04/02/2012
LES MYSTERIEUSES RUINES DE HAUTES GRÉOLIÈRES
Empruntant la route qui quitte au nord l’actuel village de Gréolières, vous n’avez pu manquer d’être surpris par les ruines imposantes d’un autre vaste village, dominées par une église romane et les hauts murs d’un ancien manoir.
La tradition voudrait que ce premier Gréolières fut bâti au VIème siècle, alors que la terrible peste dite de “ Justinien ” infestait les maisons situées plus bas au voisinage de l’ancienne “ via Ventiana ” (voie romaine reliant Vence à Castellane). Si les origines de cet ample ensemble de facture médiévale peuvent apparaître incertaines, son abandon reste tout aussi mystérieux. Nous allons essayer d’en retrouver les traces au travers des vestiges et de l’Histoire.
Le château, vaste parallélépipède en pierres de taille, avec ses meurtrières archaïques, sa rampe d’accès caractéristique (obligeant les assaillants à grimper avec leur bouclier à gauche) a été daté du XIIIème siècle par les spécialistes*. C’est sans doute la raison pour laquelle certains historiens l’ont qualifié de “ templier ” alors que l’Ordre n’avait aucune possession en ce lieu.
Le château de Gréolières Hautes a été édifié par le comte de Provence Raymond Bérenger V dans le courant de la première moitié du XIIIème siècle. (Il a sans doute été commencé entre 1220 et 1232). Ce site était alors inoccupé tandis que celui de Gréolières Basses avait déjà été fortifié depuis le XIème siècle. Il faut remarquer que dans cette construction de Gréolières Hautes les meurtrières sont déjà abondamment utilisées alors que le flanquement y est encore inconnu ”.
L’église romane, avec son double clocher latéral, dédiée à Saint Etienne, est datable également du XIème ou XIIème siècle. Les nombreux restes d’habitations s’échelonnent eux jusqu’au XVème siècle.
L’Histoire nous donne quelques repaires permettant de suivre l’abandon progressif du village accroché aux flancs méridionaux du Cheiron.
Autour de l’an mille, signalons que l’Abbaye de Saint Victor de Marseille possédait le prieuré de Notre Dame de Verdelay proche de Gréolières et que l’Abbaye de Saint Pons de Cimiez détenait le prieuré de Saint Pons, entre Gréolières et Coursegoules. L’actuel hameau de Saint Pons date de cette lointaine époque.
L’étymologie de Gréolières vient de Graularias (1033) dérivant du latin Graulus et du provençal Graulo signifiant corneille. Groleriis supérius, puis Grolleriis subterius sera seigneurie de la célèbre famille des Villeneuve-Vence dès le XIIIème siècle.
En effet, Romée de Villeneuve reçoit le 15 Décembre 1229 les terres de Gréolières retirées à des seigneurs qui avaient pactisé avec la ville de Grasse en rébellion contre le comte de Provence. Le 9 Mars 1252, Gréolières réapparaît au testament de Romée. C’est en 1315 que Hautes Gréolières est le plus prospère, 86 feux soit 560 habitants y sont alors recensés !
Les malheurs vont alors s’acharner sur cette florissante communauté rurale : de 1348 à 1350 la hideuse “ peste noire ” décime la population, à partir de 1356-57 des bandes armées ravagent la région jusqu’à la fin du siècle, en 1364 la famine s’installe après la sécheresse et une invasion de sauterelles. En 1368, on repeuple les proches villages de Cipières et Caussols devenus vides. Mais c’est en 1385 que le coup fatal sera porté à Hautes Gréolières, à la suite des combats opposant les armées des héritiers de la reine Jeanne.
Selon l’historien G. Bres, Gréolières et ses environs sont complètement dévastés par “ le passage des troupes victorieuses ” qui détruisent tous les blés, vignes et fruits du terroir. La confirmation est donnée par les recensements de la population des Hautes Gréolières qui chute à 6 feux soit 39 habitants, en 1400. Le chiffre des feux remontera péniblement à 15 feux soit 98 habitants en 1471, mais ne connaîtra plus jamais celui acquis au XIVème siècle.
Au XVème siècle, les activités économiques essentiellement agricoles portent sur les labours (céréales), les pâturages (élevage et hivernage des troupeaux). On y compte 47 boeufs de labour, 20 vaches, 24 chevaux, 4 ânes et 900 ovins et caprins. Ces modestes données reflètent ce qui pouvait être les atouts de la richesse du début du XIVème siècle, avant la crise économique et les ravages conjugués de la peste et des bandes armées.
