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09/04/2013

PROCHE DE SAINT MARTIN VÉSUBIE: LES VIERGES DE LA MALEDIA...

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« La végétation s’arrête, elle meurt, nous, nous restons pour des générations nouvelles et l’automne est délicieux parce que le printemps doit venir encore pour nous. » Senancour

A la période tiède et humide où la vie était possible en altitude, trois sœurs orphelines habitaient les pentes au fond d'un vallon dominant le village transalpin d'Entracque. Dans ce véritable jardin suspendu ne manquait ni l'herbe ni l'eau pour le troupeau, ni les fruits ni les fleurs multicolores et parfumées pour le plaisir du palais, des yeux et du cœur. Laura, Bice et Lia vivaient à l'écart du monde, dans une ambiance conventuelle, un bonheur parfait que rien n'aurait dû troubler.Le destin en décida autrement en la personne d'Arneodo, seigneur d'Entracque. Ce pâle feudataire, un jour de chasse, rencontra les trois jeunes filles et tomba éperdument amoureux de Lia à la belle chevelure d'or et à la bouche vermeille. Plusieurs fois, il revint rôder autour de leur cabane sous les prétextes les plus divers. Enflammé par sa passion, il proposa à la demoiselle de son cœur de venir s'installer au château. Mais Lia, insensible au charme du fruste Arneodo, repoussait ses avances. Le seigneur éconduit décida de se venger.

Après avoir réuni le Conseil des gens d'Entracque, il expliqua que les terres situées dans la montagne au fond des vallons, prospères et bien irriguées, appartenaient à la communauté. De ce fait, celle-ci devait pouvoir en disposer à sa guise, n'en déplaise à celles qui avaient pris abusivement la liberté de s'y installer. L'affaire étant entendue, une délégation s'en alla signifier aux occupantes qu'elles devaient quitter les lieux, pour laisser place aux troupeaux et aux gens du village. Dans la modeste cabane, cette nouvelle apporta la consternation. Dépossédées et sans toit, les trois infortunées se voyaient condamnées à la misère. Seul le seigneur pouvait les sauver, si Lia acceptait de se livrer à ses désirs. Mais Lia, créature farouche et obstinée, se refusait à envisager un pareil marché.

Les trois vierges firent leurs balluchons et partirent sur le chemin de la Vallée, poussant devant elles leur maigre troupeau. Amère, Lia entraîna ses sœurs dans un dernier défi. Se retournant menaçantes vers cette montagne où elles avaient passé une part heureuse de leur existence, les trois innocentes créatures dressèrent le poing en s'exclamant: « Sois maudite! » Aussitôt le ciel s'assombrit et un violent orage de grêle s'abattit sur ce décor de rêve, détruisant les cultures et la végétation. Au fil des mois le froid et la neige s'installèrent, faisant de ces lieux une zone désolée où plus rien ne devait pousser.

Aujourd'hui encore la « Maledia » (la maudite) dresse sa cime hostile sur la frontière franco-italienne; ne s'y aventurent que les alpinistes confirmés. Un glacier occupe sa face nord recouvrant ce qui fut jadis un délicieux jardin.

 

D’après «Les Contes et Légendes du Pays d’Azur» (Editions Sutton),

En vente sur Internet http://www.editions-sutton.com

ou dédicacé, au prix de 23 euros, plus frais d’envoi, en contactant edmondrossi@wanadoo.fr 

16/03/2013

A VILLENEUVE D'ENTRAUNES: LE REMÈDE

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 «C’est toujours de ses maladies qu’on se vante.»

F.M.Dostoïevski

En cette belle matinée de juillet, Sylvain Olier s’activait avec son équipe sur le chantier de construction de la future route reliant Villeplane à Belluce. Travail ingénieux, méticuleux et inventif, pour un effet magique : la traversée d’un relief montagneux escarpé.

Méfiant, Sylvain avait pour habitude de ne pas graisser l’axe de la roue des brouettes, pour mieux les entendre couiner et ainsi surveiller le rythme régulier de leurs allées et venues. Entrepreneur efficace, il savait diriger son affaire. S’il traquait les flemmards, il savait aussi accorder généreusement une pause casse-croûte pour ragaillardir les hommes et soutenir leur rendement.

Pour cette raison, installé depuis peu à l’ombre, le groupe vit soudain apparaître sur le chemin, Venance Trouche, visage fermé, casquette rejetée en arrière.

Le soleil, déjà haut, chauffait au point qu’il s’assit volontiers pour échanger deux mots et accepter de boire le vin rouge et âpre des ouvriers.

Voyant sa mine préoccupée et le sentant peu disert, Sylvain brisa la glace en l’interpellant gentiment : « Où allez-vous ainsi de bon matin, Maître Trouche ?

