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22/10/2008

EXORCISME ET CHASSE AUX SORCIÈRES (1ère partie)

Le soleil écarte les fantômes, alors que le brouillard les fait naître, ce qui explique la rareté de leurs apparitions dans les Alpes Maritimes, en dehors des brumes des sommets.

Dans le passé, le retour sur terre de l’esprit d’un défunt n’avait rien de diabolique. La religion expliquait le phénomène avec une rassurante simplicité. Les âmes des gens morts brutalement en état de péché, après un séjour au Purgatoire, revenaient fréquenter les lieux familiers où leur corps avait vécu.

Cette croyance explique le nombre impressionnant de messes, pour le repos de l’âme des défunts, inscrites dans les registres paroissiaux et les clauses testamentaires qui les réclament.

Aussi, les anciens ne s’étonnaient pas de voir revenir de l’au-delà de vaillants ouvriers, désireux de reprendre pour un soir leurs chers instruments ou leurs outils.

Les Niçois acceptaient ainsi les cordonniers défunts, occupés la nuit à frapper ou coudre les semelles, dans les grottes creusées au pied du Mont Boron.

De même, de consciencieuses lavandières venaient battre et rincer leur irréelle lessive au quartier de Fossan à Menton. Plus haut sur le pont de la Bévéra, à Sospel, d’infatigables fileuses dévidaient patiemment leurs fuseaux, filant la quenouille de leurs doigts diaphanes.

 

Lorsqu’on aborde les manifestations du surnaturel, les chroniques se peuplent d’esprits malicieux se livrant à mille facéties, pour rendre plus pénible la vie des pauvres paysans des Alpes Maritimes.

Grappillant les cerises, jouant d’étranges musiques dans les arbres, brisant meubles et vaisselle, coinçant les roues des moulins, rompant les meilleurs outils, ces espiègles génies malfaisants hantent alors toutes les campagnes.

Pour protéger leurs paroissiens, les curés manient alors le goupillon à tour de bras, aspergeant d’eau bénite maisons et étables. Dans les cas extrêmes, on recourait à l’exorcisme ou à la construction d’oratoires, barrages pieux contre les forces du Malin.

 

Sorciers et sorcières, alliés du Diable, sont évidemment accusés d’être à l’origine de nombreux maléfices.

Aussi, la sévérité à leur encontre est-elle impitoyable. Caïs de Pierlas rapporte en 1898 que l’autorité civile marchait de pair avec celle du clergé pour extirper l’hérésie et la sorcellerie implantée dans les montagnes des Alpes Maritimes.

La justice de l’époque était terrible pour ces déviations.

Un simple soupçon justifiait la torture et les aveux obtenus conduisaient le plus souvent au bûcher.

 

Dans la vie quotidienne, pour lutter contre les jeteurs de sort, les paysans, depuis le Moyen-Age, avaient recours à des moyens inédits : dresser un balai renversé derrière la porte, enfiler un cheveu de la personne suspecte dans un œuf et attendre qu’il se gâte pour la voir dépérir, jeter du sel devant la porte ou y installer des lames en croix, boucher les trous de la serrure à la cire fondue.

A cet arsenal dissuasif, s’ajoutaient les objets en fer : clé, clou, fer à cheval, susceptibles d’écarter le mauvais sort.

La croix reste la protection suprême, redoutée par le Diable et les sorcières qui fuient à sa vue. De bois ou de fer, elle peut être dressée sur le toit de la maison ou encore tracée sur le linteau de la porte d’entrée. Le monogramme du Christ, IHS, inscrit au-dessus de l’entrée avec des formules édifiantes, vise au même résultat. Une croix, placée sous le paillasson ou gravée dans le sol, stoppe la sorcière sur le pas de la porte.

Les cierges pascaux ou les rameaux bénis accrochés aux murs des chambres ou des étables éloignent les maléfices.

Incontestablement, c’est dès la porte que le barrage doit être dressé. Aussi au-delà des gravures citées ci-dessus, les Alpes Maritimes présentent des symboles originaux qui méritent notre attention.

