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22/10/2011

AMEN, PROCHE DE GUILLAUMES, LE VILLAGE DES CHERCHEURS D’OR

VAL D'ENTRAUNES SEPTEMBRE 2006 AMEN.JPG

Amen (prononcer Amé) est un de ces hameaux perdus où se confondent l’histoire et la légende. Il faut dire que le site est propice. Ce village aujourd’hui désert est accroché sur le bord d’un val creusé par un torrent, qui s’engouffre dans une clue impressionnante, pour plonger dans les fantastiques gorges rouges de Daluis.

 De nos jours, pour atteindre ce lieu isolé il faut grimper à pied pendant plus d’une heure, depuis le pont des Roberts, qui enjambe le Var au sud de Guillaumes. C’est en suivant cet étroit sentier muletier, qui contourne depuis toujours les « chalanches », ces versants chaotiques à pic sur le fleuve, que le voyageur parvenait à Nice. Ce chemin est resté l’unique débouché de la haute vallée du Var, avant que ne soit creusée la route carrossable tranchée à travers les gorges.

 Parvenu au village, bien exposé au midi, sur un coteau abrité, vous découvrirez quelques masures groupées autour d’une modeste église, seule construction encore épargnée par la destruction avide des « récupérateurs » de matériaux les plus divers. Les toits ont été démontés et emportés, laissant apparaître le squelette des poutres faîtières, offrant l’intérieur des bâtisses aux outrages du temps qui y favorisent les orties et les ronces. L’école est encore identifiable, proche d’une solide demeure de deux étages.

 Le dernier habitant a fait ses bagages pour rejoindre le chef-lieu (Guillaumes) au lendemain de la seconde guerre mondiale.

 Jusque là, un curé et un instituteur veillaient sur le destin d’une population voisine d’une centaine d’âmes.

 Placé à l’écart du passage traditionnel des caravanes muletières depuis la fin du siècle, Amen, jadis florissant, va progressivement se vider avec un temps fort lors de la saignée de la grande guerre.

Aujourd’hui et à la belle saison, un berger et quelques brebis peuplent encore les ruelles séparant les maisons abandonnées. S’y ajoutent parfois des amateurs de canyoning, sport à la mode, venus là pour « descendre » la clue voisine. Mais derrière ce décor classique, d’un hameau victime de l’oubli des hommes attirés par les fascinantes lumières de la ville, se cache la mythique période de la recherche de l’or, à laquelle furent mêlés ses habitants.

 L’or a toujours fasciné les hommes et les traces de sa recherche sont encore visibles ça et là dans le sol des Alpes-Maritimes.

Mais un lieu particulier a toujours attiré et retenu les prospecteurs, il s’agit du vallon d’Amen qui rejoint les gorges de Daluis par une effroyable clue. Entaille tranchée dans le schiste rouge du permien, sur la zone de contact des couches du sol primaire et secondaire (permowerfenien), cette zone offre toutes les garanties géologiques de succès.

Si vous parcourez ce vallon, vous apercevrez parfois au détour d’une piste, dans une falaise abrupte, une cavité béante, obscure, que l’on pourrait prendre pour une grotte naturelle. Mais l’œil averti distingue la marque de l’homme dans le paysage : cabanes en ruines, grands éboulis de déblais qui dévalent la pente et dont la couleur plus vive ne s’est pas encore confondue avec celle de l’environnement.

Des hommes ont donc creusé là, dans des souterrains qui nous inspirent aujourd’hui méfiance et répulsion, mais vers quels objectifs ?

La tradition dit qu’il y avait une mine d’or à Amen, les habitants auraient abandonné leur village pour acquérir (avec quels moyens ?) de superbes exploitations agricoles en Provence. Les géologues prudents n’indiquent que la possibilité de découvrir du cuivre. Les plus audacieux admettent pourtant qu’on ait pu y exploiter un filon de pyrite aurifère. D’autre part, des galeries ont été forées dans la falaise surplombant vertigineusement les gorges sur la rive gauche du Var, et le seul attrait du cuivre, même à l’état natif, n’explique pas ces tentatives désespérées. Seule l’attirance aveugle, déclenchée par la soif de l’or, permet de concevoir qu’un homme puisse se suspendre par un filin à 80m au-dessus du vide, pour creuser au pic un boyau dans la roche.

Mais rares sont les documents d’archives ou les bilans d’exploitation susceptibles de renseigner le chercheur, seule information évidente : le témoignage de quelques anciens.

Historiquement, il semble que tout ait débuté au XVIIIe siècle lorsqu’un paysan du village découvre un échantillon de minerai métallique à l’éclat jaune vif, qu’il descend porter au marquis de Villeneuve Beauregard, seigneur de Daluis. Ce noble personnage s’intéresse à la recherche minière, avec l’ambition d’exploiter les multiples filons cuivreux répartis le long des gorges. Prudent, le marquis expédia le minerai découvert à Aix, pour y être identifié par un savant de l’époque, le Docteur Darluc. Confirmation sera donnée qu’il s’agit bien d’une pyrite à forte teneur en or. Paul Canestrier, historien local averti, fait écho à cette anecdote en indiquant : « Au XVIIIe siècle, on cherche de l’or à Daluis. Le marquis de Villeneuve Beauregard seigneur du lieu, obtint de Louis XV une concession à cet effet » (Nice-Historique, 1954). Cette information est confirmée par le Docteur Michel Darluc dans son « Histoire Naturelle de la Provence » (Avignon, 1782 - citée en note dans ce même article de N.H. 1954).

