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30/12/2012

19 MARS, UNE VICTOIRE HISTORIQUE, UNE RÉHABILITATION DE L’HISTOIRE

 

COMMEMORATION DU 19 MARS 1978.jpg

Lors de sa création, la FNAA avait plusieurs revendications: obtenir le droit à réparation et la Carte du Combattant au même titre que les conflits antérieurs, s'occuper des blessés et malades et le devoir de Mémoire.

Dès 1963, lors de son 4e Congrès National, la FNAA, devenue la FNACA, sur proposition d'un grand blessé de la guerre d'Algérie, demande que le 19 mars soit reconnu comme Journée du Souvenir à la Mémoire des Morts de la guerre d'Algérie et des combats d'Afrique du Nord.

Jusqu'en 1970 année du décès du général de Gaulle, aucune association ou mouvement politique ne s'était montré hostile à nos rassemblements du souvenir organisés le 19 mars par l'ensemble de nos comités.

En témoigne la présence, le 19 mars 1970, du président national de l'UNCAFN à l'inauguration d'un Monument à Clermont-Ferrand.

Nous avons été les premiers à nous souvenir, dès le 19 mars 1963, des 30 000 militaires morts en Algérie, au Maroc et en Tunisie afin que leur sacrifice ne tombe pas dans l'oubli, ce que l'on appelle aujourd'hui le devoir de Mémoire.

De 1963 à 1978, nous étions les seuls à rendre un hommage annuel aux victimes des combats du Maroc et de la Tunisie et à la guerre d'Algérie.

Devant l'ampleur des cérémonies du 19 mars, d'autres associations ont décidé de retenir le 16 octobre, suite à l'inhumation le 16 octobre 1977, d'un soldat inconnu d'Algérie, à Notre-Dame de Lorette.

Le 16 octobre fut ensuite abandonné au profit du 5 décembre qui n'a aucun lien historique avec la guerre d'Algérie mais qui correspondait à un jour de libre dans l'agenda du président de la République, M. Chirac, d'où les propos mentionnés dans le rapport Kaspi (historien), de« date arbitraire et fantaisiste ».

Notre détermination, mais également le « consensus » avec les municipalités auxquelles nous nous étions adressés pour obtenir des vœux pour la reconnaissance du 19 mars, soit 20 904 vœux sur le plan national, le Sénat, avec comme rapporteur M. Alain Néri, a décidé de mettre en discussion la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale par 58% des députés, en janvier 2002.

Après une première discussion le 25 octobre, arrêtée avant la fin, une nouvelle discussion au Sénat a eu lieu le 8 novembre, où la proposition de loi a été adoptée par 181 voix (dont 6 sénateurs UMP), contre 154.

Nous devons regretter l'attitude et les propos tenus par certains élus de l'opposition au cours de ce débat, qui ont essayé de contrer ce texte par des polémiques stériles et des propos outranciers, envers la 3e génération du feu.

Peut-être, est-il nécessaire de rappeler à certains nostalgiques, que l'Armée française, après le 19 mars, ne combattait plus le FLN, mais l'OAS qui n'a jamais été citée au cours du débat.

Quelle étrange amnésie !

Rappeler également, que parmi les victimes des attentats et des exactions de l’OAS après le 19 mars, figurent de nombreux militaires du contingent.

L'officialisation du 19 mars, après le vote de l'Assemblée nationale en 2002 et celui du Sénat le 8 novembre dernier, est le fruit de notre détermination et de notre combat à vouloir honorer dignement, en présence des autorités, le sacrifice des 30 000 militaires tombés en Algérie, au Maroc et en Tunisie.

Après la décision favorable du Conseil Constitutionnel du 29 novembre, nous devons continuer notre action pour obtenir que le 19 mars 2013 soit la seule datée officielle historique de recueillement de la 3 e génération du feu à la Mémoire des militaires tombés de 1952 à 1962.

Il appartient maintenant au président de la République de promulguer la loi votée le 8 novembre 2012.

