11/02/2012
ROQUEFORT LES PINS: LA TRAGIQUE DISPARITION DU PREMIER VILLAGE
Les restes de l’église du Castellas de Roquefort où officiait le prieur Féraud, de sinistre mémoire
L’actuel Roquefort les Pins, né à une époque récente, au bord de la route reliant Nice à Grasse, possède un ancêtre oublié dont le destin mérite d’être connu.
Baptisé le Castellas de Roquefort, ce village fortifié accroché sur une falaise dominant le Loup, était occupé par une population nombreuse au XIIème siècle. Il ne présente aujourd’hui que des ruines témoignant de sa gloire passée.
Ces vestiges ont été visités et répertoriés en 1988 par les spécialistes de l’Institut de Préhistoire et d’Archéologie des Alpes-Maritimes. Mais leurs travaux restent muets sur les causes et la période d’abandon du site. Nos recherches personnelles nous permettent d’avancer une explication datée sur la disparition du premier village de Roquefort.
Par son nom même, Castellas (château) et Roquefort (rocher fortifié), le lieu indique déjà un village organisé autour d’une position militaire.
Les ruines actuelles, éparpillées dans les taillis, s’étalent sur quelques 2200m2. Le village a la forme d’un arc de cercle décrit autour d’un éperon sur à-pic, le tout entouré de deux murs d’enceinte. Au sommet, on trouve un donjon rectangulaire de 8 mètres sur 4,4 mètres, ne subsistent que la base et le mur d’angle nord-est de la tour ; installé cinq mètres au-dessus d’une plate-forme, il n’était accessible que par un étroit passage en escalade sur le rocher. Avec des murs de près d’un mètre, cette construction se poursuit vers le nord par un rempart accroché au-dessus de la pente abrupte, il n’en subsiste qu’un pan de 2 mètres sur 1,70 mètres de hauteur.
Le château, belle bâtisse voisine de 8 mètres sur 4,20 mètres, avec chemin de ronde relié au mur d’enceinte, présente deux pièces dont une de 6 mètres sur 4,30 mètres. Un escalier devait conduire à un étage supérieur. Le mur arrière ouest, haut de 4 mètres, se raccordait à la butte sommitale où s’ouvrent deux portes : une donne sur un chemin d’accès au village, depuis l’angle, l’autre à l’est, vers une citerne d’environ 7,30 mètres.
La partie basse est cernée par une muraille en arc de cercle de 13 mètres de long, haute de 2 mètres depuis la falaise jusqu’à la butte. Cet ouvrage s’achève sur des terrasses permettant la surveillance du vallon.
Des restes de poternes et de bastions subsistent près des portes. L’église romane de 10 mètres sur 5 mètres et de 3,5 mètres de hauteur, possède une abside en cul de four. A proximité de la porte en arc de plein cintre, les experts ont identifié le coffre d’une tombe.
Diverses constructions ruinées sont éparpillées dans l’enceinte. Hors les murs, deux grandes constructions de 8 mètres sur 7 mètres et de 8 mètres sur 6 mètres devaient permettre de loger les animaux. L’ensemble était construit en pierres de taille calcaire bien appareillées.
Les témoignages de la Protohistoire sont nombreux sur la commune de Roquefort, en particulier des camps à enceinte ou castellaras datables en général de la fin du premier millénaire avant notre ère.
Lorsqu’on se penche sur le passé historique de Roquefort, on découvre que cette possession de l’abbaye de Lérins est achetée par la commune de Saint Paul de Vence en 1241. Cette dernière sera à l’origine de la destruction du fier Castellas. En plus du Castellas, le Haut Moyen Age a laissé les traces de la chapelle, aujourd’hui ruinée, de Saint Pierre au quartier d’Aspres. Cet édifice religieux est plusieurs fois cité selon l’historien L. Cappatti, d’abord en 1113 (Sancti Petrum de Rocafort), puis en 1344 (Bénéfice du prieuré de Sancti Petri d’Aspris), enfin en 1788 (San Peyre de l’Aspre ou de l’Ulmo). Le témoignage relatif à la fin du Castellas nous est donné par des archives de Saint Paul, citées dans l’ouvrage “ L’Abbaye de Lérins ” de H. Moris.