Une énigme entoure la présence d’insolites figures décoratives placées au seuil des logis de certains villages. Il s’agit de mystérieux svastikas basques, datables du XVIII ème et XIX ème siècle, sculptés sur les portes d’une douzaine de localités de la région : Bairols, Bezaudun, Bouyon, Ilonse, Lantosque, Le Broc, Les Ferres, Le Mas, Le Rouret, Pierlas, Saint-Martin-Vésubie, Valdeblore.

Selon les spécialistes des symboles, cette étrange croix gammée aurait pour but d’assurer la défense contre les maléfices démoniaques de tous ordres.

Tout aussi curieux, les nombreuses têtes anthropomorphes sculptées dans la pierre, parsemant les façades des habitations et des édifices publics dans les vallées de l’Esteron, du Loup et du Haut Var.

On trouve ces vestiges à Revest-les-Roches, Tourette-du-Château, Soleilhas, Cipières et plus haut à Sauze et dans le Val d’Entraunes à Villeneuve et Saint-Martin.

Ces motifs d’origine celtique, venu du fond des âges, sont sensés assurer une protection efficace de l’édifice qu’ils décorent.

Dans le catalogue des anciennes pratiques conjuratoires issues du paganisme, citons les gravures des roues solaires, du soleil, ainsi que le tournesol fixé sur la porte destinés à apporter bonheur et la félicité.

Les pattes de sanglier procureraient les mêmes faveurs.

 

Pour se protéger des sorciers ou sorcières, dans la vie de tous les jours, il suffit de prendre certaines précautions. Gousse d’ail en poche, un vêtement porté à l’envers ou un sachet de sel fin mêlé de poivre ou de sable accroché au cou assurent la parade.

Lorsque la masca était repérée, les choses devenaient plus simples. Rencontrée en chemin, il fallait croiser les doigts (pouce et auriculaire de la main gauche) en prononçant la formule : « Sorcière, grosse sorcière que la main de Dieu intervienne avant la tienne ».

Si elle s’avisait de vous placer familièrement la main sur le bras, il fallait réagir en plaçant la vôtre plus haut sur son bras, en murmurant, « Plus fort que toi ».

Aujourd’hui encore, les rameaux bénis font toujours recette. S’y ajoute parfois, comme à Coaraze, un morceau de charbon de bois recueilli au feu de la Saint Jean.

Ces moyens de prévention, hérités du paganisme, ont défié le temps écartant toujours la crainte et la menace du malheur.

D’après « Les Aventures du Diable en Pays d’Azur » (Alandis-éditions Cannes), pour commander cet ouvrage illustré et dédicacé de 18 € : téléphoner au 04 93 24 86 55

Où mieux rencontrer le Diable que dans les Alpes Maritimes, sur ces terres chargées de contrastes où s’opposent mer et montagne, au carrefour de la Provence et de l’Italie ?

Ici, le Diable est aussi à l’aise sur la Côte d’Azur où s’étalent d’outrageantes richesses que  vers l’intérieur où se cachent une humilité austère.

Puits du Diable, Château du Diable, Cime du Diable, longue est la liste des sites, marqués par la forte empreinte de celui qualifié par Bernanos de « Singe de Dieu ».

De Nice, à la Vallée des Merveilles, devenue son « domaine réservé », le Diable hante les villages, plastronne sur les murs des chapelles et persiste à enflammer l’imaginaire de ses habitants.

Il fallait raconter l’extraordinaire aventure du Diable dans les Alpes Maritimes. Grâce à Edmond Rossi, auteur niçois de plusieurs ouvrages sur l’histoire et la mémoire de son pays, cette lacune est aujourd’hui comblée.

Laissons-nous entraîner, à travers les siècles, sur la piste attrayante et mouvementée, de l’éternel et fascinant tourmenteur du cœur et de l’âme.

 

Pour en savoir plus sur un village typique chargé d’anecdotes et d’images du passé : Cliquez sur

http://saintlaurentduvarhistoire.hautetfort.com

 

10:38 Publié dans MEMOIRE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire

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