Cette reconnaissance par la Nation de la date du Cessez-le-feu en Algérie, est pour nous une victoire sur ceux qui pendant 50 ans ont voulu falsifier l'Histoire, mais également minimiser le travail accompli par le contingent au cours de ces 10 années de guerre où il est resté fidèle aux institutions de la République.

M. Néri a dit au Sénat: « La guerre sans nom ne peut pas rester sans date historique ». Après cette reconnaissance officielle par les deux Assemblées et validée par le Conseil Constitutionnel: «La guerre sans nom est enfin reconnue par la date historique officielle du Cessez-le-feu, proclamé en Algérie le 19 mars 1962 ».

 

Daniel Wojkowjak, secrétaire national de la FNACA

23/12/2012

TENDE AU MOYEN ÂGE, DES SEIGNEURS JALOUX DE LEUR INDÉPENDANCE

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LES COMTES DE TENDE,DES SEIGNEURS JALOUX DE LEUR INDÉPENDANCE

La christianisation des vallées des Alpes-Maritimes est généralement datée du milieu du IVe siècle. Mais l'éclosion des premières églises rurales n'est située que beaucoup plus tard, vers 506-529. Les Wisigoths en 410 puis les Vandales autour de 450 auraient ravagé la côte contrariant ainsi la naissance de la nouvelle foi. Bien qu'un certain doute plane sur la venue réelle des Saxons et autres Lombards, on leur attribue vers 573 quantité de destructions avant que ne leur succèdent dès 737 les Sarrasins qui occupèrent le pays pendant plus de deux siècles, la Renaissance ne débutant qu'après leur départ en 980. Ainsi la religion chrétienne ne s'implantera avec certitude qu'autour de l'an mille après avoir été malmenée par les envahisseurs barbares et musulmans. Le genre de vie des montagnards dut évoluer très vite. Les campagnes se vidèrent, des regroupements se formèrent dans un souci de sécurité, puis les villages se ressérèrent autour des chapelles préludant aux premières paroisses. La relation du martyre de saint Dalmas en 250, dans la vallée du Gesso conduisant au Bégo, atteste de l'hostilité manifeste des indigènes romanisés à l'évangélisation. Plus tard, une légende rapporte la résistance opiniâtre des Tendasques assiégés par une troupe d'infidèles dans les murs de leur château, dont la tour de la « Maura » rappellerait le glorieux fait d'armes.

