpin, opposant les ubacs boisés des montagnes d’Enaux aux adrets marneux où s’étale le village dominé par les écarts du Claous et de Bantes, le tout écrasé par la masse grise des falaises du Rocher de la Maïre à l’origine du terrible torrent du Bourdous. L’Histoire du village n’est qu’une longue lutte contre les débordements dévastateurs du Bourdous. Sorte d’oued le plus souvent asséché, capable d’enfler en quelques minutes à la suite d’un orage, pour se transformer alors en une coulée de boue noire précédée d’un souffle qui descend en grondant à la vitesse d’un cheval au galop, balayant tout sur son passage.

Le site, occupé depuis les origines de l’humanité, verra s’installer une petite communauté de pasteurs agriculteurs, contrainte vers 850 de reconstruire après une crue destructrice du Bourdous : ce sera Villanova. Vers l’an 1000, la christianisation s’opère grâce aux Bénédictins de St. Euzébe d’Apt. Subsiste le prieuré des Barres de St. Pierre en abri sous roche, dans l’épaisse forêt des Cordaillaoux (Cordeliers). Des religieux de St. Dalmas de Pédona (Piémont) fonderont à Bantes le prieuré de St. Genes. Au cœur de la montagne, vivant en totale autarcie durant des siècles, la petite communauté s’auto-administre dès 1289, après avoir obtenu une charte de franchises du Comte de Provence.

Les 400 habitants du XIVème siècle deviennent “ savoyards ” en 1388 et sont locataires des pâturages de Pascaïret au-delà des crêtes d'Enaux. Vaste et riche territoire dont le sous-sol recèle de l'or et de l'argent, d'où les noms significatifs d'Aurent et d'Argenton plus bas dans cette même vallée.

Lorsqu'en 1760 on voudra, à la suite d'une rectification de frontière leur retirer cet Eldorado, les Villeneuvois engageront un gros procès international avec 20 notaires et avocats, procès qu'ils gagneront. En 1445, des compagnies d'aventuriers pillent la région, leur chef Archimbald d'Abzac installe son quartier général sur la colline dominant le village. Son trésor de guerre, perdu après sa capture, se cacherait toujours dans les fondations de l'ancienne tour ruinée du château.

Une crue avec débordement du Bourdous anéantit en 1610 des quartiers d'habitations. La chapelle de N.D. des Grâces avec son grand tableau ex-voto de 1638 représentant Ste Marguerite et Ste Marthe maîtrisant dragon et tarasque serait consécutive à ce sinistre. En 1640, la même Ste Marguerite aura sa chapelle : "pour éloigner les vents désastreux qui couchent les épis". Une pierre gravée dans une pinède, au fond du vallon du Bourdous, à une heure du village, nous apprend qu'en 1665 un Villeneuvois y planta la vigne dans ce qui deviendra le quartier du "Vigna".

 

La communauté n'aura de cesse de se libérer de toute tutelle : en 1621, elle rachète les droits féodaux de son seigneur Badat et en 1733 le titre comtal. Au XVIIIème siècle, 300 personnes sont recensées, de cette époque daterait l'épisode légendaire de la "Pierre du Loup" où un habitant de Bantes attaqué par l'animal n'eut la vie sauve qu'en grimpant sur un gros rocher en bordure de chemin conduisant au village. La "Pierre du Loup" est toujours visible au sortir des marnes grises dans le dernier tournant, sur le bord de la route avant Bantes.

D'autres échos nous parviennent provenant des troubles de la Révolution Française. En 1793, un prêtre anticonstitutionnel se cache dans un abri sous roche à quelques minutes au-dessus de la "Pierre écrite" du Vigna, il y aurait même célébré la messe ! Quatre ans plus tard, une bande de 200 "Barbets" (partisans de la royauté, déserteurs et brigands) s'abrite dans les grottes du Rocher d'Enaux, face au village, ils attaquent fermes et voyageurs. On n'en viendra à bout qu'en 1801.

Comme d'autres villages de la montagne environnante, Villeneuve a servi de réserve humaine aux régions plus riches. Au XIXème siècle, des migrations saisonnières entraînent l'hiver les hommes du village à labourer les vignobles du Var et de la Drôme près de Nyons. Au début de ce siècle, l'émigration devient définitive et des familles entières s'installent dans la région de Lorgues dans le Var.