Voilà ce qu’écrit Darluc dans ce dernier ouvrage à propos de ce site minier : « On y voit une excavation assez profonde au fond de laquelle des paysans intrépides se glissent quelquefois malgré le danger et en détachent des morceaux d’une pierre cuivreuse portant or.

Un minéralogiste plus hardi encore m’a dit qu’il s’était fait attacher avec des cordes pour descendre le long de la montagne, à l’embouchure de l’excavation pratiquée dans son sein, et qu’il avait retiré des échantillons d’un minerai semblable au précédent. La pente vertigineuse de cette montagne est si périlleuse et la pierre de la roche si dure qu’on a déclaré cette mine inexploitable ... » (« Histoire Naturelle de la Provence » tome II).

La présence de l’or est donc bien attestée, mais l’exploitation minière, rendue difficile par les moyens de l’époque, sera différée d’un siècle en attendant l’usage pratique des percements par explosifs.

Au traité de Turin de 1760, la frontière est rectifiée et le territoire de Daluis est détaché du Royaume de France, au profit de celui de Savoie-Piémont-Sardaigne sans ralentir l’exploitation entreprise par le marquis de Villeneuve-Beauregard.

Un autre témoignage historique intéressant soutient la thèse des folles entreprises tentées par quelque solitaire pour arracher le précieux métal à la montagne. L’ingénieur L. Francfort, directeur des mines du Var, rapporte le 30 Novembre 1863, avoir découvert dans la même zone : « une vieille galerie pleine d’os humains dont nous n’avons sur l’origine, la cause ou la provenance pas la moindre tradition dans le pays, mais qui évidemment présente les caractères d’une bien grande ancienneté ».

Il apparaît que le « trésor d’Amen » ne soit pas un mythe, et que, comme chaque fois, derrière la légende se cache une explication historique et scientifique souvent simple. 

Ce petit hameau situé sur l’ancienne voie muletière, qui reliait Puget-Théniers à Guillaumes et Barcelonnette depuis l’Antiquité, fut placé par Napoléon III (après le rattachement de 1860) sur la route départementale 16, qui ne sera jamais ouverte au-delà de Léouvé ! 

Les raisons obscures qui décidèrent de l’abandon de ce tracé historique ne s’expliquent pas par les seuls impératifs de la voie ferrée Nice - Puget-Théniers - Pont de Gueydan. L’ouverture scabreuse de la route dans l’entaille fantastique des gorges de Daluis, confirme amplement qu’on a préféré la difficulté au choix plus sage d’un passage par le col de Roua et le hameau d’Amen. L’explication de cette hérésie au bon sens est encore connue des anciens.

Au moment d’établir les plans de la nouvelle route, un notable en renom usa de son influence pour éviter à tout prix l’ouverture de terrassements dans la traversée du site d’Amen, maintenant ainsi le hameau et ses campagnes à l’écart du passage. Cette chasse gardée n’aurait eu d’autre intérêt que la richesse du sous-sol. Des fouilles discrètes menées à l’aide de moyens modernes confirmèrent les espoirs de l’intéressé.

Il ne reste plus aujourd’hui que les miettes du festin, un village déserté par ses habitants, et une merveilleuse histoire qui hante encore la mémoire.

Si, attiré par la beauté sauvage du site dantesque que constituent les gorges rouges de Daluis, vous parcourez la route qui les traverse, arrêtez-vous au « Point Sublime ». En face, sur la rive gauche, vous remarquerez la clue étroite d’Amen et dans la falaise dominant les eaux tumultueuses du Var de quelques 250m, un groupe de cavités sombres taillées au-dessus du vide.

Elles témoignent mieux que tout de la passion qui peut animer l’homme stimulé par le désir de conquête de l’ardent métal.

 

D’après «Les Contes et Légendes du Pays d’Azur» (Editions Sutton),

En vente sur Internet http://www.editions-sutton.com

ou dédicacé, au prix de 23 euros, plus frais d’envoi, en contactant edmondrossi@wanadoo.fr

Les « Contes du Pays d’azur » ont pour cadre l’extraordinaire décor qui s’étend des Alpes du massif du Mercantour aux rivages de la Côte d’Azur.

Dans cet univers tout est possible, puisque les outrances de la nature dépassent souvent les excès de l’imaginaire.

Les contes, histoires orales nées de la tradition populaire, attestent au travers du merveilleux de réalités historiques authentiques.
Reflets du passé, ces récits constituent les fondements de la mémoire collective d’un terroir au particularisme évident.
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Ce fabuleux florilège s’étend des mythes des origines aux relations insolites précédant l’apparition de la télévision, fatale à l’expression orale des veillées.

Les « Contes du Pays d’Azur » nous ouvrent la porte d’un  univers où l’émotion se mêle souvent à la magie du mystère.temps, laissons-nous entraîner vers ce monde troublant pour y retrouver la chaude et naïve simplicité des récits de nos ancêtres.

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