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06/05/2011

MYSTÈRES ET TRÉSORS DES "VALLÉES DU SOLEIL" DE BRIANÇON A NICE

mystères,trésors

  « LES VALLÉES DU SOLEIL »

EDMOND ROSSI RACONTE LES ALPES DU SUD

Connaître un pays, pas si simple qu’on ne le croit. Un coup d’œil sur les paysages, quelques mots échangés au passage avec les gens, une fleur cueillie au bord de la route, un animal aperçu fugitivement dans un taillis, un monument 'ancien visité au pas de charge: voilà souvent tout ce qu'on retient d’un voyage.

Pour Edmond Rossi l'optique est autre. Tout concourt à la connaissance d'une région, mais les éléments sont généralement épars et le visiteur pressé.

- Quand je voyage, explique-t-il, cela me ferait plaisir d'avoir un livre ou je trouve tout…

Cette idée de départ a guidé la main - et les pas – de cet enfant du val d'Entraunes quand il a écrit « Les Vallées du Soleil » qui est mieux qu'un livre une sorte d'acte d'amour a son pays. Les « Vallées du Soleil » ? Pour qui ne les aurait pas situées, ce sont celles des Alpes du Sud, qui descendent des hautes cimes du Mercantour, vers la Méditerranée, ou des chaînes du Briançonnais vers une Durance pas encore provençale.

Expliquer ces paysages lumineux, ces formes géologiques, ces végétations, retracer dans ce cadre la présence humaine au travers des  siècles, retrouver les légendes anciennes conservées par la tradition orale, c'était une entreprise encyclopédique assez décourageante. Mais Edmond Rossi - la cinquantaine sportive, lunettes, mous taches - qui ne renie pas ses ori­gines terriennes fait partie de la race des opiniâtres. Pendant des années, avec son épouse aussi passionnée que lui il a parcouru les monts et les vaux en gardant les yeux ouverts tant sur la nature que sur la carte de l’I.G.N. au 25 000ème.

 Apprendre à voir

Mais, pendant des années aussi, auparavant, raconte-t-il, j'ai fait des «courses» avec le Club alpin. La course, on la faisait en ignorant, la plante, la pierre, les rui­nes, un cadran solaire, tout ce qui peut se cacher derrière une appa­rence.

- J’ai beaucoup appris des gens, dit-il. Je leur ai demandé de retrou­ver leur mémoire. Je suis monté dans tes vallées avec un magnétophone...
Non seulement. Comme il a de plus un joli coup de crayon, il a pris des croquis d'une quantité de vieil­les habitations, de granges, de fer­mes, de bergeries, arrivant à carac­tériser les modes de construction selon les lieux et les climats. Il s'est plongé dans des archives, a réuni une bibliothèque pléthorique, a accumulé tout ce qui s'était dit et écrit et, miracle, a réussi à en faire une synthèse qui se lit comme un roman.

La preuve qu'un pays, ça peut aussi se raconter.

Un réservoir humain...

Les « Vallées du soleil», on les voit ainsi se former depuis les âges géologiques. Les premiers peuple­ments humains s'y développent, puis de petites sociétés vivant en autarcie dans un Moyen Age peu sûr, protégées par les obstacles naturels. Des épisodes sanglants liés aux guerres de conquêtes, aux guerres de religions, aux invasions diverses expliquent encore une quantité de vestiges qu'on retrouve encore aujourd'hui sur le terrain: gravures de la vallée des Merveil­les, castellaras, castrum, châteaux en ruines, villages perchée pour dis­suader l'agresseur... Derniers vesti­ges sans doute : combien de temps encore les retrouvera-t-on ?

- Il fallait écrire ce livre, affirme Edmond Rossi. Je suis sûr que dans les dix années à venir, un boum spéculatif va tout faire disparaître.

L'amour du pays n'explique pour­tant pas la genèse de l’ouvrage, un gros bouquin de plus de 300 pages, riche de références de toute sorte.

- Bien sûr, dit l'auteur, c'est mon patrimoine culturel, mes raci­nes. Ça me fait plaisir de savoir comment vivaient mes anciens. Mais au départ il y a eu autre cho­se. Ma femme était institutrice à Revest-les-Roches et, à l’intention de ses élèves, j'ai fait des recherches aux archives départementales, qui ont débouché sur une petite monographie, Un peu plus tard, ma femme étant laurentine, j'ai fait le même travail, mais avec beaucoup plus de matière, sur Saint-Laurent-du-Var...

Il restait donc tout le haut pays, sujet extrêmement captivant qui n'avait guère fait l'objet que d'études érudites et ponctuelles, le plus souvent inaccessibles au grand public. Si l'on veut être lu utilement, il ne faut pas s’enfermer dans un langage pour initié, la barre ne doit pas être placée trop haut.

Il n'en est nul besoin pour voir revivre ces communautés humaines repliées sur elles-mêmes, à l’époque où trois jours de marche suffisaient à peine pour aller (à pied) de Nice à la Tinée (par Levens, Utelle et La Tour) ou de Nice au val d'Entraunes par    Aspremont, Saint Martin du Var, Gilette, Ascros, le col Saint-Raphaël, Puget-Théniers, la Roudoule !) pays peuplé à cette époque.

- j’ai toujours été étonné par ce fait : les vallées étaient le réservoir humain, bien plus que le littoral balayé par tous les envahisseurs. Mais à partir du XVe siècle les gens commencent à descendre vers la mer…

Un mouvement qui n’allait plus cesser jusqu’à la dépopulation actuelle. Mais ce ne sont là que quelques aspects de ce livre bourré d’informations historiques, géographiques et d’anecdotes : de quoi donnes à ses lecteurs le goût d’y aller voir de plus près.

- J’espère qu'ils feront d’autres découvertes, dit encore Edmond Rossi, je n’ai pas la prétention d’avoir tout trouvé. Mais j’espère que tous, qu ‘ils soient natifs d’ici ou d'ailleurs, puiseront là des raisons nouvelles d'aimer leur pays et saisiront le fil conducteur pour en retrouver l’âme.

 

Jean Magnet (Nice Matin 24-06-1982)

 

“Les Vallées du Soleil” collection les “Enigmes de l’Univers” Robert Laffont, Paris

   

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