L’Histoire se poursuit, mais lorsqu’il est question de Gréolières, il s’agira désormais de Basses Gréolières, avec son église et son propre château. En 1654, dix maisons sont encore occupées à Hautes Gréolières ; G. Doublet (spécialiste de l’Histoire religieuse) y signale 28 communiants, les habitants descendent alors pour les offices à Basses Gréolières, leur prêtre “ n’a presque rien à faire ”. Bouchenu, autre écrivain religieux du XVIIIème siècle, remarque que le nombre des communiants s’y stabilise : 47 en 1715, 49 en 1722. De plus, il note que le cimetière y étant “ interdit ”(!), on enterre les défunts dans l’église. Il poursuit en précisant que le vicaire prend peu soin “ de ses brebis qui ne se montent pas à une cinquantaine ”, mais que ce dernier “ refuse la confirmation à des enfants dont les uns sont trop jeunes et les autres trop ignorants ”. Enfin, il ajoute que “ les deux parties de Gréolières sont à 300 pas l’une de l’autre ” et qu’il reste là-haut “ les ruines d’un château ayant appartenu dit-on aux Templiers ”.
Le dernier habitant de Hautes Gréolières quittera son village au début de notre siècle pour rejoindre ses concitoyens regroupés au bas de la colline. Aujourd’hui devenu un village fantôme avec ses ruines grises confondues à la rocaille, Hautes Gréolières nous parle d’une époque heureuse et prospère, vieille de plus de sept siècles.
D’après « Les Châteaux du Moyen-âge en Pays d’Azur » (Alandis-éditions Cannes), pour commander cet ouvrage illustré et dédicacé de 20 € : contacter edmondrossi@wanadoo.fr
Le Moyen Âge a duré plus de mille ans, presque une éternité ! Aussi, les différences l’emportent largement sur les points communs.
Quel rapport entre la Provence romaine, soumise aux déferlements des hordes barbares et celle annexée au Royaume de France de Louis XI ?
Terre de passage et de partage, les Alpes Maritimes – ou Provence orientale – sans ignorer ces disparités, conservent les facteurs d’une unité enracinée dans le sol et dans les mentalités.
Qu’il s’agisse de la langue latine, de la religion chrétienne, de la construction des états modernes aux œuvres de l’intelligence, cette époque fournit en ce lieu tous les éléments nécessaires pour appréhender dix siècles de cataclysme et de grandeur.
La découverte des châteaux et des forteresses médiévales du « Pays d’Azur » (Alpes Maritimes), témoins authentiques des bouleversements de cette période clé n’est pas aisée ; elle constitue pourtant le meilleur moyen de retrouver ces temps disparus.
Les plus anciennes constructions datent d’un millénaire ; en parties détruites ou restaurées, elles offrent rarement leur visage primitif, laissant le plus souvent à l’imagination le pouvoir de les faire renaître.
L’archéologie de l’âme peut nous aider à retrouver l’image vivante de la chevalerie et des nobles hantant ces demeures oubliées.
Elle nous sera restituée grâce à de nombreuses anecdotes émaillant l’austère description des sites. Puisées dans les chroniques et les légendes, elles restituent une vision de valeurs fondées sur l’honneur et la foi.
Confronté à l’hostilité et à la violence d’un monde obscur, l’homme médiéval exprimera une part de ses ambitions et de ses craintes par des ouvrages défensifs. Ces orgueilleux édifices inscrivent dans le paysage les premières empreintes de l’histoire mouvementée des Alpes Maritimes.
Laissons-nous entraîner à la fabuleuse découverte de ces 140 châteaux et vestiges médiévaux présentés avec précision par Edmond Rossi, un niçois passionné par le passé et les traditions d’une région qu’il connaît bien. Il nous offre en plus la part d’imaginaire qui entoure ces vieilles pierres.
Rappelons qu’Edmond Rossi est l’auteur de plusieurs ouvrages traitant de l’Histoire des Alpes Maritimes et de la mémoire de ses habitants.
Pour en savoir plus sur un village typique chargé d’anecdotes et d’images du passé : Cliquez sur
09:44 Publié dans Découverte du Pays d'Azur, HISTOIRE, MEMOIRE, TRADITION | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
Un trés bon commentaire qui donne envie de lire le livre Bien amicalement
Écrit par : GRAVEROTThierry | 19/07/2012
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