Si l'on suppose que des activités liées au commerce de la laine, donc de l’élevage, animaient déjà la haute Roya à cette époque, ce n'est qu'en 1002 que l'Histoire cite pour la première fois ces cantons isolés. Il s'agit d'un acte, où le marquis de Suse en Piémont accorde aux habitants de Tende, La Brigue et Saorge, certaines garanties attestées par leurs seigneurs les comtes de Vintimille. Il est intéressant de noter qu'à cette lointaine époque, les pâturages alpestres de la zone des Merveilles, inclus dans cet acte, dépendaient du Piémont, confirmant une influence concrétisée au cours du précédent millénaire. Les comtes de Vintimille, vassaux du marquis de Suse, possédaient alors la haute et moyenne Vésubie en plus des vallées de la Bévéra et de la Roya, c'est-à-dire toutes les vallées issues du Bégo. La frontière nord suivait la ligne des crêtes passant par le col de Tende. Au XIIe siècle, le comte de Provence acquerra la totalité des fiefs de la maison de Vintimille par des testaments successifs. Pourtant, une branche de cette dernière famille, les Lascaris, apparentés à l'empereur de Constantinople, contestera la propriété du comte de Provence. Après de sanglants combats et des fortunes diverses, la paix fut établie entre Charles I" d'Anjou, comte de Provence, et le seigneur de Tende, par acte du 18 décembre 1285. Les Lascaris seront seigneurs souverains de leurs terres de Tende, mais devront prêter hommage. aux comtes de Provence. Cet hommage garantira leur indépendance lorsque Nice passera à la Savoie en 1388, puis il sera transféré sur la personne du roi de France, lorsque les biens de la Provence lui seront légués en 1481. Ainsi, né de la désagrégation du comté de Vintimille, pris entre les deux impérialismes de Gênes et de la Provence, le comté de Tende s'imposera au XV e siècle, grâce à l'importance économique primordiale du col. Seul passage commode sur la voie commerciale des Alpes du Sud, les rivalités qu'entraînera sa possession conduiront les Lascaris de Tende à jouer un rôle appréciable dans la politique italienne. Concrétisé par l'existence d'une monnaie propre, Tende devint le centre d'une région économique, où l'exploitation du sol, l'élevage et le péage assurèrent une certaine prospérité. L'indépendance du petit Etat se maintint pendant près de trois siècles jusqu'en 1501 où la maison de Savoie l'acquit par un habile mariage avant de l'annexer en 1581. La communauté dispose à cette époque de la majeure partie du sol, sous la forme de forêts, pâturages et bandites, qu'elle exploite librement depuis le XI e siècle. C'est une agriculture dirigée, où, malgré l'altitude, châtaigniers, noyers et culture des grains donnent d'abondantes récoltes complétées par celles des cerises et des pommes. Au XIII e siècle comme dans l'Antiquité, le troupeau constitue l'élément essentiel de la vie économique du haut pays niçois. Des règlements établis au XV e siècle par le conseil de Tende indiquent d'une manière claire les dates, les lieux et le prix de location de chaque pâturage selon les espèces. Nous retrouvons sans doute, dans ces dispositions, le reflet d'anciens principes qui devaient régir la transhumance bien avant l'âge historique. Ainsi les vaches étrangères doivent séjourner à Casterino et payer deux sous par unité, d'autres alpages leur sont indiqués au Sabion, à Peirafica et à l'Omo. La montée à l'alpage s'effectue à la Saint-Jean et le retour a lieu à la fin août, et quelquefois à la Saint-Michel (30 septembre), pour pouvoir participer à la grande foire de la Brigue (1413). La vente des fromages de chèvres, tome ou brous, est également réglementée (1416). On apprend aussi (1419) que des gens de Tende offrent leurs services pour garder les vaches étrangères. En 1479, les étrangers peuvent venir estiver à Valaura sur les pentes du Bégo; ils doivent consigner leur bétail dans les trois jours après leur entrée sur le territoire et payer six gros par pastore de mouton et par vache. Le bétail ne peut descendre des alpages avant le 8 septembre (Nativité de la Vierge). La vie pastorale est organisée dans ses moindres détails, qu'il s'agisse de la vente du lait de chèvre en fin de semaine, de la garde des bœufs de la Saint-Michel à la Noël, ou du retour des troupeaux après leur hivernage en Provence. La location des bandites rapporte des revenus intéressants à la petite communauté; on apprend ainsi que le quartier de Donnigloxa (entrée du val d'Enfer) fut adjugé de 1444 à 1455 alors que les zones de la Vallée des Merveilles proprement dite et de la Valmasque semblent interdites. Les gens de Cagnes et des vals d'Oneille et du Maro (Ligurie italienne) figurent comme locataires habituels des bandites. Au XV e siècle c'est près de 21000 têtes de menu bétail qui estivaient sur les alpages de Tende; en 1424, on dénombre 218 vaches et 143 veaux étrangers. C'est surtout les bovidés qui constituent le cheptel étranger, venant de la proche Ligurie par le col des Seigneurs ou de la région d'Antibes et Cagnes. Cette présence détermine une activité économique fondée sur le commerce de la viande, du lait, du fromage, de la laine et des peaux. On consomme de la viande, deux cent dix à deux cent vingt jours par an, particulièrement de Pâques à la Noël et de la Noël au Carême, le mouton étant la chair la plus appréciée. La nourriture du paysan du Moyen Age est agrémentée par les vins du terroir et ceux importés de la Marche et de la Ligurie. Comme cela devait être le cas aux époques antérieures, le pain noir est répandu, ainsi que les produits provenant de la pêche en rivière et de la chasse. Ces dernières activités sont réglementées, par exemple la chasse à la perdrix est mise en adjudication tous les ans et deux types de filets sont autorisés pour la pêche en rivière. Les châtaignes et les fèves complètent cet ordinaire où le pain reste la base de l'alimentation. Une partie du grain est importée de Villeneuve-Loubet (froment, seigle, avoine). L'intérêt de ces mœurs médiévales, c'est de nous transmettre le reflet d'habitudes alimentaires et de courants d'échanges beaucoup plus anciens pouvant nous aider à mieux connaître la vie des premiers habitants de la haute Roya. Comme cela devait être le cas dans l'Antiquité, l'économie du comté de Tende est centrée sur l'exploitation de l'élevage et du bois. La laine entraîne la fabrication de tissus et le bois est expédié par flottage jusqu'à Vintimille, comme en 1462, lorsqu'il s'agit de réparer le palais épiscopal. La petite communauté retire également un revenu de l'extraction de la résine. Ce tableau de la vie de Tende au XV e siècle serait incomplet si l'on ne citait pas les activités commerciales liées au passage du col. Le péage enregistre les transhumances, l'expédition du bois, de la laine, des peaux et fromages, l'importation du vin et du grain, mais surtout le transit· du sel et autres marchandises de Nice au Piémont. Les comtes de Tende, placés sur la route reliant les États de Savoie du Piémont à leur unique débouché maritime du comté de Nice, vont jouer jusqu'en 1501 le rôle de portiers du pays niçois. Un lourd contentieux va opposer les marchands et voyageurs empruntant le col à l'administration des seigneurs de Tende. Les Lascaris se verront accuser de pratiquer des péages excessifs, de forcer le prix du fourrage et même d'interdire le passage pour des raisons malhonnêtes comme en 1407! Jusqu'au XVIIIe siècle la voie ne sera ouverte qu'au trafic muletier, entraînant une spécialisation des gens de Tende et la Brigue dans les activités de transporteurs, la location et l'élevage des animaux de bât. Véritable relais sur la route nord-sud, Tende verra se créer une corporation des muletiers, correspondant bien aux goûts nomades de sa population. Le trafic ira s'intensifiant pour mobiliser, en 1780, près de 50000 mulets afin de faire transiter annuellement le sel et les marchandises diverses de Nice au Piémont.  