Les gens de Villeneuve (lu Villanouvenc) portent le curieux surnom de "Chats". Ce totem souligne leurs particularités héréditaires tant morales que physiques : esprit d'indépendance, comme le prouve leur Histoire, méfiance, douceur et réserve, esprit secret comme leur terroir.

Le “ Val d'Entraunes ”, bien que terre "savoyarde" pendant près de 450 ans, a été qualifié de "France rustique" au XVIIème siècle, parce que resté attaché à l'usage parlé et écrit de la langue française et ce, en dépit de l'édit du Duc de Savoie de 1560 qui imposait l'écriture des actes en italien. Mais la langue courante  a toujours été "lou Gavouot" apparenté au Provençal.

Parmi les curiosités, signalons l'étrange bénitier de l'église romane dont le support porte un emblème sculpté, attribué par certains aux mystérieux Templiers : à la base, quatre énigmatiques têtes humaines décorent le croisillon.

Villeneuve d'Entraunes, originale petite "république des Chats" acceptera de vous livrer une autre part de ses secrets pour peu que vous lui rendiez visite.

 

A VILLENEUVE D’ENTRAUNES,

NOTRE-DAME DES GRÂCES ET SON CURIEUX EX-VOTO

Villeneuve d’Entraunes fut plusieurs fois ravagé dans le passé par les débordements du vallon du Bourdous, dont l’étymologie dérive du bas latin bodrium signifiant vase, bourbe.

En provençal bourdous veut dire vaseux, crotté, crasseux, boueux, comme les eaux chargées de limons noirs arrachés aux pentes marneuses par le torrent en crue.

Le nom du village rappelle d’ailleurs sa reconstruction avant le XIe siècle.

Au bout du village, se dresse la chapelle de Notre-Dame des Grâces avec un bien curieux tableau décorant l’autel. Il s’agit d’un ex-voto consécutif à un sinistre analogue survenu en 1610. Il a été offert comme l’indique le texte du cartouche par Jean Ludovic Arnaud et peint en 1638 par Jacques Viani, petit peintre itinérant de Vence.

A gauche, Sainte-Marthe, sainte exorciseuse, invoquée contre les esprits malfaisants, tient d’une main la Tarasque en laisse et de l’autre le bénitier, l’aspersoir.

Selon la légende, Sainte-Marthe, sœur de Lazare et de Madeleine, sur la prière du peuple d’Arles, alla vers le dragon noir, monstre aquatique, occupé à dévorer les hommes, et l’aspergea d’eau bénite. Aussitôt, le monstre vaincu se rangea comme un mouton près de la Sainte qui lui passa sa ceinture autour du cou, le conduisit au village voisin où les gens le tuèrent à coup de pierres et de lances.

Comme le monstre était connu sous le nom de Tarasque, ce lieu en souvenir de lui prit le nom de Tarascon. Ici, la symbolique de l’eau et de la couleur noire s’identifie aux flots ravageurs de laves noires charriées par le Bourdous. Sainte-Marthe a su là encore tenir en laisse le monstre dévastateur.

A droite, se tient Sainte-Marguerite d’Antioche, honorée jadis tous les 20 Juillet à l’occasion d’une procession à travers la campagne villeneuvoise jusqu’à la chapelle qui lui est dédiée.

Cet édifice ruiné fut élevé au sommet du mamelon dominant le village en exécution d’un autre vœu fait en 1640 par les consuls du lieu « afin d’éloigner les vents désastreux qui, en Juillet, couchent les blés ».

Sainte Marguerite, sainte protectrice joint ici son pouvoir à celui de Sainte-Marthe en tenant elle aussi en laisse un monstre dont les abondantes mamelles sont prêtes à sécréter l’eau boueuse du Bourdous. Victorieuses des forces du Mal, les deux saintes rendent grâce à la Vierge de les avoir aidées à épargner les innocents habitants du village, figurés ici par des enfants. D’où l’intitulé du tableau et de la chapelle, « Notre-Dame des Grâces », bâtie à l’entrée du village, face à la menace proche et permanente du Bourdous.