– Vaou aou Bourguet, cerca caouqué oubragé per far caga mon infant ( je vais au Bourguet, pour chercher quelque chose qui fasse déféquer mon enfant) ».

Pour comprendre la démarche de Venance, il fallait savoir que cette année-là, les cerisiers, exceptionnellement couverts de fruits, avaient fait le bonheur des gens de Belluce. Le Mistral fut de la fête, en provoquant la chute des cerises qui achevèrent de mûrir sous les arbres. Les enfants participèrent avec joie à la cueillette et au ramassage de ces friandises, constituant pour beaucoup un véritable festin.

Auguste Trouche, grand garçon niais, cadet de la famille, s’était laissé aller à sa gourmandise habituelle en dévorant jusqu’aux dernières cerises, celles légèrement sèches, les « adjubiques », plus sucrées et plus savoureuses.

Ne voulant rien laisser perdre, dans sa hâte et sa voracité, ce benêt avait avalé jusqu’aux noyaux, au point de bloquer ses intestins.

Vu la gravité du péril, Venance, après ses confidences, ne s’attarda pas et repartit à grandes enjambées sur la route poudreuse, avec au cœur l’espoir de sauver son fils par une rapide délivrance.

Si dans le Mercantour, la nature impose ses lois et ses rythmes à une population soumise à des pratiques immuables, il faut avouer que le jus de prunes bouillies, les cuillerées d’huile de noix, les cataplasmes de son et autres recettes traditionnelles n’avaient pu libérer le malheureux Auguste. Il fallait s’en remettre à la science et pour cela consulter indirectement le médecin du canton, peu enclin à s’aventurer sur les sentiers vertigineux conduisant à Belluce.

Le pharmacien compléterait la prescription, en délivrant le précieux « remède ».

En chemin, Venance désemparé, confiait sa détresse à chacun espérant une réponse propre à dissiper son angoisse.

Chaque fois, il était question de lavement de mauve ou de sauge (la « salva » ou sauveuse des Romains) et même plus énergiquement de savon de Marseille !

 Embarrassé, le docteur Jusbert aurait souhaité examiner le patient pour affiner son diagnostic, mais un accouchement difficile l’appelait à Valergue. Promis, il viendrait sous 48 heures. Chez le pharmacien, Venance trouva plus de compréhension, nanti d’un puissant laxatif, il reprit vaillamment le chemin du retour.

Lorsqu’il parvint de nuit à sa ferme de Belluce, une veillée réunissait autour du lit d’Auguste la mère entourée de voisines prêtes à rendre service.

Auguste gémissait, encouragé par la présence attendrie des femmes dont les plus âgées se confondaient déjà en prières égrenant leur chapelet.

Venance, bien que partiellement impuissant, fut accueilli comme un véritable sauveur.

Après avoir vidé une partie du flacon de son liquide blanchâtre qu’il trouva à son goût, le malade essaya mais en vain d’aller à la selle.

Il fallait se rendre à l’évidence, le « remède » n’opérait pas d’effet immédiat, il faudrait attendre le lendemain…

Une fois bu un bouillon de légumes, Auguste plongea dans un sommeil paisible propre à évoquer les délices et la traîtrise de quelques insaisissables cerises confites.

Au petit matin, le malheureux, râlant, en proie à une véritable occlusion intestinale ne réussit pas à se libérer. En dépit de tous ses efforts, seuls deux ou trois noyaux consentirent à quitter son corps épuisé.

Dans la matinée, devant l’inefficacité du laxatif et l’enflure douloureuse du ventre du malade, la solution du lavement fut envisagée avec sérieux par le cénacle, réuni dans la chambre.

Si un lavement à la fleur de mauve était envisagé, encore fallait-il disposer de l’appareil adéquat.

Les commères firent un rapide inventaire des possibilités du village, plutôt limitées en la matière.

Non, personne ne possédait à Belluce le broc, le tuyau et la canule susceptibles d’opérer.

C’est alors qu’Angèle Trouche, la mère, eut la brillante idée d’utiliser la cafetière familiale ! La nécessité faisant loi, l’infusion fut promptement préparée et le patient confortablement calé, fesses en l’air et jambes écartées sous l’œil avisé des femmes et des conseils des plus âgées, l’ensemble groupé attentivement autour du lit. Auguste devait fêter ses quatorze ans à l’automne et son anatomie n’inspirait en rien ces mères de famille qui en avaient vu bien d’autres !

Pâle, ce grand enfant se sentant devenir le centre d’intérêt s’était mis à pleurer ajoutant ses sanglots à la consternation générale.

Le début de l’opération déclencha des plaintes douloureuses, lorsque le bec de la cafetière pénétra le corps du garçon.

Une ruade faillit tout compromettre. Enfin, solidement maintenu, Auguste, contraint à mordre l’oreiller, se sentit envahi par le liquide tiède. « Il faut le garder ! » lui cria sa mère.