D’après « Les Vallées du Soleil », pour commander cet ouvrage dédicacé de 15 € : contacteredmondrossi@wanadoo.fr

 

« LES VALLÉES DU SOLEIL »

EDMOND ROSSI RACONTE LES ALPES DU SUD

 

Qui dit montagne dit pays de l'étrange: partout, les lieux se sont réfugiés au cœur des régions montagneuses; en Europe comme ailleurs et depuis l'origine des hommes. Les Alpes sont un de ces massifs riches de traditions et de mystères. Le lieu central où s'est jouée cette rencontre entre une nature grandiose et hostile et des peuples fascinés et terrorisés par elle, ce sont les vallées. Celles qui permettaient le passage entre la mer et le cœur secret des massifs ont joué un rôle capital. Placé entre la lumière vive et la pierre chaude, cet ensemble méridional cloisonné forme une entité culturelle marginale méconnue. Oratoires isolés à la croisée des chemins, chapelles abandonnées aux murs couverts de dessins naïfs, fontaines rustiques jaillissant dans le creux d'un tronc de mélèze, anciennes bâtisses aux larges balcons sur­montés de curieux cadrans solaires, vastes constructions énigmatiques ... autant de messages qui parlent à notre esprit et à notre cœur, dans le langage simple des choses d'autrefois.Aujourd'hui, Edmond Rossi fait revivre la mémoire et la passionnante aventure des hommes de ces vallées perdues. Pour en savoir plus sur un village typique chargé d’anecdotes et d’images du passé : Cliquez sur

http://saintlaurentduvarhistoire.hautetfort.com 

16/12/2012

LE BARBE BLEUE DE VALDEBLORE

SAINT DALMAS DE VALDEBLORE, L'EGLISE.jpg

«Il n’est nullement besoin d’être aimé pour bien jouir et…l’amour nuit plutôt aux transports de la jouissance qu’il n’y sert. »

Donatien Alphonse François marquis de Sade

 

Lorsque l'Empire romain s'effondre sous les coups redoublés des invasions, une période de grands troubles s'installe dans la région, elle ne prendra fin qu'après le sursaut libérateur qui chassera les Sarrasins. Nous sommes alors autour de l'an mille.Six siècles durant, les habitants, peureusement regroupés çà et là autour d'une tour de guet, se sont placés volontairement sous l'autorité d'un chef local à la valeur militaire reconnue. Ces premiers seigneurs jouiront d'une autorité absolue sur les populations qu'ils protègent, s'arrogeant toute une série de droits sur les hommes, leurs biens et leurs activités. L'Eglise, un temps défaillante, va renaître et relayer en les adoucissant les ardeurs de ces premiers feudataires.