 

Extrait des « Histoires et Légendes de Villeneuve d’Entraunes »

Ouvrage illustré, disponible en CD en contactant: edmondrossi€wanadoo.fr
prix 15€

Consulter, du même auteur, le livre « Du Mistral sur le Mercantour » inspiré par le passé de Villeneuve d’Entraunes.

Les dieux se sont réfugiés au cœur des régions montagneuses, prédisposant les sommets à devenir de fascinants hauts lieux de l’étrange. A l’extrémité des Alpes du Sud, le « Parc naturel du Mercantour » confirme avec éclat cette vocation établie depuis les origines de l’humanité.

Accrochés à la caillasse au-dessus de gorges étroites et impénétrables, les villages perchés, maintenus à l’écart des bouleversements, ont su résister au temps et garder d’admirables témoignages du passé. Parmi ceux-ci, des récits originaux véhiculés jusqu’à nous par les bourrasques du mistral comme autant de feuilles d’automne. Edmond Rossi, originaire du val d’Entraunes, nous invite à pénétrer l’âme de ces vallées, grâce à la découverte de documents manuscrits inédits, retrouvés dans un grenier du village de Villeneuve.

Si les « récits d’antan » présentent des histoires colportées aux veillées depuis la nuit des temps, les « faits divers » reflètent une réalité contemporaine d’une troublante vérité. Edmond Rossi est depuis son plus jeune âge passionné par l’histoire de sa région. Il signe ici son troisième ouvrage aux Editions Alan Sutton.

«Du Mistral sur le Mercantour» (Editions Sutton),

En vente sur Internet http://www.editions-sutton.com

ou dédicacé, au prix de 21 euros, plus frais d’envoi, en contactant edmondrossi@wanadoo.fr

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14/03/2012

A ROYA DANS LA VALLÉE DE LA TINÉE, LE SECRET DU SEIGNEUR DE L'ALP

LE MANOIR DE ROYA, HAUTE TINEE.jpg

 

Lorsque Pauline poussa la porte de la chapelle le soleil pénétra largement dans la nef mettant un terme à mon recueillement. Je quittai la pénombre et m'avançai pour l'accueillir. Elle portait un gros bou­quet de fleurs parfumées qui dissimulait la moitié de son corps et ne laissait apparaître qu'un visage rond au teint clair, encadré de deux tresses rousses. D'un pas rapide et souple elle approcha :

- Monsieur le curé, pardonnez-moi, je ne voulais pas vous déranger, je venais simplement fleurir la statue de notre Sainte Mère, vous m'avez fait peur, je ne vous avais pas vu dans l'ombre.

- C'est bien, Pauline, samedi tu conduiras la procession avec les filles du village, je compte sur toi pour confectionner les couronnes de buis.

Un large sourire illumina sa frimousse piquée de taches de rousseur.

En cette veille du quinze août, notre petite commu­nauté de Roya, perdue dans ses montagnes, s'activait à préparer la grande fête de la Vierge, patronne du lieu. La procession constituait le moment essentiel de cette importante journée et chacun se devait d'y tenir son rôle. Les bergers, bâton en main, avec leurs guêtres et gilet en peau de mouton, leur grand chapeau et leur cape, les bûcherons en pantalon de velours sombre, la taille serrée par une large ceinture, les paysans cravatés de cordons multicolores, leurs femmes vêtues de noir, coiffées de dentelles blanches, les bravadiers en gilet, fusil à large embouchure sur l'épaule, tout ce monde suivant gravement la statue vacillante de la Madone portée par six hommes mûrs en bras de chemise, précédée par un essaim de jeunes filles en longue chemise blanche, pieds nus, le front couronné de verdure.

A l'avant de ce cortège, j'avan­çais, suivi des enfants de chœur, avec à mes côtés, très digne, Jules Achiardi, seigneur de l'Alp, maître du village. Cet homme de haute taille, la barbe rousse et les cheveux poivre et sel flottant sur les épaules, fixait les pierres du chemin de ses yeux bleu clair, en tenant dans ses mains jointes un large chapeau de feutre kaki décoré d'une plume de faisan. J'imaginais que cette année encore, pendant deux bonnes heures, nous remonterions les sentiers caillouteux dans la chaude poussière de l'après-midi, s'arrêtant régulièrement devant les divers oratoires pour bénir champs et moissons.

