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18/05/2012

LA FIN TRAGIQUE DE BEATRICE DE TENDE

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Voici plus de cinq siècles, le 14 Septembre 1418, roulait dans la cour du château de Binasco, la tête tranchée de Béatrice de Tende, duchesse de Milan.

Cette fin tragique émut non seulement les chroniqueurs contemporains, mais au fil du temps nombre d’écrivains, poètes, artistes et musiciens qui battirent une légende autour du drame vécu par cette silhouette sortie du château de Tende.

L’ambiance vénéneuse où vécut Béatrice de Tende est constituée d’intrigues, de poignards et de potions propres à la noblesse italienne de ce début du XVème siècle. Courtisans hypocrites, politiciens cyniques hantent ce décor de théâtre où elle sera glorifiée avant d’être happée, torturée et suppliciée jusqu’à la mort.

Elevée comme ses cinq frères dans le sombre château des Lascaris de Tende, Béatrice porterait son second nom de baptême, le premier étant celui de Catherine, elle l’aurait adopté en 1403 à l’occasion de son mariage avec le capitaine Facino Cane, âgé de trente ans, zélé défenseur du duché de Milan.

Ayant grandi dans le bruit des armes au château de Tende où s’imposait la dure réalité et une politique de fer, Béatrice n’est pas un personnage romantique, sensible au charme des ménestrels, mais une femme froide, déterminée qui suit activement les changements pour parvenir à favoriser sa fortune.

Facino Cane et Béatrice de Tende parcourent toute l’Italie du Nord à la tête d’une compagnie de mercenaires de plus de 10000 hommes, au nom de Giovanni Maria Visconti, duc de Milan. Ils s’emparent de Plaisance, Novare et Alexandrie, imposant par la force le pouvoir de leur maître. Giovanni Maria, au caractère ombrageux, en proie au délire de la persécution, se laisse entraîner par Facino qui lui suggère diaboliquement des actions propres à assouvir ses perfides vengeances. Facino et Béatrice deviennent ainsi les maîtres absolus de Milan.

Giovanni Maria, décrit comme brutal et sadique par les chroniqueurs de l’époque, élevant des chiens destinés à déchirer les prisonniers, qu’il se plaît à torturer lui-même, hante avec délice les geôles où il fréquente le bourreau, devenu son meilleur ami.

Facino pourrait alors s’emparer de la couronne ducale, mais il ne possède pas l’intuition politique de la situation.

Giovanni Maria flaire la menace et tente d’isoler et capturer son encombrant capitaine, mais la manœuvre échoue. Ce condottiere, qualifié à l’époque d’épée la plus forte d’Italie, à la tête d’une compagnie formée d’hommes célèbres, à l’apparition desquels tremblent les princes et les cités, revient à Milan un mois plus tard pour être accueilli avec enthousiasme.

Facino et Béatrice gouvernent alors en véritables chefs. Deux ans après, le 16 Mai 1412, Giovanni Maria tombe à 24 ans, poignardé à la suite d’un complot ourdi par l’évêque de Plaisance, Facino le suit, victime à cinquante deux ans d’une violente attaque de goutte au siège de Brescia. Béatrice, âgée d’environ 40 ans se retrouve seule et sans enfant.

Après la disparition de Giovanni Maria et Facino Cane, le duché plonge dans l’anarchie. Parmi les révoltes et les massacres, se dessine la silhouette morale et politique de Filippo Maria Visconti, jeune frère de Giovanni Maria, âgé de vingt ans.

Le nouveau duc intrigue avec Venise, l’empereur Sigismond et ses divers adversaires, mais ses qualités de diplomate sont altérées par une hantise maladive des conjurations et complots supposés. Superstitieux, d’humeur changeante, pervers sexuel insensible, tel apparaît alors le jeune Filippo Maria sur la scène du duché de Milan. Sa conquête du pouvoir ne peut s’opérer sans l’appui d’une force militaire. De son côté, Béatrice, enfermée dans les murs de Milan, entourée encore d’une partie importante de la compagnie de mercenaires qui ne prêtaient serment qu’à la comtesse et à Facino Cane, possède d’immenses richesses accumulées dans ses coffres. Pourtant, elle se sent seule et isolée, lorsque s’offre une opportunité insoupçonnée : la demande en mariage du jeune duc Filippo Maria Visconti.

D’un côté, nous trouvons une femme mûre, avec un lourd passé et un avenir incertain, à la tête d’une fortune de 400.000 ducats d’or et une des plus puissantes compagnies, des fiefs importants (Turin, Novare, les terres du lac Majeur), et de l’autre un jeune homme imberbe, ambitieux, pauvre mais riche de titres et d’espoirs.

Béatrice part en campagne et chevauche d’Alexandrie à la Lombardie, matant les rebelles, son équipée s’achève par une entrée triomphale à Milan au côté de Filippo Maria, le 16 Juin 1412.

Puis le duc s’enferme à nouveau dans ses obsessions de ténébreux complots, alors que Béatrice voit se dissiper le halo de fidélité de la compagnie, pour se retrouver progressivement isolée et délaissée.

Filippo Maria, souvent accompagné d’Agnès du Maine, une des plus belles dames de l’époque, ennuyé par les prétentions et conseils d’une femme qui pourrait être sa mère, cherche un prétexte pour se débarrasser de l’encombrante duchesse.

L’atmosphère qui entoure la révocation d’un absurde mariage d’intérêt, le mépris de Filippo Maria, sa stérilité sexuelle entraîne Béatrice à quarante cinq ans vers un timide compatriote, Michele Orombello, venu de Vintimille.