Parmi les droits outranciers nés de cette sombre époque figure celui de cuissage, qui permet au seigneur de passer avec la femme du serf la première nuit des noces. Impliquant une double allégeance, ce droit immoral semble être né des nécessités de procréer pendant les périodes d'insécurité. Par la suite au XIVème siècle il sera changé en une redevance, véritable impôt sur le mariage.

La légende et l’histoire de la région sont fertiles en révoltes provoquées par l'abus de ce droit: à Breil (Stacada), à Thiéry ( où le seigneur de Beuil sera assassiné) ainsi que dans le Valdeblore. De lubriques personnages vont ainsi marquer de leurs excès, la mémoire des malheureuses communautés livrées à leur merci.

Il y a bien longtemps régnait sur les hautes terres de Valdeblore, entre Tinée et Vésubie, un certain Guillaume Rainart, obscur seigneur, dont le nom aujourd'hui n'évoque plus rien. Pourtant, à l'époque, l'énoncé de ce vocable suffisait à remplir de terreur les malheureux habitants de ces quelques paisibles hameaux étalés au soleil sur les pentes de la montagne. Guillaume Rainart, oisif et sans autre divertissement que la chasse, s'ennuyait entre les murs gris et froids de son château. Après avoir épousé très jeune Claudia, une blonde transalpine venue des brumes du Pô qui lui avait donné cinq enfants, le seigneur de Valdeblore, lassé de ses charmes, passait son temps à rêver de conquêtes faciles que l'isolement de sa situation ne pouvait lui offrir. Battant la campagne en quête d’heureuses rencontres il commença à s'intéresser aux filles du lieu, jeunes et jolies bergères, paysannes gracieuses toutes flattées de l'attention qu'elles suscitaient chez un personnage aussi important.

Mais ces créatures n'étaient pas toujours des proies faciles. Elles souriaient sous les compliments galants, répondaient sans rougir aux plaisanteries coquines et se dérobaient lorsque Guillaume tout excité essayait de les piéger. Bien souvent il arrivait à ce dernier de rester sur sa faim en particulier avec les plus jolies donc les plus désirables. Aussi, lassé par ces jeux stériles et pour cueillir à loisir ces fleurs insaisissables de la montagne, Guillaume Rainart décida tout simplement de rétablir le droit de cuissage que ses sages prédécesseurs avaient laissé tomber en désuétude. 

Au physique, le seigneur de Valdeblore apparaissait comme un homme fort et de haute stature, dominé par les traits d'un visage lourd où seule brillait la flamme d'un étrange regard. En présence d'une jouvencelle, pour masquer ses intentions cyniques, il arborait alors un sourire charmeur que la fixité déformait très vite en rictus. Dans les pauvres maisons au toit de lauzes, les parents des filles en âge de se marier tremblaient devant ces avances réitérées n'osant braver le maître des lieux. 

Où pouvait se nicher la séduction d'un tel homme? Ce n'était pas dans ses cheveux gris fer ni dans son regard bleu, froid et dur. Pas davantage dans son nez bulbeux, fort sans être spirituel, ni dans sa mâchoire taillée pour les effets de menton.

Non le volcan en éruption de ses passions, les désirs qui l'animaient, tout cela se concentrait dans sa voix. Une voix puissante et grinçante, forcée même quand il murmurait. Guillaume Rainart fascinait, enjôlait et terrifiait, tissant les liens de son pouvoir avec ses seules cordes vocales.

