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24/11/2007

LE SINISTRE FESTIN DE ROCCASPARVIERA

Roccasparviera, village ruiné perdu au fond de la vallée du Paillon au dessus de Coaraze, reste un site marqué de funestes légendes. Quelques pans de murs gris accrochés au rocher, un peu à l’écart sur un piton une modeste chapelle dédiée à Saint Michel exorciseur du Démon, c’est tout ce qui subsiste de ce lieu riche en récits tragiques mêlant meurtre et trahison. Ici, l’imaginaire retrouve la brutale réalité d’un décor lugubre, propre à raviver la mémoire de ces conteurs de jadis, évoquant dans leurs relations le sang du crime, la malédiction et la vengeance. Peu connue et en rapport avec la tradition orale, l’histoire suivante est due à Paul Canestrier qui sut s’intéresser au destin dramatique de ce malheureux village. Le seigneur de Roccasparvièra avait deux fils, Antonio et Paolo, qui s’éprirent de la plus jolie demoiselle, fille d’un baron voisin. Le seigneur de Roccasparvièra mourut et la demoiselle préféra Antonio, l’aîné, parce qu’il héritait du fief de son père. Paolo dévorait sa rage en silence. La noce fut célébrée en grande pompe, en présence de tous les châtelains de la région. Dans la grande salle du château, on mangea beaucoup de venaison arrosée de vins généreux. Quatre serviteurs posèrent sur la table un sanglier rôti qu’entouraient des marcassins enrobés de pâte dorée. Paolo leva sa coupe, en l’honneur de la jeune épousée, rayonnante de joie. « Belle sœur, dit-il je compte vous rendre un jour ce repas de noces ». Puis il disparut. La tradition rapporte qu’il avait pris soin de ferrer son cheval à rebours pour que l’on ne sût de quel côté il était parti. Le bonheur régnait au château de Roccasparvièra, trois fils comblaient les vœux les plus chers d’Antonio. Son aîné avait 20 ans, quand un jour, au retour de la chasse, Antonio apprit que les Sarrasins du Fraxinet de saint Hospice dévastaient la vallée du Paillon et s’étaient approchés de Coaraze. Ils avaient à leur tête un homme de haute taille qui se distinguait  par son acharnement féroce contre les malheureux villageois. Il portait l’armure de fer des chevaliers chrétiens, et on l’avait surnommé le renégat. Antoine fit barrer les deux portes du village où aboutissaient les deux sentiers en zigzag dans le rocher. Des hommes postés au bord de l’abîme tout autour du village étaient prêts à rouler des blocs sur les assaillants. Par une nuit noire, orageuse, les Sarrasins s’insinuèrent dans un souterrain, connu seulement du châtelain, et parvinrent au manoir. L’homme à l’armure de fer dirigea le massacre. Il égorgea lui même le seigneur de Roccasparvièra et se penchant sur sa victime, lui murmura quelques mots à l’oreille. Le mourant le regarda avec effroi et rendit l’âme. L’homme à l’armure de fer entra dans les appartements de la châtelaine. - Madame, lui dit-il je suis Paolo votre beau-frère et je viens vous rendre votre repas de noce, selon ma promesse. A ce moment, un sarrasin entra et annonça « Monseigneur est servi. » Paolo offrit le bras à la châtelaine apeurée, tremblante. Sur la table de la grande salle, un plat immense était recouvert d’un voile. Paolo le fit découvrir. Alors apparurent les cadavres ensanglantés du seigneur de Roccasparvièra et de ses deux fils. - Madame ajouta Paolo, plat pour plat : Voici le sanglier et les marcassins. N’ai-je pas tenu parole ! La châtelaine jeta un grand cri et s’évanouit. Quand elle eut repris ses sens, elle était folle et ne cessait de chanter une vieille complainte qui prédisait la ruine du château.

Vai, ô rocca, roquina

Va, roche, rochette
Un, aultre temp sara Un jour viendra
que sobre te reina Où sur tes ruines
Plu noun li cantera Ne chantera plus
Le gal ni la gallina Le coq ni la poule,
Ma les crôos, los sparviers, Mais les corbeaux et les éperviers
El altre aosels salvagiere Et autres oiseaux de proies

Elle mourut quelques jours après. Heureusement, le plus jeune fils d’Antonio se trouvait dans la montagne, chez un paysan qui l’entraînait à chasser le chamois. Paolo s’installa au château de Roccasparvièra avec des sarrasins. Il se livrait à l’orgie, au meurtre, au pillage et terrorisait les habitants. Une fois, il s’en alla très loin, dans un val qu’il ne connaissait point, à la poursuite d’une harde de chamois et s’égarât à la tombée de la nuit. Il rencontra un jeune chasseur vêtu comme un gentilhomme. « Manant, cria-t-il, ramène-moi à Roccasparvièra et tu auras une bonne récompense. » Monseigneur répondit le jeune homme, nous en sommes à plus de huit heures de marche ; la nuit descend et les sentiers sont très dangereux. Venez vous reposer dans mon pavillon de chasse, à quelques pas d’ici ; je vous recevrai de mon mieux et au petit jour, je vous accompagnerai ! Paolo le suivit sans méfiance dans une chaumière spacieuse, bien tenue. Le jeune homme l’installa devant un bon feu, le laissa quelques instants et revint. - Sa seigneurie est servie ! prononça-t-il d’une voix profonde et calme. A ces mots, Paolo tressaillit. Il suivit le jeune homme dans la pièce voisine. Un voile recouvrait un objet volumineux placé au centre de la table. Monseigneur, dit le jeune homme, je ne puis vous offrir ni sanglier ni marcassin, je le regrette, mais chacun fait selon son pouvoir ...

Il souleva le voile. Un cercueil vide apparut. Deux hommes embusqués sous la table saisirent Paolo et le couchèrent dans la bière qu’ils descendirent dans un caveau.

Toutes les nuits, à l’heure où Paolo avait égorgé son père et deux de ses frères, le justicier ouvrait la trappe du caveau et montrait au prisonnier des quartiers de sangliers. « Monseigneur est servi. » Le douzième jour, Paolo mourut de faim et de rage. Le jeune seigneur de Roccasparvièra se mit à la tête des habitants et chassa les sarrasins du village. Puis il mit le feu au château qui avait été le théâtre de tant de forfaits. Ayant ainsi vengé sa famille, il s’en alla en pèlerinage à Jérusalem.

Edmond ROSSI

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17:00 Publié dans MEMOIRE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire

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