Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

10/05/2006

HISTOIRE DU HAUT PAYS D'AZUR

                LE MULETIER

             DE LANTOSQUE

La route qui reliait la côte niçoise au Piémont avant le XVI ème siècle passait par la tortueuse vallée de la Vésubie, avant d'escalader les cols de Cerise ou de la Madone de Fenêtre à quelques 2500 mètres. Voie capitale puisqu'elle réunissait les terres alpines et maritimes de la maison de Savoie.

Le transport s 'y pratiquait à dos de mulets par des sentiers vertigineux, pendant les seuls mois de l'année où la neige n'obstruait pas les cols. Parmi les denrées acheminées, le sel, substance rare et contingentée, constituait une part essentielle du trafic, d'où le nom donné à cette route.

Un après midi de novembre, Félicien Borriglione, muletier de Lantosque, revenait d'Entracque par le vallon de Fenestre lorsqu'il fut pris par la tourmente.

Très vite, 1'homme et la bête, aveuglés, s'enfoncèrent dans la neige épaisse qui s'accumulait sous leurs pas. Bientôt le ciel d'un noir d'encre vira à la nuit. Dans l'obscurité, arc-bouté sous l'assaut des rafales chargées de neige, le muletier tirant son animal par la bride chercha refuge au pied d'un gros mélèze solitaire. Piètre abri, car l'arbre déjà privé de ses aiguilles n'offrait comme seule protection que ses branches dénudées qui ralentissaient tout de même la chute de la neige. Enroulé dans une toile de sac, fataliste, Félicien s'installa dans l'attente. Au milieu de la nuit une courte accalmie le décida à rassembler quelques brindilles sèches qu'il réussit à allumer. Revigoré par les flammes 1 'homme, après avoir dégagé son mulet, entreprit avec une torche de résineux de reprendre la descente vers St Martin. Alors qu'il se remettait à marcher s'enfonçant jusqu'à la taille, en poussant des «Hue! Dia!» rageurs, tous deux glissèrent soudain dans la pente en roulant sous l'avalanche provoquée par l'instabilité de la neige. Nageant, au bord de l'asphyxie, il réussit à émerger de la masse blanche cherchant aussitôt à dégager son compagnon à demi enfoui. Pour ce dernier il était malheureusement trop tard, renversé, pattes en l'air, l'animal était mort étouffé.

Maintenant il faisait jour, une clarté laiteuse descendait du gris du ciel. Décidé à sortir de ce naufrage, Borriglione, les jambes entourées dans des morceaux de toile fixés par des bouts de ficelle, progressait à nouveau à pas comptés. Après deux heures il repérait le toit de la cabane du Devensé qu'il rejoignait en jouant des bras et des jambes. De nouveau la neige s'était mise à tomber effaçant partiellement les traces du malheureux Félicien épuisé par l'effort. A l'abri, I 'homme s'écroula dans le foin et s'endormit. Lorsqu'il se réveilla tard dans le milieu de la journée, l'estomac tiraillé par la faim, une couche de deux pans de neige s'était accumulée devant la porte. Le silence blanc étouffait tout. Un calme étrange régnait, rompu parfois par la chute d'un paquet de neige tombant des branches d'un arbre.

Félicien fit le point. Il n'était pas question de repartir sans avoir mangé quelque chose, comme il n'avait plus rien, après avoir avalé la veille le morceau de pain et les deux tranches de tomme qu'il portait sur lui, il ne restait qu'une seule ressource: son mulet! C'est ainsi qu'il rebroussa chemin pour parvenir au pied de l'avalanche. Quelle ne fut pas alors sa surprise de constater qu'il avait été précédé sur les lieux par une meute de loups s'acharnant à dépecer la dépouille de la bête de somme.

Si, à son approche, certains s'enfuirent vers la forêt en traînant un quartier de viande, un seul resta sur place en grondant, décidé à ne pas lâcher sa proie, c'était une femelle. Il fallait partager avec elle !

Félicien sortant son couteau, le bâton dans l'autre main, s'avança vers l'animal en lui parlant :«Oh là ma toute belle! Tu ne vas pas me laisser à l'écart du festin, il est un peu à moi ce mulet ! ».