C’est en 1341, sur ordre du roi Robert de Provence, que fut décidée la destruction du château et du village de Roquefort, devenus comme ceux voisins de La Garde, un repaire de dangereux brigands conduits par un moine. Voici la relation des faits : “ Féraud de Cabris, moine et prieur de Rochefort, ayant rassemblé un grand nombre de gens d’armes dans les châteaux de Rochefort et de La Garde, faisait des grandes vilenies contre les voisins et passans, et, ayant grossi ses troupes, feust assiéger le chasteau de Draguignan, où il mist le feu et brusla ceux qui estoient dedanz et, continuant ses courses et violences par toute la Provence, le Roy Robert donna commission à la communauté de Grasse de s’en sésir ou s’en deffaire ; lesquels estans allés à Rochefort pour exécuter l’ordre du Roy, feurent repoussés et maltraités, ce que le Roy ayant apris, donna la commision à la communauté de Saint Paul ; lesquels ayant espié le temps que son monde estoit allé à la petite guerre et que lui restoit avec peu de gens, touts les habitants de Saint Paul, hommes, femmes et enfans, y feurent, investir le chasteau de touts coustés et, s’estans mis en deffance, ne peut pas empescher qu’ils ne missent le feu au chasteau, et qu’il ne feust bruslé avec touts ceux qui estoient dedanz, comme il avoit faict à Draguignan. Le procés en abolition est dans les archives de la communauté de Saint Paul ”.
A la suite de ce drame, un article des statuts du monastère de Lérins, dont dépendait le fougueux prieur Féraud de Cabris, interdira aux religieux de porter publiquement des armes ... si ce n’est sous la robe !
Ainsi devait finir le château et le village fortifié du Castellas de Roquefort, victimes des folles entreprises d’un moine devenu chef de bande et dont l’ascendant coupable avait dévoyé une population pacifique.
Une tentative de repeuplement aura lieu en 1537, grâce à des habitants de Saint Paul chassés de leurs maisons rasées, pour permettre l’édification des fortifications de François Ier.
Si cette transplantation réussira à la Colle sur Loup, à Roquefort seuls quelques hameaux reprendront vie. Mais le Castellas restera définitivement abandonné jusqu’à nos jours.
Pour visiter le Castellas, se rendre à la Colle-sur-Loup et de là vers le bord de la rivière (2km), prendre le CD7 à gauche vers le Rouret durant 1km, puis tourner à gauche sur la piste forestière où on laisse son véhicule. Emprunter le premier sentier à gauche dans les chênes pour grimper vers le monticule où se dressent les ruines (10 minutes à pied).
D’après « Les Châteaux du Moyen-âge en Pays d’Azur » (Alandis-éditions Cannes), pour commander cet ouvrage illustré et dédicacé de 20 € : contacter edmondrossi@wanadoo.fr
Le Moyen Âge a duré plus de mille ans, presque une éternité ! Aussi, les différences l’emportent largement sur les points communs.
Quel rapport entre la Provence romaine, soumise aux déferlements des hordes barbares et celle annexée au Royaume de France de Louis XI ?
Terre de passage et de partage, les Alpes Maritimes – ou Provence orientale – sans ignorer ces disparités, conservent les facteurs d’une unité enracinée dans le sol et dans les mentalités.
Qu’il s’agisse de la langue latine, de la religion chrétienne, de la construction des états modernes aux œuvres de l’intelligence, cette époque fournit en ce lieu tous les éléments nécessaires pour appréhender dix siècles de cataclysme et de grandeur.
La découverte des châteaux et des forteresses médiévales du « Pays d’Azur » (Alpes Maritimes), témoins authentiques des bouleversements de cette période clé n’est pas aisée ; elle constitue pourtant le meilleur moyen de retrouver ces temps disparus.
Les plus anciennes constructions datent d’un millénaire ; en parties détruites ou restaurées, elles offrent rarement leur visage primitif, laissant le plus souvent à l’imagination le pouvoir de les faire renaître.
L’archéologie de l’âme peut nous aider à retrouver l’image vivante de la chevalerie et des nobles hantant ces demeures oubliées.
Elle nous sera restituée grâce à de nombreuses anecdotes émaillant l’austère description des sites. Puisées dans les chroniques et les légendes, elles restituent une vision de valeurs fondées sur l’honneur et la foi.
Confronté à l’hostilité et à la violence d’un monde obscur, l’homme médiéval exprimera une part de ses ambitions et de ses craintes par des ouvrages défensifs. Ces orgueilleux édifices inscrivent dans le paysage les premières empreintes de l’histoire mouvementée des Alpes Maritimes.
Laissons-nous entraîner à la fabuleuse découverte de ces 140 châteaux et vestiges médiévaux présentés avec précision par Edmond Rossi, un niçois passionné par le passé et les traditions d’une région qu’il connaît bien. Il nous offre en plus la part d’imaginaire qui entoure ces vieilles pierres.
Rappelons qu’Edmond Rossi est l’auteur de plusieurs ouvrages traitant de l’Histoire des Alpes Maritimes et de la mémoire de ses habitants.
Pour en savoir plus sur un village typique chargé d’anecdotes et d’images du passé : Cliquez sur
http://saintlaurentduvarhistoire.hautetfort.com
11:03 Publié dans Découverte du Pays d'Azur, HISTOIRE, Livre, TRADITION | Lien permanent | Commentaires (0)
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