Les falaises rocheuses répercutaient en échos les pétarades de la bravade, avant que le concours de boules ne me ravisse la vedette en réunissant tous les hommes du village.

Lorsque le samedi je reçus mes ouailles en confes­sion, je fus très étonné de ne point entendre les chuchotements de la petite Pauline. Je savais bien que sa conscience légère ne pouvait être entachée que d'intentions et de désirs puérils, mais je me promettais de la rappeler à ses devoirs. Le lendemain matin avant la grande messe, son père et son frère aîné vinrent m'avertir dans la sacristie que la gamine avait disparu depuis vendredi soir.

Partie dans le bois de l'Ubac pour rapporter quelques brassées de buis, comme je le lui avais demandé, elle n'était plus reparue depuis.

Jules Achiardi et ses chiens avaient battu la forêt avec les hommes du village sans trouver trace de la jeune fille.

L'après-midi, la procession fut abrégée à cause d’un violent orage. Le ciel se boucha très vite, devint d'un noir d'encre, le tonnerre claqua vers la cime Nègre, les éclairs zébraient l'atmosphère et bientôt de larges gouttes s'écrasèrent sur la poussière du chemin, nous obligeant à chercher abri sous l'aire de Murris.

Jules Achiardi me proposa de profiter d'une accalmie pour rejoindre son château tout proche et d'y bénir la chapelle. Chacun partit alors en débandade.

Précédé du seigneur et suivi de mes deux enfants de chœur, je franchis l'étroit pont de bois sur le torrent qui grossissait très vite, et quelques minutes plus tard nous étions dans la chapelle. Un cierge brûlait au pied de la statue de la Vierge couronnée d'une tresse de branches de buis frais.

L'hiver se passa sans trop de dommage, la neige tardive ralentit la venue du printemps, et durant les longues veillées on parla souvent de Pauline, mais aussi de Mélanie et Clotilde, disparues dans des circonstances tout aussi mystérieuses. L'une partie cueillir des myrtilles au Colombet, l'autre montée au Jassinette pour y rejoindre son oncle, n'étaient jamais reparues. On évoqua les loups qui n'épargnaient guère les moutons, mais l'étrange absence de cada­vres et de vêtements troublait les meilleurs chasseurs

Bientôt les perce-neige accompagnés de taches vertes qui s'élargissaient très vite, le soleil montant plus haut avec des rayons plus chauds, annoncèrent le retour du printemps tant attendu.

Nous étions à quelques jours de Pâques, lorsqu'une terrible nouvelle endeuilla à nouveau notre commu­nauté. Marie la fille de Fabron, une mignonne brunette, fut emportée par une avalanche dans le vallon du Riou blanc alors qu'elle ramassait du bois mort pour cuire le pain. Du moins c'est ce que nous supposions, car là encore pas de trace du corps de la jeune fille. La seule preuve provenait du bonnet de laine que Jules Achiardi avait découvert en bordure de la coulée de neige.

L'automne suivant, l'épouvantable fatalité qui sem­blait s'en prendre aux filles en âge de se marier s'abattit à nouveau sur Julie, une gracieuse blonde tout en sourires qui avait été notre rosière.

Julie, servante de notre seigneur solitaire, ne revint pas de la foire de Saint-Étienne où elle était descendue faire quelques emplettes. Comme elle n'avait pas l'humeur vagabonde, on se perdit en conjectures sur son sort.

Le bon Achiardi me remit les quelques affaires qu'elle possédait, avec mission de les rendre à sa famille. Le petit baluchon s'étant dénoué, je fis un inventaire involontaire de son contenu. Si les jupes en courtil, les cotillons blancs bordés de dentelles faisaient partie de l'ordinaire d'une fille de sa condition, je fus tout de même surpris de découvrir un corsage moulant damassé de grosses fleurs, avec manches longues et serrées enveloppant des poignets festonnés de fines dentelles, le tout rehaussé d'un magnifique ruban de soie noire portant une croix en argent ciselé décorée d'un cristal de roche: un habit de princesse ! Peut être l'aimable Julie avait-elle longtemps économisé pour s'offrir de pareils atours ?