L'autre observait en retroussant ses babines sanglantes, s'efforçant d'interpréter les intentions de l 'homme. A demi rassurée elle poursuivit son repas en grognant, un oeil sur l'adversaire. «Ecoute on va s'arranger, si tu veux, un morceau chacun d'accord ?». La bête baissa les oreilles tout en mâchonnant dans la neige souillée de sang, puis recula permettant au muletier de découper une partie de la carcasse. Ensuite Félicien respecta le pacte tacite prenant une part et lançant l'autre au fauve: «Un morceau à toi, un morceau à moi».

La louve assise suivait les gestes du muletier attrapant chaque fois avec vivacité le morceau qui lui était destiné. La scène se poursuivit pendant un long moment. Lorsque l’homme se leva et rebroussa chemin, sa besace bien remplie, la bête fit quelques pas pour l'accompagner, avant de se résoudre à rejoindre les siens.

 Retrouver le passé d'un village ? Cliquez sur

http://saintlaurentduvarhistoire.hautetfort.com

    

08:53 Publié dans MEMOIRE | Lien permanent | Commentaires (0)

06/05/2006

L'ALCHIMISTE DE SAINT AUBAN

LE SECRET DU FAISEUR D’OR ( 4ème partie )

 Le 4 avril 1711, De l'Isle rentre à la Bastille. Immobilisé par ses blessures, le prisonnier est traité avec douceur, on lui propose de reprendre ses expériences dans une salle du château. M. de Nointel invite le Gouverneur de la Bastille à remettre à' ' alchimiste captif, l'or et l'argent nécessaires à ses opérations.
Reprenant confiance, De l'Isle réclame les ingrédients et objets mis sous scellés au château de Saint Auban. De l'Isle reprend ses activités le 1er août, au grand soulagement de ceux qui attendaient «qu'il soit en état de justifier la vérité de son secret». Les comptes rendus rapportent qu'il prépara jusqu'au 28 septembre, de l 'huile de soleil, de l'eau magistrale et de la poudre métallique. L'alchimiste se livre à toutes sortes d'expériences en présence de personnages de haut rang. Mais ses blessures ne guérissent pas. Le 31 octobre 17l1 une tentative de transmutation avorte, les poudres préparées par M. de Senez étaient inopérantes. Nouveaux échecs les 21 et 23 novembre après l'élaboration de poudres récentes, ainsi que le Il décembre. Son crédit s'amenuise et De l'Isle apparaît comme un imposteur. Une ultime expérience lui est proposée en janvier 1712, mais les éléments adressés de Provence par M. de Saint Auban s'avèrent inutilisables. M. de Senez soutient l'alchimiste du mieux qu'il peut en dépit de la rumeur d'un prochain interrogatoire de son protégé.
De l'Isle avait déclaré à ses amis qu'il acceptait de satisfaire le Roi, si on le traitait avec «douceur», mais dans le cas contraire «on lui couperait plustôt la teste que de tirer de lui son secret». Il apparaît donc que le faiseur d'or embastillé avait depuis lors abandonné ses opérations, en dépit du soutien pressant de M. de Senez et de M. du Bourget. N'avait-il pas répété à plusieurs reprises que ses expériences n'étaient pas tout à fait au point et qu'on n'obtiendrait rien de lui en le traînant pieds et poings liés à la Bastille.
 
Le 20 janvier échec renouvelé, De l'Isle souffre toujours d'une blessure ouverte. Le 27 janvier, le marquis d'Argenson procède à son interrogatoire par ordre du Roi dans la grande salle du château. Désemparé et sans ressort, il se voit assener des périodes contradic­toires pour l’élaboration des éléments utiles à ses expériences. Las, répondant au jugé, sans réfléchir, il semble fuir et refuser de livrer son secret, enfin se bute et paraît se moquer du lieutenant de police. Quatre jours plus tard, le 31 janvier, pris de vomissements, De l'Isle meurt en quelques heures. Embarrassé, M. d'Argenson déclarera: «C'était un insigne fripon, qui a mieux aimé mourir que de révéler le secret de ses friponneries».
Après autopsie, on conclura à une mort naturelle en n'écartant pas la thèse d'un suicide par empoisonnement. Découragé, l’évêque de Senez avait baissé les bras après le notoire échec du 20 janvier. M. de Launey, directeur de la monnaie, fit saisir les résidus des expériences de l’alchimiste, qui, fondus, donnèrent 6 gros et demi d'or à 22 carats, preuve que ces gangues métalliques contenaient de l'or.
 L'acte officiel de décès ne sera curieusement établi que le 24 juin 1712. Anne Caille, épouse du défunt, rentrera en possession de l'appréciable succession laissée par Jean Troin, en qualité d'administratrice de sa fille Marguerite Troin. A savoir: les pièces et lingots d'or et d'argent saisis, les biens en Provence et 4200 livres à Menton rapportant 210 livres de rente par an. A trente neuf ans, l 'hôte de la Bastille apparaît au vu de ce testament comme un homme riche capable d'entretenir un valet et digne d'une certaine réussite sociale.
 