Délaissée, outrée par son intempérance, Dame Claudia essaya vainement de modérer les ardeurs de son époux. Ses remarques déclenchèrent de violentes discussions et attirèrent le courroux du terrible Don Juan qui décida pour ne plus entendre ses jérémiades de l'enfermer dans une tour éloignée du village, au fond d'un vallon perdu. Là, la pauvre femme ne recevait pour toute nourriture et qu'une fois par semaine, une jatte de lait et un morceau de pain noir. La malheureuse, abandonnée dans sa prison, criait sa disgrâce à longueur de journée clamant sa faim et maudissant son impitoyable tortionnaire.

 Si la tour n'est plus aujourd'hui qu'un tas de ruines, le vallon porte toujours le nom de «Bramafan» (crie la faim) en souvenir de cet affreux épisode.

Pris de pitié, le geôlier lui offrit un soir la liberté à condition qu'elle ne reparaisse pas au village. C'est ainsi que l'infortunée Claudia entreprit de rejoindre son pays natal. 

Après s'être abritée dans une grotte de la montagne qui porte encore son nom: le Baous de la Frema, elle chemina dans la neige où son pied gelé fut gagné par la gangrène au sommet du Pépouïri (le Pied Pourri).

Elle parvint jusqu'à la frontière où elle mourut à bout de force au Col de la Fremamorta. 

Débarrassé d'un fardeau encombrant, grisé par ses succès, Guillaume poursuivait sa traque, réussissant à capturer quelques filles du canton, se réservant les plus belles pour leur nuit de noces. 

Quand les pauvres fiancées blondes, brunes ou rousses avaient cessé de soulever les passions amoureuses de l'odieux seigneur, celles-ci se voyaient à leur tour enfermées dans la terrible bâtisse de Bramafan.

Là mourant de faim, leurs cris lugubres et leurs plaintes atroces s'échappaient des fenêtres de la tour maudite emplissant de leurs échos la campagne environnante.

Les nuits de vent, la bourrasque charriait leurs gémissements jusqu'aux maisons du village où ces hurlements glaçaient d'effroi les paysans qui n'avaient d'autres ressources que de se signer en invoquant une intervention divine.

Après des jours de souffrance, les malheureuses victimes agonisaient sans que personne au village n'osât les délivrer.

Or un jour, alors que l'abominable seigneur se promenait à cheval dans la montagne son regard fut attiré par une belle adolescente nommée Céline, dont l'éclat et la grâce suscitait l'admiration de toute la contrée.  S'efforçant de provoquer des rencontres fréquentes, l 'habile séducteur entreprit de se conduire en homme courtois pour parvenir à ses fins. Déployant des trésors de galanteries il alla même jusqu'à parler mariage!

Devant ces manières élégantes, la délicate Céline était d'autant plus troublée qu'elle était fiancée à Pierre, un jeune et courageux charpentier très jaloux.

Quand Pierre apprit que le seigneur courtisait sa promise il entra dans une violente colère.

«Non je ne te laisserai pas périr comme les autres en dépit de ses promesses !»

 

Un matin d'hiver, alors que Guillaume Rainart visitait le chantier de réfection du toit de l'église paroissiale, il rencontra son rival.

Fou de rage le charpentier se met alors à équarrir de travers, Guillaume s'approche de lui et s'exclame :

«Mais c'est tout tordu! Que fais-tu l'ami !

- Mais non Monseigneur, venez à côté de moi et penchez-vous, vous verrez que ma poutre est bien droite».

 L'autre s'approche sans méfiance, se baisse et alors Pierre d'un coup de hache lui tranche le cou. Ce geste héroïque fut le signal d'un soulèvement populaire. 

Les paysans armés de fourches et de bâtons envahirent le château qu'ils détruisirent pierre par pierre ainsi que la sinistre tour de Bramafan. 

Après la mort de l'affreux baron, le Valdeblore vécut heureux, adoptant pour armoiries une curieuse demi-lune rappelant l'instrument libérateur de Pierre le charpentier, à côté du coq symbole de la virilité.

 D’après « Les Histoires et Légendes du Pays d’Azur », pour commander cet ouvrage dédicacé de 15 € : contacter edmondrossi@wanadoo.fr