Les propos les plus divers se répandirent, mettant en cause les Piémontais qui s'embauchaient comme bûcherons et aimaient taquiner les filles du pays. Chaque été dans le torrent, au gros de la chaleur, les femmes à moitié dévêtues lavaient la laine des mou­tons. Quand elles se savaient seules, elles se bai­gnaient nues pour se rafraîchir. Ces ébats n'avaient pas échappé aux « buscatiers » transalpins qui fai­saient ensuite des gorges chaudes sur les rondeurs des filles. Mais ces diables d'hommes parlaient souvent pour cacher une timidité certaine.

Ils avaient même proclamé très haut que notre maître Jules appréciait fort ces spectacles, pêchant dissimulé parmi les saules en ces périodes de grande lessive.

Un homme si pieux, d'une chasteté exemplaire, refusant les meil­leurs partis, consacrant le plus clair de son temps à la chasse et à la sage administration de ses biens, seules de méchantes langues pouvaient répandre des paroles aussi calomnieuses.

Un jour, en confession, Marguerite, la cadette des Dieudonné, m'avait avoué que Jules Achiardi l'avait comparée à une sainte et invitée à visiter son château. La curiosité l'ayant entraînée dans la sombre demeure, Jules lui avait proposé de venir prier avec lui, puis soudain au comble de l'exaltation il lui avait offert de s'occuper de son intérieur, lui promettant des pièces d'or et bien d'autres cadeaux pour récom­penser ses services et sa présence constante. Une étrange lueur avait alors traversé son regard « C'est si triste ici et je suis bien seul, tu es si gentille. » Toute flattée de susciter l'intérêt d'un personnage aussi important, la gamine était réapparue au château à quelques jours de là. Le seigneur l'avait alors attirée dans son parc à bestiaux sous le prétexte de l'aider à la monte du bélier. Les commentaires troubles de Jules Achiardi, lors des scènes d'accouplement et les comparaisons équivoques sur les plaisirs respectifs des animaux et des hommes pendant la saillie achevèrent de fixer Marguerite sur les intentions de son hôte. A la suite de cette édifiante initiation, l'homme avait tenté de trousser son cotillon sans toutefois parvenir à ses fins. Effrayée, la pauvre enfant s'était enfuie pour ne plus réapparaître au château !

Dans ce contexte, je reçus la visite de notre maître qui venait comme à l'habitude avec un chapon bien gras et un panier de noix, pour « discuter avec son prieur des éternels retards du règlement de la dîme ». Je le sentais embarrassé par ces préalables et lorsqu'il me demanda soudain de l'entendre en confession, je compris que le poids de sa conscience réclamait mon secours. S'il se reprocha d'avoir pressuré injustement les paysans de Roya, d'avoir calomnié et cédé à la violence, là n'était pas l'essentiel. Je décidai de l'encourager à parler en énumérant les différents péchés et en lui demandant enfin s'il n'avait pas été tenté par la luxure. Là, cet homme toujours si sûr de lui m'apparut bouleversé. Baissant les yeux, il ouvrit son cœur : « Mon père, la vie n'est pas simple. Mon éducation religieuse m'a fait un devoir d'être chaste, si bien que tout jeune et pour obéir à ma mère j'ai toujours repoussé les tentations. Pourtant je dois l'avouer, depuis deux ans j'ai succombé à plusieurs reprises. Emporté par le démon, j'ai vécu d'insuppor­tables cauchemars au bout desquels je me réveillais tel un somnambule, ne sachant trop où j'en étais.

Croyez que je regrette ce qui a pu se passer, mon repentir est sincère, je souhaite réparer le mal que j'ai fait. Hélas, je n'ai pas votre force d'âme, vous avez pu résister, moi pas... Ce n'est pas faute de me punir ! » Il ouvrit alors sa chemise et me fit voir des traces de flagellation, brutalisant ce corps sanguin qui le pous­sait à commettre ce qu'il appelait « l'ineffable ».