Pourquoi cette fin tragique ? De l'Isle n'a jamais accepté de travailler en prison, éloigné de sa Provence natale, où il pouvait s'essayer en toute liberté à ses expériences, sans crainte du résultat obtenu, avec des produits qu'il avait lui-même soigneusement élaborés. Empirique, ce n'était pas un savant de laboratoire mais un alchimiste, appliquant des recettes simples, utilisant des éléments naturels: plantes et minéraux exposés au soleil de la campagne et à la chaleur de ses fourneaux. Sous le triste soleil de Paris et dans la froide Bastille, il n'obtint jamais qu'un peu de sa fameuse «huile de soleil». Son secret tenait-il à la découverte de ses mystérieuses plantes lunaires qu'il recherchait dans les collines provençales ? Apparemment désintéressé et jamais compromis dans les activités frauduleuses de faux monnayage, l'énigmatique De l'Isle aurait fait apprécier ses talents bien au-delà des frontières, en Italie et au Portugal. Quelques archives exhumées dans ces pays révèleront peut-être un jour, le secret du faiseur d'or.
Reprenant confiance, De l'Isle réclame les ingrédients et objets mis sous scellés au château de Saint Auban. De l'Isle reprend ses activités le 1er août, au grand soulagement de ceux qui attendaient «qu'il soit en état de justifier la vérité de son secret». Les comptes rendus rapportent qu'il prépara jusqu'au 28 septembre, de l 'huile de soleil, de l'eau magistrale et de la poudre métallique. L'alchimiste se livre à toutes sortes d'expériences en présence de personnages de haut rang. Mais ses blessures ne guérissent pas. Le 31 octobre 17l1 une tentative de transmutation avorte, les poudres préparées par M. de Senez étaient inopérantes. Nouveaux échecs les 21 et 23 novembre après l'élaboration de poudres récentes, ainsi que le Il décembre. Son crédit s'amenuise et De l'Isle apparaît comme un imposteur. Une ultime expérience lui est proposée en janvier 1712, mais les éléments adressés de Provence par M. de Saint Auban s'avèrent inutilisables. M. de Senez soutient l'alchimiste du mieux qu'il peut en dépit de la rumeur d'un prochain interrogatoire de son protégé.
De l'Isle avait déclaré à ses amis qu'il acceptait de satisfaire le Roi, si on le traitait avec «douceur», mais dans le cas contraire «on lui couperait plustôt la teste que de tirer de lui son secret». Il apparaît donc que le faiseur d'or embastillé avait depuis lors abandonné ses opérations, en dépit du soutien pressant de M. de Senez et de M. du Bourget. N'avait-il pas répété à plusieurs reprises que ses expériences n'étaient pas tout à fait au point et qu'on n'obtiendrait rien de lui en le traînant pieds et poings liés à la Bastille.
 
Le 20 janvier échec renouvelé, De l'Isle souffre toujours d'une blessure ouverte. Le 27 janvier, le marquis d'Argenson procède à son interrogatoire par ordre du Roi dans la grande salle du château. Désemparé et sans ressort, il se voit assener des périodes contradic­toires pour l’élaboration des éléments utiles à ses expériences. Las, répondant au jugé, sans réfléchir, il semble fuir et refuser de livrer son secret, enfin se bute et paraît se moquer du lieutenant de police. Quatre jours plus tard, le 31 janvier, pris de vomissements, De l'Isle meurt en quelques heures. Embarrassé, M. d'Argenson déclarera: «C'était un insigne fripon, qui a mieux aimé mourir que de révéler le secret de ses friponneries».
Après autopsie, on conclura à une mort naturelle en n'écartant pas la thèse d'un suicide par empoisonnement. Découragé, l’évêque de Senez avait baissé les bras après le notoire échec du 20 janvier. M. de Launey, directeur de la monnaie, fit saisir les résidus des expériences de l’alchimiste, qui, fondus, donnèrent 6 gros et demi d'or à 22 carats, preuve que ces gangues métalliques contenaient de l'or.
 L'acte officiel de décès ne sera curieusement établi que le 24 juin 1712. Anne Caille, épouse du défunt, rentrera en possession de l'appréciable succession laissée par Jean Troin, en qualité d'administratrice de sa fille Marguerite Troin. A savoir: les pièces et lingots d'or et d'argent saisis, les biens en Provence et 4200 livres à Menton rapportant 210 livres de rente par an. A trente neuf ans, l 'hôte de la Bastille apparaît au vu de ce testament comme un homme riche capable d'entretenir un valet et digne d'une certaine réussite sociale.
 
