09/04/2008
LA VALLÉE DES MERVEILLES: UN ANCIEN LIEU DE CULTE
Pour connaître les origines de cette adoration, examinons dans quel cadre historique se développa la civilisation du Mont Bégo, montagne sacrée placée au centre de ce site.
Considérant la parenté des alignements de pierres trouvés aux abords du Bégo, avec les lointaines civilisations mégalithiques, nous avons recherché les vestiges similaires de cet âge dans les Alpes Maritimes.
Nous les retrouvons à l’ouest du fleuve Var, sur les bases des probables tribus transhumant l’été vers la Vallée des Merveilles, de Saint Raphaël à Saint Cézaire (au nord–ouest de Grasse) et vers Vence où près de 33 dolmens ont été répertoriés et fouillés. Notons que seulement trois dolmens ont été recensés à l’est du Var, précisément sur la route des transhumances : à La Trinité-Victor, Peillon et Peïra-Cava.
Ces vestiges, datés de 2500 avant J.C., furent dressés par les peuplades dites du Chasséen, caractérisées comme les premiers agriculteurs constructeurs de villages. Or d’autres découvertes attestent de leur présence sur la Côte.
Ils seraient à l’origine des peuplades adoratrices du Bégo. Venu de l’est, ils parviennent dans les Alpes par la plaine du Piémont, le couloir rhodanien et la Provence.
Il existe d’ailleurs une parenté évidente entre les signes gravés de la Vallée des Merveilles et ceux retrouvés tout au long de l’arc alpin, de l’Autriche à la Suisse, du Val d’Aoste au Piémont. Cette ressemblance prouve une origine commune venue de l’est.
Parmi ceux-ci les plus célèbres sont situées dans le Val Camonica, à cent kilomètres au nord de Milan. Leurs thèmes sont voisins de ceux développés aux Merveilles mais avec plus de réalisme. La technique est la même, un piquetage de la roche.
En Autriche, en Italie auprès du lac de Garde, dans le Valais suisse, au Val d’Aoste, ainsi que dans les Alpes piémontaises (Germanasca, Lanzo, au nord de Pinerol ), on trouve des roches gravées depuis le Néolithique.
A Contes, au-dessus de Nice, à Puget-Rostang, ainsi qu’à Eze, des gravures de signes cornus rappellent la diffusion du culte des Merveilles, florissant au II ème millénaire avant notre ère. Mais, la pierre de Hesse (Luxembourg) reproduit aussi ce même signe (?).
Des formes de poignards de l’âge du bronze gravés autour du Bégo témoignent d’un cousinage avec la civilisation de la Polada (Plaine du Pô), de même les hallebardes du type de l’Unitice renvoient à une filiation venue d’Europe centrale.
Enfin, certains poignards figurés aux Merveilles ne se trouvent curieusement qu’en Bretagne.
Lorsque arrive la fin de l’âge du Bronze, un centre de production régional de ce métal existe dans les Alpes Maritimes. Sa présence est attestée par les découvertes de bracelets de même type dans divers points du Pays Niçois (Cimiez, Clans, Mont Gros) et de la proche Ligurie (Borniga).
De 1200 à 750 avant J.C., les guerriers des Champs d’Urnes, caractérisés par des tombes à incinération, envahissent l’Europe. Leur vagues se diluent en Provence. Avec eux, s’éteint la civilisation de la Vallée des Merveilles.
Au VI ème siècle avant J.C., les Ligures, repoussés par les Celtes armés d’épées de fer, acceptent leur venue dans la région. Ils se mêleront à eux au IV ème siècle avant J.C..
Déjà les premiers Grecs de Phocée relâchent sur la côte, fondant les comptoirs d’Antibes, Nice et Monaco. Les Romains ne vont pas tarder, ils s’installeront après une guerre de deux siècles conduite contre les Ligures, descendants des peuples graveurs du Bégo.
Quelle est la signification du mythe développé au Bégo ?
Placé au départ sous le signe du taureau, ce point de convergence tellurique et géologique, ce château d’eau dispensateur de fertilité couronné d’orages, va accueillir les vagues de pèlerins. Leurs ex-voto, gravés sur place, se composent à 60% de corniformes.
Le taureau associé à la déesse mère traverse la mythologie. Le principe mâle du taureau et celui femelle de la terre forment un couple venu d’orient à travers la Méditerranée par la Crête, les Cyclades, la Sicile et la Sardaigne.