Je m'avançai en lui demandant si t'objet de cette passion vivait prés de nous « Il est partout », me répondit-il. « Je pressens dans chaque créature que je croise sur les chemins un serpent tentateur, d'autant plus qu'elle m'apparaît souriante, douce et ingénue. C'est comme une morsure qui active douloureusement mes désirs et mes rêves, faisant bouillir mon sang. Je ne peux tout de même pas écarter toutes ces incarnations vivantes du Malin, prêtes à m'entraîner dans l’œuvre de chair. » Il me demanda d'être son intercesseur auprès de l'abbé Galléan et du prieur des pénitents noirs de Saint-Étienne-de-Tinée, pour porter la croix le jour de leur procession, afin d'expier ses péchés. Il ajouta, déterminé: « Mon père, pour en sortir je souhaiterais faire retraite chez les capucins, partager leur paix de l'âme en vivant à l'écart des sollicitations permanentes de la vie quotidienne du village. »

Si j'encourageai le malheureux à suivre le chemin du repentir, je lui rappelai qu'il devrait peut-être songer à fonder famille pour vivre en harmonie avec les hommes et assurer sa succession dans l'intérêt de notre communauté. Mais sa décision était irrévocable et j'y vis comme un appel du Très-Haut.

Quelques mois plus tard, Don Jules Achiardi remit tous ses biens à l'Eglise. Il vécut le restant de ses jours à Sospel, au monastère des franciscains, et mourut en odeur de sainteté, entouré de l'estime affectueuse et du respect de ses anciens sujets. Il emporta avec lui son terrible secret.

Environ deux siècles plus tard, en 1885, les nou­veaux propriétaires du château de l' Alp entreprirent des travaux de transformations. Quelle ne fut pas leur surprise de découvrir quantité d'ossements féminins à l'aplomb des oubliettes. Ainsi s'expliquaient les étranges disparitions des jeunes filles du village, qui avaient eu alors le seul tort d'attirer l'impitoyable satyre. Le sinistre château de Don Jules Achiardi, seigneur de l'Alp, dresse encore sa silhouette rustique sur un tertre herbeux, à proximité du hameau de Roya éparpillé au fond d'une vallée, dominée par le Mont Mounier et les pistes de ski de la célèbre station d'Auron.

D’après « Les Histoires et Légendes du Pays d’Azur », pour commander cet ouvrage dédicacé de 15 € : contacter edmondrossi@wanadoo.fr 

Des histoires extraordinaires naissent sous tous les cieux, mais seul un cadre favorable les fait éclore.

La situation géographique du Pays d’Azur où les Alpes plongent dans la mer dans un chaos de montagnes et de vallées profondes lui confère déjà un caractère exceptionnel. Les climats qui s 'y étagent de la douceur méditerranéenne de la côte aux frimas polaires des hauts sommets sont tout aussi contrastés. Si l'on ajoute que l'homme a résidé sur ces terres d'opposition depuis ses origines, on ne peut s'étonner de trouver en lui la démesure du fantastique révélée par les outrances du décor.

Cet environnement propice ne devait pas manquer de pro­duire dans la vie de ses habitants une saga où l'imaginaire rejoint naturellement la réalité.

Depuis les milliers d'étranges gravures tracées à l'Age du Bronze sur les pentes du Mont Bégo dans la Vallée des Merveilles, en passant par les fabuleux miracles de la légende dorée des premiers chrétiens, ou les fresques tragiques des chapelles du Haut-Pays, jusqu'aux héroïques faits d'armes des Barbets pendant la Révolution française, longue est la chronique des «Histoires extraordinaires» du Pays de Nice, s'étalant dans la pierre et la mémoire de ses habitants.

Par un survol du passionnant passé de cette région, qu'il connaît bien, Edmond Rossi nous entraîne à travers une cinquantaine de récits mêlant la réalité historique au fantastique de la légende.

Rappelons qu'Edmond ROSSI, né à Nice, est entre autres l'auteur de deux ouvrages d'Histoire appréciés, dont «Fantastique Vallée des Merveilles», d'une étude sur les traditions et le passé des Alpes du Sud: «Les Vallées du Soleil» et d'un recueil de contes et légendes de Nice et sa région: «Entre neige et soleil».

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24/03/2010

DECOUVERTE DES SITES TEMPLIERS DE LA RIVE DROITE DU VAR

85 LE BROC, RECONSTITUTION DE LA COMMANDERIE DE PRA DAVID page 85.jpg

«Des Templiers aux Hospitaliers », trajet : Nice, Saint-Laurent-du-Var, Château de La Gaude, Carros, Le Broc ; retour, Carros et Nice par le Pont de La Manda, (excursion d’une demi-journée).