Pourquoi cette fin tragique ? De l'Isle n'a jamais accepté de travailler en prison, éloigné de sa Provence natale, où il pouvait s'essayer en toute liberté à ses expériences, sans crainte du résultat obtenu, avec des produits qu'il avait lui-même soigneusement élaborés. Empirique, ce n'était pas un savant de laboratoire mais un alchimiste, appliquant des recettes simples, utilisant des éléments naturels: plantes et minéraux exposés au soleil de la campagne et à la chaleur de ses fourneaux. Sous le triste soleil de Paris et dans la froide Bastille, il n'obtint jamais qu'un peu de sa fameuse «huile de soleil». Son secret tenait-il à la découverte de ses mystérieuses plantes lunaires qu'il recherchait dans les collines provençales ? Apparemment désintéressé et jamais compromis dans les activités frauduleuses de faux monnayage, l'énigmatique De l'Isle aurait fait apprécier ses talents bien au-delà des frontières, en Italie et au Portugal. Quelques archives exhumées dans ces pays révèleront peut-être un jour, le secret du faiseur d'or.
 
                     D’autres histoires ?
http://saintlaurenthistoire.hautetfort.com

L'ALCHIMISTE DE SAINT AUBAN

LE SECRET DU FAISEUR D’OR ( 3ème partie )


  
Pourtant, un autre incrédule, confondu, rapporte l’expérience qui se déroula dans la tour du château de Senez. De l 'Isle mit une poignée de chaque lunaria dans un poêlon rempli d'eau, qu'il chauffa sur un fourneau. Il jeta un grain de mercure philosophique dans un verre contenant de l'eau magistrale et obtint une liqueur blanche comme du lait. Au premier bouillon, il retira le poêlon et y ajouta la liqueur, fit chauffer, versa ensuite le tout dans une casserole remplie d'eau froide, retira les herbes, vida l'eau, recueillant au fond un dépôt brunâtre: la poudre de projection, qu'il fit sécher au feu. De l 'Isle estima la poudre juste assez bonne pour obtenir de l'argent et non de l'or. M. du Bourget prit la suite, il plaça un creuset sur le feu, y jeta un lingot de plomb (qu'il avait apporté pour plus de sûreté), une fois fondu, il le répartit sur le sol de la tour pour le séparer de la crasse. Avec un nouveau creuset (qu'il avait apporté), M. du Bourget refit fondre les morceaux de plomb mélangés à une dose de poudre de projection, une goutte d'huile de soleil et fit cuire le tout pendant une heure. Il touilla ensuite, sentant la masse pâteuse. De l 'Isle l 'invita à activer le feu, une heure et demie plus tard le mélange devint liquide.
« Voilà qui est fait Monsieur, nous allons voir ce que ma poudre vous aura donné» dit De l 'Isle. Au fond du creuset, que M. du Bourget saisit avec des pincettes, apparut une liqueur brillante. Voici son témoignage:
«Je le vuiday sur le pavé, par trois différentes fois, et ma surprise fut si grande en voyant de l’or par terre, qui me parut très beau, que je fus un quart d 'heure sans pouvoir parler, ce qui fit beaucoup rire M. de Senez et mon frère, qui estoient plus aguerris que moi. M. de l 'Isle me fit beaucoup d'excuses sur la peine que je m'estois donnée, adjoutant que si la poudre avoit esté parfaite, il m ' auroit fait convertir le même plomb sur un réchaud sans estre obligé de la fondre, et dans un quart d'heure».
Sept mois plus tard, en mai 1710, le Président de Saint Maurice opère au château de Saint Auban, selon les directives de De l 'Isle, en présence du prévôt Lenoble, du sieur de Riouffe, subdélégué de l'intendant de Provence à Cannes et de l'abbé de Saint Auban. On sortit tout d'abord, une espèce de mâchefer d'un panier enterré, que l'on mit à sécher un quart d 'heure au soleil. Puis M. de Saint Maurice déposa cette masse dans une cornue chauffée au fourneau jusqu'à obtenir une liqueur jaunâtre en forme de mercure, du volume d'un gros pois. Il distilla alors une huile visqueuse, appelée le «dragon dévorant», qui aurait pu détruire le petit grain de «mercure philosophique». Ce mercure, versé sur trois onces de mercure ordinaire, complété par deux gouttes d 'huile de soleil, chauffé «l'espace d'un miserere», donna un petit lingot d'or d'environ trois onces.
La seconde expérience de M. de Saint Maurice, s'opéra avec trois balles de plomb fournies par son valet, fondues dans un creuset avec alun et salpêtre. M. de Saint Maurice y ajouta «une prise à tabac» de poudre philosophique et deux gouttes d 'huile de soleil. Il remplit ensuite le creuset de salpêtre et mit à chauffer un quart d'heure. Déversant ensuite le tout sur une plaque de fer, il obtint une plaque d'or. M. de Saint Maurice fabriqua de l'argent de la même façon avec une poudre différente. Il fit un rapport détaillé de ses expériences au Contrôleur des Finances en décembre 1710.
 