Très vite, la calomnie va se répandre sur cet amour plus ou moins réel, certains ministres humiliés par la duchesse trouvèrent là une revanche et les courtisans des Visconti s’empressèrent de répandre le poison.

Devant ces accusations, Béatrice proteste et se défend, on insinue alors qu’elle se prépare à empoisonner le duc au profit de l’Ambassadeur de France.

Le duc baisse le masque à l’aube du 23 Août 1418, en faisant arrêter à Milan Béatrice et deux de ses demoiselles d’honneur, ainsi qu’Orombello qui, sûr de son innocence, n’a pas voulu s’enfuir. Les prisonniers sont conduits sous bonne escorte au château de Binasco.

L’une des raisons invoquée pour justifier cet acte, résiderait dans la vengeance tardive de Filippo Maria contre celle qui, un jour, l’avait réduit à la misère, dépouillé de son duché et menacé dans son existence.

Commence alors la farce tragique du procès. Sur les cinq juges, trois siégeront le visage couvert, par une cagoule noire ! Le procès débute sur des confrontations où l’innocence des propos est déviée avec art vers des significations cachées sur lesquelles on bâtit une série d’accusations sournoises. Pour faire bonne mesure, il faut des aveux que l’on ne tardera pas à obtenir.

Les deux jeunes et belles demoiselles, dénudées, accrochées à des poulies grinçantes, soumises à des tractions de cordes, fouettées jusqu’au sang, désarticulées comme des poupées, avoueront, après quelques jours de jeûne, tout ce qu’attendent les fauves humains déguisés en juges.

Ainsi est confirmé l’adultère d’Orombello et Béatrice, leurs protestations ne dureront pas, ils devront eux aussi avouer à tout prix.

Orombello, soumis à la question pendant plusieurs jours, ne peut la supporter et avoue une faute qu’il n’a probablement pas commise. Béatrice, confrontée à Orombello, invoque Dieu comme témoin de son innocence, “ je n’ai jamais violé la foi de mon lit conjugal ” ajoute-t-elle. Elle ne se révoltera pas contre son mari, elle a encore pour lui des paroles émouvantes d’amour.

Béatrice est soumise alors à la torture, elle essaie de nier dans la douleur, mais selon un chroniqueur : “ à la vingt quatrième traction de la corde, quand la dislocation des bras est totale, l’infortunée comtesse de Tende avoue l’adultère qu’on veut lui imputer ”.

Selon le témoignage d’historiens de l’époque, le drame s’achève dans la cour du château de Binasco, dans la nuit du 13 au 14 Septembre 1418, à la faible lueur des flambeaux. Béatrice verra rouler les têtes de ses malheureux compagnons avant d’incliner la sienne sur le billot fumant de sang, alors que l’éclair de la hache traverse l’air.

Filippo Maria, déjà qualifié de matricide, venait de faire assassiner son épouse. Pâle et pressé d’effacer le souvenir de Béatrice, il fait disparaître les quatre cadavres ensevelis dans une fosse commune proche du château.

Après que les écrivains perfides, vivant à l’ombre des Visconti eurent applaudi à ce châtiment exemplaire, le temps calmant haine et passion, rétablit la vérité historique grâce à des critiques sérieux. Les romantiques trouvent là une héroïne qu’ils réhabilitent. Divers écrits, un opéra de Bellini, complétés par de nombreux tableaux, dont certains exposés à Milan, achèveront de perpétuer la mémoire de cette martyre célèbre.

A Tende, aujourd’hui encore, il est possible d’entendre le lointain écho de cette tragédie dans les ruines voisines de la haute tour des Lascaris, où, comme l’écrit le poète “ là semblable au son d’une hache qui tombe, siffle la moindre aile du vent ”.

 

D’après « Les Histoires et Légendes du Pays d’Azur », pour commander cet ouvrage dédicacé de 15 € : contacter edmondrossi@wanadoo.fr

 

Des histoires extraordinaires naissent sous tous les cieux, mais seul un cadre favorable les fait éclore.

La situation géographique du Pays d’Azur où les Alpes plongent dans la mer dans un chaos de montagnes et de vallées profondes lui confère déjà un caractère exceptionnel. Les climats qui s 'y étagent de la douceur méditerranéenne de la côte aux frimas polaires des hauts sommets sont tout aussi contrastés. Si l'on ajoute que l'homme a résidé sur ces terres d'opposition depuis ses origines, on ne peut s'étonner de trouver en lui la démesure du fantastique révélée par les outrances du décor.

Cet environnement propice ne devait pas manquer de pro­duire dans la vie de ses habitants une saga où l'imaginaire rejoint naturellement la réalité.

Depuis les milliers d'étranges gravures tracées à l'Age du Bronze sur les pentes du Mont Bégo dans la Vallée des Merveilles, en passant par les fabuleux miracles de la légende dorée des premiers chrétiens, ou les fresques tragiques des chapelles du Haut-Pays, jusqu'aux héroïques faits d'armes des Barbets pendant la Révolution française, longue est la chronique des «Histoires extraordinaires» du Pays de Nice, s'étalant dans la pierre et la mémoire de ses habitants.

Par un survol du passionnant passé de cette région, qu'il connaît bien, Edmond Rossi nous entraîne à travers une cinquantaine de récits mêlant la réalité historique au fantastique de la légende.

Rappelons qu'Edmond ROSSI, né à Nice, est entre autres l'auteur de deux ouvrages d'Histoire appréciés, dont «Fantastique Vallée des Merveilles», d'une étude sur les traditions et le passé des Alpes du Sud: «Les Vallées du Soleil» et d'un recueil de contes et légendes de Nice et sa région: «Entre neige et soleil».

 

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