Le château de La Gaude campe sa massive silhouette sur un promontoire dominant la rive droite du Var, à l’extrémité des campagnes de Saint Jeannet.

Pour y parvenir depuis la côte, rejoindre Saint-Laurent-du-Var, puis emprunter la D118 conduisant en corniche sur 12 kilomètres, jusqu’à une bifurcation sous le village de Saint Jeannet. Prendre ensuite à droite un petit chemin jusqu’au pied de cette propriété privée, bien visible de loin.

Château de légendes, plusieurs fois restauré, la polémique ouverte sur la fréquentation templière de cette forteresse se poursuit, avec des hypothèses confirmées aujourd’hui par d’intéressantes archives.

Remarquer, au pied du château et au départ de la voie privée qui lui donne accès, la petite chapelle Saint Peyre ( Saint Pierre en provençal )  attribuée également aux chevaliers au blanc manteau à la croix rouge.

Les fondations du château conserveraient un trésor supposé «templier », bien qu’il soit également question d’un «alchimiste faiseur d’or », ayant opéré en ces lieux.

La tradition populaire persiste à véhiculer le mythe d’un fabuleux magot, caché là, la veille de l’arrestation des frères de la commanderie de Vence.

Rappelons qu’à la suppression de l’Ordre, les biens templiers de La Gaude seront dévolus aux chevaliers hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem de la maison du Broc.

Pour rejoindre ensuite le Broc, seconde étape de cette visite, il faudra  vous diriger d’abord vers Gattières, puis poursuivre par Carros.

Le village du Broc, très prospère au Moyen-Age, centre actif d’importantes foires aux bestiaux, présente encore ses anciennes demeures groupées autour d’une belle place à arcades.

Parcourir ses rues pittoresques, pour admirer  les passages et galeries sous voûtes et les boutiques médiévales avec leurs bancs de pierre. La présence de l’Ordre du Temple est attestée en ces lieux dès 1235. Les Templiers possédaient au Broc une maison et y prélevaient 21 services.

Pour retrouver les restes de leur vénérable bâtisse, baptisée encore « la Commanderie », il faut quitter le village par la route conduisant au nord à Bouyon et parcourir trois kilomètres.

Stopper à  hauteur du vaste pré dit « Pra David », situé à gauche de la route. Se diriger ensuite à pied sur le monticule qui limite la prairie au sud. Les ruines très apparentes, de ce qui fut probablement une ferme-hospice (voir description dans le chapitre relatif à Vence ) évoquent également la mémoire des Hospitaliers, héritiers et successeurs du Temple.

Le retour à Nice s’opérera par Carros, le Pont de la Manda et la RN 202.

 

D’après «Les Templiers en Pays d’Azur » (Alandis-éditions Cannes), pour commander cet ouvrage illustré et dédicacé de 18 € : téléphoner au 04 93 24 86 55

Reconnu comme le département de France le plus pourvu en possessions templières, les Alpes Maritimes conservent encore de multiples et intéressantes traces de la présence au Moyen-Age de ces fiers chevaliers.

Quel fut le rôle des Templiers, très tôt installés dans cette région entre mer et montagne ?

Que connaît-on des chroniques oubliées et des règles secrètes de l’Ordre du Temple ?

Par ailleurs, quel crédit accorder aux légendes relatives à leurs trésors cachés ?

Enfin, quels monuments et vestiges portent encore l’empreinte des chevaliers « de la croix et des roses » ?

Les Templiers inspirent d’abord l’image glorieuse de moines soldats se jetant la lance ou l’épée au poing, pour défendre ardemment les lieux saints, à l’époque des croisades.

Par la suite, ce tableau avantageux se nuance, avec l’évocation de leurs richesses, pour s’obscurcir enfin dans l’épaisseur du mystère, avant de n’être plus éclairé que par les sinistres lueurs des bûchers où s’achève l’épopée des frères du Temple, accusés d’hérésie.

Auteur de divers ouvrages traitant de l‘Histoire des Alpes Maritimes, Edmond Rossi, niçois passionné par le passé et la mémoire d’une région qu’il connaît bien, nous entraîne dans une attentive et fascinante découverte des annales et des sites toujours hantés par l’ombre des chevaliers au blanc manteau à la croix rouge.

 

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09:04 Publié dans Voyage | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : histoire