A la suite de ces informations, le Contrôleur Général des Finances décida de faire arrêter De l'Isle et de le transférer à Paris sans plus tarder. Mission fut donnée au comte d'Artagnan d'opérer l'arrestation et de le remettre entre les mains de M. de Grignan. Mis au courant à la Cour de ces tractations, l'évêque de Senez intervint auprès de M. de Saint Martin par une lettre du 9 janvier 1711 pour sauver son protégé: «Il ne faut pas pousser un tel ouvrier à bout par la violence... Ce qui l'empêcha d'aller à Paris, c'est qu'il croit que le Ministre des Finances est fortement prévenu contre lui et le regarde comme un imposteur».
Un agent de d'Artagnan, M. de Rambion, prévient son supérieur que De l'Isle est attendu à Grasse le 30 janvier pour se rendre en pèlerinage à N.D. de Laghet. Prudent, De l'Isle s'abstient et De Rambion ne voit arriver que l'abbé de Saint Auban, qui, en bon indicateur de l'alchimiste, indiquera que le pèlerinage est remis à cause du mauvais temps. Craignant sa fuite en Italie, les hommes de d'Artagnan informeront le Sénat de Nice, qui réussira à faire cueillir le fugitif dans la bastide du comte de Galéan en dehors de Nice. L'alchimiste et son valet prirent immédiatement la route de Paris via Grasse et Marseille. Convaincu de fuite, d'autant plus qu'on trouva sur lui des papiers d'identité au nom de Saint Auban et une médaille du Roi du Portugal le nommant «Chevalier des Stymates», la Cour du Portugal cherchant sans doute elle aussi à attirer le faiseur d'or. Traité comme un vulgaire malfaiteur, pieds et poings liés, le passage du malheureux captif à Grasse apitoiera son protecteur M. de Soanen, qui intervint sans succès et s'engagea à porter lui-même jusqu'à Paris les ingrédients nécessaires aux futures expériences.
Le voyage de De l'Isle vers Paris se déroula comme un véritable cauchemar, il pleut à partir de Valence, le voilà seul avec ses gardiens, son fidèle valet ayant été retenu à Marseille pour y être enfermé au fort Saint Jean. Profitant de ce que la voiture s'embourbe et chavire, il tente alors une évasion désespérée dans la campagne. Voici le témoignage du brigadier Tornier, chef de l'escorte:
 «1'estois à costé de ce malheureux qui estoit ployé dans son manteau et je tenois par un bras et le Suisse estent de l'autre costé, qui lui faisoit de mesme. Et dans le moment qu'on se forsoit à faire relever les mulets, je ne scey si par un art diabolique ce malheureux fit un si grand effort de ses bras qui cassa ses menottes et d'un coup de son bras gauche, il renversa le Suisse, il s'arracha de mes mains en courant à toutes jambes dans un pays détestable».
Un des gardes se lance alors à cheval à la poursuite du fugitif, mais le cheval se renverse en sautant un fossé. Un des gardes tire sur De l'Isle à coups de pistolet, trois balles l'atteignent aux fesses le clouant sur place. Mgr de Soanen rattrape le convoi à Briare essayant de remonter le moral de son protégé.
                                     

 

                            D’autres histoires ?

http://saintlaurenthistoire.hautetfort.com