Bien que doué d’une envergure intellectuelle réduite, Auguste, flatté d’être au cœur d’une affaire qui malmenait l’équilibre familial, s’efforçait de conserver son lavement comme un défi à relever, face à une assistance impliquée dans son challenge. Mais la prouesse avait ses limites, après quelques gargouillis significatifs le pauvre simplet avoua son impuissance.

Soudain, une pétarade infernale projeta un jet de liquide et de noyaux jusqu’au milieu de la chambre, libérant définitivement le malheureux garçon du bouchon sournois cause de tous ses tourments.

Des exclamations diverses, mêlées de cris de joie, saluèrent sa délivrance.

« Mère je suis sauvé ! Mère je suis sauvé ! » répétait à l’envi le malade dont la nonchalance faisait place à une vigueur enfin retrouvée.

Plus tard, le docteur Jusbert avoua à Venance que son fils « aurait pu y rester » et « qu’il revenait de loin ».

« Savez-vous que ces cerises ramassées sous les arbres, souvent fermentées, sont légèrement alcoolisées ? Ainsi s’expliquerait l’attirance des enfants pour ces fruits nocifs à leur santé. Mais aussi quelle idée d’avaler des noyaux de cerises ?

– Cependant Docteur, le petit m’a expliqué qu’ayant trouvé des crottes de renard chargées de noyaux de cerises, il pensait qu’il pouvait faire pareil, les avaler avec les fruits, puis s’en débarrasser comme eux ! ». Hélas, n’est pas renard qui veut !

Depuis chaque année, au temps des cerises, l’histoire «d’Auguste, le constipé  de Belluce », revient dans la mémoire des gens du lieu.

Pour tempérer la gourmandise de leur progéniture, les parents leur recommandent de ne pas imiter ce grand bêta. Les délicates tribulations des intestins d’Auguste Trouche sont devenues une référence légendaire incontournable célèbre dans tout le canton.

 

D’après «Du Mistral sur le Mercantour» (Editions Sutton),

En vente dédicacé, au prix de 21 euros, en contactant edmondrossi@wanadoo.fr

 

Les dieux se sont réfugiés au cœur des régions montagneuses, prédisposant les sommets à devenir de fascinants hauts lieux de l’étrange. A l’extrémité des Alpes du Sud, le « Parc naturel du Mercantour » confirme avec éclat cette vocation établie depuis les origines de l’humanité.

Accrochés à la caillasse au-dessus de gorges étroites et impénétrables, les villages perchés, maintenus à l’écart des bouleversements, ont su résister au temps et garder d’admirables témoignages du passé. Parmi ceux-ci, des récits originaux véhiculés jusqu’à nous par les bourrasques du mistral comme autant de feuilles d’automne. Edmond Rossi, originaire du val d’Entraunes, nous invite à pénétrer l’âme de ces vallées, grâce à la découverte de documents manuscrits inédits, retrouvés dans un grenier du village de Villeplane.

Si les « récits d’antan » présentent des histoires colportées aux veillées depuis la nuit des temps, les « faits divers » reflètent une réalité contemporaine d’une troublante vérité. Edmond Rossi est depuis son plus jeune âge passionné par l’histoire de sa région. Il signe ici son troisième ouvrage aux Editions Alan Sutton

Pour en savoir plus sur un village typique chargé d’anecdotes et d’images du passé : Cliquez sur

http://saintlaurentduvarhistoire.hautetfort.com

02/03/2013

A CANNES, LA LEGENDE DE SAINTE MARGUERITE

LE MONASTERE FORTIFIE DE LERINS.jpg

« L’amour c’est l’espace et le temps rendus sensible au cœur.»

Marcel Proust

Tandis que saint Honorat fondait le premier monastère des Gaules dans une des îles de Lérins, sa sœur, sainte Marguerite, habitait l’autre. Ainsi, le frère et la sœur n'étaient séparés que par le bras de mer si étroit dont le flot murmure entre les deux îles.

Mais voulant se dégager le plus possible de toute affection humaine, pour vivre dans la contemplation du vrai bien, saint Honorat imposa à Marguerite la condition de venir le visiter seulement à l'époque où les cerisiers seraient en fleur.

La sainte pria Dieu avec tant de ferveur et de confiance, que, chaque mois, les cerisiers donnèrent une floraison nouvelle, et ainsi Marguerite eut le bonheur d'embrasser souvent son frère sans rompre, pour cela, le vœu qu'ils avaient formé tous les deux.

 

D’après «Les Contes et Légendes du Pays d’Azur» (Editions Sutton),

En vente sur Internet http://www.editions-sutton.com

ou dédicacé, au prix de 23 euros, plus frais d’envoi, en contactant edmondrossi@wanadoo.fr