Zeus brandit la foudre, il prendra l’aspect d’un taureau blanc pour séduire Europe et l’emporter des rives d’Asie en Crête où naîtra Minos. Culte méditerranéen persistant dans la tauromachie, il se répandra pendant deux millénaires vers le Danemark, la Hollande et l’Irlande.
C’est aux Merveilles que son culte se manifeste avec le plus de vigueur. Ce Parnasse européen sanctifiera le taureau, trésor fertilisateur de la nature.
La légende de la Maledia rapporte que ces lieux retirés accueillirent un culte célébré aux déesses mères, sans doute antérieur à celui du dieu taureau. Des pastourelles, jeunes vierges, sorte de prêtresses, gardaient ces montagnes inhospitalières avant d’en être chassées par des guerriers venus du nord.
Plus tard, un culte solaire d’essence celtique va s’installer aux Merveilles, à base de gravures de rouelles et de cercles de pierres laissés sur place.
Lorsque les Etrusques développent leur civilisation (au IV ème siècle avant J.C.) entre Rome et la Ligurie, on retrouve dans leur panthéon Bégoé, nymphe qui aurait enseigné aux hommes : le maniement de la foudre et l’art d’interpréter ses manifestations, ainsi que la limitation des champs (enclos). Ne faut-il pas y voir comme un lointain écho du culte du Bégo ?
Les Romains en célébrant le culte de Mythra et en pratiquant le taurobole (sacrifice expiatoire) reprennent à leur compte le culte du taureau.
La venue du christianisme dans les Alpes Maritimes sera tardive, les anciennes religions païennes restant vivaces jusqu’au départ des Sarrasins vers 973.
Les légendes de Saint Dalmas vers 250 et de Saint Erige vers 600 attestent de l’hostilité des tribus montagnardes attachées à leurs croyances.
La Vallée des Merveilles deviendra ensuite le haut-lieu de la sorcellerie où le Diable régnera en maître sur un monde à part.
Vallée aride, rochers ruiniformes, dalles d’un rouge sang couvertes de signes étranges : le décor est déjà propice à l’angoisse et à l’épouvante.
Comment ne pas voir dans les multiples corniformes gravés dans ces lieux hostiles, des représentations complaisantes de diables cornus et fourchus ?
Ces terres maudites, aux orages impressionnants, ne peuvent être hantées que par le Diable et ses actives servantes les sorcières.
Les alentours du Bégo deviendront la banlieue de l’Enfer, un territoire damné chargé de maléfices sataniques qu’il vaudra mieux éviter.
L’Eglise ignorera cet outre-monde où se retrouveront les mages, les astrologues et les disciples des Cathares et Vaudois brûlés en place de Sospel.
Des inscriptions datées, attestent de l’engouement médiéval porté à ces lieux ensorcelées, refuges des puissances occultes.
Signes kabbalistiques, scènes d’accouplement et de bacchanales associent leurs tracés magiques et revendicatifs dans la célébration des anciennes certitudes agraires.
La venue du monothéisme imposera le respect de la Loi qui va étouffer l’expression des désirs, entretenue jusque là par les cultes des divinités païennes.
Après une légère accalmie au XVIII ème siècle, des personnages marginaux puis des bergers prendront possession des Merveilles. Bandits d’honneur, « barbets », déserteurs, insoumis viennent alors chercher asile dans ces terres sauvages.
La période moderne verra s’accélérer le processus de fréquentation.
Dans la région, les pèlerinages alpins reprendront la démarche des premiers croyants, en honorant la Vierge Mère à la Madone de Fenestre, Sainte Anne de Vinadio et à Castelmagno dans le Val Grana où les troupeaux de vaches sont encore bénis aujourd’hui. L’Eglise a ainsi repris à son compte les anciennes pratiques venues d’un lointain passé.
La Vallée des Merveilles, lieu magique, conservera tout au long de l’histoire l’empreinte d’un culte venu du fond des âges. Aujourd’hui, menacée par son succès, les visiteurs détériorant les gravures, la Vallée des Merveilles doit être, plus que jamais, protégée.
Avec le regain d’intérêt écologique, la renaissance de l’amour de la nature, chaque année de nombreux visiteurs, modernes pèlerins, dirigent leurs pas vers cet univers de solitude majestueuse où l’homme a toujours connu la ferveur spirituelle dans un décor envoûtant.
D’après « Les Aventures du Diable en Pays d’Azur » (Alandis-éditions Cannes), pour commander cet ouvrage illustré et dédicacé de 18 € : téléphoner au 04 93 24 86 55
Pour en savoir plus sur un village typique chargé d’anecdotes et d’images du passé :
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