04/03/2008
TENDE: UN PARI DIABOLIQUE
A Tende, à l’époque où ce village de la Roya était un important centre de muletiers et aussi de contrebandiers, chaque famille possédait sa bête de somme. Poutin, un jeune homme solide et bien planté, s’amusait souvent à jurer, surtout quand le vin du Piémont lui échauffait la tête ou qu’il jouait à «l’amora »*. Comme tout le monde, il avait son mulet, une brave bête avec une tache blanche entre les deux yeux. Le garçon avait un faible pour Jeannette, une jolie fille de Vievola, un hameau isolé qui étire ses quelques maisons le long du chemin du Col de Tende. Très pieux, les parents de Jeannette ne voulaient pas recevoir chez eux un pareil blasphémateur. Aussi, le pauvre Poutin devait se contenter de saluer de loin l’élue de son cœur quand il montait ou descendait du col et encore par bonheur s’il avait la chance de l’apercevoir ! Un jour, il paria avec ses amis que le soir même il réussirait à s’approcher enfin de Jeannette ou bien le Diable lui prendrait son âme. Cette nouvelle parvint aux oreilles de Victorine qui n’était autre qu’une sorcière. Elle demeurait toute la journée sur le pas de sa porte à filer, à l’affût des ragots du village. Victorine comprit tout de suite le parti qu’elle pouvait tirer de l’affaire, en se transformant pour mieux réussir son coup. Pendant ce temps, le garçon grimpait vers Vievola avec son mulet au front étoilé de blanc. Passant près des maisons du hameau, il ne réussit pas à rencontrer le tendre objet de ses désirs, cloîtré encore une fois par ses intraitables parents. Sur le chemin du retour, soudain, il se sentit pris d’une grande lassitude. Il sauta alors sur sa monture. A peine avait-il mis les pieds dans les étriers de corde qu’il sentit sous ses mains la peau étrangement chaude de l’animal. « Serait-il fatigué lui aussi ? », se demanda-t-il. « Il doit être surmené ». Puis, il s’inclina comme d’habitude, pour lui parler à l’oreille : « Oh ! Oh ! Bouge-toi un peu gros paresseux ! ». Il réalisa alors avec surprise que le mulet ne portait plus sa tache blanche entre les yeux. « Ce n’est pas ma bête ? », murmura-t-il. Le temps de prendre conscience de la chose, il était déjà trop tard. Le faux mulet s’emballa dans la nuit et, au détour du sentier, chavira à tout jamais le malheureux Poutin au fond d’un vallon, pour «l’envoyer au Diable ».
* Jeu d’origine transalpine où les joueurs lancent la main avec un certain nombre de doigts écartés, en annonçant le résultat du total à haute voix.
D’après « Les Aventures du Diable en Pays d’Azur » (Alandis-éditions Cannes), pour commander cet ouvrage illustré et dédicacé de 18 € : téléphoner au 04 93 24 86 55
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17:25 Publié dans MEMOIRE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : HISTOIRE
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